• Aucun résultat trouvé

Les normes et les instruments internationaux Les textes des Nations unies

Dans le document LA LUTTE CONTRE LA TRAITE ET (Page 24-28)

Le Protocole de Palerme

Le Protocole additionnel à la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, communément appelé « Protocole de Palerme », a été adopté le 15 novembre 2000 par l’Assemblée générale des Nations unies au travers de la résolution A/RES/55/25. Ce texte a ensuite été ratifié par la France en 2002 avant d’entrer en vigueur le 25 décembre 2003. Il vient compléter la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, dite « Convention de Palerme », en traitant plus spécifiquement de la traite des personnes. Le Protocole de Palerme compte actuellement 166 parties, y compris l’Union européenne, ce qui lui donne une légitimité internationale sans précédent, raison pour laquelle il constitue le texte international le plus significatif en matière de lutte contre la traite des êtres humains.

Tout au long de sa négociation, un équilibre a été recherché entre, d’une part, l’objectif répressif de lutte contre la traite des personnes et les organisations criminelles qui s’y livrent et, d’autre part, la protection des victimes. La struc-ture du texte reflète bien cette recherche d’équilibre (un chapitre général sur la définition et l’incrimination, un sur la protection des victimes de la traite, un sur la prévention et la coopération).

S’agissant des dispositions répressives, le protocole oblige tout d’abord les États parties à prévoir dans leur droit pénal l’incrimination de la traite des per-sonnes (article 5), dont il donne une définition large et non limitative (article 3) reposant sur trois éléments :

– l’accomplissement de certains actes matériels constitutifs du trafic, énumérés limitativement (recrutement, transport, transfert, hébergement ou accueil de personnes) ;

– l’exigence que ces actes matériels aient été commis en l’absence de consen-tement libre et entier des personnes concernées. Le protocole précise que ce trafic doit avoir été commis « par la menace de recours ou le recours à la force ou à d’autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité, ou par l’offre ou l’acceptation de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre » ;

– l’exigence que ces actes aient été accomplis avec une finalité précise : « l’exploi-tation ». Le protocole précise que celle-ci « comprend, au minimum, l’exploil’exploi-tation de la prostitution d’autrui ou d’autres formes d’exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, l’esclavage ou les pratiques analogues à l’esclavage, la servitude ou le prélèvement d’organes ». La notion de servitude a été retenue pour couvrir les cas d’esclavage moderne qui n’entreraient pas dans la défini-tion de l’esclavage donnée par la Convendéfini-tion de 1956 relative à l’abolidéfini-tion de l’esclavage, de la traite des esclaves et des institutions et pratiques analogues à l’esclavage.

Le protocole s’attache également à prendre en considération la spécificité de la traite des enfants dans la mesure où il est précisé, à l’alinéa c de l’article 3, que le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil d’un enfant aux fins d’exploitation sont constitutifs de « traite des personnes » même s’ils ne font appel à aucun des moyens énoncés à l’alinéa a de ce même article (le terme « enfant » désignant toute personne âgée de moins de 18 ans).

Il convient de noter que les dispositions d’incrimination doivent être prévues par le droit pénal des États parties sans rattachement à la criminalité transnationale organisée. Aussi, le caractère transnational des infractions et l’implication d’un groupe criminel organisé ne figurent-ils pas parmi les éléments constitutifs de ces infractions.

Le lien avec la criminalité transnationale organisée est affirmé dans le cadre du champ d’application du protocole, calqué sur celui de la Convention de Palerme : la mise en œuvre du protocole est subordonnée à la double condition que les infractions soient de nature transnationale et qu’un groupe criminel organisé y soit impliqué (article 4).

Par ailleurs, le protocole contient des mesures d’assistance et de protection pour les victimes (articles 6 et 7). En particulier :

– il oblige les États à fournir aux victimes une assistance appropriée pour leur permettre de faire valoir leurs vues au cours de la procédure pénale, ainsi que la possibilité d’obtenir réparation de leur préjudice ;

– il encourage les États à fournir aux victimes un logement convenable, une assistance médicale, psychologique et matérielle, des possibilités d’emploi, d’éducation et de formation, ainsi que la possibilité de rester sur le territoire.

Ces mesures d’assistance et de protection s’appliquent à l’ensemble des vic-times de la traite, même si l’infraction n’a pas été commise par des personnes agissant au sein d’organisations criminelles (article 4).

De plus, le protocole consacre, pour la première fois au niveau d’un traité uni-versel, l’engagement des États de reprendre leurs nationaux et leurs résidents permanents victimes de la traite, afin de favoriser le retour des victimes dans leur pays d’origine (article 8).

Il prévoit également des mesures de prévention (article 9) et des mesures de coopération reposant sur l’échange d’informations et la formation (article 10).

Il prévoit des sanctions à l’encontre des transporteurs commerciaux (article 11) et des mesures garantissant la qualité et le contrôle des documents de voyage (articles 12 et 13).

Le protocole est aujourd’hui le seul texte des Nations unies, à vocation univer-selle, qui s’attaque explicitement à la traite en tant que telle et appelle les États à prendre en compte le caractère particulier de ce crime, ainsi que la nécessité de la coopération internationale pour lutter contre ce phénomène.

Bien qu’essentiel, ce texte des Nations unies limite cependant son champ d’application aux aspects transnationaux de la lutte contre la traite des êtres humains. C’est grâce aux textes européens adoptés ultérieurement que cette infraction est désormais consacrée par des textes légaux, y compris lorsqu’il s’agit de traite dans un cadre strictement national, isolé et non lié au crime organisé. Comme le soulignait déjà la CNCDH en 2010 dans son « Étude » sur la traite et l’exploitation des êtres humains 1, il faut prendre garde à ne pas confondre la définition de la traite, indifférente au caractère transnational des faits commis, avec le champ d’application du protocole, qui a pour principal objectif de renforcer la coopération internationale pour faire face à la criminalité transnationale. La Convention contre la criminalité transnationale organisée, dans le cadre de laquelle le protocole doit être interprété, précise d’ailleurs que les infractions visées doivent être établies en droit interne « indépendamment de leur nature transnationale 2».

La Convention des Nations unies

contre la criminalité transnationale organisée

Le Protocole de Palerme, avec toutes les obligations qu’il crée afin de lutter contre la traite des êtres humains, vient compléter, en tant que protocole facul-tatif, la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale orga-nisée 3. Cette dernière établit elle-même des obligations à la charge des États membres, comme d’incriminer la participation à un groupe criminel organisé, le blanchiment d’argent, la corruption et l’entrave à la justice. Chacune de ces

1. CNCDH, La Traite et l’Exploitation des êtres humains en France, « Les Études de la CNCDH », La Documentation française 2010, p. 24.

2. Article 34-2 de la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, adoptée par la résolution 55/25 de l’Assemblée générale des Nations unies le 15 novembre 2000.

3. Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, adoptée par la réso-lution 55/25 de l’Assemblée générale des Nations unies le 15 novembre 2000, ratifiée par la France le 6 août 2002 et entrée en vigueur le 29 septembre 2003.

infractions peut directement ou indirectement être liée à la traite, ce qui fait de la convention un instrument que les États membres peuvent et doivent prendre en compte afin de mieux lutter contre la traite des êtres humains. À ce titre, les signataires de la convention s’engagent notamment à adopter des cadres spécifiques d’extradition et de coopération policière et pénale, ainsi que de formation et d’assistance mutuelles. Les stipulations de cette convention s’ap-pliquent automatiquement à ses protocoles, sauf disposition contraire explicite dans ceux-ci, et toute infraction créée par les protocoles est considérée comme créée par la convention elle-même.

De plus, dans le cadre de la lutte contre la traite, les parties doivent également prendre en compte le Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer qui, bien qu’il concerne un sujet distinct de celui de la traite, promeut également la coopération entre les États parties pour combattre le trafic illicite de migrants (coopération qui peut se réaliser à travers les mêmes initiatives que celles de lutte contre la traite), et protège les droits des migrants victimes de trafic, donc parfois de traite.

Enfin, on signalera que, pour faciliter la mise en œuvre effective des traités internationaux de contrôle des drogues et de la criminalité organisée, l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) a développé une variété d’outils juridiques offrant aux États et aux professionnels de la justice pénale une assistance opérationnelle et des informations précieuses pour assurer la mise en œuvre effective de la convention et de ses protocoles.

Les autres textes des Nations unies

D’autres conventions des Nations unies sont applicables à la lutte contre la traite des êtres humains, à savoir la Convention relative aux droits de l’enfant, adoptée par l’Assemblée générale dans sa résolution 44/25 du 20 novembre 1989 et son Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, adopté par l’Assem-blée générale dans sa résolution 54/263 (annexe II) du 25 mai 2000. S’y ajoute la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, adoptée par l’Assemblée générale dans sa résolution 34/180 du 18 décembre 1979, et dont l’article 6 aborde plus spécifiquement la traite des femmes et l’exploitation de leur prostitution 4.

Plusieurs normes internationales non contraignantes relatives à la traite doivent également être signalées. Par exemple, les Principes et directives concernant les droits de l’homme et la traite des êtres humains : recommandations 5 ont été développés en vue d’offrir des orientations concrètes et des directives politiques

4. Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, adoptée par la résolution 34/180 de l’Assemblée générale des Nations unies le18 décembre 1979, entrée en vigueur le 3 septembre 1981, ratifiée par la France le 14 décembre 1983. L’article 6 dispose que « les États parties prennent toutes les mesures appropriées, y compris des dispositions législatives, pour réprimer, sous toutes leurs formes, le trafic des femmes et l’exploitation de la prostitution des femmes ».

5. Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations unies, Principes et directives concernant les droits de l’homme et la traite des êtres humains : recommandations, texte présenté au Conseil économique et social comme addendum au rapport du haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme (E/2002/68/Add.1), 2002.

de protection des droits de l’homme pour prévenir la traite et protéger les per-sonnes qui en sont victimes. Ils ont pour objectif de faciliter l’intégration de la question des droits de l’homme dans les lois, les politiques et les actions de lutte contre la traite des êtres humains aux niveaux national, régional et international.

En outre, il convient de mentionner les résolutions suivantes de l’Assemblée générale des Nations unies :

– la résolution 57/176 du 18 décembre 2002, intitulée « Traite des femmes et des filles » ;

– la résolution 58/137 du 22 décembre 2003, intitulée « Renforcement de la coopération internationale en vue de prévenir et de combattre la traite des personnes et d’en protéger les victimes » ;

– la résolution 59/156 du 20 décembre 2004, intitulée « Prévenir, combattre et punir le trafic d’organes humains » ;

– la résolution 59/166 du 20 décembre 2004, intitulée « Traite des femmes et des filles » ;

– la résolution 61/144 du 19 décembre 2006, intitulée « Traite des femmes et des filles » ;

– la résolution 61/180 du 20 décembre 2006, intitulée « Amélioration de la coordination des efforts déployés pour lutter contre la traite des personnes ».

Dans le document LA LUTTE CONTRE LA TRAITE ET (Page 24-28)