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Les conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT)

Dans le document LA LUTTE CONTRE LA TRAITE ET (Page 28-31)

L’Organisation internationale du travail (OIT) est non seulement l’un des acteurs internationaux majeurs de la lutte contre la traite et l’exploitation des êtres humains, mais aussi la plus ancienne institution internationale à avoir travaillé sur cette question. Compte tenu de son mandat et de ses missions, les dimensions de la traite auxquelles s’intéresse l’OIT se concentrent essentiellement sur le travail forcé et les formes d’exploitation liées au travail.

Les textes existants

Les principaux textes de l’OIT sur le sujet sont la Convention no 29 sur le travail forcé, adoptée en 1930 6, et la Convention no 105 sur l’abolition du travail forcé, adoptée en 1957 7.

La première, entrée en vigueur en 1932 et ratifiée par 177 États, interdit le travail forcé sous toutes ses formes, en disposant que les États ont l’obligation de « supprimer l’emploi du travail forcé ou obligatoire sous toutes ses formes dans le plus bref délai possible » (article 1-1), et impose le prononcé de sanctions pénales efficaces à l’encontre des auteurs (article 25). Elle prévoit toutefois en son article 2 les exceptions suivantes à cette interdiction :

– le service militaire obligatoire ; – les obligations civiques normales ; – certaines formes de travail pénitentiaire ;

– le travail exigé en cas de force majeure (sinistre, guerre, etc.) ;

6. Convention no 29 sur le travail forcé, adoptée par la Conférence internationale du travail le 28 juin 1930, entrée en vigueur le 1er mai 1932, ratifiée par la France le 28 juin 1937.

7. Convention no 105 sur l’abolition du travail forcé, adoptée par la Conférence internationale du travail le 25 juin 1957, entrée en vigueur le 17 janvier 1959, ratifiée par la France le 18 décembre 1969.

– les menus travaux de village (travail communautaire).

Quant à la Convention no 105, entrée en vigueur en 1959 et ratifiée par 174 États, elle abolit toutes les formes de travail forcé pouvant être imposées par les États (en tant que punition, ou moyen de coercition politique ou d’exploitation économique).

Ces deux conventions, qui font partie des huit conventions qualifiées de « fon-damentales » par le Conseil d’administration du Bureau international du travail (BIT), ont une importance particulière dans la lutte contre la traite, dans la mesure où le travail forcé peut caractériser l’une des formes d’exploitation définissant l’objectif de la traite. Ainsi de nombreuses personnes peuvent-elles être victimes de traite en vue du travail forcé. En revanche, les personnes victimes de travail forcé ne sont pas forcément des victimes de traite.

De plus, rappelons l’existence de quelques conventions historiques comme la Convention no 100 concernant l’égalité de rémunération entre la main-d’œuvre masculine et la main-d’œuvre féminine pour un travail de valeur égale (1951), la Convention no 111 concernant la discrimination (emploi et profession) (1958), la Convention no 138 concernant l’âge minimal d’admission à l’emploi (1973), et la Convention no 189 de l’OIT concernant le travail décent pour les travailleuses et les travailleurs domestiques (2011).

En outre, le souci de protéger les mineurs contre la traite en vue de toute forme d’exploitation, et non plus seulement en vue de l’esclavage ou de la prostitution, a conduit, en 1999, à l’adoption par la Conférence internationale du travail (CIT) de la Convention no 182 sur les pires formes de travail des enfants 8, assortie de la Recommandation no 190 sur l’interdiction des pires formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination 9. Cette convention prohibe les formes les plus graves de travail des enfants :

– l’esclavage ou les pratiques analogues (servitude pour dettes, servage, etc.) ; – le travail forcé ou obligatoire ;

– l’utilisation d’un enfant à des fins de prostitution ou de pornographie ; – l’utilisation d’un enfant aux fins d’activités illicites ;

« les travaux qui, par leur nature ou les conditions dans lesquelles ils s’exercent, sont susceptibles de nuire à la santé, à la sécurité ou à la moralité de l’enfant 10».

Quant aux recommandations, elles visent l’identification des victimes de travail forcé, y compris de traite, ainsi que la sensibilisation de l’opinion publique et des groupes vulnérables, afin de mieux prévenir le travail forcé des enfants.

Les textes à venir

En mai 2012, la Conférence internationale du travail (CIT) a décidé de com-pléter et de mettre à jour les conventions existantes sur le travail forcé. Elle a

8. Convention no 182 sur les pires formes de travail des enfants, adoptée par la Conférence internationale du travail le 17 juin 1999, entrée en vigueur le 19 novembre 2000, ratifiée par la France le 11 septembre 2001.

9. Recommandation no 190 sur l’interdiction des pires formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination, adoptée par la Conférence internationale du travail le 17 juin 1999.

10. OIT, Convention no 182 sur les pires formes de travail des enfants, art. 3.

adopté en juin 2014 le Protocole relatif à la Convention sur le travail forcé 11. Cet instrument juridiquement contraignant vise à faire avancer la prévention, la protection et les mesures d’indemnisation, ainsi qu’à renforcer l’élimination des formes contemporaines d’esclavage 12.

Ce protocole, en attente de ratification par les membres de l’OIT, complète donc la Convention de 1930 en la rapprochant du Protocole de Palerme (en ce qui concerne la traite des êtres humains et les obligations positives des États relatives à la législation et aux politiques publiques) et des autres instruments internationaux. Il crée de nouvelles obligations internationales, destinées à pré-venir le travail forcé et la traite par la consécration de mesures de sensibilisation, d’identification, de protection et d’indemnisation des victimes. La coopération internationale est également renforcée.

Il doit être noté que la lutte contre la traite prend une place centrale dans ce protocole qui énonce dès son préambule « que le contexte et les formes du travail forcé ou obligatoire ont changé et que la traite des personnes à des fins de travail forcé ou obligatoire, qui peut impliquer l’exploitation sexuelle, fait l’objet d’une préoccupation internationale grandissante et requiert des mesures urgentes en vue de son élimination effective 13».

Le protocole est également accompagné de la Recommandation R203 sur le travail forcé (mesures complémentaires) 14, qui appelle les États membres à établir ou à renforcer des plans d’action nationaux en consultation avec les organisations d’employeurs, de travailleurs, et tout autre groupe intéressé. Ces plans d’action nationaux doivent inclure des délais pour l’application des mesures qu’ils prévoient, et celles-ci doivent être fondées sur une « approche soucieuse des enfants et du principe de l’égalité entre hommes et femmes pour parvenir à la suppression effective et durable du travail forcé ou obligatoire sous toutes ses formes, par la prévention, la protection et l’accès à des mécanismes de recours et de réparation, tels que l’indemnisation des victimes, et la répression des auteurs » (article 1-a). Les mesures de lutte contre le travail forcé doivent donc prendre la même forme que les mesures de lutte contre la traite des êtres humains, en s’organisant autour des axes suivants :

11. Protocole à la Convention no 29, Protocole relatif à la Convention sur le travail forcé, 1930, adopté par la Conférence internationale du travail le 11 juin 2014, non encore entré en vigueur.

12. L’article 1er du Protocole à la Convention no29 dispose : « En s’acquittant de ses obligations en vertu de la convention de supprimer le travail forcé ou obligatoire, tout membre doit prendre des mesures efficaces pour en prévenir et éliminer l’utilisation, assurer aux victimes une protection et un accès à des mécanismes de recours et de réparation appropriés et efficaces, tels que l’indemnisation, et réprimer les auteurs de travail forcé ou obligatoire. Tout membre doit élaborer, en consultation avec les organisations d’employeurs et de travailleurs, une politique nationale et un plan d’action national visant la suppression effective et durable du travail forcé ou obligatoire, qui prévoient une action systématique de la part des autorités compétentes, lorsqu’il y a lieu en coordination avec les organisations d’employeurs et de travail-leurs, ainsi qu’avec d’autres groupes intéressés. La définition du travail forcé ou obligatoire figurant dans la convention est réaffirmée et, par conséquent, les mesures visées dans le présent protocole doivent inclure une action spécifique contre la traite des personnes à des fins de travail forcé ou obligatoire. »

13. OIT, Protocole à la Convention no 29, Protocole relatif à la Convention sur le travail forcé, 1930, 2014, préambule.

14. Recommandation R203 sur le travail forcé (mesures complémentaires), adoptée par la Conférence internationale du travail le 11 juin 2014.

– la prévention, notamment à travers de campagnes de sensibilisation et la formation des professionnels chargés de lutter contre ces fléaux ;

– la protection des victimes, par l’identification de celles-ci, la coopération avec la société civile et l’assistance de l’État après la sortie du réseau des victimes, ainsi que par la prise en compte de besoins spécifiques et particuliers (assistance juridique, permis de séjour et accès à l’éducation, etc.) ;

– les mécanismes de recours et de réparation, y compris l’indemnisation et l’accès à la justice pour les victimes ;

– le contrôle de l’application des mesures et des législations nationales ; – la coopération entre les États et les organisations régionales et internationales concernées, particulièrement l’entraide judiciaire, l’assistance technique et la formation mutuelle, ainsi que l’échange de bonnes pratiques.

L’ensemble des instruments de l’OIT relatifs au travail forcé met en place une stratégie et des outils permettant de combattre le travail forcé dans le contexte actuel. Ces instruments complètent et renforcent le droit international en vigueur.

Le fait que le Protocole relatif à la convention sur le travail forcé mette l’accent sur la protection et l’accès à la justice permettra de garantir que les droits de l’homme des victimes seront protégés et les auteurs de tels actes sanctionnés.

Cela dit, le protocole n’entrera en vigueur qu’après l’enregistrement de la deuxième ratification par un État membre. Après le Niger, la France pourrait être le deuxième État à ratifier le protocole, déclenchant ainsi son entrée en vigueur. Dans ce sens, un projet de loi de ratification a été présenté au Conseil des ministres et déposé au Sénat le 15 juillet 2015 15. Par conséquent, la CNCDH invite les parlementaires à adopter ce projet de loi dans les plus brefs délais, afin d’envoyer un signal fort à la communauté internationale et de renforcer la position de la France comme acteur engagé dans la lutte contre la traite et le travail forcé.

Dans le document LA LUTTE CONTRE LA TRAITE ET (Page 28-31)