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Améliorer les dispositions relatives à l’accès au séjour

Dans le document LA LUTTE CONTRE LA TRAITE ET (Page 163-171)

En l’état actuel de la législation, l’accès au séjour n’est prévu que pour les victimes qui coopèrent avec les autorités, et non en l’absence d’une telle coopération.

Pour la CNCDH, il convient de mieux garantir le droit au séjour de ces deux catégories de victime.

Mieux garantir le droit au séjour des victimes qui coopèrent avec les autorités

En vertu de l’article 8 de la directive no 2004/81/CE du 29 avril 2004, la délivrance d’un titre de séjour à une victime de la traite est conditionnée par la manifestation d’une volonté claire de coopération. Dans la continuité de ces dispositions du droit dérivé de l’UE, l’article L. 316-1 du CESEDA est ainsi rédigé : « Sauf si sa présence constitue une menace à l’ordre public, une carte de séjour temporaire portant la mention “Vie privée et familiale” peut être délivrée à l’étranger qui dépose plainte contre une personne qu’il accuse d’avoir commis à son encontre les infractions visées aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal, ou témoigne dans une procédure pénale concernant une personne poursuivie pour ces mêmes infractions. La condition prévue à l’article L. 311-7 n’est pas exigée. Cette carte de séjour temporaire ouvre droit à l’exercice d’une activité professionnelle. Elle est renouvelée pendant toute la durée de la procédure pénale, sous réserve que les conditions prévues pour sa délivrance continuent d’être satisfaites. En cas de condamnation définitive de la personne mise en cause, une carte de résident est délivrée de plein droit à l’étranger ayant déposé plainte ou témoigné. »

Le peu de titres délivrés ou renouvelés sur le fondement de ces dispositions permet d’établir le constat de leur inefficacité, si bien que leur rédaction doit être améliorée.

Le constat d’inefficacité de la protection voulue par l’article L. 316-1 du CESEDA

Aux termes de l’article L. 316-1 du CESEDA, les personnes étrangères victimes de traite des êtres humains peuvent, sous certaines conditions, se voir délivrer une carte de séjour temporaire et, le cas échéant, une carte de résident, cette dernière étant, contrairement à la première, délivrée de plein droit. À ce propos, il convient d’emblée de préciser que :

– seules 41 cartes de séjour temporaires portant la mention « Vie privée et familiale » ont fait l’objet d’une première délivrance en 2013 à des victimes de traite, ce chiffre étant estimé à 62 pour l’année 2014, étant précisé que 154 titres

ont parallèlement été renouvelés au cours de cette dernière année (source : ministère de l’Intérieur) ;

– seules cinq victimes de traite se sont vu délivrer une carte de résident en 2012.

Elles étaient deux en 2013, puis deux en 2014. Aux cours de cette dernière année, seules 11 cartes de résident ont parallèlement fait l’objet d’un renouvellement (source : ministère de l’Intérieur).

Tableau 10. Titres de séjour délivrés aux personnes étrangères victimes de traite

2012 2013 2014

Total cartes de résident 18 14 13

Cartes de séjour temporaire VPF 35 148 41 144 62 154

Total cartes de séjour temporaire VPF 183 185 216

Total (CR + CST) 201 199 229

Source : MI-DESD, 11 juin 2015

À ce jour, le nombre de demandes de titres de séjour fondées sur l’article L. 316-1 du CESEDA n’est malheureusement pas connu. L’amélioration de l’outil statistique préconisée par la circulaire du 19 mai 2015 relative aux conditions d’admission au séjour des ressortissants étrangers victimes de la traite des êtres humains ou de proxénétisme 15 permettra une connaissance plus fine des données rela-tives à l’admission au séjour des victimes de traite, dès lors que devront être renseignés, outre le nombre de titres ou délivrés ou renouvelés, le nombre de refus de séjour prononcés, la nature de l’exploitation (proxénétisme, réduction en esclavage, conditions de travail ou d’hébergement contraires à la dignité…) et la nationalité de l’intéressé(e). Cela dit, la CNCDH estime qu’il conviendrait également de collecter des statistiques concernant l’octroi du récépissé pour le délai de réflexion (article R. 316-1 du CESEDA) 16.

L’extrême faiblesse des chiffres exposés plus haut s’explique par l’existence d’une suspicion généralisée à l’égard de ces victimes lorsqu’elles déposent une demande de carte de séjour temporaire. À ce dernier sujet, le GRETA et les ONG entendues par la CNCDH font état de pratiques préfectorales extrême-ment disparates et parfois même illégales 17. En effet, nombre de préfectures :

15. Instruction NOR : INTV1501995N du 19 mai 2015 relative aux conditions d’admission au séjour des ressortissants étrangers victimes de la traite des êtres humains ou de proxénétisme, p. 11 et annexe no 3.

16. EMN/ministère de l’intérieur/Commission européenne, op. cit., p. 32.

17. L’OICEM précise cela dans sa réponse au questionnaire de la CNCDH en vue de l’établissement du présent rapport. Le Collectif « Ensemble contre la traite des êtres humains » a également insisté sur la dispa-rité des pratiques préfectorales lors de son audition par la CNCDH, le 17 décembre 2014. Voir également GISTI, « Traite et Exploitation : les droits des victimes étrangères », Les Cahiers juridiques, 2012, p. 28 ; GRETA, Rapport 2013, op. cit., parag. 170, p. 47 ; J. Vernier, « La lutte contre la traite des êtres humains en France depuis dix ans. Quel bilan ? », La Semaine juridique, éd. gén., no 19, hors-série du 6 mai 2013, p. 15 et la jurisprudence citée.

– exigent des pièces dont l’utilité pour la mise en œuvre de l’article L. 316-1 du CESEDA est juridiquement discutable 18,

– procèdent à des vérifications tatillonnes non prévues par les textes 19, – délivrent de simples autorisations provisoires de séjour ou renouvellent plusieurs fois le récépissé sans délivrer de carte de séjour temporaire, cela pouvant perdurer jusqu’à ce que la participation de la victime au procès soit devenue inutile 20.

À cela s’ajoute bien évidemment le pouvoir discrétionnaire dont dispose le préfet pour la délivrance de la carte de séjour temporaire 21. Le Conseil constitutionnel avait déjà souligné en 2003 que les dispositions relatives à la délivrance d’un titre de séjour aux victimes de traite ne créent ni un droit au bénéfice de celles-ci ni une obligation à la charge de l’administration 22. En toute hypothèse, même si la délivrance d’un titre de séjour temporaire devait être rendue obligatoire, les conditions posées actuellement par la loi en limitent fortement le champ d’appli-cation. En effet, la loi conditionne la délivrance de la carte de séjour temporaire à la qualification préalable d’une infraction de traite des êtres humains 23. Or, on le sait, les poursuites pénales sont rares sur ce fondement, faute de politique pénale volontariste 24 et d’existence d’un mécanisme rigoureux d’identification précoce des victimes de traite 25. Pour ces mêmes raisons, la délivrance de cartes de résident de plein droit ne peut être que très marginale, dès lors qu’elle sup-pose le prononcé d’une condamnation définitive du chef de traite.

En conséquence, la protection des victimes, pourtant voulue par les dispositions de l’article L. 316-1 du CESEDA, s’avère en pratique inefficace. Ces dernières

18. Voir notamment TA Paris, 22 septembre 2011, Mme L. R. Fanghou Hoketchiang, no 0915238 et no 1003246, qui sanctionne l’exigence par la préfecture d’un jugement de condamnation pour la délivrance d’une carte de séjour temporaire ; CAA Paris, 11 octobre 2011, Kamagate, no 09PA03778, le seul fait pour la victime de se prévaloir d’un récépissé de dépôt de plainte indiquant que des faits de traite des êtres humains sont a priori en cause suffit à remplir les conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire visée à l’article L. 316-1 du CESEDA. Ainsi la pratique actuelle suivie par la préfecture de police dans les cas de traite alléguée à des fins d’exploitation du travail, qui consiste dès réception de la demande de titre comportant un tel récépissé à interroger le parquet et à subordonner l’examen de la demande à la confirmation du procureur, est manifestement entachée d’illégalité ; CAA Bordeaux, 1er mars 2012, X., no 11BX02357, illégalité dès lors que, à la suite d’une plainte, la préfecture subordonne la délivrance de la carte de séjour temporaire à la décision du procureur de la République relative au déclenchement des poursuites.

19. Voir Collectif « Ensemble contre la traite des êtres humains », coordonné par le Secours catholique, Rencontre avec Monsieur Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur, Paris le 23 septembre 2014, en ligne sur : www.contrelatraite.org ; L. Guinamard (auteur) et G. Colas (dir.), Les Nouveaux Visages de l’esclavage, Les Éditions de l’Atelier, 2015. Voir déjà CNCDH, LaTtraite et l’Exploitation des êtres humains en France,

« Les Études de la CNCDH », La Documentation française, 2010, pp. 224-225.

20. Voir GRETA, Rapport 2013, op. cit., parag. 171, p. 47. Voir également GISTI, op. cit., p. 28, et la jurisprudence citée, notamment CAA Nancy, 2 octobre 2008, X., no 08NC00283.

21. EMN/ministère de l’Intérieur/Commission européenne, op. cit., p. 32.

22. Cons. const. 13 mars 2003, no 2003-467 DC : « En dehors de la délivrance de l’autorisation de travail, ces dispositions ne créent [donc] aucun droit nouveau au profit des étrangers […] et ne confèrent pas non plus à l’autorité administrative des pouvoirs dont elle ne disposerait pas déjà. »

23. Voir CAA Nantes, 14 novembre 2008, X., no 08NT01295, il ressort de cette décision qu’une erreur de qualification peut être fatale pour l’obtention d’un titre de séjour sur le fondement de l’article L. 316-1 du CESEDA. Voir néanmoins, TA Paris, 15 janvier 2015, Mekuriyaw, no 1420523/6-2, qui retient la possibilité de la délivrance d’un titre de séjour pour raisons humanitaires sur le fondement de l’article L. 313-14 du CESEDA au bénéfice d’une victime de traite.

24. CNCDH, 22 mai 2014, Avis sur la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel, JORF no 0136 du 14 juin 2014, texte no 70, parag. 8-17.

25. EMN/ministère de l’Intérieur/Commission européenne, op. cit., p. 32.

se trouvent de ce fait dans un état de précarité sociale, économique et admi-nistrative auquel il est urgent de remédier.

Les améliorations souhaitables de l’article L. 316-1 du CESEDA

À titre liminaire, il convient de préciser que, dans son avis du 21 mai 2015 sur la réforme du droit des étrangers, la CNCDH a relevé avec satisfaction que le projet de loi, en cours de discussion au Parlement, consacre de façon nouvelle le principe essentiel de la pluriannualité du titre de séjour 26. Elle a cependant regretté que le projet de loi ne prévoie pas l’octroi d’une carte de séjour plu-riannuelle au profit des victimes de traite des êtres humains 27. Si, comme nous le verrons, la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées prévoit en son article 6 de faire évoluer les dispositions du CESEDA, le calendrier législatif est malheureusement très incertain.

L’actuelle rédaction de l’article L. 316-1 du CESEDA montre que le législateur est avant tout préoccupé par l’objectif, au demeurant légitime, d’assurer la présence sur le territoire national de personnes dont les déclarations sont utiles à l’enquête, à l’instruction ou au jugement d’individus poursuivis du chef de traite. Or, la CNCDH estime que ce qui doit primer est l’intérêt des victimes de traite, celles-ci étant intrinsèquement vulnérables, comme l’a relevé à plusieurs reprises le droit dérivé de l’UE 28.

En premier lieu, la délivrance et le renouvellement d’une carte de séjour tempo-raire pour des durées successives de un an 29 entraînent inévitablement chez son titulaire des difficultés d’ordre pratique et juridique dans de nombreux domaines de la vie quotidienne. La précarisation du séjour qui en découle caractérise un traitement défavorable imposé aux victimes de traite, dont la vulnérabilité intrinsèque exige pourtant une attention et une protection particulières 30. Aussi, la CNCDH estime-t-elle qu’il peut y avoir à cet endroit discrimination et atteinte disproportionnée au droit de cette catégorie d’étrangers de mener une vie familiale normale et à la vie privée (articles 8 et 14 de la CESDH). Si l’extrême disparité des pratiques préfectorales constatées plus haut devait perdurer 31, cela ne pourrait qu’accentuer l’importance de ces atteintes, auxquelles il pourrait être remédié par la délivrance d’un titre pluriannuel.

26. CNCDH, 21 mai 2015, Avis sur la réforme du droit des étrangers, JORF no 0159 du 11 juillet 2015, texte no 94, parag. 15.

27. Ibid., parag. 36.

28. Article 20-3 de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection ; art. 21 de la directive 2013/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale (refonte).

29. Voir instruction NOR : INTV1501995N du 19 mai 2015 relative aux conditions d’admission au séjour des ressortissants étrangers victimes de la traite des êtres humains ou de proxénétisme, p. 6.

30. Pour un exposé détaillé de la réception, par la CEDH, de la vulnérabilité intrinsèque des personnes étrangères, voir E. Aubin, « La réception de la vulnérabilité des étrangers dans les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme », in P. Mbongo (dir.), Migrants vulnérables et droits fondamentaux, Berger Levrault, 2015, pp. 33-53.

31. Voir supra.

En deuxième lieu, il convient de rappeler qu’aux termes de l’article 14-1, a de la Convention de Varsovie, le titre doit être délivré aux victimes étrangères dont le séjour s’avère « nécessaire en raison de leur situation personnelle ». Doivent notamment être pris en compte leur sécurité, leur état de santé ou leur situation familiale 32. Ces exigences impliquent nécessairement la pluriannualité du titre, afin d’éviter le maintien des victimes dans un état de précarité renforçant leur lien de dépendance vis-à-vis des auteurs de l’infraction.

En troisième lieu, la CNCDH rappelle toute l’importance qu’elle attache au droit d’accès effectif à la justice des personnes étrangères victimes de traite 33. Sur le fondement des articles 4, 6, 13, 14 et 15-2 de la CESDH et à la lumière de la jurisprudence européenne 34, la nationalité et la situation administrative de ces personnes ne sauraient justifier l’adoption à leur égard de mesures portant une atteinte disproportionnée à ce droit fondamental.

Or leur éloignement vers un pays dans lequel elles ne pourront, de manière effective, exercer ce droit eu égard aux faits subis, peut être légitimement considéré comme violant les exigences européennes rappelées plus haut 35. À ce propos, il doit être observé que la France n’a pas transposé l’article 11-3, alinéa 2, de la directive no 2008/115/CE du 11 décembre 2008 36 qui protège, à certaines conditions, les victimes de traite coopérant avec les autorités, contre l’interdiction de retour. La CNCDH recommande donc instamment la transpo-sition des dispotranspo-sitions précitées.

Plus fondamentalement, il convient de reconnaître aux victimes de traite le droit de séjourner sur le territoire français, afin notamment de leur permettre de porter plainte, d’être entendues et d’obtenir réparation du préjudice subi 37. Dans sa rédaction actuelle, l’article L. 316-1 du CESEDA n’envisage que la participation à une procédure pénale. Ne relèvent pas de ce texte les démarches engagées pour obtenir réparation du préjudice subi devant une CIVI ou une juridiction prud’homale. Pour la CNCDH, il est donc urgent que le droit au séjour soit garanti, dès lors qu’une victime engage ou participe à une procédure pénale ou civile en lien avec les faits subis. Le temps du procès implique alors nécessairement la pluriannualité du titre délivré.

32. Rapport explicatif, parag. 184.

33. Dans ce sens voir déjà CNCDH, La Traite et l’Exploitation des êtres humains en France, op. cit., p. 218.

34. Voir en particulier CEDH, 26 juillet 2005, Siliadin c. France, req. no 73316/01 ; CEDH 7 janvier 2010, Rantsev c. Chypre et Russie, req. no 25965/04.

35. En effet, une telle mesure ne garantit pas la protection absolue que reconnaît la CESDH aux victimes de traite en cas de servitude ou d’esclavage (art. 4 et 15-2 de la CESDH), ne leur permet pas d’accéder effectivement au juge (art. 6 et 13 de la CESDH) et s’avère en définitive discriminatoire (art. 14 de la CESDH).

36. Article 11-3, alinéa 2, de la directive no 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier : « Les personnes victimes de la traite des êtres humains auxquelles un titre de séjour a été accordé conformément à la directive 2004/81/CE du Conseil du 29 avril 2004 relative au titre de séjour délivré aux ressortissants de pays tiers qui sont victimes de la traite des êtres humains ou ont fait l’objet d’une aide à l’immigration clandestine et qui coopèrent avec les autorités compétentes ne font pas l’objet d’une interdiction d’entrée, sans préjudice du paragraphe 1, premier alinéa, point b), et à condition que le ressortissant concerné d’un pays tiers ne représente pas un danger pour l’ ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale. »

37. CNCDH, La Traite et l’Exploitation des êtres humains en France, op. cit., p. 218.

Au regard de ce qui précède, la CNCDH estime que les victimes de traite doivent pouvoir bénéficier de la délivrance d’un titre pluriannuel de plein droit, sans passer au préalable par celle d’une carte temporaire d’un an. À défaut, elle recommande que la délivrance des cartes de séjour temporaire ne soit plus laissée à la discrétion de l’administration 38, comme le prévoit l’alinéa 1er de l’article L. 316-1 alinéa du CESEDA. Ces dernières cartes doivent être a minima délivrées de plein droit, ainsi que l’avait déjà prévu l’article 2 de la proposition de loi renforçant la lutte contre les différentes formes de l’esclavage aujourd’hui, adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale en 2002 39 et ainsi que le prévoit à nouveau l’article 6 de la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées 40. Enfin, la CNCDH se doit de saluer le fait que, depuis l’entrée en vigueur de la loi no 2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, les personnes étrangères relevant de l’article L. 316-1 du CESEDA sont exemptées du paiement du droit de visa de régularisation, de la taxe et du droit de timbre liés à la délivrance, au renouvellement, au duplicata ou à une modification des titres de séjour (article L. 311-18 du CESEDA). Le fait que le ministre de l’Intérieur le rappelle dans sa circulaire du 19 mai 2015 adressée aux préfets 41 se doit également d’être salué.

Mieux garantir le droit au séjour des victimes qui ne coopèrent pas avec les autorités

S’agissant de ces victimes de traite qui ne coopèrent pas avec les autorités judiciaires, le préfet ne peut, en l’état actuel du droit, que leur accorder un titre de séjour fondé sur des « considérations humanitaires », en application de l’article L. 313-14 du CESEDA 42. Elles ne bénéficient donc pas des droits pré-vus aux articles R. 316-1 et suivants du CESEDA, dès lors que ces dispositions s’adressent uniquement aux victimes de traite qui coopèrent avec les autorités 43.

38. Une partie de la jurisprudence va dans ce sens en précisant qu’un préfet ne peut refuser de délivrer le titre de séjour sans violer l’article L. 316-1 du CESEDA, lorsque les faits invoqués par la victime ne sont pas contredits par les pièces du dossier (TA Paris, 18 octobre 2011, Mme D. Conde, no 1006355/3-3). Sur cette question voir également J. Vernier, « La lutte contre la traite des êtres humains en France depuis dix ans. Quel bilan ? », op. cit., p. 15.

39. La navette parlementaire a été interrompue en raison de l’alternance politique.

40. Article 6 : « Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié : 1° Le premier alinéa de l’article L. 316-1 est ainsi modifié : a) À la première phrase, les mots : “peut être” sont remplacés par le

mot : “est” ».

41. Instruction NOR : INTV1501995N du 19 mai 2015 relative aux conditions d’admission au séjour des ressortissants étrangers victimes de la traite des êtres humains ou de proxénétisme, p. 11.

42. « La carte de séjour temporaire mentionnée à l’article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l’article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public, à l’étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l’admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu’il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l’article L. 311-7. L’autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l’article L. 312-1 la demande d’admission exceptionnelle au séjour formée par l’étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans.

42. « La carte de séjour temporaire mentionnée à l’article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l’article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public, à l’étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l’admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu’il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l’article L. 311-7. L’autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l’article L. 312-1 la demande d’admission exceptionnelle au séjour formée par l’étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans.

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