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Améliorer les dispositions du code pénal L’incrimination

Dans le document LA LUTTE CONTRE LA TRAITE ET (Page 60-73)

Une mission d’information parlementaire sur les diverses formes d’esclavage moderne avait souligné en 2001 que « l’incrimination de traite des êtres humains manque cruellement dans notre droit français. En effet, la traite n’est réprimée en France que de façon indirecte par le biais d’infractions qui n’ont pas été conçues à cette fin et que certains appellent des infractions relais comme le proxénétisme, les conditions de travail et d’hébergement contraires à la dignité humaine, ou l’aide à l’entrée et au séjour irréguliers d’un étranger sur le territoire 1». De plus et surtout, la création d’une nouvelle infraction était rendue nécessaire pour la mise en œuvre par la France de ses engagements internationaux (le Protocole de Palerme et la Convention de Varsovie) 2.

Aussi, l’article 1er d’une proposition de loi renforçant la lutte contre les différentes formes d’esclavage aujourd’hui adoptée le 24 janvier 2002 en première lecture proposait-il d’insérer dans le code pénal une nouvelle section comprenant pas moins de sept articles destinés à la répression de la traite des êtres humains. La navette parlementaire ayant été interrompue en raison de l’alternance politique, ce n’est qu’en 2003 que cette infraction a été intégrée dans l’article 225-4-1

1. C. Lazerges et A. Vidalies, Rapport d’information no 3459 déposé par la Mission d’information commune sur les diverses formes de l’esclavage moderne, Assemblée nationale 2001, pp. 191-192.

2. Ibid., pp. 192-193.

du code pénal (cf. article 32 de la loi no 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure 3).

Le texte du code pénal a ensuite évolué en 2007 4 puis en 2013 5 afin de le rendre conforme tant aux exigences de la Convention européenne des droits de l’homme 6, qu’à celles du droit dérivé de l’Union européenne 7. C’est ainsi que, dans sa version issue de la loi no 2013-711 du 5 août 2013, l’article 225-4-1 du code pénal définit et sanctionne l’infraction de traite des êtres humains en ces termes : « I. La traite des êtres humains est le fait de recruter une personne, de la transporter, de la transférer, de l’héberger ou de l’accueillir à des fins d’exploitation dans l’une des circonstances suivantes :

1° Soit avec l’emploi de menace, de contrainte, de violence ou de manœuvre dolosive visant la victime, sa famille ou une personne en relation habituelle avec la victime ;

2° Soit par un ascendant légitime, naturel ou adoptif de cette personne ou par une personne qui a autorité sur elle ou abuse de l’autorité que lui confèrent ses fonctions ;

3° Soit par abus d’une situation de vulnérabilité due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, apparente ou connue de son auteur ;

4° Soit en échange ou par l’octroi d’une rémunération ou de tout autre avantage ou d’une promesse de rémunération ou d’avantage.

L’exploitation mentionnée au premier alinéa du présent I est le fait de mettre la victime à sa disposition ou à la disposition d’un tiers, même non identifié, afin soit de permettre la commission contre la victime des infractions de proxé-nétisme, d’agression ou d’atteintes sexuelles, de réduction en esclavage, de soumission à du travail ou à des services forcés, de réduction en servitude, de prélèvement de l’un de ses organes, d’exploitation de la mendicité, de condi-tions de travail ou d’hébergement contraires à sa dignité, soit de contraindre la victime à commettre tout crime ou délit.

La traite des êtres humains est punie de sept ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende.

3. Article 32 de la loi du 18 mars 2003 créant l’article 225-4-1 du code pénal initialement rédigé de la manière suivante : « La traite des êtres humains est le fait, en échange d’une rémunération ou de tout autre avantage ou d’une promesse de rémunération ou d’avantage, de recruter une personne, de la transporter, de la transférer, de l’héberger ou de l’accueillir, pour la mettre à la disposition d’un tiers, même non identifié, afin soit de permettre la commission contre cette personne des infractions de proxénétisme, d’agression ou d’atteintes sexuelles, d’exploitation de la mendicité, de conditions de travail ou d’hébergement contraires à sa dignité, soit de contraindre cette personne à commettre tout crime ou délit. La traite des êtres humains est punie de sept ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende. »

4. Article 22 de la loi no 2007-1631 du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile.

5. Article 1er de la loi no 2013-711 du 5 août 2013 portant diverses dispositions d’adaptation dans le domaine de la justice en application du droit de l’Union européenne et des engagements internationaux de la France.

6. Voir CEDH, 26 juillet 2005, Siliadin c. France, req. no 73316/01 ; CEDH, 11 octobre 2012, C. N. et V.

c. France, req. no 67724/09.

7. Directive no 2011/36/UE du 5 avril 2011 concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes.

II. – La traite des êtres humains à l’égard d’un mineur est constituée même si elle n’est commise dans aucune des circonstances prévues aux 1° à 4° du I.

Elle est punie de dix ans d’emprisonnement et de 1 500 000 euros d’amende. » Un grand nombre de commentateurs de la loi précitée du 5 août 2013 regrettent le manque de qualité de ses dispositions, dont la compréhension s’avère extrêmement difficile 8. Ce constat s’explique en grande partie par le fait que la France a, comme dans bien d’autres domaines, transposé tardivement la directive no 2011/36/UE du 5 avril 2011 concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes 9. L’élaboration de la loi précitée de 2013 ayant été réalisée dans des délais très contraints, le temps de réflexion et de maturation nécessaires au débat démocratique a été considérablement restreint. Par ricochet, cela a indéniablement eu pour conséquence de nuire à la qualité de la loi 10. De plus, lorsque le travail législatif est accompli dans la précipitation, il est tentant de procéder à une reprise littérale des termes de la directive à transposer. Or ceux-ci, reflets de compromis politiques, sont bien souvent vagues et méritent, pour cette raison, un effort de précision en droit interne. Cette exigence vaut tout particulièrement en matière pénale.

En effet, le principe de la légalité criminelle impose que la loi soit rédigée de manière précise et claire. La CNCDH est très attachée à l’exigence constitution-nelle et conventionconstitution-nelle de détermination préalable rigoureuse des éléments constitutifs des infractions (article 8 de la Déclaration de 1789 et article 7 de la CESDH), dès lors qu’elle garantit la prévisibilité de la répression et l’effectivité de celle-ci. À ce dernier propos, il est utile de préciser que les praticiens du droit s’approprient plus facilement une nouvelle infraction dont la définition répond aux exigences de qualité de la loi.

Mieux définir l’élément matériel de l’infraction de traite

L’infraction de traite des êtres humains est assurément une infraction complexe qui implique une action et des moyens.

Mieux définir l’acte de traite

S’agissant de l’acte caractérisant la traite des êtres humains, il réside dans le

« fait de recruter une personne, de la transporter, de la transférer, de l’héberger ou de l’accueillir ». Il s’agit de la reprise in extenso des termes de l’article 4 a de la Convention de Varsovie 11 et de l’article 2.1 de la directive no 2011/36/UE du

8. Voir notamment M.-H. Gozzi, « La loi du 5 août 2013 : quand l’importance du texte n’emporte pas la qualité normative », Rec. Dalloz 2013, p. 1721 ; M.-L. Rassat, Droit pénal spécial. Infractions du code pénal, 7e éd., Dalloz 2014, no 438, p. 492.

9. Article 22-1 : « Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 6 avril 2013. » 10. Voir CNCDH, 15 avril 2010, Avis sur l’élaboration des lois, en ligne sur www.cncdh.fr

11. « L’expression traite des êtres humains désigne le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes, par la menace […] »

5 avril 2011 12. Le filet pénal se déploie largement, ce dont la CNCDH ne peut d’emblée que se réjouir. D’une part, chaque comportement incriminé (recruter, transporter, transférer, héberger, etc.) peut constituer à lui seul un cas de traite des êtres humains. Peu importe au demeurant que l’auteur de la traite agisse de la sorte pour mettre la victime à sa propre disposition ou à la disposition d’un tiers (article 225-4-1, alinéa 6, du code pénal) 13. D’autre part, il n’est pas exigé que l’acte de traite ait nécessairement un caractère international 14, l’infraction étant constituée même si tous les comportements énumérés plus haut ont eu lieu sur le territoire français 15.

Toutefois, la doctrine met en exergue le flou des actes énumérés. En effet, si le texte national se veut la reprise à la lettre du texte international, il oublie que ce dernier n’est qu’un compromis politique entre États, priés de rendre claires, précises et juridiques les stipulations générales, conformément aux exigences du principe de légalité criminelle. Ce constat peut se vérifier à travers les exemples suivants. Pour ce qui est de l’action de recruter, doit-on considérer qu’elle implique l’accord de la personne concernée, voire, le cas échéant, la rémunération de celle-ci 16 ? Doit être surtout notée la redondance partielle des notions de transfert et d’accueil avec celles de transport et d’hébergement 17. En effet, transférer englobe notamment l’action de transporter et réciproquement.

Quant à l’accueil, il peut comprendre l’hébergement 18. Dans ces conditions, si la CNCDH se doit de relever ces flottements terminologiques, elle estime néan-moins, dans une perspective de politique criminelle, que les termes employés permettent d’expliciter suffisamment l’action de traite. Autrement dit, si dans l’absolu une clarification des dispositions de l’article 225-4-1 du code pénal par une définition précise et rigoureuse de l’acte de traite serait souhaitable, au nom d’un respect scrupuleux du principe de légalité criminelle, leur maintien en l’état peut se concevoir en termes de politique criminelle.

Toutefois, l’article 225-4-1 du code pénal ne vise pas expressément « l’échange ou le transfert du contrôle » exercé sur les victimes de la traite, hypothèse pourtant mentionnée à l’article 2.1 de la directive no 2011/36/UE du 5 avril 2011. Aussi,

12. « Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que soient punissables les actes intention-nels suivants : le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes, y compris l’échange ou le transfert du contrôle exercé sur ces personnes, par la menace […] »

13. Voir J. Vernier, Étude de la CNCDH, op. cit., p. 57.

14. Comp. B. Lavaud-Legendre, « La coopération répressive en matière de traite des êtres humains. Du droit à sa mise en œuvre », Cahiers de la sécurité et de la justice, no 29, 2014, pp. 4-5, qui estime, quant à elle, que le caractère transnational des faits est consubstantiel à l’infraction de traite des êtres humains.

15. R. Kordalivand, Les Atteintes esclavagistes à la personne humaine. Une étude en droit pénal interna-tional, français et iranien, thèse, université de Poitiers, 2015, p. 204.

16. A. Lepage et H. Matsopoulou, Droit pénal spécial, PUF, 2015, no 338, p. 221 ; V. Malabat, Droit pénal spécial, 6e éd., Dalloz 2013, no 535, p. 270.

17. Dans ce sens voir J. Amar, « Traite des êtres humains », JCP, fasc. no 20, parag. 20-21 ; B. Bourgeois,

« Les infractions pénales réprimant le phénomène de traite des êtres humains à des fins d’exploitation par le travail », AJP, 2012, p. 205 ; A. Lepage et H. Matsopoulou, op. cit., no 338, p. 221 ; M.-L. Rassat, Droit pénal spécial, op. cit., no 439, p. 492 ; V. Malabat, op. cit., no 535, p. 270.

18. V. Malabat, op. cit., no 535, p. 270, qui précise très justement à propos du verbe « accueillir » qu’il est défini comme le fait de se comporter d’une certaine manière avec une personne qui se présente, mais aussi comme le fait de donner l’hospitalité. En ce dernier sens, le mot fait alors double emploi avec l’héber-gement également visé par le texte. Dans son premier sens, le mot permet d’englober des comportements qui peuvent paraître trop nombreux : dire « Bonjour », c’est déjà accueillir.

la CNCDH ne peut-elle que recommander que l’article 225-4-1 du code pénal soit complété sur ce point.

Préciser les moyens employés aux fins de traite

S’agissant des moyens employés pour accomplir l’acte décrit plus haut (recru-tement, hébergement, accueil, transfert, etc.), la loi précitée du 5 août 2013 a élargi l’élément matériel de l’infraction en ajoutant à la recherche du profit – jusque-là seule composante de la traite – des hypothèses nouvelles dépour-vues de toute dimension mercantile (contrainte, menace, violence, manœuvre dolosive, abus d’autorité, abus de situation de vulnérabilité), qui auparavant étaient des circonstances aggravantes. De nécessaire à la constitution de l’in-fraction, la recherche du profit est donc devenue un moyen parmi d’autres de sa commission. Dans son avis du 22 mai 2014 sur la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel, la CNCDH a noté avec satisfaction cette évolution du droit positif 19. En effet, s’il est indéniable que la traite des êtres humains participe de la criminalité économique 20, il est important, pour en assurer une répression plus efficace, que la recherche du profit ne soit pas considérée par les textes comme le seul et unique moyen employé aux fins de commission de l’infraction 21. Cela étant, la CNCDH estime que la rédaction de l’article 225-4-1 du code pénal peut encore être améliorée.

En premier lieu, l’article 225-4-1, I, 3°, du code pénal explicite l’abus d’une situation de vulnérabilité en précisant que celle-ci peut être due à l’âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique, ou à un état de grossesse. Or, de même que la discrimination fondée sur les conditions sociales et économiques est une « catégorie manquante » du droit français 22, la vulnérabilité liée à celles-ci est absente du code pénal 23. Pourtant, le Rapport explicatif de la Convention de Varsovie précise que l’abus de la situation de vulnérabilité visé à l’article 4 a de ladite Convention s’entend de « l’abus de toute situation dans laquelle la personne concernée n’a d’autre choix réel et accep-table que de se soumettre. Il peut donc s’agir de toute sorte de vulnérabilité qu’elle soit physique, psychique, affective, familiale, sociale ou économique 24».

En effet, l’abus de la vulnérabilité sociale ou économique rend possible toutes les formes d’exploitation 25. Dès lors, au regard de ce qui précède, la CNCDH

19. CNCDH, 22 mai 2014, Avis sur la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel, JORF no 0136 du 14 juin 2014, texte no 70, parag. 10.

20. Voir L. Dumoulin, « Lutte contre la traite des êtres humains : l’approche financière en question », RSC, 2014, p. 311.

21. Voir R. Kordalivand, op. cit., p. 208.

22. D. Roman, « La discrimination fondée sur la condition sociale, une catégorie manquante du droit français », Rec. Dalloz 2013, p. 1911. Adde M. Fabre-Magnan, « Totems et tabous en matière de discri-mination », RDC 2010, p. 1433.

23. M. Fabre-Magnan, « Les nouvelles formes d’esclavage ou de traite, ou le syndrome de la ligne Maginot », Rec. Dalloz 2014, p. 491.

24. Rapport explicatif, parag. 83.

25. C. Bassiouni (dir.), « Addressing International Human Trafficking in Women and Children for Commercial Sexual Exploitation in the 21st Century », Revue internationale de droit pénal, vol. 81, p. 482 ; L. Guinamard, G. Colas, Les Nouveaux Visages de l’esclavage, Éditions de l’atelier, 2015, pp. 97-101 ; E. Panloup, « La coopération entre les services d’enquête et les acteurs sociaux : une arme pour lutter contre la traite des êtres humains », Les Cahiers de la sécurité et de la justice, no 29 (2014), pp. 30-31.

recommande de compléter le 3° de l’article 225-4-1 du code pénal et d’y inclure les vulnérabilités sociale et économique.

En deuxième lieu, il est regrettable que le législateur se focalise sur l’« abus » de la situation de vulnérabilité de la victime, alors même qu’il aurait pu se conten-ter de protéger la particulière vulnérabilité de cette dernière due à son âge, sa maladie, etc., comme il le fait ailleurs dans le code pénal (violences volontaires, viol et agressions sexuelles…). En effet, en l’état du texte, la caractérisation du moyen visé à l’article 225-4-1, I, 3°, suppose la preuve cumulative de la situation de vulnérabilité, celle de l’abus et celle du lien intrinsèque entre les deux. Cette option n’est indéniablement pas favorable à la répression de ce cas de traite. En conséquence, la CNCDH recommande la suppression de l’exigence de l’abus, la vulnérabilité de la victime suffisant à l’aggravation.

En troisième lieu, la nouvelle rédaction de l’article 225-4-1, I, du code pénal a pour inconvénient, comme d’autres textes dans le code pénal 26, de mettre sur un même plan des faits de gravité différente : par exemple l’abus d’autorité de droit ou de fait (article 225-4-1, I, 1° à 3° du code pénal) et l’obtention d’un profit (article 225-4-1, I, 4° du code pénal). À ce dernier propos, le texte laisse en outre entendre que le comportement mercantile ne s’adresse qu’à la victime directe des faits de traite, alors même qu’il devrait exclusivement viser l’auteur ou le coauteur de la traite. En effet, l’article 2.1 de la directive no 2011/36/UE du 5 avril 2011 et l’article 4 a de la Convention de Varsovie évoquent dans des termes identiques « l’offre ou l’acceptation de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre ». Aux termes de ces dernières dispositions, le comportement mercantile implique l’existence d’un pacte entre l’auteur de la traite et celui qui le rémunère 27. C’est donc sans doute par inadvertance que le législateur semble faire de la victime le bénéficiaire de la rémunération ou de l’avantage proposé par l’auteur, alors que les textes internationaux ici mis en œuvre supposent l’intervention d’un intermédiaire rémunéré ou avantagé afin d’obtenir le consentement de celui qui sera amené à abuser de son autorité sur la victime de la traite. La CNCDH recommande en conséquence de corriger la rédaction du 4° de l’article 225-4-1 du code pénal, afin de le rendre conforme aux exigences internationales rappelées plus haut.

En quatrième lieu, la rédaction actuelle suggère que la victime de la traite puisse consentir à être exploitée. Tel est notamment le cas dans l’hypothèse d’un recrutement en échange ou par l’octroi d’une rémunération ou de tout autre avantage ou d’une promesse de rémunération ou d’avantage. Pourtant l’état de besoin qui fait « accepter » l’exploitation en vue d’une contrepartie peut faire douter de l’intégrité et de la liberté du consentement 28. C’est pourquoi, les articles 2.4 de la directive no 2011/36/UE du 5 avril 2011 et 4, b, de la Convention de Varsovie prévoient que le contentement de la victime est indifférent. Pour

26. Par exemple en matière de proxénétisme : l’aide et l’assistance à la prostitution sont placées sur le même plan que le fait d’en tirer profit.

27. Voir A. Lepage et H. Matsopoulou, op. cit. no 339, p. 221.

28. M. Fabre-Magnan, « Les nouvelles formes d’esclavage ou de traite, ou le syndrome de la ligne Maginot », op. cit.

la CNCDH, il convient d’améliorer l’article 225-4-1 du code pénal en précisant expressément l’indifférence du consentement de la victime 29.

En cinquième et dernier lieu, la CNCDH se félicite de l’indifférence des moyens à l’égard de la traite des mineurs constituée dès lors qu’il y a recrutement, trans-port, transfert, hébergement ou accueil à des fins d’exploitation (article 225-4-1, II, du code pénal). Plus largement, et dans le droit-fil de la traite des mineurs, la CNCDH se demande si le texte n’aurait pas gagné en lisibilité en faisant des quatre moyens de l’article 225-4-1, I, des circonstances aggravantes, l’indifférence de ces moyens opérant tant pour la constitution de la traite des mineurs que pour celle des majeurs. Cette option aurait pour avantage de faciliter la répression en améliorant la lisibilité du texte. De plus, du point de vue sémantique, l’emploi malencontreux du terme « circonstances » à l’alinéa 1er augure d’une confusion fâcheuse entre élément constitutif et circonstance aggravante (voir infra).

Mieux définir l’élément moral de l’infraction de traite

L’article 225-4-1 du code pénal dispose que l’acte de traite (recruter une per-sonne, la transporter, etc.) doit être réalisé « à des fins d’exploitation ». L’alinéa 6 du même article précise que « l’exploitation […] est le fait de mettre la victime à sa disposition ou à la disposition d’un tiers, même non identifié, afin soit de

L’article 225-4-1 du code pénal dispose que l’acte de traite (recruter une per-sonne, la transporter, etc.) doit être réalisé « à des fins d’exploitation ». L’alinéa 6 du même article précise que « l’exploitation […] est le fait de mettre la victime à sa disposition ou à la disposition d’un tiers, même non identifié, afin soit de

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