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CHAPITRE I – Contexte et problématique

4. Précisions terminologiques préalables

4.1 Comment nommer et définir ces programmes de français ?

Les programmes de français dont il est question dans cette étude ne sont pas faciles à circonscrire, ni même à désigner ; c‟est même l‟un des enjeux de la présente thèse.

1) L’enseignement du / en français dans les universités chinoises

Effectivement, le français est présent dans les universités chinoises, soit en tant que langue d‟enseignement soit en tant que langue enseignée, dans des programmes très hétérogènes. Les différences entre ces programmes sont nombreuses : elles portent sur le statut et la place réelle qu‟y occupe le français, le nombre d‟heures d‟enseignement (de / en français), les enjeux pour les étudiants inscrits, etc. En voici un inventaire exhaustif.

Le français « deuxième langue étrangère » (erwei) : le cas le plus fréquent est celui du

français ayant le statut de « deuxième langue étrangère » (erwei). Il s‟agit ici des étudiants de benke spécialistes en langues, à qui l‟on demande d‟en maitriser une deuxième36. Dans la très grande majorité des universités, les deuxièmes langues étrangères offertes sont le français, l‟allemand, le japonais et le russe. Le français est surtout enseigné aux étudiants spécialistes d‟anglais. Il faut préciser qu‟en nombre d‟heures, l‟investissement entre les deux langues n‟est pas comparable37.

Le français comme « deuxième spécialité universitaire » : il s‟agit ici d‟étudiants qui

décident de suivre des cours supplémentaires afin d‟obtenir une deuxième spécialité. Ils commencent généralement par un programme de mineure38. S‟ils parviennent à suivre la totalité du cursus, ils obtiendront une deuxième spécialité universitaire en français.

Le français comme option : l‟anglais est la langue étrangère principale et obligatoire des

étudiants et, dans beaucoup de filières, souvent la langue étrangère unique. Néanmoins, dans

36 Il existe aussi le cas d‟étudiants de master et de doctorat, à qui l‟on offre la possibilité d‟apprendre une deuxième langue étrangère, en plus de l‟anglais.

37 Pour cette raison, je réfute l‟utilisation, trop souvent répandue au sein des services linguistiques et culturels de l‟Ambassade et des consulats de France en Chine, des expressions LV1 et LV2.

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certains cas, l‟apprentissage d‟une deuxième langue étrangère est proposé à des étudiants de spécialités non linguistiques, sous la forme de cours à option.

Le français langue d’enseignement : il existe des programmes où le français est langue

d‟enseignement :

« [Ce ne sont pas des] étudiants de langues. [Inscrits régulièrement] dans une université […] afin de préparer un diplôme national chinois de premier (benke) ou de deuxième cycle universitaire (mastère) dans une spécialité non-linguistique (ingénierie, gestion, médecine, tourisme…), […] ils suivent, en parallèle de leurs enseignements de spécialité, des cours intensifs de français (généraux et liés à leur spécialité), puis, progressivement, des cours de leur spécialité en français et non plus seulement en chinois. Ces programmes sont […] généralement, mais pas systématiquement, liés à la mobilité étudiante, mobilité qui va concerner une partie ou tous les étudiants d‟une même cohorte » (Bel, 2014a, p. 310).

Les écoles d‟ingénieur ou les filières médicales francophones constituent des exemples de ces types de programmes.

Le français pour la mobilité (étudiants non réguliers) : les universités offrent de plus en

plus des programmes où le français est enseigné très intensivement à des étudiants afin de les envoyer dès que possible à l‟étranger pour une poursuite d‟études. Il s‟agit pour ces universités d‟une source de revenus non négligeable. Ces étudiants sont dits « non réguliers » (ou « hors-quota »), car, bien qu‟inscrits par l‟université, ils sont recrutés hors-plan national de recrutement (au-delà du quota d‟étudiants réguliers attribué à l‟université), parfois dès la sortie du lycée. Ils n‟ont pas le niveau requis pour intégrer l‟université où ils se trouvent de fait.

2) L’enseignement du français dont il est question dans cette thèse

Même si les formes d‟enseignement du / en français présentées supra seront évoqués, elles ne constituent pas l‟objet principal de la présente étude. Cette thèse porte sur le développement des programmes de français en tant que spécialité universitaire. Le français est la spécialisation des étudiants : 法语专业 (fáyǔ zhuānyè). Ils obtiennent, au terme de leurs trois ou

universitaire national de 1er cycle appelé benke39 ou zhuanke (programmes de trois années). Il s‟agit d‟un enseignement extensif et organisé dans le cadre d‟un programme national.

Il n‟est pas aisé de désigner ces programmes, pour plusieurs raisons. Une confusion est tout d‟abord possible entre les expressions « spécialité de français » et « français de spécialité ». Ensuite, si, dans un souci d‟allégement du texte, l‟option d‟utiliser une expression plus générale (et en apparence plus simple) comme le « français à l‟université » était retenue, la confusion serait possible avec les programmes évoqués plus haut. Or, ils ne peuvent pas être mis sur le même plan, car les différences d‟enjeu et de statut sont considérables.

La solution que j‟ai finalement retenue, quoique stylistiquement lourde, a l‟avantage de la précision, à défaut de celui de la clarté. Je désignerai donc ces spécialités de français de la manière suivante :

- Soit programmes universitaires de français (spécialité, 法语专业),

- Soit programmes de français (spécialité, 法语专业),

- Soit départements et sections de français.

4.2 Le niveau des universités

Le système universitaire chinois est très hiérarchisé. Afin de faciliter la lecture du présent texte aux personnes non familières avec ce contexte, voici quelques clés de compréhension :

[…] les établissements […] sont évalués et classés par le Ministère de l‟éducation. […] En principe, les établissements de catégorie supérieure peuvent proposer toutes les formations de niveau inférieur. Par exemple, un établissement portant l‟étiquette « 1A » peut fournir des formations de tout niveau de toutes les disciplines disponibles au sein de son établissement, alors que cela n‟est pas possible dans le sens inverse. […] Comme cette catégorisation est devenue hiérarchique, les universités « 1A » sont, de fait, les mieux placées et les mieux perçues et elles sont prioritaires pour choisir les meilleurs lycéens chaque année après le

gaokao. Tandis que les établissements « B » sont placés en dernier. Ils ne sont pas bien perçus

par la société, ni pour leurs étudiants d‟ailleurs. Entrer dans un établissement de cette catégorie peut signifier un échec total. Pour certains lycéens (et leurs parents aussi, très souvent), mieux vaut retourner au lycée pour repasser le gaokao l‟année suivante. Le but ? Entrer dans un établissement classé dans la catégorie A. Des exemples extrêmes ont été médiatisés, par exemple une personne passant six ou sept fois le gaokao jusqu‟à l‟obtention de la lettre d‟affection dans une université « 1A » (Mao, 2016, p. 61).

39 Même si le terme benke est plus usité, le nom exact du diplôme est 学士 (xuéshì), 本科 (běnkē) étant le nom du cursus.

Voir également le tableau ci-dessous.

Enfin, il sera souvent question de deux programmes importants en Chine, qui seront évoqués avec des expressions comme « université 211 » ou « université 985 ». Voici une brève présentation de ces deux programmes :

Programme 211 (100 universités pour le 21e siècle) : lancé en 1995, il regroupe les 100

meilleures universités chinoises. Drainant les ¾ des fonds de recherche du pays et concentrant 96% des laboratoires-clés et 85% des disciplines-clés, ces universités ont comme mission d‟être compétitives dans tous les domaines, mais tout particulièrement en recherche. Le programme 211 s‟inscrit donc dans une tendance plus longue d‟amélioration générale de la qualité de l‟enseignement et de la recherche. Mais il donne aussi les premiers signaux d‟une volonté forte de positionnement à l‟international, positionnement confié à certaines universités en particulier.

Le programme 985 (ou 98/5, car lancé en mai 1998) : la dimension internationale est au cœur de ce programme 985 qui regroupe les 40 meilleures universités du pays. Plus sélectif que le programme 211, il vise à permettre à certaines universités chinoises de s‟affirmer sur la scène internationale, voire de devenir des universités de classe mondiale.

(Bel, 2014b, pp. 35-37)

Tableau I. Hiérarchie des établissements d‟enseignement supérieur chinois

Catégorie de formations Nom de la formation et du diplôme attribué Durée des formations Sous- catégories (niveau de formations) Financement Note d’entrée exigée (résultat du gaokao) Catégorie A (formations générales) Benke en chinois 4 ans 1A Public Décroissante40 2A Public 3A Mi-privé ou privé Catégorie B (formations professionnelles) Zhuanke en chinois De 2 à 3 ans 1B Public 2B Mi-privé ou privé (Source du tableau : Mao, 2016, p. 61)

40 En pratique, il est possible que la note pour entrer dans une formation de niveau 2A d‟un établissement dépasse celle pour entrer dans une formation de niveau 1A d‟un autre établissement.

CHAPITRE II - Positionnements épistémologiques et cadre