• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE III – Méthodologie de la recherche

4. Analyse interprétation des données et production d‟un récit « d‟explication

4.3 Analyse et interprétation du deuxième ensemble de données

Le deuxième ensemble de données est constitué d‟entrevues avec différents interlocuteurs. Leur analyse et leur interprétation se déroulent, dans les faits, en plusieurs étapes plus ou moins construites : tout d‟abord le moment où les entrevues se font, puis les réactions, à chaud, couchées sur le papier après chaque entretien (thématiques évoquées, éléments marquants selon ma perception du moment…). Les jours qui suivent sont généralement imprégnés des entrevues : on y repense, malgré soi, surtout lorsque d‟autres éléments viennent compléter (complexifier) la réflexion. Suit la partie plus formelle, lorsque les entrevues sont réécoutées, patiemment (et longuement!) retranscrites pour la plupart, puis analysées formellement. Enfin, l‟étape ultime de l‟écriture du rapport de recherche (en l‟occurrence, la thèse) permet un nouveau face à face avec des compagnons de route dont le souvenir s‟était peu à peu estompé. Pourtant, comme le soulignent Paillé et Mucchielli, « une analyse qualitative n‟a pas de véritable début, il n‟y a pas de moment distinct, évident, qui en marquerait le point zéro […]. L‟interprétation est toujours en partie déjà là » (2008, p. 64).

Précisions techniques

Les entrevues ont toutes été enregistrées104 et, dans leur grande majorité, transcrites par mes soins à des fins d‟analyse. Afin d‟alléger le texte et surtout de conserver la confidentialité des participants, un système spécifique a été mis en place.

Le temps de l’analyse formelle

Lorsqu‟une entrevue est retranscrite, une première étape consiste à y poser un regard général, un peu à la manière de « l‟attention flottante » (Dumez, 2013, pp. 69-70), sans s‟attarder sur tel ou tel élément. Dans un deuxième temps et dans la continuité de cette première analyse, un travail de réorganisation des entrevues est mené, consistant pour chaque entrevue à dégager les thèmes principaux, et à établir un plan. Cette étape peut s‟apparenter à une procédure de codage très sommaire et faite manuellement105. Une procédure de vérification inter-juges a été mise en place avec ma directrice de thèse sur deux entretiens, afin de s‟assurer de la pertinence

104 Toutes les personnes interrogées ont donné leur accord.

105 Je n‟ai, volontairement, pas eu recours à un logiciel d‟analyse de données qualitatives (comme QDA Miner ou Nvivo) car de tels outils, malgré leurs avantages, présentent des limites (par exemple, le risque de se couper de ses données et du terrain).

de l‟analyse. Une grille d‟analyses composée des thèmes majeurs des entretiens (individuels et en groupe) a ainsi été conçue, par laquelle j‟ai pu mettre en évidence des thématiques des entrevues dans l‟esprit d‟une analyse de contenus qui « consiste à dégager ce qu‟il y a de commun dans les réponses des participants, afin de faire ressortir ce qui paraît pertinent et construire un récit explicatif cohérent, en lien avec le cadre théorique retenu » (Patton, 2002, p. 463). Néanmoins, l‟essentiel de l‟analyse a été élaboré par « questionnement analytique », qui permet de :

[…] prolonger le dialogue avec les acteurs dans un dialogue avec les données. […] Les questions du canevas investigatif [sont] des guides pour l‟analyse du corpus, des structures pour les réponses et des balises pour la rédaction du rapport […]. L‟analyste travaille directement avec des questions formulées expressément en lien avec l‟objectif de sa quête et avec le contenu de son corpus (Paillé et Mucchielli, 2008, pp. 143-144).

La première grande question que j‟ai posée (dans cette recherche comme aux participants) avait pour objectif de mieux comprendre le développement exponentiel de l‟enseignement du français en Chine dans les universités : pourquoi le français est-il présent (dans votre vie, dans votre institution) ? Les entrevues avaient pour but de conduire mes interlocuteurs à verbaliser des parcours et des stratégies plus ou moins élaborées dont la ligne d‟arrivée était / avait été d‟être étudiant de français dans une université. Cette mise en mots par des locuteurs-acteurs de leur vécu, de leur expérience passée, des échanges qui ont eu lieu, par exemple avec leurs parents, des arguments mobilisés, des enjeux identifiés dans le contexte de l‟époque, m‟a permis de mieux cerner ce processus. L‟analyse a donc consisté à mettre en miroir ces différents propos (et à dégager des contrastes entre générations) : comment voient-ils les choses ? Quelle est leur perspective ? Que mettent-ils de l‟avant ? Quels éléments du parcours expliquent que l‟on se retrouve à apprendre ou à enseigner le français ? Narrant un événement majeur de vie, notamment dans le contexte chinois (leur entrée à l‟université), ce sont ces récits qui sont analysés. Mais comment ces acteurs se racontent-ils eux-mêmes (ce que permet la question très ouverte du début d‟entrevue), comment se posent-ils : pleinement conscients et en contrôle de leur histoire, ou au contraire plus passifs, au moins à certains moments ? J‟ai pu ainsi procéder à des recoupements concernant la manière dont le français était entré dans leur vie : raisons, stratégies, circonstances, ce qui m‟a permis de dresser un tableau assez général et assez fidèle de la situation.

Ce faisant, d‟autres questions ont été abordées, importantes pour l‟enseignement du français : les images du français, les autres langues étrangères, la diversité, les idéologies linguistiques. En procédant de la même manière, j‟ai pu dégager les grandes lignes et mieux comprendre comment mes interlocuteurs (se) jouaient de ces différentes images stéréotypiques sur les langues.

Il faut enfin noter que ce processus d‟analyse des entrevues s‟est également et surtout fait en lien avec le cadre théorique – l‟économie politique des langues telle que décrite dans le chapitre II –, ce qui nous conduit à présent à l‟analyse critique de discours.