• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE III – Méthodologie de la recherche

4. Analyse interprétation des données et production d‟un récit « d‟explication

4.2 Analyse et interprétation du premier ensemble de données

Pour rappel, ce premier ensemble de données a pour objectif de répondre à une question précise, descriptive – que se passe-t-il exactement ? –, question qui peut très bien être conjuguée au passé : que s‟est-il passé exactement, notamment depuis 1949 ? Pour y répondre, je me suis appuyé sur les deux projets présentés au début de ce chapitre et ai compilé, sous forme de tableau, le total des programmes de français, année après année de 1949 à 2014, tableau dont j‟ai tiré une courbe, qui a servi de base à la construction de la problématique de cette thèse. Cette courbe propose une vision comptable, partielle et partiale du développement de l‟enseignement du français au niveau universitaire en Chine depuis 1949, et cette vision repose sur le postulat suivant : si le nombre de départements / programmes d‟une langue étrangère donnée augmente dans un pays, c‟est que l‟enseignement de cette langue s‟y développe.

Mon analyse s‟est dans un premier temps concentrée sur cette courbe. M‟inspirant très partiellement de la posture et des modes d‟analyse des cycles économiques de certains économistes historiques comme Kondratiev (1926), j‟ai d‟abord observé l‟évolution sur un temps long, c‟est-à-dire sur la durée totale de la période à l‟étude (de 1949 à 2014) avant de, dans un deuxième temps, me focaliser sur les oscillations de plus courte durée en vue de mettre en évidence des cycles courts, l‟idée étant, à l‟instar de Schumpeter (1911) et de ses observations concernant la superposition de cycles de longueur inégale (cycles courts, moyens et longs), de constater des évolutions éventuellement similaires pour le français : une augmentation sur un temps long puis des fluctuations sur de plus courtes durées (pas d‟augmentation, légère augmentation, forte augmentation). La comparaison avec les travaux des économistes s‟étant intéressés aux cycles de l‟économie s‟arrête là dans la mesure où je ne cherche pas à dégager des lois générales pour décrire ou expliquer les évolutions constatées (les périodes mises en avant par Kondratiev sont, comme leur nom l‟indique, cycliques) ni à démontrer qu‟il y aurait un certain déterminisme dans le développement d‟une offre de langues. Je ne me suis pas pour autant affranchi d‟une volonté explicative : une fois ces cycles courts et leurs limites chronologiques déterminées, je les ai effectivement confrontés à l‟historiographie de l‟enseignement des langues étrangères en Chine depuis 1949. En cohérence avec le cadre théorique de la sociohistoire (qui est, en ce sens, à l‟opposé de la posture théorique des économistes précédemment mentionnés103), j‟ai également fait le choix de confronter les éléments mis en avant à partir de l‟analyse de cette courbe au cadre contextuel que j‟ai défini. Enfin, à l‟instar de Schumpeter (1911) qui cherchait à expliquer la dynamique à long terme de l‟économie, j‟ai tenté de comprendre, par l‟analyse de cette courbe et sa confrontation à la fois aux éléments contextuels et aux témoignages collectés, les raisons susceptibles d‟expliquer la dynamique de l‟offre de français en Chine.

En parallèle du travail mené sur cette courbe, les résultats de l‟enquête de terrain ont été compilés dans un tableau Excel, organisé province par province. C‟est effectivement l‟unité géographique de base que j‟ai retenue car non seulement elle fait sens pour les acteurs chinois,

mais également parce que les enseignants comme les responsables sont généralement très au fait de ce qui se passe dans leur province de travail. La compilation de ces données et leur croisement m‟ont permis d‟apporter des éléments de réponse à plusieurs questionnements portant sur la répartition géographique des ouvertures de programme de français depuis 1949 ou encore le type d‟universités concerné par ces ouvertures et donc la question des critères à considérer : le niveau de l‟université ainsi que son statut – public / privé, niveau provincial / central, etc. –, sa taille, son histoire, le profil des étudiants recrutés… À cet égard, les éléments liés à l‟évolution récente de l‟enseignement supérieur chinois (décentralisation, massification, fusions) ont été pris en considération (ces réformes majeures ont-elles eu un impact ? Lequel ? Les universités qui ont ouvert le français sont-elles issues de fusions ? ...). Les données récoltées, qui portent aussi sur les deuxième et troisième cycles, permettent d‟élargir le questionnement : dans la chronologie, faut-il, par exemple, s‟intéresser de manière spécifique à la vague d‟ouverture de programmes de maîtrise ? La lecture de l‟histoire de l‟offre universitaire de français depuis 1949 en serait-elle modifiée ? Le travail d‟analyse a ainsi consisté à croiser différentes informations sur les universités, les provinces, les programmes et les publics avec les données recueillies afin de faire émerger « ce qui fait sens » et brosser un tableau plus précis de l‟offre universitaire de français en Chine et de son évolution depuis 1949. L‟objectif était non seulement une meilleure connaissance de la situation, mais également la confrontation de mes observations aux discours dominants, notamment académiques et politiques, et aux explications et tendances qu‟ils contiennent et qui sont généralement avancées. Ceci répond clairement au souci de m‟inscrire tout à la fois dans le courant critique et dans celui de la sociohistoire, c‟est-à-dire de prendre un certain recul par rapport aux discours généralement acceptés et / ou peu questionnés, voire de les déconstruire. Il s‟agit au final d‟établir des liens et de construire un récit qui fait sens. Enfin, le croisement de ces différentes données a permis de dresser un profil, région par région, de l‟offre universitaire de français, et de mettre en évidence, à travers une typologie, l‟hétérogénéité de cette offre.