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Pour une première approche de l’activité d’assistance téléphonique

Nous présentons un dialogue in extenso : il comporte 45 échanges. Notons que le terme “échange” recouvre les interventions de chacun des protagonistes du dialogue.

Cette première approche qualitative d’un dialogue, va nous permettre d’envisager à un niveau général, l’activité concernée.

Nous formulerons ensuite l’hypothèse qui va guider notre analyse des dialogues.

Phase de formulation de la question :

1-Expert: R. j’écoute,

2-Demandeur : oui bonjour, c’est J.A., France Telecom XX, voilà j’appelais pour un renseignement sur les transfix…

3- E : oui…

4-D : donc, concernant les modifications sur les transfix existantes, donc j’ai un client, il a…en fait une transfix 1024 en…en fait deux transfix 1024 en G703 G704, pour raccorder des PABX, et donc je suis en train de lui faire une offre multiplexeur voie de données, et je vais devoir migrer transfix, donc en V11, en X21 V11, avoir des transfix synchrones, quoi…je voudrais savoir, les modifications qu’il y aura à faire, je les fais payer quel tarif ? 5-E : il a une 1024 ?

6-D : pardon ? 7-E : il a une 1024 ?

8-D : ben actuellement il a une G703 G704, c’est une 1024 oui, en débit ligne, c’est une 1024 oui…

9-E : c’est G703 G704 ? 10-D : oui…

11-E : et qu’est ce qu’il veut prendre ?

12-D : ben ce serait pour migrer en transfix transmission de données, quoi…avec une interface X21 V11

13-E : 1024 toujours? 14-D : oui,

Phase de réponse :

15-E : donc c’est un changement d’interfa ce

16-D : ben je pense que oui, au niveau de la TNL, il y aura juste une carte à changer

17-E : oui, il faudra faire sauter le modem MMAD qu’il y a, en extrémité, qui gère le G703 G704

18-D : mm…,

19-E : et puis voilà, et puis lui mettre un autre modem V24, 20-D : mm…c’est sujet à perception de frais ça ?

21-E : changement d’interface, c’est 2400 frs par extrémité,

22-D : 2400 frs d’accord. c’est écrit quelque part ça…parce que je l’ai…avec l’intranet, comme ça j’ai regardé, comme ça les prix, mais j’ai pas trouvé la bonne rubrique, 23-E : c’est changement d’interface, je sais si ça y est…tarif…mais pour ça, si je ne

m’abuse, y a eu un flash info, même si c’est pas dans le catalogue des prix. 24-D : ah ben alors, ça doit être dans les infos prix alors…

25-E : alors là… 26-D : ça fait…

27-E : faut être jeune et y croire pour dire ça…Gna Gna…est applicable à partir du 1/1/97. C’est 2000 frs hors taxes,

28-D : donc 2000 frs hors taxe par extrémité concernée ? 29-E : par extrémité concernée,

30-D: ok

31-E : donc lui il en aura deux,

32-D : il y en a quatre, enfin il a deux transfix… 33-E : s’il a deux transfix,

34-D : il y en a quatre,

35-E : il a bien une 1024 G703 G704 qu’il transforme en 1024 X24 V11 ? 36-D : voilà,

37-E : c’est ce qu’il fait ? 38-D : oui oui,

39-E : c’est un simple changement d’interface, il n’y a pas de changement de débit, il y a rien, 40-D : oui…

41-E : c’est 2000 frs hors taxes par extrémité concernée, 42-D : très bien merci,

43-E : de rien 44-D : au revoir, 45-E : au revoir.

L’examen attentif de ce dialogue rend compte de deux faits :

- Les dialogues comprennent deux phase successives : une phase de formulation de la question par le demandeur, et une phase de réponse de l’expert ;

- L’examen des contenus énoncés dans ces phases conduit à penser que le questionnement initial du demandeur peut faire l’objet d’une élaboration dans le cours du dialogue. Cette élaboration est le fruit d’une activité conjointe de l’expert et du demandeur.

Nous allons détailler ces deux points plus avant.

III.1. Les dialogues sont organisés en phases

Deux phases se succèdent dans le cours des dialogues : une phase que nous dénommons “phase de formulation de la question”, au cours de laquelle le demandeur formule sa question, l’expert écoutant, et procédant par des relances et des acquiescements (“oui…”). Notons que ces relances peuvent être des questions, que l’on peut considérer comme des relances interrogatives (comme par ex. à l’échange n°5 “il a une 1024 ?”).

Une “phase de réponse” de l’expert succède à cette première phase, dont témoigne la prise d’initiative du dialogue par ce dernier. L’expert n’est plus sur un mode de relance mais sur un mode de réponse : il fournit, à ce moment là, des éléments d’informations à la question qui lui est posée.

Dans le dialogue que avons présenté, la phase de formulation de la question s’étend de l’échange 1 à l’échange 14, la phase de réponse occupant le reste du dialogue (échanges 15 à 45).

De nombreux travaux identifient, de façon similaire, une organisation des dialogues en phases différenciées. A titre d’exemple, les travaux de Medeiros De

(1992) intéressés par la résolution de problèmes par des hot liners dans le domaine informatique, rendent compte d’une organisation des dialogues en phases distinctes. Au cours de ces dialogues, le technicien consulté passe d’une activité d’écoute à la résolution de la panne. L’auteur distingue trois phases : - La phase d’acquisition des informations orientée par les données dans laquelle le technicien ne prend pas l’initiative du dialogue mais recueille les faits relatifs à la panne détenus par le client ;

- La phase d’acquisition des informations orientée par des objectifs, qui débute quand le technicien peut se créer une première représentation de la panne. À l’inverse de la première phase, le technicien devient “un demandeur actif d’informations” ;

- Enfin, la phase de résolution empirique de la panne, qui consiste en la validation des hypothèses élaborées pendant les deux premières phases.

On peut repérer dans ce dialogue que l’expert devient “un demandeur actif d’information”, après avoir relancé le demandeur, comme c’est le cas des hot liners observés par Meideros. Nous considérerons deux phases de dialogues - formulation de la question et réponse - et allons nous intéresser à la formulation des questions par le demandeur et son évolution. Il s’agit du second point que nous avons identifié.

III.2. De la question au problème : l’enjeu du dialogue

Après deux échanges de politesse, le demandeur présente, dans l’échange n°3, sa situation, la situation de son client ainsi que la proposition qu’il est en train de lui faire. A l’issue de cet exposé, il pose à l’expert la question qui a motivé son appel (“je les fais payer quel tarif?”).

L’expert procède par des relances interrogatives qui visent une explicitation de ce qui a été formulé dans l’échange n°3, concernant l’équipement du client (échanges n°5, n°7, n°9), et ses souhaits d’équipement (échanges n°11 et n°13). Une fois que cet ensemble d’informations est estimé clair pour l’expert, ce dernier reformule le problème que lui pose son interlocuteur et élabore sa réponse : c’est un problème de changement d’interface dont le coût est de 2000 fr. hors taxe par extrémité concernée.

Dans la phase de formulation de la question, le demandeur a l’initiative du dialogue et expose sa demande, l’expert relance de façon neutre (“oui…”) ou interrogative (“il a une 1024 ?”).

Dans la phase de réponse, qui débute, pour ce dialogue, par une reformulation du problème concerné par la question posée, l’expert élabore sa réponse au problème tel qu’il a été identifié dans la phase amont. Le demandeur relance (échanges n°18 et n°20 “mm”), et/ou pose des questions (échange n°20 “c’est sujet à perception de frais ça ?”).

Notons que la question de l’échange n°20 est directement reliée à celle posée dès l’échange n°1. Toutefois, telle que posée à l’échange n°1 il s’est avéré difficile pour l’expert d’identifier qu’il s’agissait d’un problème de changement d’interface, sans changement de débit, et de répondre à la question du tarif. Une séries d’échanges qui visaient l’éclaircissement de la demande originale et l’identification du problème ont été nécessaires : ils ont permis d’éclairer la situation actuelle du client, la situation souhaitée et d’aboutir à poser qu’il s’agissait d’un changement d’interface, puis de pouvoir proposer un tarif approprié.

Dans le corpus que nous analysons on trouve un grand nombre de dialogues parent de celui ci : ils sont constitués d’une phase de formulation de la question qui comprend une dizaine d’échanges puis d’une phase de réponse. Certains dialogues, en revanche, témoignent d’une phase de formulation de la question brève (deux échanges), à laquelle succède une phase de réponse de l’expert. La taille de ce dialogue est une taille moyenne : notre corpus est constitué de dialogues constitués de quatre à soixante échanges.

Après cette prise de connaissance de l’activité dans ses caractéristiques générales, nous formulons l’hypothèse générale qui va guider les analyses des dialogues que nous allons conduire.

Rappelons que cette hypothèse est fondée à la fois sur la littérature que nous avons consultée en début de chapitre, sur la connaissance que nous avons de la situation d’assistance du point de vue de l’organisation du travail, ainsi que sur le premier examen qualitatif d’un dialogue que nous venons de faire.

III.3. L’organisation du dialogue : entre complexité

et co-construction : hypothèse

L’hypothèse que nous formulons avance que la complexité des questions reçues par les experts à ce second niveau d’assistance, constitue un point d’ancrage à partir duquel les experts élaborent des stratégies de gestion des dialogues, et produisent des réponses. Nous pensons que la question initialement formulée par le demandeur peut faire l’objet d’une ré-élaboration dans le cours du dialogue. Cette ré-élaboration est réalisée conjointement par les deux protagonistes que sont le demandeur et l’expert, elle vise la co-construction du problème qui est contenu dans la question, de façon implicite. Le dialogue présenté en III. illustre cette co-construction du problème : le demandeur expose la situation de son client, ses souhaits ainsi que la proposition qu’il lui fait. L’activité de l’expert est sur un mode de relance, et d’interrogation qui vise l’élaboration du problème que soulève la question posée. Une fois le problème construit, l’expert reformule et répond : c’est un problème de changement d’interface dont le coût est de 2000 fr. hors taxes.

Cette hypothèse s’appuie sur une première connaissance de la situation. Dans cet organisme, les experts assurent un soutien technique et commercial de niveau 2, un soutien de niveau 1 étant réalisé en agences commerciales. Nous avons déjà mentionné (en II.1) qu’une des conséquences de cette organisation de l’assistance tenait à la nature des questions : il s’agit de questions non résolues après un premier traitement, et on peut penser a priori que ce sont des questions complexes. Dans ce cadre, la gestion des dialogues à partir de l’élaboration de “demandes types” nous apparaît peu probable.

Par ailleurs, nous avons pu voir que les interlocuteurs hot line n’étaient des interlocuteurs tout venants. Il s’agit, au contraire, d’une clientèle définie dans ses caractéristiques, elle partage avec les experts un ensemble de connaissances du domaine qui est à renseigner. De ce fait, la gestion des dialogues à partir de l’évaluation des connaissances et des compétences du demandeur pourrait ne pas être le seul déterminant qui oriente et structure l’activité diagnostique des experts.

Étant donné l’hypothèse que nous avançons, nous allons analyser les dialogues en tâchant d’éclairer la nature des demandes que reçoivent les experts, et l’élaboration du problème par le demandeur et l’expert, dans le cours des