• Aucun résultat trouvé

3- Platon en a fait un mythe :

Du pourrissement au mythe

II- 3- Platon en a fait un mythe :

Les cavernes sont des lieux sacrés par excellence. Elles sont synonymes d’obscurité et de recoins inexplorés. Elles sont les lieux préférés de la naissance et du refuge des divinités et des héros. En effet, ces lieux souterrains établissaient une communication entre le monde terrestre et le monde céleste.

Platon, le grand philosophe grec, qui n’est pas à présenter, avait sa propre symbolique de la caverne. Le caractère mystérieux et sacré de celle-ci lui a permis d’en faire un mythe.*

Néanmoins, avant de saisir le contenu du mythe de Platon, il faut revoir le décor qu’il a installé : « Des hommes qui vivent dans une sorte de demeure

souterraine en forme de caverne possédant tout le long de la façade, une entrée qui s’ouvre largement du côté du jour, à l’intérieur de cette demeure, ils sont, depuis leur enfance, enchaînés par les jambes et par le cou, en sorte qu’ils restent à la même place, ne voient que ce qui est en avant d’eux, incapables d’autres part, en raison de la chaîne qui tient leur tête, de tourner celle-ci circulairement. Quant à la lumière, elle leur vient d’un feu qui brûle en arrière d’eux, vers le haut et loin1».

1 Celui-ci est repérable dans le dialogue intitulé « Le Timée » mettant en scène deux protagonistes Cristias et Timée. Le dialogue s’ordonne en trois parties : une introduction sur Socrate et Timée où figure un prologue et un résumé de la discussion de la veille, puis le récit de Cristias qui rapporte le discours entendu par Solon, aux environs de 600 avant Jésus-Christ, de la bouche de prêtres de Saïs racontant des évènements antérieurs de 9000 ans, et enfin l’exposé de Timée qui s’interroge sur les origines de la constitution du monde et de l’homme.

Pour consolider le dispositif de la caverne, Platon fait appel à une deuxième image complétant la scène : « Entre le feu et les prisonniers passe une route élevée […] le long de cette route est construit un mur, pareil aux cloisons que les montreurs de marionnettes dressent devant eux, et au-dessus desquelles ils font voir leurs merveilles1».

Après avoir installé un tel décor, des hommes prisonniers dans une caverne en proie aux illusions que provoquent les montreurs de marionnettes placées derrière eux sur le petit muret, agitant des objets dont l’ombre se reflète sur la paroi en face des enchaînés, grâce au feu placé derrière eux. Platon s’attache à un autre pilier du mythe : le sort de celui qui se libérerait de ses liens, qui sortirait de la caverne et qui contemplerait la lumière. D’abord aveuglé par cette dernière, il sera par la suite, heureux de cette connaissance et ne voudra pas revenir à ses chaînes. Il retourne quand même dans la caverne, il n’y distinguera que peu de choses, ses yeux s’étant habitués à la lumière. Puis, il se met à expliquer à ses anciens compagnons l’erreur qu’ils commettent à prendre pour réalité ce qui n’est qu’illusion. En contrepartie, ils le prendront pour un fou et tenteront de le punir pour de telles affirmations.

En effet, Platon décrit deux mondes différents dont résultent deux pensées différentes. Un monde obscur que les captifs considèrent comme un monde vrai et éclairé où leur compagnon, délivré de ses chaines et entraîné vers la lumière, s’est rendu compte du monde illusoire dans lequel il a passé sa vie antérieure.

Ainsi, le philosophe grec a su imager les deux mondes opposés et leur attribuer une signification très profonde puisqu’elle se proclame salvatrice de la pensée humaine ; libérer l’esprit humain du monde de l’ignorance et de l’illusion et l’introduire dans celui du savoir et de la réalité.

Le mythe de la caverne transmet un message d’une très grande importance : vivre dans l’obscurité et la prendre pour de la lumière ou, baigner dans l’ignorance en ne doutant pas le moins du monde qu’il s’agisse de la connaissance.

Un message transmis sous forme d’image, a pu arracher la pensée humaine à sa vision erronée et l’amener à un esprit de réflexion et de raisonnement. L’image proposée par Platon nous permet de prendre

Chapitre III : Du pourrissement au mythe

conscience de la difficulté dans laquelle se trouve l’homme qui refuse de changer la conception qu’il a des choses et d’accepter le changement. Sous l’emprise des idées reçues et des préjugés, l’homme s’enferme dans une coquille où il prend pour vraies les données de ses sens qui sont formées par l’habitude.

Cette réflexion sur le mythe de Platon nous projette dans les tréfonds des piliers des significations du mythe. L’opposition entre le monde obscur et le monde éclairé ou entre le monde des ignorances et celui du savoir n’est pas l’unique allégorie à tirer de l’idée platonicienne. La délivrance de l’un des prisonniers et son retour auprès de ses compagnons, est une partie du mythe qui donne libre cours à des réflexions multiples.

La délivrance de l’enchaîné s’est réalisée par étapes. Après avoir ôté ses chaînes, il arrive à tourner son cou et à marcher. Ainsi, il quitte la caverne et rencontre la vraie lumière. Celle-ci le fait souffrir, l’éblouit et l’empêche de regarder les objets car il s’est habitué à ne voir que leurs ombres. L’éblouissement s’atténue, il voit les objets d’une manière plus claire. Il comprend qu’ils sont différents de ceux qu’il voyait dans la caverne.

Cependant, une vérité s’introduit pour altérer cette nouvelle réalité : La lumière du soleil fait souffrir ceux qui se sont habitués à l’obscurité des cavernes. En effet, le délivré préfère mettre fin à cette souffrance, revenir aux ténèbres et regarder ce qui lui paraissait plus véritable. Hélas, traîné vers la lumière du soleil, il ne voit plus les objets dans la caverne, ni même les ombres.

En suivant les étapes de la délivrance, nous avons l’impression de tourner en rond. Une seule donnée intervient pour interrompre cette impression : un autre objectif réside dans l’esprit du délivré; retourner dans la caverne pour libérer les autres prisonniers. Il reconnait que la découverte du monde extérieur se fait d’une manière progressive et que pour mener ses compagnons à la délivrance, il faut anéantir leur accoutumance au monde des ténèbres.

Une mission à accomplir sans stratégie à choisir car à son tour, le délivré a été soumis à des actes bouleversants assurant un changement brutal : contraint à se mouvoir, après s’être habitué à l’immobilité due aux chaînes, il est ébloui à maintes reprises par l’obscurité de la caverne, la luminosité du feu

installé en haut du muret, puis la luminosité de l’extérieur et enfin par l’exposition à la grande source lumineuse du monde, le soleil.

L’aboutissement de tous ces bouleversements subis par l’homme libéré est une prise de conscience vis-à-vis de ce qui est appris comme vrai et qui n’est en réalité qu’illusoire. Le mythe de la caverne de Platon comporte une signification, non seulement cosmique, mais également éthique ou morale. La caverne et son spectacle de marionnettes donnant lieu à des ombres, représentent ce monde d’apparences agitées, d’où l’esprit doit se libérer pour contempler le vrai monde des réalités, celui des idées.

Preuve à l’appui, le délivré trace son objectif qui est celui de délivrer ses compagnons. Une idée qui surgit suite au chemin qu’il a parcouru. Cependant arrivera-t-il à les convaincre ? Platon a donné une réponse à travers son texte. Les habitués des ténèbres décident de punir le délivré revenant. Ils le prennent pour un fou. Une telle réaction n’a qu’une seule explication. Ils veulent rester dans leurs habitudes, dans ce qui leur paraît plus réel. Ils n’ont rien osé, alors ils ne peuvent rien avoir.

La violence qui a bouleversé le délivré pourrait avoir la même influence sur les autres hommes. Il faut secouer l’âme si elle se refuse à la délicatesse, de cette manière une ère de changement dévient possible.

Chapitre III : Du pourrissement au mythe