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Le miroir, quelle symbolique ?

Du miroir au mythe

III- Le miroir, quelle symbolique ?

Avant d’aborder la symbolique du « Miroir », nous avons jeté un coup d’œil sur la définition de ce terme. Notre découverte est surprenante. Le terme baigne dans une polysémie incomparable. Cette polysémie est d’une extrême richesse symbolique.

Le petit Robert propose la définition suivante : « Un objet constitué

d’une surface polie (d’abord de métal, aujourd’hui de verre étamé) qui sert à réfléchir la lumière, à refléter l’image des personnes et des choses ». La

même source ajoute que le miroir est : déformant, multipliant, illusoire,

ardent, magique, fascinant, trompeur,… Il est aussi un leurre et un piège,…

Chacune de ces définitions et de ces symboliques devrait avoir une origine, une explication ou au moins une interprétation. Ainsi, notre destination est le dictionnaire des symboles.

Diverses interprétations ont été données au miroir à travers les différentes civilisations et époques. Son étude a fait partie de tous les domaines, littéraires, philosophiques, métaphysiques,…Son aspect mystérieux a nourri les légendes, les contes, les superstitions, les rituels, l’imaginaire, les doutes, les croyances et le réel.

L’homme s’est vu, en premier lieu, dans l’eau. Un élément vital qui a suggéré l’idée du miroir. Le reflet de l’homme, de la lumière et de l’univers par un objet tel que le miroir a attiré et captivé l’attention de l’esprit humain. Des interrogations se sont acharnées sur le fait. Des réponses ou des essais de réponses se sont déclenchés pour apporter un éclaircissement sur le secret et le fonctionnement du miroir.

L’observation d’un objet énigmatique induit une pluralité d’interprétations et de symboliques. L’énigme est entamée dès la première découverte de l’autre (le moi, l’image, l’univers,…). Comment une surface métallique ou en verre est-elle capable de nous mettre devant un double ? Qui est ce double ? Comment s’effectue ce reflet ?

Nous savons comment, dès la mythologie grecque, Narcisse s’éprend de lui-même, en se regardant dans l’eau et comment il est changé en la fleur qui porte son nom. Depuis l’époque grecque, le miroir a suscité des

interrogations, des réflexions et des méditations. Le fruit de ce questionnement est restitué ici, d’une manière non exhaustive.

Au Moyen Age, le miroir symbolise la connaissance. La pensée médiévale repose sur la connaissance visuelle et sur des rapports d’analogie dont le miroir est le modèle.

Chez les indoboudhistes et les pygmées d’Afrique, et dans la traduction nipponne, le miroir symbolise la révélation de la vérité : « Il est l’instrument

de l’illumination1». Il est aussi symbole du savoir : « le miroir couvert de

poussière étant celui de l’esprit obscurci par l’ignorance2».

Le miroir, surface réfléchissante, compte parmi ses reflets « l’intelligence » et les « paroles célestes» ce qui en fait le symbole de : « la

manifestation reflétant l’intelligence créatrice3». Cette intelligence reflétée par le miroir s’identifie symboliquement au soleil. Ainsi, le miroir est souvent un symbole solaire. Cette symbolique se développe au Japon à travers le mythe d’Amaterasu : ce mythe raconte que le miroir fait sortir la lumière divine de la caverne et la réfléchit sur le monde. Pour les japonais, le miroir symbolise aussi la pureté parfaite de l’âme.

Pour les Sibériens, le miroir est céleste. Il reflète l’univers. Dans la tradition Védique, le miroir est le mirage solaire des manifestations, il symbolise : « la succession des formes, la durée limitée et toujours

changeante des êtres4».

Dans le symbolisme chinois, le miroir est : « L’emblème de la reine5». Il est symbole lunaire et féminin. Il est aussi le signe de l’harmonie, de l’union conjugale et de la perfection. Le miroir brisé étant celui de la séparation.

Dans les sociétés primitives, les miroirs sont les portes par lesquelles la mort va et vient. Les miroirs sont les portes des enfers. Les hindous font du

1Jean Chevalier et Alain Gheerbrant, Op.cit. 1980, p.636.

2Ibid. p.636.

3Ibid. p.636.

4Ibid. p.637.

Chapitre IV : Du miroir au mythe

miroir un synonyme d’illusion. La réflexion de la lumière se fait dans l’eau mais ne la pénètre pas : « Il y a identité dans la différence1».

Le miroir est utilisé dans les rites pour faire venir la pluie. Il est aussi utilisé en divination pour interroger les esprits. La réponse aux questions s’y inscrit par réflexion. Le peuple congolais est l’un des plus connus dans la divination par le miroir. On saupoudre le miroir ou la surface d’un bol d’eau de poudre de Kaolin, les dessins livrent la réponse.

Platon, et par la suite Plotin, ont proposé une autre symbolique du miroir. Le miroir est l’âme. Les deux faces de l’âme sont les deux faces du miroir. La face sombre du miroir est le côté inférieur de l’âme tourné vers le corps. La face polie et lumineuse est le côté supérieur, tourné vers l’intelligence.

La représentation platonicienne des deux faces a inspiré plusieurs civilisations pour lesquelles le miroir est le cœur, l’âme, l’intelligence, la croyance,… Cependant et avec ces symboliques plurielles, une nouvelle interprétation du miroir s’infiltre. Certes, cet objet réfléchissant, permet de lire le passé, de dire le présent et de prévoir l’avenir, mais il est aussi utilisé sous un aspect maléfique. Il sert à l’évocation des morts, l’apparition des hommes qui n’existent pas encore ou qui accomplissent une action qu’ils n’exécuteront que plus tard.

Le miroir a comme origine le mot latin « spéculum », qui a donné le nom « spéculation » (spéculer, au sens premier : observer le ciel et les mouvements relatifs des étoiles à l’aide d’un miroir2). Le miroir a soulevé une spéculation quant à sa symbolique. Le fait de le considérer comme « symbole des symboles3 », nous replonge à nouveau et sans fin dans cette spéculation. Le miroir est un objet source de tous les mystères. Ceux-ci ont enrichi sa symbolique : l’illusion et l’imaginaire, la réflexion et la méditation, le sensible et l’intelligible, le visible et l’invisible, le perceptible et l’imperceptible.

1Ibid, p.637.

2Ibid, p.635

IV- Les deux faces du miroir :