Pierre angulaire de la programmation : quels acteurs mobiliser ?

Partant du principe que ce sont les territoires et leurs habitants qui font la métropole, nous pensons que le dispositif devrait intégrer et impliquer des acteurs incontournables, comme les “figures” de Rungis, les professionnels, artisans, commerçants et producteurs franciliens, solidement ancrés dans la réalité, et conscients des contraintes, besoins et attentes des consommateurs au quotidien.

Contrairement à l’équipe projet de la cité de la gastronomie de Lyon, qui positionne d’emblée les grands chefs en “clef de voûte” de son concept et de sa stratégie globale , 225

nous pensons qu’il serait préférable de ne pas les faire figurer en acteurs de premier plan, mais de les solliciter pour des opérations ponctuelles, évènementielles, dans et hors les murs par exemple. Car il s’agit pour nous de démystifier l’univers de la gastronomie, ses codes et ses apparats, et de lui faire retrouver ses galons populaires et universels.

Selon nous, l’un des pièges à éviter est un “formatage esthétique”, que la cité devienne juste un produit d’attraction touristique dans un cadre spectaculaire. La population doit rester au cœur du projet ; ce futur espace public doit afficher la volonté de "faire rencontrer", et ainsi permettre l’appropriation.

Parmi la multitude d’acteurs potentiels, nous avons identifié trois types d’experts sur lesquels le centre d’interprétation de la cité de la gastronomie Paris-Rungis pourra s’appuyer : les publics experts culturels et usagers locaux, les experts métiers et les experts réseaux.

3.3.1. Les publics, ces experts culturels et usagers locaux

L’habitant, source de richesse du territoire

Au sein de chaque communauté, sommeille des “experts culturels”, qui peuvent être reconnus comme dépositaires d'une richesse culturelle. Une reconnaissance qui viendra rompre avec les clichés habituels et améliorera les relations interculturelles.

Lyon, capitale mondiale de la gastronomie, rapport du groupe de travail Lyon 2020 et Grand Lyon, février 2007 https://

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Pour Charles Soussan, le président de l’association “Le goût des autres, cuisine sans frontière” , "la cuisine, c’est le lien social, la découverte de l’autre sous un angle 226

convivial".

La nourriture, emblématique d'identités construites et issues de mélanges des cultures, concentre certaines tensions à la fois culturelles, politiques, sociales et identitaires. La valorisation des savoirs traditionnels portés par l'immigration et présents à Paris et en Île- de-France favorise la prise de conscience de la valeur sociale et économique des savoirs dont chacun est dépositaire, la sensibilisation à la diversité culturelle et à la reconnaissance de l'apport culturel fait par les membres d’autres communautés, une meilleure compréhension du sens des différents interdits alimentaires.

Moins de rencontres interpersonnelles, plus d’ambiances nouvelles et des “moments parfaits” comme le prônent Pierre Eloy, directeur de Touristic et cofondateur des 227 228

Agitateurs de destinations numériques et de Sophie Moreau, spécialiste de la co création et des projets collaboratifs de Touristic et directrice de l’office de tourisme du pays d’Ancenis. Ces deux “pédagogues démystificateurs” estiment que "la confiance se donne plus facilement à ceux qui vivent dans la destination au quotidien plutôt qu’à un professionnel dont le but est de vendre". Ils donnent la priorité à l’expérience utilisateur.

3.3.2. Les experts métiers : les figures de Rungis

Les pavillons grouillent de passionnés experts dans leurs domaines et de leurs plus beaux produits de France et d’ailleurs. Historiques, pour ceux qui y travaillent depuis le grand déménagement du 3 mars 1969, ou novices, tous les travailleurs solidaires de cette vie nocturne difficile sont le cœur de Rungis. Nous considérons ces femmes et ces hommes comme des porteurs de tradition, des acteurs incontournables de la sauvegarde des savoirs populaires, dont certains pourraient disparaître à jamais.

Entre les “gouailles” qui font de ce lieu un endroit unique au monde et rappellent l'esprit des anciennes halles, et la “nouvelle génération des négociants”, jeune et adepte des technologies de pointe, ce marché est un endroit exceptionnel qui recèle des trésors d’histoires d’hommes et de femmes. Dans tous les cas, ce sont des épicuriens de nature et de métier, habités par le respect des produits et la fierté de nourrir les autres.

Faire le plein de précieux conseils auprès des “gueules” de Rungis

Quand on visite le grand marché de Rungis, on a en effet toutes les chances de s’entendre donner quelques “trucs” à la volée : “Quand vous choisissez un homard, vérifiez bien qu'il ait de longues antennes. Si elles sont courtes, il est moins frais : ça veut dire qu'il a passé plusieurs jours en vivier et qu'il s'est battu avec ses congénères.”

Pour Laurent Aron, “il faut apprendre aux gens à acheter et sélectionner les produits. Il faudrait une sorte de showroom, montrer comment on peut transformer des produits du monde entier, grâce à la cuisine française adoubée internationalement.” 229

Pour Brigitte de Malau, il faudrait “revenir aux halles, sans tomber dans la nostalgie, un lieu où l'on explique la fonction et la richesse de Rungis, ce qui s’y passe, expliquer que l’on peut se nourrir autrement, initier le grand public, une “antenne” en dehors du commerce L’association créée fin 2009 a pour objet la découverte, la connaissance, la diffusion des cultures étrangères à travers leurs

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pratiques culinaires. L’activité de l’association se déroule au domicile des particuliers, auprès des centres de loisirs, des maisons de quartiers, des comités d’entreprises et peut être associée au déroulement de tout évènement festif ou culturel. Source site Web : http://www.legoutdesautres.org/

“Prendre le virage local : comment offrir une expérience authentique”, conférence lors du gueuleton touristique organisé

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par la Chaire de tourisme Transat de l’ESG-UQÀM, le 5 avril 2017. Source site Web : http://veilletourisme.ca/

Touristic, solutions numériques touristiques, est une société spécialisée dans les solutions etourisme (de la formation à

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l'assistance à maîtrise d'ouvrage) pour les professionnels du tourisme institutionnels et privés. Voir la retranscription de l’entretien en annexes page 229

pur. Car quand on parcourt Rungis, on est stupéfait par cette richesse, cette variété qui disparaît totalement dans Paris” .230

Qui d’autre de mieux placé que ces maîtres du goût, pour défendre l’excellence des produits et le lien entre le terroir et l'assiette ? S’appuyer sur ces forces vives, constater l’existence d’un savoir et savoir-faire traditionnels tout en valorisant l’importance de ceux qui les font vivre est un moyen de contribuer à la connaissance et à la reconnaissance de la culture dont ce savoir est originaire, d’approfondir un travail d’échange de bonnes pratiques, et de renforcer les liens au sein des communautés locales et régionales.

3.3.3. Ces Villes Créatives consacrées pour leur apport gastronomique

et culturel

Les métropoles sont en quête de nouveaux modèles urbains capables de répondre à leurs attentes. Elles doivent faire face à une concurrence accrue qui les pousse à se réinventer continuellement et à faire preuve de créativité. Selon Charles Landry, “les villes détiennent un potentiel de créativité qu’elles se doivent d’optimiser et sont un modèle de développement territorial, une sorte de label visant à attirer les investisseurs” .231

Le Réseau des Villes Créatives de l'UNESCO (RVCU) a été créé en 2004 pour promouvoir 232

la coopération avec et entre les villes ayant identifié la créativité comme un facteur stratégique du développement urbain durable. Les 116 villes qui forment actuellement ce réseau travaillent ensemble vers un objectif commun : placer la créativité et les industries culturelles au cœur de leur plan de développement au niveau local et coopérer activement au niveau international.

Les 18 villes créatives “gastronomie” de l’UNESCO sont liées par leurs gourmandises et le fait qu’elles sont considérées comme des berceaux de traditions culinaires importantes, que chacune d’elles travaille à conserver et à valoriser. On se prend à rêver de faire un tour du monde gastronomique ! Parmi elles, Gaziantep, capitale du goût avec son musée culinaire unique en Turquie et son Centre de Formation en Arts culinaires. Une richesse culinaire née d’un important tissu industriel et commercial sur la Route de la Soie et du croisement de différentes civilisations et cultures, que la ville souhaite préserver, faire vivre et promouvoir au niveau international.

A l’instar de la Ville de Tsuruoka au Japon, la cité de la gastronomie Paris-Rungis pourrait coopérer avec d’autres Villes créatives de gastronomie et des institutions nationales et internationales. Une initiative qui vise à la fois les touristes et les chercheurs universitaires par le biais de conférences internationales.

3.4. Un parcours permanent avec des ateliers et des