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2.2. Publics d’ici et d’ailleurs : une cité à vivre ensemble

2.2.2. Nourrir le lien social, une nécessité pour la démocratisation culturelle

Le magazine d’actualités Alternatives Economiques rappelle un point fondamental : “Le 141

ministère français des Affaires culturelles, quand il fut créé en 1959, s’est vu confier comme principale mission de "rendre accessibles au plus grand nombre les oeuvres capitales de l’humanité et d’abord de la France", plaçant ainsi la question des inégalités au coeur de la politique culturelle”. Le journal va plus loin en invitant les pouvoirs publics à “admettre que la diversification des publics de la culture passe nécessairement par des actions soigneusement ciblées et pleinement assumées comme telles, puisque chacun sait bien que chercher à "convertir" les personnes les moins portées vers l’art exige plus de temps, d’énergie et de pouvoir de conviction et, par conséquent, réclame plus de moyens”.

2.2.2.1. Politique culturelle de proximité

Etre citoyen de sa ville implique que chacun puisse se sentir intégré dans la vie culturelle. Il faut positionner le capital humain au cœur du développement et accompagner l’innovation territoriale et partenariale. Il s’agit :

- d’aller à la rencontre des habitants les moins favorisés et de tous ceux qui ne fréquentent pas les équipements culturels,

- d’inciter les publics éloignés-non initiés à fréquenter le centre d’interprétation ou à utiliser ses ressources numériques,

- de mener des actions ciblées sur les enfants, les jeunes-jeunes adultes, les familles, les seniors, les publics empêchés, en situation de handicap, les nouveaux arrivants, les collectivités, associations, entreprises, chercheurs et universitaires, etc,

- de se placer au service des habitants et des partenaires de territoires en pleine mutation (démographique, économique…),

- de s’adapter aux rythmes et aux enjeux des publics (accompagner les enseignants dans leurs missions, transmettre des savoirs aux élèves, enrichir leurs références culturelles)…

2.2.2.2. Mixité et diversification : les cultures alimentaires en partage

Dans certaines cultures, une journée alimentaire se compose tantôt de 2 ou de 10 repas par jour. En occident, nous ne mangeons ni chiens, ni chats, pourtant ces produits sont consommés par certaines populations dans le monde car ils y sont valorisés. Les lieux, les heures, les façons de préparer les aliments que nous mangeons sont déterminés par notre culture, notre histoire et l’environnement dans lequel elle s’est développée.

Un symbole du vivre ensemble

La cuisine populaire, qu’est-ce que c’est au fond ?

C’est le mélange des cuisines d’hier et d’aujourd’hui, et des cuisines issues de notre métissage culinaire, traditionnelles et familiales. Ce sont les cuisines de tous les jours, des repas de famille, des moments entre amis. Des cuisines qui se nourrissent de la diversité, de la rue, du monde et de l’imaginaire collectif. Qui se réinventent sans cesse à la maison, à la cantine ou au menu des restaurants. Nous sommes très loin des ténors des toques blanches proches des mastodontes de l’industrie agroalimentaire.

Pour l’Observatoire des Cuisines Populaires , “plus qu'une cuisine populaire, il faut parler 142

des cuisines populaires. Ces cuisines, aussi diverses que vivantes, se rejoignent dans la Loin du vase clos du business et de la finance, le magazine Alternatives Economiques s’intéresse à l’économie comme

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enjeu collectif et social. DONNAT, “La politique des publics, parent pauvre de la démocratisation de la culture”, Alternatives Economiques Hors-Série Pratique N°043, 01/03/2010, https://www.alternatives-economiques.fr/projet-dalternatives- economiques-070720168677.html

L’Observatoire des Cuisines Populaires a pour objectifs de découvrir et transmettre ce que sont les cuisines populaires

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recherche d'un vivre ensemble. Notre société contemporaine s’est diversifiée avec ses différences culturelles régionales et les apports des migrations successives.”

Davantage qu’un élitisme ou une excellence gastronomique, il faut miser sur la mise en partage des savoirs : de la culture à l’assiette, le langage des saveurs et des savoir-faire offre le terrain d’une rencontre permanente.

Exemples avec deux institutions qui ont choisi de “désacraliser” leur territoire : - une “élite française” qui veut chasser les a priori

En mai 2016, l’Ecole Normale Supérieure a accueilli des étudiants réfugiés dans le but de les insérer dans la société française . Du Soudan, d’Afghanistan, de Syrie, d’Irak, ces 143

étudiants invités forment des binômes avec ceux de l’école, pour leur permettre de reprendre le cours de leurs études. Les étudiants étrangers mettent en commun leur savoir, leur culture, leurs expériences. L’école descend de son piédestal.

- la Bibliothèque Nationale de France (BnF)

Dis comme ça, ça impressionne, ça peut même effrayer. L’imposante et froide architecture de ses quatre bâtiments et son hall d’entrée qui fait penser à un aéroport avec ses portiques de sécurité, y sont sans doute aussi pour quelque chose. La BnF l’a bien compris et s’en défend : “Les portes et les collections de la BnF sont ouvertes à tous !” peut-on lire sur la page d'accueil de son site Web. La Bibliothèque nationale de France se veut donc un lieu ancré dans sa vocation patrimoniale et ouvert sur le monde et ses questionnements. La cité de la gastronomie Paris-Rungis doit s’inscrire dans une démarche fédératrice, considérant qu’il s’agit d’un héritage commun à tous les Français. Cela d’autant plus que nos pratiques et rituels, culinaires et gastronomiques, se sont nourris et se nourrissent encore d’influences étrangères. Il ne s’agit donc pas, pour nous, de couronner l’élite de notre gastronomie française, mais de valoriser les pratiques populaires de nos terroirs. 2.2.2.3. Interculturalité et multiculturalité

En préambule, nous aimerions rappeler une règle fondamentale qui nous invite à considérer l’Autre comme soi-même : “Tu aimeras ton prochain comme toi-même” (Evangile de Jean, 15-12).

Qu’est-ce que l’interculturalité ? C’est l'organisation de relations entre les cultures, qui suppose des zones partagées par les différentes cultures et désigne des pratiques de mise en relation des cultures.

Le ministère de la culture et de la communication a initié il y a plusieurs années une politique d’aide à la recherche sur le thème “Cultures, villes et dynamiques sociales”. Un programme de recherches, “au croisement du social et de l’artistique, du mémoriel, du politique et de l’urbain”, a permis de “mesurer l’impact des évolutions sociétales sur les expressions et pratiques culturelles et d’amorcer une réflexion sur les questions de la diversité et de sa prise en compte dans les politiques culturelles” . 144

En 2008, année européenne du dialogue interculturel, un groupe de travail intitulé “Dialogue interculturel dans les institutions patrimoniales (musées, archives, bibliothèques)” a ouvert un large champ de réflexions. Parmi les chercheurs, François Faraut, conseiller à 145

l’ethnologie DRAC Ile-de-France, pour lequel “l’excellence culturelle, l’implantation d’industries culturelles et d’équipements phare, les interventions artistiques dans l’espace Programme Étudiant Invité est destiné à l'accueil des réfugiés et des migrants étudiants du supérieur au sein de l'Ecole

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Normale Supérieure. Source site Web : http://www.migrens.ens.fr/

Source site Web : http://www.culture.gouv.fr/Thematiques/Enseignement-superieur-et-Recherche/La-recherche/Archives/

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Seminaires-et-recherches-dans-le-cadre-du-GIS-Ipapic/Comptes-rendus-des-seminaires-preparatoires-a-la-creation-du-GIS- Ipapic-2008-2011/Dialogue-interculturel-dans-les-institutions-patrimoniales-musees-archives-bibliotheques

De la diversité culturelle au dialogue interculturel. Culture et recherche 114-115, 2007-2008. Source site Web : http://

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urbain constituent des éléments communs d’une stratégie de reconquête et de développement urbain. Les questions posées, qui touchent aux relations entre polarité culturelle et centralité urbaine, intéressent de ce fait aussi bien les acteurs culturels que ceux de la planification et de l’aménagement” . 146

Pour Jean-François Chaintreau, délégué au développement et aux affaires internationales du ministère de la culture et de la communication, “le dialogue des cultures doit participer à

l’émergence d’une culture commune, faite d’un équilibre entre des valeurs unanimement

partagées et une attention égale portée à chacune des cultures”.

Il explique la notion de dialogue interculturel : “ce n’est pas un échange, don contre don,

c’est un effort qui fait que l’on intègre de nouveaux concepts à la façon dont un traducteur essaie de dire avec ses mots propres les concepts de l’autre, un exercice

qui est en soi une progression intellectuelle, supérieure au fait d’apprendre la langue pour lire l’œuvre de l’autre”. Un formidable exercice d’interprétation, en somme !

Métissages et influences croisées : un lieu favorisant le dialogue interculturel

L’étude de Doris Bonnet et de Jean-Loup Amselle sur les branchements culturels montre qu’une culture se régénère au contact des autres . 147

Un bel exemple de mise en pratique interculturelle nous est donné par le Musée National de l’Histoire de l’Immigration à Paris, qui “étudie les différentes identités culturelles qui composent notre société, à travers des textes sur les différents champs de la société, l'école, la ville, les quartiers ou la culture”. Ses objectifs sont : “changer les représentations, connaître et reconnaître une mémoire commune, favoriser la citoyenneté et la transmission de l'histoire et de la mémoire, lutter contre les discriminations, promouvoir la diversité culturelle et valoriser un territoire”. Et à ce titre, le musée multiplie les projets de dialogue culturel (comme “Mémoire et interculturalité” qui a abouti sur le festival Mémoire), les 148

actions (comme “Un quartier, une histoire”), les fêtes de quartier (comme “Voyage autour du monde”).

Le cas de la Grande-Bretagne qui lutte contre l’exclusion et les inégalités

En 2001, le gouvernement britannique a investi les musées et les bibliothèques de la mission de devenir des agents de changement social. L’intégration sociale a fini par s’imposer comme un critère incontournable de financement culturel. Le gouvernement britannique conçoit l’éducation culturelle comme un moyen d’aborder le problème de l’inégalité, et cela parce que l’écart entre les riches et les pauvres au Royaume-Uni est actuellement le plus large en Europe (seulement 3% des visiteurs des musées sont 149

d’origine noire ou minoritaire ou provenant d’autres ethnies).

Pour Jean-Marc Lauret, chef du département de l’éducation, des formations, des enseignements et des métiers au ministère de la culture et de la communication, “la culture est constituée de représentations stéréotypées de l’autre. La possibilité que s’instaure un dialogue interculturel repose sur un pari : celui de prendre des distances avec ces représentations” . Au regard de tous ces éléments, le concept de centre d’interprétation 150

peut tout à fait contribuer au dialogue interculturel, le faire vivre, le faire aller au-delà de la simple tolérance de l’Autre.

Programme de recherches territorialisées Culture et territoires en Ile-de-France, initié dans le cadre du programme

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interministériel Cultures, villes et dynamiques sociales. Source site Web : http://culture-et-territoires.fr Bonnet et Amselle, Branchements. Anthropologie de l’universalité des cultures, Flammarion, 2001.

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Source site Web : http://www.histoire-immigration.fr/projets/memoire-et-interculturalite

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BNF, Actes du colloque Chemins d'accès : Les nouveaux visages de l'interculturalité (18/11/04) http://classes.bnf.fr/

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rendezvous/pdf/chemins-2.pdf

De la diversité culturelle au dialogue interculturel. Culture et recherche 114-115, 2007-2008. Source site Web : http://

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