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complexe : jeter les bases

2.5 Attribuer ` a partir des ´ etats instantan´ es de la conscience

2.5.1 Les pens´ ees

O`u il s’agit d’introduire et de consid´erer bri`evement la pens´ee, con¸cue comme un ´Etat Mental cognitif « imm´ediat », et donc non narratif. Comme telle, une pens´ee `a un moment donn´ee est associ´ee `a un aspect de la structure instantan´ee de la conscience, et h´erite les pro- pri´et´es de cet aspect. De mˆeme que le sujet pourrait ne pas tenir compte du fait d’avoir un aspect dans son ´etat de la conscience `a un moment, il peut ne pas tenir compte de certaines de ses pens´ees. Pour qu’il pense qu’il a une certaine pens´ee, il faut que le fait d’avoir cette pens´ee soit explicite dans sa conscience, il faut qu’elle soit fo- calis´ee.

Il s’agit dans cette section d’introduire l’´Etat Mental que l’on appelle pens´ee, et de le rapporter au cadre propos´e, c’est-`a-dire aux structures instantan´ees de la conscience. Les pens´ees sont des ´Etats Mentaux cognitifs « imm´ediats `a l’esprit ». Elles ont trait donc aux aspects de l’´etat instantan´e de la conscience `a un instant donn´e. En effet, on montre, par le moyen de quelques exemples, que, conforme `a la distinction entre les aspects focalis´es et les aspects non focalis´es de l’´etat instantan´e (§2.2.2), on peut distinguer entre des pens´ees selon que les aspects auxquelles elles ont trait sont focalis´ees ou non. Il est jusque-l`a question des pens´ees attribu´ees et con¸cues par un th´eoricien (fictif) qui observe la conscience du sujet (ou, comme on l’a dit dans §2.1.2, attribu´ees dans un point de vue `a la troisi`eme personne sur un point de vue `a la premi`ere personne) ; pour

finir ce paragraphe, on consid´erera bri`evement les attributions ´eventuelles par le sujet des pens´ees `a lui-mˆeme.

En tant qu’´Etat Mental « imm´ediat » (occurrent), une pens´ee individuelle a trait `a un instant seul. Pour comprendre cette pens´ee dans le cadre propos´e, il s’agit de la relier `a la structure instantan´ee de la conscience `a cet instant. En effet, une pens´ee pourrait ˆetre rattach´ee ou se r´ef´erer tantˆot `a un objet ou `a une configuration des objets de la structure instantan´ee, tantˆot `a une ou des relations de cette structure. Dans le premier cas, d’apr`es les consid´erations de §2.2.2, on peut dire que la pens´ee est focalis´ee, dans le dernier cas, elle est plutˆot non focalis´ee68. Pour illustrer, on peut reprendre l’exemple du lecteur qui regarde sa

biblioth`eque et constate que deux livres sont adjacents (§2.2.2) ; on lui attribue la pens´ee que les deux livres sont adjacents. Il y a, dans la structure instantan´ee de la conscience `a cet instant, trois objets – les deux livres et l’adjacence – reli´ees par une relation de « . . . et . . . entrent dans la relation de . . . » (§2.2.2) ; la pens´ee que les deux livres sont adjacents est « au front » de la conscience `a ce moment – elle est pleinement focalis´ee69.

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A l’oppos´e, il y a des pens´ees non focalis´ees (mais n´eanmoins pr´esentes) qui, plutˆot de se rapporter `a des objets, sont associ´ees `a des relations de la structure instantan´ee de la conscience. `A un instant o`u le sujet, ayant d´ecid´e de sortir, regarde vers sa fenˆetre (il pleut) et puis d´ecide de prendre un pa- rapluie, la structure instantan´ee de sa conscience comporte les deux objets il pleut, et prendre un parapluie, reli´es par une relation qui semble intuitivement ˆetre une sorte de cons´equence. Comme soulign´ee dans §2.4, on ne peut qu’at- tribuer des ´Etats Mentaux `a un agent que si l’on a interpr´et´e les aspects de ses structures instantan´ees. Lorsqu’on en vient `a interpr´eter cette relation entre l’observation de la pluie (l’objet il pleut) et la d´ecision de prendre un parapluie (l’objet prendre un parapluie70), on la ram`ene `a un certain nombre de faits et

de pr´ef´erences, dont par exemple le fait qu’un parapluie prot`ege de la pluie, ou une pr´ef´erence de ne pas se mouiller. En d’autres termes, on associe `a cette relation, et par cons´equent `a ce moment, la pens´ee que le parapluie prot`ege de

68Pour des remarques sur la notion de focalisation, et de son rapport `a la tradition, voir

§§2.2.2 et 2.3.1.

69Comme on l’a discut´e dans §2.4, il est ´egalement possible d’interpr´eter un des objets de la

structure par l’´enonc´e les livres sont adjacents. Les diff´erences entre les deux interpr´etations ne sont pas profondes, mais elles touchent `a l’expression de l’aspect auquel r´ef`ere la pens´ee : dans l’interpr´etation dans le texte, la pens´ee semblent se rattacher `a la configuration des trois objets, alors que dans l’interpr´etation de §2.4, elle paraˆıt avoir trait juste `a l’objet les livres sont adjacents. On fait l’´economie de ses minuties ici.

70Dans cette conscience-l`a, cet objet peut ˆetre caract´eris´e comme une intention. On ne

la pluie. Ceci est un exemple d’une pens´ee qui est attribu´ee `a la conscience `a un instant particulier, mais qui ne correspond pas facilement `a un objet ou mˆeme compl`etement `a une relation. La pens´ee est plutˆot « rec´el´ee » dans la relation entre l’observation et la d´ecision ; elle est donc non focalis´ee. En outre, ceci est un exemple qui a le m´erite suppl´ementaire de mettre en ´evidence la d´ependance de l’attribution d’une pens´ee, et d’ailleurs des ´Etats Mentaux en g´en´eral, `a l’´egard de l’interpr´etation des objets et des relations de la structure instantan´ee de la conscience. D’une mani`ere g´en´erale, le plus complexe l’interpr´etation d’un aspect (la relation entre observation et d´ecision ou pr´ediction), les plus com- plexes et d´etaill´ees les pens´ees qui sont attribu´ees `a cet instant (dans cette interpr´etation).

Par ailleurs, il importe de souligner qu’il ne s’agit ici que des pens´ees, qui sont attribu´ees sur la base des instants individuels, et donc qui font r´ef´erence `a des structures instantan´ees individuelles, et nullement des croyances, qui r´ef`erent `a plusieurs moments et donc `a plusieurs structures instantan´ees. Donc, si l’on sait interpr´eter la relation comme ayant trait au fait que le parapluie prot`ege de la pluie, et donc attribuer au sujet la pens´ee que le parapluie prot`ege de la pluie `a ce moment, on ne saurait toujours pas lui attribuer la croyance que le parapluie prot`ege de la pluie sur la base de cette structure, avec cette interpr´etation, `a ce moment. Bien entendu, cette relation pourrait ˆetre associ´ee `a une croyance, telle une croyance qui est en jeu lorsque le sujet d´ecide de prendre son parapluie ; pourtant, pour parvenir `a cette conclusion, il faut examiner d’autres structures instantan´ees `a d’autres moments, pour voir par exemple s’il prend vraiment le parapluie, s’il agit de la mˆeme fa¸con dans d’autres situations semblables, et ainsi de suite. On s’attardera sur ces questions dans §2.5.3, o`u l’analyse pr´ec´edente et le concept de pens´ee s’av´ereront utiles pour comprendre les croyances.

Jusqu’`a pr´esent, les aspects de la structure instantan´ee de la conscience dis- cut´es sont ce qu’un observateur (tels les th´eoriciens fictifs de §2.1.2) rep´ererait comme les pens´ees du sujet. Il n’est pas n´ecessaire que le sujet lui-mˆeme « soit conscient » de ces pens´ees : il pourrait bien avoir `a un moment la pens´ee fo- calis´ee que les livres sont adjacents sans penser qu’il le pense. On termine ce paragraphe avec quelques remarques sur les cas o`u il tient compte de sa propre pens´ee, en l’occurrence du fait qu’il pense que les livres sont adjacents. Ce genre de cas peut ˆetre trait´e avec les concepts introduits pr´ec´edemment (§2.2.2) : en effet, dans ce genre de cas, le fait d’avoir cette pens´ee est focalis´e. Puisqu’une pens´ee focalis´ee correspond `a un objet de la structure instantan´ee, il doit y avoir non seulement un objet qui « correspond » au fait que les deux livres soient adjacents, mais de plus quelque aspect structurel qui « caract´erise » le

fait de reconnaˆıtre ceci comme une pens´ee71. Pour prendre juste une possibi-

lit´e72, il peut y avoir un objet mes pens´ees, reli´e `a d’autres objets qu’il « se

reconnaˆıt penser ». Cet objet pourrait apparemment ˆetre en relation aussi bien avec des objets interpr´et´es comme ´enonc´es, tels les livres sont adjacents qu’avec des objets autrement interpr´et´es, tel un livre : dans le premier cas, il pense qu’il pense que les livres sont adjacents, dans le dernier cas, il pense qu’il pense au livre73.

Ces consid´erations suffisent pour donner une id´ee des aspects de la struc- ture instantan´ee de la conscience auxquels les pens´ees se rapportent, ou, si l’on pr´ef`ere, des aspects de la structure qui « sont » les pens´ees. La question des sentiments est cependant plus complexe, dans la mesure o`u il n’est pas appa- remment possible de rep´erer un objet particulier, une relation particuli`ere ou une configuration particuli`ere d’objets qui peuvent ˆetre rapproch´ees des sentiments.