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Objets et relations : le focalis´ e et le non focalis´ e

complexe : jeter les bases

2.2 Aspects de l’´ etat instantan´ e de la conscience

2.2.2 Objets et relations : le focalis´ e et le non focalis´ e

O`u l’on reconnaˆıt la diff´erence entre les objets et les relations d’une structure instantan´ee de la conscience comme celle entre les aspects qui sont focalis´es dans la conscience `a ce moment et ceux qui, quoique dans la conscience, y sont non focalis´es.

`

A un moment, le sujet regarde sa biblioth`eque, comptant ses livres. Dans la structure de la conscience `a ce moment, il y a ce livre-ci, ce livre-l`a, et ainsi

22De Faulkner, ou, autre exemple, Un drame bien parisien d’Allais, dont Eco affirme qu’il

« a ´et´e ´ecrit pour ˆetre lu deux fois (au moins) : la premi`ere lecture pr´esuppose un Lecteur Na¨ıf, la seconde un Lecteur Critique qui interpr`ete l’´echec de l’entreprise du premier. » (Eco, 1985, p255)

de suite ; ils sont des objets de la structure instantan´ee de la conscience `a ce moment. Ce sont ces livres qui, dans un certain sens, « int´eressent » le sujet. Pour le reste, il y a des relations entre les livres (objets), telles les relations spatiales – ce livre est `a cˆot´e de cet autre. Dans un certain sens, ces rapports n’int´eressent pas le sujet. Toutefois, elles sont importantes pour ce qui l’int´eresse, car il ne pourrait pas compter ses livres s’il ne pouvait pas distinguer entre eux grˆace `a ces relations spatiales. `A un moment (pour prendre un autre exemple), le sujet a affaire `a une rencontre entre deux individus qui se saluent de fa¸con conviviale et famili`ere, pour commencer `a discuter leurs familles ou les derniers ´ev´enements de leurs vies. Les deux individus sont pr´esents comme objets dans les structures instantan´ees de la conscience `a ces moments : ils sont « en avant » ou « dans le focus » de « l’attention » ou de « l’int´erˆet » du sujet. Pour le reste, il y a dans ces structures instantan´ees de la conscience `a ces moments une relation (la familiarit´e, la connaissance) entre ces deux individus, relation qui n’est pas, quant `a elle, « en avant » dans « l’attention » ou dans « l’int´erˆet » du sujet. N´eanmoins, comme dans l’exemple pr´ec´edent, cette relation est importante dans la mesure o`u elle permet (ou explique, ou laisse comprendre) les comportements des individus.

La conclusion que l’on tire de ces exemples concerne le statut des objets et le statut des relations d’une structure instantan´ee de la conscience. Les objets d’une structure instantan´ee de la conscience sont les aspects qui sont « en avant » ou « au point » dans l’´etat instantan´e de la conscience `a cet instant ; on dit qu’ils sont des aspects focalis´es dans cet ´etat instantan´e. En revanche, les relations sont les aspects qui sont, quoique ´eventuellement importants, « au fond » ou pas « au point » dans l’´etat instantan´e `a cet instant ; on dit que ces aspects sont non focalis´es.

On comprend mieux cette diff´erence de statut en comparant les structures d´ecrites ci-dessus avec des structures instantan´ees o`u les aspects non focalis´es auparavant sont maintenant focalis´es, o`u, pour ainsi dire, le sujet s’y int´eresse. Il s’agit d’un moment o`u l’admirateur de sa propre biblioth`eque en vient `a porter attention au fait que deux livres sont `a cˆot´e l’un de l’autre. La structure instantan´ee de la conscience `a ce moment comporte toujours les deux livres, en tant qu’objets, et la relation « ˆetre `a cˆot´e de » entre eux. Mais quelle est la diff´erence entre cette structure instantan´ee de la conscience et la pr´ec´edente, lorsque le sujet ne portait pas attention `a la situation spatiale respective des deux livres ? C’est que cette relation spatiale est venue prendre une « place distincte » dans la structure instantan´ee de la conscience, analogue `a la « place

distincte » d’un des livres lorsqu’il pense pr´ecis´ement `a ce livre. D’apr`es les d´efinitions de §2.1.3, on a un terme pr´ecis pour cette « place distincte » : il y a dans la structure instantan´ee `a cet instant non seulement la relation d’ˆetre `a cˆot´e l’un de l’autre mais ´egalement un objet qui y « correspond ». Rappelons, de §2.1.3, qu’alors que l’on est tent´e de dire que cet objet « est » cette relation, le sens de cette « identit´e » pourrait s’av´erer difficile et impr´ecis, si bien que l’expression plus prudente de « correspondance » paraˆıt plus convenable. Pour distinguer entre la relation et l’objet, on utilisera les guillemets pour la premi`ere (« ˆetre `a cˆot´e de ») et le nom, en italiques, pour le dernier (l’adjacence). L’objet (l’adjacence) qui « correspond » `a la relation « ˆetre `a cˆot´e de » est reli´e aux deux autres objets (les livres) par une relation comprise intuitivement comme « entrent dans la relation » : les deux livres entrent dans la relation d’adjacence. Formellement : soit A(, ) la relation « . . . est `a cˆot´e de . . . », l1un des livres

(objets), l2 l’autre. Dans la structure instantan´ee de la conscience du premier

exemple – o`u le caract`ere adjacent des livres n’est pas focalis´e – la relation A s’applique aux objets l1et l2: A(l1, l2). Dans le deuxi`eme exemple, o`u l’attention

est prˆet´ee `a la relation entre les objets, il y a un troisi`eme objet, a (l’adjacence), qui « correspond » `a la relation « . . . est `a cˆot´e de . . . », et une autre relation R, « . . . et . . . entrent dans la relation . . . », telle que R(l1, l2, a).

En diagramme :

Premier exemple Deuxi`eme exemple

Livre `a cot´e de Livre Livre `a cot´e de dans la relation Q Q Q Q Q Q Q Q Q Q Q Q Q Q Q Q Adjacence mmmm mmmm mmmm mmmm Livre

L’esprit de la distinction en jeu ici est familier. Il convient de l’´eclairer en s’appuyant sur des analogies avec d’autres distinctions h´erit´ees de la tradition. Mˆeme si chacune de ces analogies est imparfaite, il ne s’agit pas de la discuter en d´etail pour cerner les diff´erences et les ressemblances, car, en fin de compte, le but est de faire allusion `a l’id´ee g´en´erale dont il s’agit ici, qui est commune, dans une mani`ere ou dans une autre, `a toutes les distinctions discut´ees ci-dessous.

Prenons d’abord une analogie avec la logique, laquelle met en rapport d’un cˆot´e les objets et les noms23, et de l’autre cˆot´e les relations et les pr´edicats24,25.

Selon cette analogie, les livres l1 et l2 correspondent aux noms, la relation A

correspond `a un pr´edicat ; le langage muni de ces noms et ce pr´edicat corres- pond au premier exemple (ou le sujet ne prˆete pas l’attention `a la relation « `a cˆot´e de »). On peut dire dans ce langage que les deux livres sont `a cˆot´e l’un de l’autre – A(l1, l2) – mais on ne peut pas parler (dans ce langage) directement

de la relation « ˆetre `a cˆot´e » (A) – on ne peut pas dire par exemple que c’est cette relation qui subsiste entre ces deux objets l1 et l2. Car, alors qu’un nom

pourrait « tomber sous » un pr´edicat (l1et l2 sous A), un pr´edicat ne peut pas

« tomber sous » un autre pr´edicat, `a moins que ce soit un pr´edicat dit « d’ordre sup´erieur »26. Et on manque aussi bien un pr´edicat d’ordre sup´erieur qu’un nom

pour le pr´edicat A (« `a cˆot´e de »). Le second exemple – o`u il y a un objet a (l’adjacence) qui « correspond » `a la relation « `a cˆot´e de » – diff`ere exactement dans ce sens. Selon l’analogie, il s’agit d’un langage ´etendu, muni d’un nom pour la relation « `a cˆot´e de », auquel correspond l’objet a (l’adjacence), et un pr´edicat auquel correspond la relation R (« entrent dans la relation »). Dans ce langage, on peut dire que les deux livres entrent dans la relation d’adjacence : R(l1, l2, a). Plus g´en´eralement, on peut parler explicitement de la relation « `a

cˆot´e de » puisqu’elle a un nom dans le langage. Avec un nom, on peut « par- ler explicitement » de ce `a quoi il r´ef`ere ; de la mˆeme fa¸con, lorsqu’il y a un objet dans la structure instantan´ee de la conscience, le sujet en « pense expli- citement ». En revanche, avec un pr´edicat, on peut « l’employer » sans « parler explicitement » de la relation ou de la propri´et´e `a laquelle il r´ef`ere ; de mˆeme, une relation dans une structure instantan´ee est « pr´esente » ou « employ´ee » ou « effective » sans que l’on « en pense explicitement » ou que l’on « y prˆete explicitement l’attention ».

On pourrait exprimer ce mˆeme point dans le langage suggestif du Tractatus. Dans son optique, « la proposition ´el´ementaire [est une] fonction de noms sous la

23On suit la suggestion de Quine (1960, p180), selon lequel « les termes singuliers, autres

que les variables, qui sont trait´es comme simples dans ce sens peuvent de fa¸con suggestive ˆetre appel´es des noms. » Cette terminologie est certainement plus « suggestive » que la terminologie formelle : « constantes ».

24Afin d’´ecarter des confusions terminologiques possibles, on emploie le terme « pr´edicat »

plutˆot que « relation » pour parler de l’´equivalent logique des relations sous cette analogie.

25Pour parler en termes freg´eens, il s’agit d’une analogie entre les objets et les objets freg´eens,

et entre les relations et les concepts freg´eens (si l’on met `a cˆot´e la question des concepts d’ordre sup´erieur) ; voir Frege (1892).

26Comme le dit Frege, op cit., p201 : « Les concepts du second ordre, qui s’appliquent aux

concepts, diff`erent de mani`ere essentielle des concepts du premier ordre, qui s’appliquent aux objets. »

forme : ‘f x’, ‘φ(x, y)’, etc. »27, d’o`u, on pourrait employer la mˆeme analogie en

rapprochant les objets (l1, l2, a) des noms (wittgensteiniens) et les relations (A,

R) des fonctions (wittgensteiniennes). Or, avec des noms, on peut repr´esenter ou nommer des objets, on peut « parler d’eux »28. Il ne semble pas (au moins dans

le cadre du Tractatus) que les fonctions r´ef`erent, ou que l’on puisse « parler de » ce `a quoi elles r´ef´ereraient. Au mieux, on peut dire, avec la proposition qui est la fonction appliqu´ee aux noms appropri´es, comment les choses sont (wie ein Ding ist) relativement aux objets auxquels r´ef`erent ces noms29. Par exemple, avec

la proposition A(l1, l2), on dit comment les choses sont relativement aux deux

livres (ils sont `a cˆot´e l’un de l’autre). Donc, sans un objet, ou, conform´ement `a l’analogie en vigueur, sans un nom qui « correspond `a » ou « nomme » la relation « `a cˆot´e de », on ne peut pas dire des choses au sujet de cette relation, on ne peut pas parler de elle. Dans ce sens, la relation est « inexprimable ». Or, selon Wittgenstein, « il y a assur´ement de l’inexprimable. Celui-ci se montre. »30Ainsi,

si l’on ne peut pas dire des choses au sujet de la relation, on peut n´eanmoins montrer des choses `a son ´egard, ou, pour d´eformer un peu le langage, on peut montrer de elle. Bref, de l’objet, on rapproche le dit ; de la relation, qui est l`a mais ne peut pas ˆetre dite, on rapproche le montr´e.

Voici quelques autres distinctions auxquelles une r´ef´erence pourrait faciliter la compr´ehension de la teneur de la distinction entre objet et relation. La dis- tinction que tire Dennett entre l’explicite et le tacite, inspir´ee de la distinction ryl´eenne entre savoir (know that) et le savoir-faire (know how ) : « le savoir- faire [que Dennett appelle tacite] doit ˆetre int´egr´e dans le syst`eme dans une mani`ere qui ne requiert pas qu’il soit repr´esent´e (de mani`ere explicite) dans le syst`eme »31. L’objet dans la structure instantan´ee de la conscience est explicite,

la relation (sans objet qui y « correspond ») est « int´egr´ee » dans la structure sans ˆetre objet : elle se rapproche du tacite. Apparent´e `a l’id´ee de la distinction entre explicite et non explicite, il pourrait convenir de mentionner l’opposition entre manifeste et non manifeste : l’objet est manifeste dans la structure ins- tantan´ee de la conscience, alors que la relation, bien qu’active, ne l’est pas ; de plus, pour la rendre manifeste, il faut recourir `a une autre structure avec un objet (manifeste) qui lui « correspond ».

Pour terminer, il est besoin de faire quelques remarques au sujet d’un rap- prochement s´eduisant avec la distinction que souligne Husserl entre le « ce vers

27Wittgenstein (1922, §4.24). 28Op cit., §3.221.

29Ibid.

30Op cit., §6.522.

31Dennett (1987, p218) (accent ajout´e). La r´ef´erence `a Ryle est (2000, Ch. II). On remarque

lequel la conscience est tourn´ee », lequel est « per¸cu « attentivement » ou not´e accessoirement », et le « champ d’intuition » qui forme « l’arri`ere-plan »32. Dans

le cas de la structure instantan´ee de la conscience qui comporte un objet qui « correspond » `a une relation « `a cˆot´e de », il semblerait que le sujet soit « tourn´e vers » ou soit « attentif au » fait que les livres sont adjacents. Pourtant, il faut se m´efier d’un rabattement pr´ecipit´e et rude du couple objet / relation sur le couple premier plan / arri`ere-plan. Comme on verra dans §2.3.1, la collection d’objets d’une structure instantan´ee de la conscience ne peut pas ˆetre identifi´ee `a la collection d’´el´ements du « premier plan » de la conscience `a cet instant, et la collection de relations ne peut pas ˆetre identifi´ee `a la collection d’´el´ements de l’arri`ere-plan. Le rapport entre les deux couples est plus complexe.

Du reste, il serait imprudent d’identifier l’opposition entre objet et rela- tion `a n’importe quelle opposition emprunt´ee `a la tradition. Car, tout simple- ment, d’autres th´eories s’enfoncent dans leurs int´erˆets, leurs probl´ematiques, leurs pr´esuppos´es et leurs pr´ejug´es propres, de sorte que tout rapprochement ri- goureux exige un grand nombre de r´eserves sp´ecifiques, et un grand travail pour en faire la liste. En outre, pour autant que les cadres philosophiques ´evoqu´es puissent s’appliquer `a l’´etat instantan´e de la conscience, ils risquent de transgres- ser la maxime de fid´elit´e qui motive la conception « neutre » de structure, objet et relation. Husserl par exemple prend position par rapport `a la « m´er´eologie de la conscience », c’est-`a-dire par rapport `a la constitution et la composition des « actes » de la conscience et par cons´equent sur les objets dans la conscience (au sens de « dans » pr´ecis´e dans §2.1.1)33. Pour prendre un autre exemple, on

pourrait lire dans des propos de Wittgenstein au sujet du langage, interpr´et´ees comme s’appliquant `a la conscience, des affirmations que la structure instan- tan´ee de la conscience a une certaine structure linguistique voire logique34. Or,

une structure m´er´eologique n’est autre qu’une structure, dans le sens faible ex- plicit´e dans §2.1.3, qui satisfait `a certaines conditions suppl´ementaires, et une structure logique n’est autre qu’une structure, au sens faible employ´e ici, qui sa- tisfait `a d’autres conditions suppl´ementaires35. Dans la mesure o`u elles posent

des structures plus fortes que celles qui sont employ´ees dans ce travail, les pro- positions telles celles de Husserl ou de Wittgenstein doivent ˆetre trait´ees comme des th`eses (contrairement `a leurs intentions). Il se pourrait bien que ces th`eses

32Husserl (1913a, p62).

33Husserl (1913b, IVeet VeRecherches).

34Op cit., §5.6 : « Les limites de mon langage signifient les limites de mon propre monde. » 35Pour quelques conditions m´er´eologiques, voir Husserl, op cit. IVe Recherche, ou Simons

(1987). Pour les conditions logiques, voir Wittgenstein op cit. ou n’importe quel manuel de logique.

soient vraies, pourtant il ne reste pas moins qu’elles sont des th`eses. Puisqu’il s’agit ici seulement d’´etablir une mani`ere de repr´esenter l’´etat instantan´e de la conscience qui satisfait autant que possible `a la maxime de fid´elit´e (§2.1.2), on ne pourrait pas admettre ces th`eses `a ce stade de l’enquˆete sur la conscience. La neutralit´e du cadre de ce travail, des notions de structure, d’objet et de re- lation, et par cons´equent la neutralit´e de la distinction qu’il s’agit de tirer ici entre objet et relation : voil`a la diff´erence la plus significative et la plus cruciale entre la distinction vis´ee ici est celles qu’on a ´evoqu´ees ci-dessus.

2.2.3

R´esum´e : le triplet focalis´e / non focalis´e / absent

O`u l’on r´esume le propos des deux paragraphes pr´ec´edents dans le triplet de statuts qu’un aspect pourrait avoir relativement `a un ´etat instantan´e de la conscience. Il pourrait ˆetre tantˆot pr´esent et foca- lis´e, tantˆot pr´esent et non focalis´e, tantˆot absent. `A la diff´erence de certaines distinctions que l’on trouve dans la tradition, ce triplet ne repr´esente pas une gradation lin´eaire de modes de pr´esence dans la conscience.

Sous les r´eserves relatives `a la difficult´e d’identifier les objets (et d’ailleurs les relations) entre diff´erentes structures instantan´ees de la conscience, soulign´ees dans §2.2.1, aussi bien que d’autres complexit´es de l’expression mises en ´evidence dans §2.1.3, on pourrait r´esumer les conclusions de la pr´esente section dans une expression relˆach´ee mais n´eanmoins suggestive, de mani`ere suivante. Il y a trois mani`eres pour « quelque chose » d’ˆetre « dans » l’´etat instantan´e de la conscience `

a un instant. Premi`erement, il peut ne pas y ˆetre du tout : il peut ˆetre absent de la conscience `a cet instant. C’est une cons´equence de la localit´e mise en ´evidence dans §2.2.1. Deuxi`emement, il peut ˆetre pr´esent d’une mani`ere « explicite » ou « remarqu´ee » ou « en relief » : il pourrait ˆetre focalis´e. Troisi`emement, il peut ˆetre dans l’´etat instantan´e de la conscience `a ce moment, mais « au fond » ou de mani`ere « non remarqu´ee » ou « non explicite » : il peut ˆetre non focalis´e. C’est la conclusion de §2.2.2 : les objets de la structure instantan´ee de la conscience `

a cet instant sont focalis´es, les relations sont non focalis´ees.

Cette distinction rappelle une triple structure de pr´esence dans la conscience que l’on trouve, si ce n’est qu’implicitement, chez les psychologues ou les phi- losophes qui ont trait´es de l’attention ou de la conscience. On a d´ej`a remarqu´e que James et Husserl reconnaissent qu’aussi bien que les aspects « au centre d’attention » ou « explicites » ou « vers lesquels la conscience est tourn´ee »,

il y en a d’autres qui sont « en marge » ou « `a l’arri`ere-plan »36. Mais, `a un

instant donn´e, ils admettent ´egalement des aspects ou des objets qui ´etaient « dans » l’´etat instantan´e de la conscience `a un autre instant, mais qui n’y sont pas pr´esents `a l’instant en question, tels des souvenirs non re-pr´esent´es `a cet ins- tant. C’est-`a-dire, il y a une distinction entre ce qui est absent, ce qui est « au centre de l’attention », et ce qui est en « marge ». Pour reprendre un exemple d’un psychologue, on a d´ej`a mentionn´e la distinction de Cowan entre le focus attentionnel et l’ensemble de « nœuds mentaux » qui ont un niveau d’activation non nul37. Mais il y a un troisi`eme terme : les « nœuds mentaux » qui ont un

niveau d’activation nul, qui sont les aspects de la m´emoire de l’individu qui ne sont mˆeme pas en jeu `a l’instant actuel. Le triplet focus attentionnel, nœuds d’activation non nulle hors le focus attentionnel et nœuds d’activation nulle rappelle certainement le triplet focalis´e, non focalis´e, absent.

Toutefois, il y a une diff´erence capitale entre le triplet propos´e ici est ceux que l’on a rep´er´es dans la tradition. `A savoir, alors que les triplets de la tra- dition admettent ou supposent une gradation dont les trois termes du triplet sont des moments successifs, il n’y a pas de telle gradation dans le triplet fo- calis´e, non focalis´e, absent. Chez Husserl ou James, il y a apparemment une « graduation d’attention » ou « d’appartenance `a la conscience », venant de l’absence, `a travers une pr´esence « en marge » ou « en arri`ere-plan », `a une pr´esence « au centre » ou « explicite » ; chez Cowan, la graduation de niveaux d’activation instaure une gradation qui vient de l’activation nulle, `a travers les niveaux d’activation non nuls mais petits, qui sont le plus souvent absents du