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La localit´ e de la structure instantan´ ee de la conscience

complexe : jeter les bases

2.2 Aspects de l’´ etat instantan´ e de la conscience

2.2.1 La localit´ e de la structure instantan´ ee de la conscience

O`u l’on met en ´evidence la localit´e de l’´etat de la conscience : le fait qu’il y a des faits, des images, des aspects, des ´ev´enements qui ne sont pas dans l’´etat de la conscience `a un instant alors qu’ils y sont pr´esent `a un autre instant. Il est cependant une question complexe

de formuler correctement et rigoureusement cette propri´et´e, car la totalit´e de la structure instantan´ee par rapport `a elle-mˆeme – le fait qu’elle n’est autre que ses objets et ses relations – empˆeche de parler des objets ou des relations qui n’appartiennent pas `a cette structure. Cette totalit´e souligne le besoin d’une notion de correspondance entre des objets et des relations des structures instantan´ees diff´erentes, et la difficult´e de cette notion. Une fois suppos´ee une correspondance entre structures, leur localit´e peut ˆetre exprim´ee comme le fait d’y avoir, entre deux structures instantan´ees `a deux instants diff´erents, des objets de l’une qui ne correspondent `a aucun objet de l’autre.

Une premi`ere caract´eristique ´evidente de l’´etat instantan´e de la conscience `

a un instant a trait `a son rapport aux ´etats instantan´es de la conscience `a d’autres instants. Intuitivement, on sait tr`es bien qu’il pourrait y avoir faits, images, ph´enom`enes, ´ev´enements et ainsi de suite, qui sont pr´esents dans l’´etat instantan´e de la conscience `a un moment, mais non pas dans l’´etat instantan´e de la conscience `a un autre moment17. `A un moment pendant la lecture, il est

probable que le fait qu’un vieil ami a des yeux bleus ne soit pas pr´esent dans ou n’appartienne pas `a l’´etat instantan´e de la conscience, alors qu’il appartient `

a l’´etat instantan´e de la conscience `a un autre moment. Peut-ˆetre le fait que les personnages fictionnels n’existent pas, ou qu’une affirmation du texte est r´eellement fausse, ne sont-ils pas pr´esents `a ou n’appartiennent-ils pas `a l’´etat instantan´e de la conscience `a tel instant pendant la lecture, alors qu’ils appar- tiennent `a l’´etat de la conscience `a d’autres moments.

Ce fait, si banal soit-il, est d’importance capitale. On dit que l’´etat instan- tan´e de la conscience est local . Car, par rapport `a une sorte de « collection » de tous les faits, aspects, ´ev´enements et ainsi de suite qui appartiennent `a l’´etat instantan´e de la conscience `a un instant quelconque, les objets dans l’´etat ins- tantan´e `a un instant particulier n’occupent qu’une petite partie18.

Ce qui est intuitivement vrai pour les faits, ´ev´enements, images, aspects et ph´enom`enes dans les ´etats instantan´es de la conscience s’applique ´egalement aux objets et aux relations dans les structures de ces ´etats, `a quelques r´eserves pr`es. Certes, intuitivement, pour une paire d’instants distincts, il y a souvent (sinon toujours) des objets de la structure de l’´etat instantan´e de la conscience `a un des instants qui ne sont pas des objets de la structure de l’´etat instantan´e de

17le sens « internaliste » de ce « dans » est pr´ecis´e dans §2.1.1.

18Naturellement, la mise en jeu d’une telle « collection », et l’emploi du terme local, est

heuristique et intuitive plutˆot que s´erieuse : on ne prend pas partie sur la question de la possibilit´e ou la f´econdit´e de penser en termes d’une telle « collection ».

la conscience `a l’autre instant ; idem pour les relations. En ceci, il y a localit´e : relative `a une sorte de « collection » de tous les objets de toutes les structures de l’´etat instantan´e de la conscience `a tous les instants, les objets de la structure instantan´ee de la conscience `a un instant particulier ne recouvrent qu’une petite partie19.

Toutefois, bien que intuitivement exact, il est plus complexe d’exprimer cor- rectement cette localit´e des structures instantan´ees de la conscience. Car, selon la d´efinition de structure (§2.1.3), la structure n’est autre que ses objets et ses relations, de sorte que, comme on l’a d´ej`a soulign´e, il est stricto sensu un non sens de dire qu’il y a un objet qui n’appartient pas `a la structure. La struc- ture, et a fortiori la structure de l’´etat instantan´e de la conscience, est une totalit´e par rapport `a elle-mˆeme. N´eanmoins, comme on l’a expliqu´e plus haut, on peut comprendre un ´enonc´e au sujet d’autres objets comme un ´enonc´e au sujet d’une autre structure comportant non seulement les objets et les relations de la structure originelle mais des objets suppl´ementaires. Ces deux structures sont diff´erentes, mais on con¸coit naturellement une certaine « relation » entre elles qui met les objets de la structure originelle en relation avec les objets de l’autre structure qui y correspondent (et pareillement pour les relations). Lorsque l’on dit qu’un objet n’appartient pas `a la structure originelle, on veut dire (pr´ecis´ement) qu’un objet de cette autre structure n’est mis en relation avec aucun objet de la structure originelle par cette « relation naturelle » entre elles. Ce faisant, on se met dans une perspective plus grande – relative `a laquelle la structure originelle n’est plus une totalit´e – o`u l’on aper¸coit intuitivement les objets et les relations des deux structures et les « correspondances intuitives » entre eux20.

La totalit´e de la structure, et notamment de la structure de la conscience, par rapport `a elle-mˆeme a donc pour effet de souligner la difficult´e de mettre en rela- tion des structures diff´erentes, c’est-`a-dire la difficult´e de la « correspondance », ou comme on dit souvent, l’« identification »21 entre des structures diff´erentes,

et notamment entre les structures de la conscience `a des instants diff´erents. En effet, la question de la « mise en correspondance » ou de « l’identification » des

19Rappelons de §2.1.3 que « la structure instantan´ee de la conscience » est un abr´eg´e pour

« la structure de l’´etat instantan´e de la conscience ».

20Techniquement, on a affaire `a une structure « ´elargie », dont les objets et les relations

« correspondent intuitivement » aux objets et aux relations des deux structures originelles, o`u il y a des relations entre ces objets qui « identifient » certains objets de l’une des structures originelles avec certains objets de l’autre, et pareillement, grosso modo, pour les relations.

21Comme dans le cas de « correspondance » entre objets et relations d’une structure, discut´e

dans §2.1.3, on emploie souvent, par souci de limpidit´e, le terme « correspondance » plutˆot qu’« identit´e ».

objets (percepts, ph´enom`enes, faits, ´ev´enements etc.) appartenant aux struc- tures instantan´ees de la conscience `a des instants diff´erents est particuli`erement ´epineuse, surtout lorsque les instants en jeu sont ´eloign´es dans le temps. Pour l’enfant qui voit Notre Dame pour la premi`ere fois, il y a dans l’´etat instantan´e de sa conscience un objet qu’on « identifierait » `a Notre Dame, pourtant il y aura ´egalement un objet qu’on appellerait Notre Dame dans l’´etat de la conscience de la mˆeme personne en adulte, revoyant Notre Dame des ann´ees plus tard : en quel sens sont-ils les mˆemes ces deux objets, que l’on « identifie » ordinai- rement sous le nom de Notre Dame ? En quel sens les ´ev´enements de Le Bruit et la fureur sont-ils les mˆemes dans la conscience du lecteur entre la premi`ere et la seconde lecture ?22 Cependant, la localit´e de la structure de la conscience

ne peut ˆetre exprimer qu’apr`es avoir adopt´e une telle correspondance entre les structures de l’´etat instantan´e de la conscience `a des instants diff´erents : il s’agit du fait que, entre deux structures `a deux instants diff´erents, il y a des objets de l’une qui ne correspondent `a aucun objet de l’autre.

On reviendra sur la difficult´e en « mettant en correspondance » ou en « iden- tifiant » les objets, et d’ailleurs les relations, des structures instantan´ees de la conscience dans §2.4. Pour le moment, il convient de parler des objets des structures instantan´ees de la conscience, et donc des ´etats instantan´es de la conscience, avec les termes « ordinaires », en supposant qu’on les a d´ej`a mis en correspondance, aussi bien entre les structures diff´erentes qu’avec nos propres notions en tant que th´eoriciens et observateurs. Donc, on parle de l’objet Notre Dame dans la structure instantan´ee de la conscience `a l’instant o`u le sujet re- garde Notre Dame, en supposant l’identification de cet objet « comme » Notre Dame et l’identification de cet objet avec d’autres objets Notre Dame dans d’autres structures instantan´ees de la conscience.