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Difficult´ es pour la th´ eorie des ´ Etats Mentaux sp´ ecifiques ` a la fiction

Attitudes ` a l’´ egard de la fiction

1.4 Approches « conceptuelles » : ´ Etats Men taux sp´ ecifiques ` a la fiction

1.4.1 Difficult´ es pour la th´ eorie des ´ Etats Mentaux sp´ ecifiques ` a la fiction

difficult´es semblables se posent pour d’autres ´Etats Mentaux usuels.

1.4.1

Difficult´es pour la th´eorie des ´Etats Mentaux

sp´ecifiques `a la fiction

O`u l’on met en ´evidence trois difficulties que rencontre la th´eorie des ´

Etats Mentaux sp´ecifiques `a la fiction. Tout d’abord, le rapport entre les ´Etats Mentaux relatifs `a la fiction et les ´Etats Mentaux usuels `a certains moments importants est beaucoup plus complexe que ne le sugg`ere l’opposition simple pos´ee par la th´eorie des ´Etats Mentaux sp´ecifiques `a la fiction. Ensuite, alors que l’exp´erience ph´enom´enale du lecteur `a ces moments ne correspond pas `a la simplicit´e des

´

Etats Mentaux qui lui sont attribu´es, la th´eorie des ´Etats Mentaux sp´ecifiques `a la fiction n’explique pas ce d´ecalage. Enfin, il y a ap- paremment une tension entre la relative stabilit´e de l’ ´Etat Mental sp´ecifique `a la fiction pos´e par cette th´eorie et la variabilit´e de ses modalit´es selon la lecture, le genre ou l’´epoque.

La th´eorie des ´Etats Mentaux sp´ecifiques `a la fiction propos´ee par Currie et Walton (§1.2.1) parvient `a concilier la n´ecessaire distinction entre les ´Etats Mentaux usuels (croire que Holmes n’existe pas) et les ´Etats Mentaux impliqu´es dans la lecture et la compr´ehension de la fiction (faire comme s’il existait) et leur non moins n´ecessaire ressemblance (faire comme si ressemble `a croire). En revanche, si l’on pousse plus loin le questionnement au sujet de la fiction, pour s’int´eresser aux d´etails plus pr´ecis du rapport entre les ´Etats Mentaux sp´ecifiques `a la fiction propos´es et les ´Etats Mentaux usuels, cette th´eorie rencontre trois

difficult´es.

1. Il y a apparemment une relation complexe entre les ´Etats Mentaux rela- tifs `a la fiction et les ´Etats Mentaux usuels `a des moments particuliers et importants, tels les moments de pleine immersion dans la lecture, les moments o`u la lecture est interrompue, ou les moments o`u les faits r´eels entrent en jeu, laquelle est peu compr´ehensible en termes de la simple di- chotomie entre ´Etats Mentaux sp´ecifiques `a la fiction (faire comme si ) et

´

Etats Mentaux usuels (croyances).

2. `A ces moments cruciaux, l’exp´erience ph´enom´enale imm´ediate du lecteur de fiction (ce qu’il ´eprouve) ne correspond tout simplement pas `a la simple dichotomie entre les ´Etats Mentaux sp´ecifiques `a la fiction et les ´Etats Mentaux usuels.

3. Contrairement aux hypoth`eses de stabilit´e trans-g´en´erique, trans- interpr´etative et trans-historique implicitement adopt´ees par les th´eoriciens des ´Etats Mentaux sp´ecifiques, il y a apparemment la pos- sibilit´e de changements des modalit´es du faire comme si selon les textes, les lectures et peut-ˆetre les ´epoques : le faire comme si impliqu´e dans la lecture d’un roman policier n’est pas exactement celui qui convient `a la lecture d’un roman post-moderne, celui qui a cours aujourd’hui diff`ere probablement de celui qui ´etait en vigueur au XVIIe si`ecle, celui qui est

mobilis´e dans une interpr´etation marxiste du Proc`es de Kafka ne ressemble que tr`es peu celui qui sous-tend une lecture psychanalytique.

Rapports entre ´Etats Mentaux usuels et sp´ecifiques `a la fiction `a des moments particuliers

Pour mettre en ´evidence la premi`ere difficult´e, on consid`ere trois moments o`u la relation entre les ´Etats Mentaux cognitifs sp´ecifiques `a la fiction et les ´

Etats Mentaux cognitifs usuels affiche des propri´et´es apparemment manqu´ees par les th´eories propos´ees, et un moment o`u un probl`eme semblable se pose dans le domaine affectif. Dans tous les cas, le probl`eme consiste en le fait que la complexit´e de la relation entre les ´Etats Mentaux sp´ecifiques `a la fiction et les ´Etats Mentaux usuels ne correspondent point `a la simplicit´e de l’opposition pos´ee par Walton et Currie.

Un premier exemple concerne le rapport entre les ´Etats Mentaux sp´ecifiques et les ´Etats Mentaux usuels `a l’´egard de l’existence de Sherlock Holmes (ques- tion A. de §1.1.1) `a un instant de la lecture. `A un tel instant, le lecteur se dit croire que Sherlock Holmes existe, ce qui est, selon Currie et Walton, une

locution de l’ordre du faire comme si. Or, au mˆeme moment o`u il se dit (dans le « faire comme si ») croire que Holmes existe, il croit (authentiquement) qu’il n’existe pas : mais alors, comment comprendre la valorisation apparente du faire comme si sur la croyance ? Les th´eories de Currie et de Walton n’offrent aucune compr´ehension des particularit´es de ce rapport entre le faire comme si et la croyance `a de tels instants. Mais ce rapport est crucial pour comprendre la maˆıtrise de la distinction entre fiction et r´ealit´e par le lecteur, son ´evitement de la confusion entre les deux et la possibilit´e mˆeme de son appr´eciation de la fiction, bref, une grande part de ce que l’on d´esigne, depuis Schaeffer, sous le nom de la « comp´etence fictionnelle » du lecteur (§1.1.3). Comment comprendre son appr´eciation dans la lecture et l’absence de confusion avec la r´ealit´e, si l’on ne comprend pas au moins le rapport entre l’inexistence (r´eelle) et l’existence (fictionnelle) de Holmes en tant qu’elles prennent place dans sa psychologie `a un moment donn´e de lecture, que ce soit comme ´Etats Mentaux diff´erents ou au- trement ? Et pour comprendre le fait que la croyance `a l’inexistence de Holmes ne nuise pas `a « l’immersion fictionnelle » du lecteur (§1.1.3), ne faut-il pas au moins dire quelque chose sur la priorit´e accord´ee `a son faire comme si (relatif `a l’existence de Holmes) `a ce moment ? Les th´eories de Currie et de Walton ne se prononcent pas sur ce point.

Un autre cas qui t´emoigne de ce genre de d´efaut des th´eories de faire comme si a trait `a un moment o`u le jeu de faire comme si est rompu, par exemple si on interrompt le lecteur pour lui poser la question de l’existence de Holmes. Pour r´epondre `a la question, le lecteur doit r´esoudre le conflit apparent entre sa croyance `a l’inexistence de Holmes, et son faire comme s’il existait, en choisissant de r´epondre dans le registre du faire comme si (il existe) ou dans le registre r´eel (il n’existe pas). Pourtant, `a un tel moment d’h´esitation avant sa d´ecision, ces ´

Etats Mentaux entrent dans des rapports complexes, dont la simple opposition pos´ee par Walton et Currie ne parvient pas `a rendre compte. N´eanmoins, tels rapports `a tels moments sont tout `a fait capitaux pour comprendre les modalit´es d’entr´ee et de sortie du jeu de faire comme si, question sur laquelle les th´eories du faire comme si gardent le silence.

Ce probl`eme de l’´ecart entre l’opposition simple de Currie et Walton et la relation complexe effective entre ´Etats Mentaux usuels et sp´ecifiques `a des moments particuliers se pose ´egalement relativement aux faits r´eels pertinents et importants pour la lecture de certains passages du texte. Pour reprendre l’exemple de la croyance « usuelle » que les humains ne survivent pas `a des chutes du haut des escarpements ´elev´es, laquelle est n´ecessaire pour conclure, lors d’un passage o`u un personnage est dans cette position, qu’il est en danger

(question C. de §1.1.1), il paraˆıt que, au moment appropri´e de la lecture, le rapport entre cette croyance usuelle et l’´Etat Mental sp´ecifique de faire comme si devient plus complexe : cette croyance, pour ainsi dire, entre en sc`ene. Or, du point de vue de l’attributeur, le lecteur « a » cette croyance tout au long de sa lecture, d’o`u une difficult´e de comprendre le changement qui se produit lorsque cette croyance entre en sc`ene, c’est-`a-dire lorsqu’il « entre dans » le jeu de faire comme si. Les th´eories propos´ees ne sont pas capables de clarifier le changement dans l’« activit´e » de la croyance qui correspond intuitivement `a son entr´ee en sc`ene.

Le probl`eme relev´e, illustr´e jusqu’`a ici sur les exemples relatifs aux ´Etats Mentaux cognitifs (faire comme si, croyance), se pose de mani`ere semblable sur le plan affectif (question B. de §1.1.1). Dans le cas affectif, Walton et Currie n’en viennent qu’`a concevoir le rapport entre les affects relatifs `a la fiction et les ´

Etats Mentaux cognitifs sp´ecifiques `a la fiction (faire comme si ou « imagina- tion » ), ce qui n’est pas suffisant pour penser les affects qui entrent en relation aussi bien avec les ´Etats Mentaux cognitifs sp´ecifiques `a la fiction (faire comme si ) qu’avec les ´Etats Mentaux cognitifs usuels (croyance). Lorsque le spectateur de cin´ema – paralys´e de peur – se r´ep`ete que « ce n’est qu’une fiction », il semble y avoir une tension entre une croyance (r´eelle), les affects du lecteur, et les as- pects de son faire comme si . Le faire comme si relatif `a la situation pr´esent´ee sur l’´ecran incite les affects de peur, grˆace aux rapports entre les faire comme si (make-beliefs, « croyances imagin´ees ») et les affects ; par contraste, la croyance au caract`ere fictionnel de la situation devrait neutraliser ces affects, grˆace aux rapports entre les croyances (r´eelles) et les affects. De mˆeme que dans le cas cognitif, il n’y a chez Walton et Currie aucune compr´ehension de ces situations et de ces rapports complexes. Alors qu’en g´en´eral, la discussion de cette section et de la prochaine s’applique sur le plan affectif, on se concentre d´esormais sur le cas cognitif, qui est plus d´evelopp´e dans la litt´erature.

En somme, il y a un certain nombre de moments o`u le rapport effectif entre ´

Etats Mentaux relatifs `a la fiction et ´Etats Mentaux habituels est apparem- ment beaucoup plus complexe que n’est l’opposition simple pos´ee par Currie et Walton. Pourtant, la port´ee de cette difficult´e ´etend au-del`a de ces simples moments particuliers : pour dire vite, la propre compr´ehension du rapport entre les ´Etats Mentaux `a des moments particuliers est une condition pr´ealable `a toute compr´ehension de la dynamique de ce rapport. Dans la mesure o`u la lec- ture est un processus dynamique, o`u les croyances r´eelles entrent en jeu (et en sortent), o`u les comportements du lecteur `a l’´egard du texte (ses affirmations, ses conduites affectives) se d´eroulent, o`u tous ces aspects mettent en œuvre des

configurations diff´erentes des ´Etats Mentaux relatifs `a la fiction et ´Etats Men- taux habituels, la question de la dynamique du rapport entre ´Etats Mentaux sp´ecifiques `a la fiction et ´Etats Mentaux usuels touche au cœur du rapport entre r´ealit´e et fiction dans la psychologie du lecteur. Comment comprendre la per- sistance de l’immersion fictionnelle si l’on ne comprend pas la relative absence des croyances authentiques qui risquerait d’y nuire ? Comment comprendre la r´eponse du lecteur `a la question de l’existence de Holmes pos´ee pendant la lec- ture si l’on ne comprend pas les complexit´es de sa d´elib´eration ? Comment com- prendre quelles croyances entrent en jeu dans la lecture, et leurs cons´equences, si l’on ne comprend pas comment une croyance « entre » dans le jeu de faire comme si ? En outre, puisque ces moments probl´ematiques sont des moments clefs dans des d´emarches importantes de la lecture et de l’appr´eciation de la fiction (l’im- mersion fictionnelle, l’entr´ee en sc`ene de croyances authentiques, l’entr´ee et la sortie du jeu de faire comme si ), ces d´emarches mˆemes ´echappent elles aussi aux th´eories des ´Etats Mentaux sp´ecifiques `a la fiction. Par cons´equent ces th´eories ´echouent `a aborder pleinement la question de la fiction et de son rapport `a la r´ealit´e (§1.1).

Exp´eriences ph´enom´enales du lecteur et ses ´Etats Mentaux sp´ecifiques `

a la fiction

Alors que la premi`ere difficult´e a trait `a la structure des rapports entre ´Etats Mentaux, la seconde difficult´e concerne au contraire la ph´enom´enologie du lec- teur81 : `a certains moments, il y a un d´ecalage entre l’exp´erience ph´enom´enale

du lecteur et les ´Etats Mentaux que l’on lui attribue. En v´erit´e, les moments o`u se pose la premi`ere difficult´e sont normalement les moments o`u se pose la se- conde, de sorte que les mˆemes exemples sont pertinents. En consid´erant d’abord un moment de la lecture, le fait que Holmes n’existe pas (une croyance du lec- teur) ne figure pas dans la « vie mentale imm´ediate » du lecteur, `a moins que ce soit dans un arri`ere-plan extrˆeme, par opposition `a son existence (un faire comme si ) qui est constamment en jeu, quoique tacitement, en cons´equence du fait que le lecteur lui attribue des actions et des attitudes. La relation entre les ´Etats Mentaux pos´ee par Currie et Walton n’affiche aucune telle diff´erence de pr´esence. Passant ensuite au moment o`u l’on pose au lecteur la question de l’existence d’Holmes, le lecteur a, dans sa « vue de l’esprit », aussi bien l’existence « fictionnelle » de Holmes que son inexistence effective, enchevˆetr´ees

81Ainsi, alors que l’on peut nier la seconde difficult´e en appliquant les contraintes de l’ex-

ternalisme m´ethodologique (§1.3.2), la premi`ere difficult´e « a toujours corps » dans l’optique externaliste.

apparemment dans un rapport complexe. Cette complexit´e n’apparaˆıt pas au niveau des ´Etats Mentaux propos´es. Revenant enfin au moment o`u la croyance relative aux chutes nuisibles `a la sant´e entre en sc`ene, cette nuisibilit´e est as- soci´ee `a l’exp´erience ph´enom´enale `a ce moment, si ce n’est que « au bord » de cette exp´erience, seulement « tacitement » ou « implicitement », car, sans l’ac- tivit´e du fait de la nuisibilit´e de telles chutes dans l’exp´erience ph´enom´enale, le lecteur n’´eprouverait nullement d’inqui´etude `a l’´egard du personnage. Cette « mise en activit´e » n’est cependant pas compr´ehensible dans les th´eories de Currie et de Walton.

Cette seconde difficult´e est apparemment reli´ee `a la premi`ere ; plus pr´ecis´ement, il semble que, `a un moment donn´e, les relations entre les ´el´ements apparaissant dans l’exp´erience ph´enom´enologique du lecteur correspondent aux relations entre les ´Etats Mentaux du lecteur `a l’´egard de ces ´el´ements. Par exemple, l’exp´erience ph´enom´enale `a un moment d’immersion fictionnelle (l’existence de Holmes est en jeu, mais non pas son inexistence crue) semble refl´eter la priorit´e du faire comme si (relatif `a l’existence de Holmes) sur la croyance (`a son inexistence). Encore, la complexit´e du rapport entre l’existence « fictionnelle » et l’inexistence effective de Holmes en tant qu’elles apparaissent dans la ph´enom´enologie du lecteur au moment o`u il est questionn´e ressemble `a la complexit´e du rapport entre les deux ´Etats Mentaux (faire comme s’ il existait et croyance `a son inexistence), remarqu´ee ci-dessus. Pour reprendre le dernier exemple, « l’activit´e ph´enom´enologique » d’un fait r´eel au moment de la lecture o`u il entre en jeu s’apparente `a « l’activit´e th´eorique » de la croyance relative `a ce fait, qui a ´et´e mise en ´evidence plus haut.

Pour mettre en ´evidence la premi`ere difficult´e `a laquelle se heurtent les th´eories de Currie et de Walton, on s’est concentr´e sur les moments particu- liers o`u les rapports entre les ´Etats Mentaux ´etaient trop complexes pour les th´eories ; pourtant, la difficult´e elle-mˆeme s’´etend au-del`a de ces seuls moments, dans la mesure o`u une compr´ehension des rapports entre ´Etats Mentaux `a ces moments est requis pour une compr´ehension de la dynamique de ces rapports. De la mˆeme fa¸con, alors que l’on a mis en ´evidence les moments particuliers o`u la ph´enom´enologie du lecteur ´echappe aux th´eories de Walton et de Currie, il en d´ecoule que ces th´eories ne savent pas non plus comprendre la dynamique des exp´eriences ph´enom´enales du lecteur. Encore une fois, dans la mesure o`u l’exp´erience ph´enom´enale refl`ete les rapports complexes et difficiles entre ´Etats Mentaux, le manque de compr´ehension des changements de la ph´enom´enologie du lecteur va de paire avec l’´echec de comprendre les changements des rapports entre ses ´Etats Mentaux.

Variabilit´e des modalit´es du faire comme si

La troisi`eme difficult´e rencontr´ee par les th´eories proposant un ´Etat Mental de faire comme si (ou « d’imagination ») sp´ecifique `a la fiction tient au conflit entre l’apparente stabilit´e du faire comme si et l’apparente variabilit´e des mo- dalit´es du faire comme si selon l’´epoque, le genre et la lecture. D’un cˆot´e, dans la mesure o`u le sens d’un ´Etat Mental, ou, si l’on pr´ef`ere, son « identit´e », est relatif au bloc par lequel l’´Etat Mental est attribu´e (§1.3.2) au sujet, et ´etant donn´e qu’un tel bloc comprend d’autres ´Etats Mentaux, la proposition d’un seul ´Etat Mental de faire comme si semble supposer qu’il entretient des rap- ports relativement fixes avec les autres ´Etats Mentaux attribu´es en bloc avec lui, dont notamment les croyances. Ces rapports fixes n’impliquent aucunement que les croyances r´eelles mises en jeu dans la lecture de la fiction sont toujours les mˆemes – la lecture d’une histoire fictionnelle qui a lieu `a Paris appelle des croyances diff´erentes que la lecture d’une histoire qui a lieu `a Londres –, ils im- pliquent plutˆot que le mode de s´election des croyances mises en jeu sur la base des propos du texte est constant.

En revanche, il paraˆıt que le mode de s´election effectivement `a l’œuvre dans les lectures des textes de fiction pourrait varier82, d’abord selon le texte, ensuite

selon la lecture et enfin, peut-ˆetre, selon l’´epoque. Tout d’abord, on constate des diff´erences entre les lectures de deux textes de « types » ou de « genres » diff´erents par un mˆeme lecteur : le mode de s´election `a l’œuvre dans la lec- ture de Casino Royale de Fleming, qui met en jeu g´en´eralement les croyances de base `a l’´egard du monde, ne ressemble pas beaucoup au mode de s´election convenable `a la lecture de Ulysse de Joyce, qui doit apparemment renvoyer ´egalement `a d’autres « sortes de croyances », relatives `a l’histoire et `a d’autres oeuvres litt´eraires, aux aspects psychologiques ou psychanalytiques, aux dimen- sions m´eta-textuelles, et ainsi de suite. La collection de croyances du lecteur ne change pas entre les lectures des deux textes, donc il faut que la mani`ere dont ces croyances sont mises en œuvre, c’est-`a-dire leur mode de s´election, diff`ere entre elles. L’existence des ´eventuelles diff´erences entre les lectures de textes de « types » ou de « genres » diff´erents est bien reconnue, ´etant souvent renvoy´ee `a des diff´erences de « codes » employ´es par le lecteur ou de « contraintes prag- matiques » qu’il respecte83; ces « codes » ou ces « contraintes pragmatiques », 82On laisse de cˆot´e la fameuse question de s’il faut ajouter ses propres croyances o`u les

croyances du publique au moment de l’´ecriture du texte ; voir par exemple Walton, op cit., Ch 4.

83Eco (1985) pense ces possibilit´es de lectures diff´erentes comme ayant trait `a quelque chose

de l’ordre de la « pragmatique » (§3.2) ; Stempel (1979), tout en soulignant qu’il n’y a pas de « correspondance » entre les « modalit´es de r´eception » et les genres (ou ce qu’il appelle les

dans la mesure o`u ils mettent en rapport les propos du texte et les croyances au-