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Les limites des th´ eories proposant des m´ ecanismes sp´ ecifiques ` a la fiction

sp´ ecifiques ` a la fiction

1.5.2 Les limites des th´ eories proposant des m´ ecanismes sp´ ecifiques ` a la fiction

O`u l’on voit que les trois difficult´es rencontr´ees par les ´Etats Men- taux sp´ecifiques `a la fiction, ayant trait aux rapports entre fiction et r´ealit´e `a des moments particuliers, aux rapports entre les aspects psychologiques propos´es et l’exp´eriences ph´enom´enales du lecteur, et aux modifications des modalit´es de la lecture, se posent ´egalement pour les m´ecanismes sp´ecifiques `a la fiction. En outre, la mani`ere dont les th´eories des m´ecanismes sp´ecifiques `a la fiction tentent de rendre compte de ces aspects difficiles, `a savoir en les renvoyant `a d’autres m´ecanismes, n’est gu`ere suffisante. Car, d’une part, le re- cours `a d’autres m´ecanismes met en question le besoin et l’impor- tance des m´ecanismes sp´ecifiques `a la fiction propos´es et, d’autre part, il est douteux que les m´ecanismes auxquels on fait appel offrent quelque chose de l’ordre d’une compr´ehension de ces ph´enom`enes complexes et difficiles.

La th´eorie des ´Etats Mentaux sp´ecifiques `a la fiction (th´eorie de « faire comme si » de Currie, th´eorie de l’« imagination » de Walton) comporte trois lacunes importantes. Premi`erement, on comprend mal les rapports entre les ´

Etats Mentaux sp´ecifiques du lecteur et ses ´Etats Mentaux usuels `a certains mo- ments importants. Deuxi`emement, on comprend mal le rapport entre ces ´Etats

Mentaux et l’exp´erience ph´enom´enologique `a ces moments. Troisi`emement, les ´eventuels changements dans les modalit´es du faire comme si ou de l’imagination sont `a peine tol´er´es, et encore moins compris (§1.4.1).

Du cˆot´e des m´ecanismes « sp´ecifiques » propos´es comme sous-jacents `a la lec- ture et `a la consid´eration de la fiction (diff´erence de statut des entit´es mentales, simulation de processus « ordinaire » ), ces lacunes se r´ep`etent. `A savoir :

1. il y a des moments importants o`u des m´ecanismes « sp´ecifiques » `a la fic- tion entrent en jeu (moment d’immersion fictionnelle, d’entr´e ou de sortie de cette immersion, de mise en jeu d’un fait r´eel dans la lecture) mais o`u leur relation entre les m´ecanismes avec les m´ecanismes « ordinaires » n’est pas comprise par les th´eories qui les posent, sans recourir `a d’autres m´ecanismes mentaux.

2. la relation entre les m´ecanismes sp´ecifiques `a la fiction et la ph´enom´enologie de l’exp´erience du lecteur est ´egalement mal comprise, `a ces mˆemes mo- ments.

3. on comprend `a peine comment le statisme induit par les structures fixes des m´ecanismes sp´ecifiques `a la fiction permet de rendre compte des possibles ´evolutions de la lecture (entre des textes, des lectures et ´eventuellement des ´epoques diff´erents).

Puisque ces difficult´es sont `a maints ´egards tr`es semblables `a celles qui ont ´et´e soulev´ees et discut´ees dans §1.4.1, on passera relativement vite sur les d´etails des exemples, en r´ef´erant le lecteur `a §1.4.1, pour se concentrer sur les aspects qui sont particuliers aux cas des m´ecanismes.

Rapports entre m´ecanismes « sp´ecifiques » et « ordinaires » et le re- cours `a un m´ecanisme « central »

Quant `a la premi`ere difficult´e, on a identifi´e dans §1.4.1 trois moments o`u certaines relations entre des ´Etats Mentaux sp´ecifiques `a la fiction et des ´Etats Mentaux ordinaires sont peu compris : d’abord, la relation entre la croyance `a l’inexistence de Holmes et le faire comme s’ il existait, `a un moment d’immersion dans la lecture ; ensuite, la relation entre ces deux ´Etats Mentaux `a moment o`u la lecture est rompue pour poser la question de l’existence de Holmes ; enfin, la relation entre les faire comme si et les croyances ordinaires qui entrent en jeu dans la lecture (les ˆetre humains ne survivent pas `a des chutes d’escarpements ´elev´es) aux moments de leurs entr´ees en jeu. Ces relations posent ´egalement des probl`emes pour les m´ecanismes « sp´ecifiques », qu’ils se distinguent des m´ecanismes « ordinaires » selon le statut ou selon le processus.

D’un cˆot´e, si l’on distingue la fiction et la r´ealit´e selon le statut des entit´es mentales, alors la relation entre les attitudes `a l’´egard de l’existence et de l’in- existence de Holmes, correspond, sur le plan des m´ecanismes, `a une relation entre l’entit´e mentale « ordinaire » correspondant `a la croyance `a l’inexistence de Holmes et l’entit´e mentale « fictionnelle » correspondant au faire comme s’ il existait. Or, la relation entre ces attitudes manifeste, `a certains moments, une subtilit´e et une complexit´e dont il n’y a aucun ´equivalent sur le plan des entit´es mentales. Pour prendre l’exemple du moment de l’immersion dans la lec- ture, aucun aspect de la relation entre des entit´es mentales « fictionnelles » et « ordinaires », en tant qu’elle est pr´esent´ee par les th´eories qui proposent cette distinction, ne rend compte de l’apparente priorit´e de l’existence (fictionnelle) de Holmes sur son inexistence (r´eelle) qui s’´etablit `a ce moment (§1.4.1). Pour employer l’exemple de la question de l’existence de Holmes pos´ee pendant la lecture, la position de deux entit´es mentales – l’entit´e HOLMES EXISTE avec un statut « fictionnel » et l’entit´e HOLMES N’EXISTE PAS avec un statut « r´eel » – ne suffit pas pour comprendre la complexit´e du rapport entre ces deux attitudes lors de l’h´esitation et de la d´elib´eration du lecteur avant sa r´eponse (§1.4.1). Pour se tourner enfin vers la question de l’entr´ee en jeu des croyances r´eelles dans la lecture, l`a encore, rien n’est offert qui permet de comprendre quels nou- veaux rapports sont instaur´es (avec les entit´es mentales « fictionnelles ») lorsque l’entit´e mentale correspondant `a la croyance « entre en jeu ».

De l’autre cˆot´e, si l’on distingue fiction et r´ealit´e selon les processus men- taux, c’est la relation entre les processus se d´eroulant « dans » la simulation (o`u Holmes existe) et les processus « ordinaires » se d´eroulant « dehors » (o`u Holmes n’existe pas) qui est en question. Or, encore une fois, rien du degr´e de complexit´e et de subtilit´e que l’on trouve dans les relations entre les attitudes n’est explicitement propos´e entre les processus « fictionnels » et « ordinaires ». `A un moment de la lecture, o`u il y a une sorte de priorit´e d’une attitude sur l’autre, une priorit´e « correspondant », du processus se d´eroulant « dans » simulation sur les m´ecanismes « ordinaires », n’est gu`ere propos´ee ni point comprise dans les d´etails. De mani`ere similaire, il n’y a aucune compr´ehension de la relation entre la simulation et d’autres m´ecanismes « ordinaires » qui peuvent rendre compte de l’h´esitation et de la d´elib´eration lorsque le lecteur se voit poser la question de l’existence de Holmes pendant sa lecture. Enfin, les croyances ordinaires qui entrent en jeu dans la lecture sont, selon les simulationnistes, les op´erandes de la simulation ; or, ils ont `a peine d´etaill´e comment ces op´erandes sont s´electionn´es pour la simulation, ainsi que quels op´erandes y sont fournis. Autrement dit, ils ont `a peine compris les rapports entre les m´ecanismes « r´eels », qui ont affaire

`a ces genres de croyances, et la simulation « fictionnelle » qui s’en sert.

En r´esum´e, la simple distinction entre m´ecanismes « sp´ecifiques » `a la fiction et m´ecanismes « ordinaires » pos´ee par ces th´eories n’offre pas les ressources pour comprendre le rapport des uns aux autres, notamment `a des moments particuliers et d’ailleurs importants pour la compr´ehension des conduites du lecteur relatives `a la fiction (§1.4.1). Or, `a la diff´erence du cas des ´Etats Men- taux, ces th´eories peuvent se permettre de renvoyer la question de ce rapport `a d’autres m´ecanismes psychologiques « dans l’esprit », de telle sorte que, en th´eorie, il y a quelque m´ecanisme qui rend compte des relations complexes et difficiles entre entit´es mentales « fictionnelles » et « ordinaires » ou entre pro- cessus « simul´es » et « authentiques », mais il n’appartient pas `a ces th´eories de comprendre ce « quelque m´ecanisme ». Par exemple, pour Leslie, Nichols & Stich, ou peut-ˆetre Currie, qui adh`erent `a une conception « modulariste » de l’es- prit, o`u les m´ecanismes ayant trait `a la fiction sont des « syst`emes sp´ecifiques » ou des dits « modules » avec des capacit´es limit´ees (tantˆot pour op´erer et g´erer certains aspects des entit´es du statut fictionnel111, tantˆot pour effectuer les si-

mulations112), il faudrait un syst`eme plus central113, appel´e parfois « syst`eme

directorial » ou « administrateur central »114, qui est responsable des tˆaches plus

difficiles et complexes, telle la gestion du rapport entre les diff´erents syst`emes ou modules. Selon ces approches de la fiction, il est apparemment sous-entendu que ce syst`eme directorial s’occupe du rapport entre les entit´es ou les processus « fictionnels » et « r´eels ». D’un autre cˆot´e, Plagnol, adh´erant `a une conception plus « associationniste » de l’esprit comme un ensemble d’entit´es mentales reli´ees par des liens de force variable, soutient que les entit´es mentales sont dot´ees avec des niveaux d’activation selon le degr´e auquel les entit´es mentales sont « per- tinentes » ou « en jeu »115. Dans cette optique, c’est la notion d’activation qui

est cens´ee permettre de rendre compte des rapports complexes entre les entit´es mentales « ordinaires » et celles qui sont « fictionnelles » (reli´ees `a une entit´e FICTION) : la « valorisation » de l’existence (fictionnelle) de Holmes sur son in- existence (effective) aux moments de l’immersion pourrait ˆetre repr´esent´ee par un niveau d’activation ´elev´e de l’entit´e HOLMES EXISTE et un niveau minor´e

111Leslie, op cit., Nichols & Stich, op cit., §2.4 112Par exemple, le « simulateur » de Currie, op cit.

113Ou autrement des syst`emes centraux, alors que, pour simplifier la discussion, qui vaut

qu’il y ait un ou plusieurs syst`emes centraux, on se limite au cas d’un syst`eme.

114Voir par exemple Fodor (1985, Ch. IV), mais ´egalement Johnson-Laird (1983, Ch. 16). Le

terme « syst`eme directorial » (Executive system) vient de Schacter (1989), celui d’« adminis- trateur central » (Central Executive), de Baddeley (1992).

115Plagnol, op cit., p 27. Cette conception emprunte au travail de Anderson (1983, Ch. 3).

d’activation de l’entit´e HOLMES N’EXISTE PAS.

Ce recours `a un autre m´ecanisme psychologique (au sens large) pour s’occu- per des aspects complexes et difficiles relatifs `a la fiction a deux cons´equences importantes. Premi`erement, il risque d’affaiblir la th`ese selon laquelle les m´ecanismes propos´es rendent compte, voire mˆeme sont n´ecessaires pour rendre compte, de la fiction en tant qu’elle apparaˆıt dans le mental. Deuxi`emement, les comportements du m´ecanisme auquel on a recours sont tellement complexes et difficiles qu’ils induisent des doutes `a l’´egard de la th`ese selon laquelle ce m´ecanisme puisse fournir une compr´ehension de la fiction et de sa relation avec la r´ealit´e (en tant qu’aspects du mental).

Tout d’abord, il n’y a aucun doute que le recours `a un autre m´ecanisme psychologique le charge des aspects les plus difficiles relatifs `a la fiction : si la question de la relation entre entit´es mentales ou processus « fictionnels » et « ordinaires » est la question difficile et importante de la fiction, et si c’est `a quelque autre m´ecanisme – qu’il soit « syst`eme directorial » ou partition de l’activation – d’´etablir et de g´erer cette relation, c’est le syst`eme directorial ou la notion d’activation qui tient la clef de la question ´epineuse de la fiction, et nullement quelconque distinction entre entit´es ou processus « fictionnels » et autres.

Ensuite, ce m´ecanisme « central » est lui-mˆeme complexe et difficile `a com- prendre. D’autant plus que, comme l’a ´et´e soulign´e dans §1.4.1, le vrai enjeu de la question du rapport entre les aspects « fictionnels » et « ordinaires » `a des mo- ments particuliers consiste en son importance pour la question de la dynamique de ce rapport, en telle sorte que la tˆache qu’est cens´e accomplir ce m´ecanisme comprend non seulement l’´etablissement du rapport entre m´ecanismes « fic- tionnels » et « ordinaires » mais en outre la gestion de sa dynamique. Au stade actuel, les nombreux progr`es dans la compr´ehension et la mod´elisation des m´ecanismes « centraux » ne semblent pas permettre une compr´ehension d´etaill´ee du rapport entre la fiction et r´ealit´e dans le mental. Et mˆeme si une compr´ehension d´etaill´ee et compl`ete de ce genre de m´ecanisme ´etait possible – mˆeme si l’´etude des « syst`emes directoriaux » ou de la dynamique de l’activation d´ebouchait sur des principes pr´ecis116–, l’application de ces principes `a des indi-

vidus particuliers et `a des lectures particuli`eres risque d’ˆetre tellement complexe,

116 Les mod´elisations de l’activation contiennent souvent des principes simples et pr´ecis

qui g`erent les niveaux d’activation de nœuds (voir par exemple les ´equations d’Anderson, op cit., p92-97) ; l’argument vise `a sugg´erer que, mˆeme s’il ´etait possible de sp´ecifier tous les param`etres inconnus (B et p* dans Anderson) et la structure du r´eseau (son rij), on ne

saurait pas se dire comprendre les propri´et´es `a grande ´echelle pertinentes pour les activit´es mentales « d’ordre sup´erieur », telles le raisonnement et la lecture de la fiction.

subtile et difficile, comportant une d´ependance d’une telle gamme d’autres fac- teurs et comportements que l’on ne peut pas parler d’une compr´ehension. En un mot, mˆeme s’il y avait la possibilit´e de rendre compte du rapport psychologique entre fiction et r´ealit´e en ces termes, on aurait droit `a douter la f´econdit´e de ces approches et des « r´eponses » qu’elles pr´etendent pouvoir offrir117.

En somme, les m´ecanismes sp´ecifiques propos´es n’arrivent pas `a rendre compte, de mani`ere satisfaisante, des complexit´es du rapport entre fiction et r´ealit´e qui ont ´echapp´es aux ´Etats Mentaux sp´ecifiques `a la fiction. En particu- lier, le recours `a un m´ecanisme « central » ne paraˆıt gu`ere suffisant : non seule- ment la n´ecessit´e d’un tel recours semble saper le soutien pour les m´ecanismes propos´es comme sp´ecifiques `a la fiction et surtout le soutient pour la th`ese se- lon laquelle ces m´ecanismes rendent compte de la fiction, mais il est douteux qu’un tel m´ecanisme puisse offrir quelque chose de l’ordre d’une compr´ehension du rapport entre fiction et r´ealit´e. Il s’av`ere que, quant aux autres difficult´es mises en ´evidence dans §1.4.1, les m´ecanismes sp´ecifiques `a la fiction ont besoin encore du recours `a un m´ecanisme central, de telle sorte que les consid´erations pr´ec´edentes s’appliquent de nouveau.

Exp´eriences ph´enom´enales : rapports aux m´ecanismes sp´ecifiques et au m´ecanisme central

Il n’est pas difficile de voir que la question de la deuxi`eme faiblesse de la th´eorie des ´Etats Mentaux sp´ecifiques se reproduit sur le plan des m´ecanismes. Aux moments pris pour exemples ci-dessus – le moment d’immersion fictionnelle, le moment o`u elle est rompue, le moment o`u un fait r´eel « entre en jeu » –, on a d´ej`a vu dans §1.4.1 que la ph´enom´enologie du lecteur correspond assez bien aux rapports entre les ´Etats Mentaux qui sont manqu´es par les th´eories du faire comme si. Mais on vient de voir qu’`a ces moments, les rapports entre les m´ecanismes propos´es comme « sp´ecifiques » `a la fiction et les m´ecanismes « ordinaires » ressemblent `a ces rapports entre ´Etats Mentaux, et que les th´eories qui proposent ces m´ecanismes ont peine `a en rendre compte ; en cons´equence, la ph´enom´enologie du lecteur leur ´echappe aussi.

L’identification de la ph´enom´enologie comme un aspect, voire un aspect im- portant, qui ´echappe `a ces th´eories est par ailleurs une cons´equence des th´eories relatives aux m´ecanismes « centraux » (syst`eme directorial, niveau d’activation) auxquelles ont recours les th´eories des m´ecanismes sp´ecifiques `a la fiction. Car ces th´eories admettent, sinon une « identification » entre la ph´enom´enologie du

117Cet argument est analogue `a celui d´evelopp´e dans §1.4.2 pour mettre en doute la capacit´e

lecteur et les m´ecanismes « centraux », du moins un rapport ´etroit entre eux. Dans l’optique « modulariste », on admet que le syst`eme directorial a trait `a quelque chose d’attentionnel , dans la mesure o`u les aspects s´electionn´es par le syst`eme directorial sont accessibles aux processus tel le raisonnement dont le su- jet est normalement conscient118. Mˆeme si l’on refuse d’identifier ce genre d’« at-

tention » `a l’exp´erience ph´enom´enale, on admettrait quelque autre m´ecanisme (au sens large) qui ont trait `a la ph´enom´enologie, tel le syst`eme sp´ecifique `

a la conscience ph´enom´enologique (le Conscious Awareness System) propos´e par Schacter, qui entre dans un rapport ´etroit avec le syst`eme directorial119.

´

Egalement, dans l’optique « associationniste », on est habituellement d’accord sur le rapport entre l’activation et le degr´e d’attention – les aspects accord´es un niveau d’activation ´elev´e sont pertinents pour les processus mentaux120–, et

mˆeme si l’on insiste, `a la fa¸con de Cowan, pour distinguer l’information mentale « activ´ee » (munie d’un niveau d’activation non nulle) du focus attentionnel (qui contient les ´el´ements dont le sujet est conscient), on admet qu’il y a un rapport important entre eux (en l’occurrence, que le dernier est un sous-ensemble du premier)121. En bref, on est arriv´e au d´ecalage entre l’exp´erience ph´enom´enale

et les m´ecanismes sp´ecifiques `a la fiction par une autre voie : le rapport difficile et complexe entre ces m´ecanismes est ´etabli et g´er´e, selon ces th´eories, par quelque m´ecanisme « central », qui est, lui, en rapport ´etroit avec la ph´enom´enologie du lecteur.

Modifications de modalit´es de lecture et les m´ecanismes sp´ecifiques `

a la fiction

La troisi`eme difficult´e qui pourrait se poser pour les th´eories des m´ecanismes sp´ecifiques `a la fiction reprend les ´eventuelles modifications des modalit´es de la s´election des faits r´eels employ´es dans la lecture de la fiction, lesquelles ont ´et´e mises en ´evidence dans §1.4.1. De mˆeme que dans le cas des ´Etats Men-

118Par exemple, Baddeley (1992, p12) affirme que son administrateur central est le « syst`eme

attentionnel de contrˆole qui est responsable pour la s´election des strat´egies et pour l’int´egration de l’information d’autres sources ». Schacter (1989), Baars (1988) et Johnson-Laird (1983, Ch. 16) sont encore plus explicites sur le rapport entre le « syst`eme directorial » et l’attention ou la conscience.

119Selon Schacter (1989), le syst`eme ph´enom´enologique est une « porte » au syst`eme direc-

torial.

120Par exemple, selon Cowan (1993, p162), l’activation est « un ´etat temporaire des

repr´esentations de m´emoire qui permettent des effets d’amor¸cage de ces repr´esentations sur des stimuli ult´erieurs » ; ou selon Anderson (1983, p87), « l’activation est la mesure de la probabilit´e qu’un ´el´ement particulier de la connaissance soit utile `a un moment particulier ».

121Cowan, ibid. et 1988, o`u Cowan soutient ´egalement un rapport important entre le focus

taux discut´es auparavant, les lectures qui mettent en œuvre des « modes de s´election » diff´erents (§1.4.1) semblent requ´erir des diff´erences dans les d´etails des m´ecanismes psychologiques. Il faudrait, d’un cˆot´e, des diff´erences dans le genre de simulation en jeu, dans la mesure o`u deux « simulations » relatives `a deux lectures diff´erentes peuvent s’appuyer sur des « ressemblances » diff´erentes avec les processus « ordinaires ». Il y aurait, de l’autre cˆot´e, des rapports diff´erents entre les entit´es mentales du statut « fictionnel » et les entit´es « ordinaires » se- lon les lectures diff´erentes. Dans la mesure o`u l’essentiel du travail de la mise en rapport des aspects mentaux « fictionnels » et « r´eels » appartient non pas aux m´ecanismes propos´es mais `a un autre m´ecanisme, la question des diff´erences ou