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Attitudes ` a l’´ egard de la fiction

1.2 Approches g´ en´ erales de la fiction

1.2.3 La strat´ egie adopt´ ee

O`u l’on esquisse, `a grands traits, la strat´egie qui sera adopt´ee pour d´evelopper, dans les Chapitres 2 et 3, une th´eorie de la lecture de la fiction. Il s’agit de partir d’un niveau de base o`u la distinction entre fiction et r´ealit´e n’est pas donn´ee ni suppos´ee, pour ensuite retrouver cette distinction et le rapport entre les deux termes.

L’image `a laquelle on est arriv´e est la suivante. La fiction occupe une aire dans un espace g´en´eral que l’on qualifie de « r´eel » (ayant trait `a ou provenant de la « r´ealit´e ») ; dans cet espace, elle s’oppose `a une autre aire qui pourrait ´egalement qualifi´ee de « r´eel » . La strat´egie « mim´etique » aborde cette situation de mani`ere suivante : elle rep`ere d’abord l’aire « fictionnelle » et une partie de la r´ealit´e – tantˆot l’aire qui s’oppose `a la fiction tantˆot l’espace qui l’´etaie (tantˆot des aspects des deux) – pour ensuite consid´erer les rapports entre elles. La strat´egie dont on se servira dans les chapitres suivants est l´eg`erement diff´erente. Elle ne commence pas par poser ou par rep´erer deux choses – fiction et r´ealit´e – pour ensuite les mettre en rapport ; elle part plutˆot d’un espace g´en´eral de base pour retrouver ensuite l’aire fictionnelle, l’aire r´eelle et en mˆeme temps le rapport entre ces deux aires et l’espace de base. Dans la mesure o`u, au niveau

de l’espace de base, du fond r´eel, il n’y a pas d’opposition entre fiction et r´ealit´e, la strat´egie ne pose pas la distinction entre fiction et r´ealit´e, elle la retrouve.

Deux ´eventuels ´ecueils peuvent se pr´esenter `a une telle strat´egie : d’une part, vu que les r`egles du « jeu habituel » ne d´eterminent pas la distinction entre la partie de la r´ealit´e qui s’oppose `a la fiction et la partie qui l’´etaie de mani`ere compl`ete, voire mˆeme stable, il pourrait ˆetre difficile de trouver un « espace r´eel » stable qui est toujours appropri´e `a ´etayer la fiction et la partie de la r´ealit´e `a laquelle elle s’oppose. D’autre part, mˆeme si l’on peut trouver un tel espace r´eel, il n’est pas ´evident que l’on puisse retrouver l’aire fictionnelle, l’aire r´eelle et le rapport entre elles `a partir de lui. Il n’est certainement pas toujours possible de contourner ces ´ecueils. Il appartient `a l’analyse propos´ee de montrer comment il est n´eanmoins possible, voire d´esirable, de le faire dans le cas sp´ecifique de la psychologie du lecteur.

Quant au premier doute, `a l’´egard de l’existence d’une base suffisante, on argue que, au lieu de partir de la distinction entre deux genres d’´etats psy- chologiques – la croyance (usuelle) et le faire comme si – comme le pr´econise la strat´egie « mim´etique » dans l’application propos´ee par Walton et Currie, il est possible de sp´ecifier un niveau psychologique plus g´en´eral et fondamental, o`u les propri´et´es et les aspects importants sont tellement g´en´eraux `a ˆetre com- muns `a la fiction et `a la r´ealit´e. En l’occurrence, ce niveau comprend les ´etats de la conscience : bien ´evidemment, les r´eflexions du sujet, ses attitudes et ses comportements, qu’ils soient relatifs `a la fiction ou `a la r´ealit´e, passent d’une mani`ere ou d’une autre par la conscience.

Par ailleurs, on r´epond au second doute, ayant trait `a la difficult´e de retrou- ver la fiction et la r´ealit´e, en mobilisant l’hypoth`ese de travail explicit´ee dans §1.1.2, selon laquelle le lecteur sait que le texte qu’il lit est fictionnel. Cette hy- poth`ese n’implique aucune attitude mentale ni ´etat psychologique sp´ecifique `a la fiction ; au contraire, elle ne fait que poser une connaissance particuli`ere comme aspect de la psychologie du lecteur, `a mˆeme titre que toute autre connaissance. On retrouve les aspects psychologiques relatifs `a la fiction comme les comporte- ments, les conduites, les configurations d’´etats psychologiques que l’on associe `

a cette connaissance, dont toutes sont perceptibles `a un niveau psychologique « de base » o`u la distinction entre fiction et r´ealit´e ne figure pas de prime abord. Comme on l’a dit dans §1.1.2, on retrouve la fiction et la r´ealit´e, aussi bien que le rapport entre elles, en tant qu’elles apparaissent dans la psychologie du lec- teur, comme des cons´equences de la connaissance qu’un texte est fictionnel. On pourrait peut-ˆetre qualifier cette approche de « naturaliste », dans la mesure o`u elle se sert seulement des ´etats psychologiques bien connus et d’une connaissance

universellement admise pour aborder la fiction et la question de son rapport `a la r´ealit´e dans la psychologie du lecteur, sans `a aucun moment poser ou supposer des aspects, entit´es ou notions sp´ecifiques `a elle.

La d´emarche est la suivante. Apr`es avoir, dans §1.3, fait quelques consid´erations pr´ealables sur la cat´egorisation des th´eories du mental en g´en´eral, on mettra en question, dans §§1.4 et 1.5, les approches de la question « mentale » de la fiction qui emploient toutes la strat´egie « mim´etique ». Au cours de cette critique, les questions ´epineuses de la fiction seront reconnues comme relatives `a un aspect psychologique « de base » (grossi`erement, la conscience). En prenant la voie sugg´er´ee par cette critique, il s’agira dans les chapitres suivants (Chs. 2 et 3) d’aborder la psychologie du lecteur – ses aspects « r´eels » aussi bien que « fictionnels » – `a partir de ce niveau « de base ». Ce qui permettra une r´eponse, ou du moins ouvrira une voie `a la r´eponse, aux questions d´etaill´ees de §1.1.

1.3

Approches psychologiques `a l’´egard de la fic-