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Le paysage et l’art de la marche

évolution de l’espace leclézien, qui devient de plus en plus ouvert et libre et une évolution du rapport de l’homme avec le monde qui devient de plus en plus harmonieux et tranquille

1. Le paysage vu en marchant

1.1. Le paysage et l’art de la marche

Ce qui compte, c’est le cheminement. La marche attire les personnages lecléziens, elle offre un

moyen favorable pour canaliser la perception avec le plus d’efficacité. Au début, dans la marche

leclézienne, il n’y a pas de but véritable, ce qui compte, c’est le mouvement même de la marche.

On avance sans espérer arriver nulle part. On marche, on regarde, c’est tout. La marche plonge

les personnages dans l’état pur de regarder. Dans ce cas, la marche pour l’écrivain est plutôt

une manière de regarder qu’une manière de déplacer :

Il s’agit de marcher jusqu’à l’épuisement, jusqu’à l’affairement, jusqu’à l’effacement : marcher non pour accumuler des expériences et se construire ainsi une identité pleine mais plutôt pour

se défaire de certaines représentations trompeuses, pour s’oublier, se simplifier et s’alléger, progressant à la « conquête du sauvage » ou de « l’absolument primitif »5.

Marcher, c’est rencontrer le nouveau et reconstruire la vision, en défaisant ou oubliant le déjà

vu. C’est une occasion de se reconnaître, en prenant un paysage « sauvage » ou « primitif ». Ce

1 Gérard de Cortanze, J.M.G. Le Clézio, Le nomade immobile, op. cit., p. 160.

2 Bruno Thibault, « Les « Équipées » de J.-M.G. Le Clézio et la déconstruction de l’aventure », op. cit., p. 136.

3 Pierre Lhoste, Conversation avec J.M.G. Le Clézio, op. cit., p. 15.

4 Gérard de Cortanze, J.M.G. Le Clézio, op. cit., p. 17.

5 Bruno Thibault, « Les « Équipées » de J.-M.G. Le Clézio et la déconstruction de l’aventure », op. cit., p. 136. C’est nous qui soulignons.

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qui compte, c’est marcher jusqu’au bout, sans se soucier du but : Besson marche sans penser,

Hogan marche « sans savoir où il allait » (LF 59), Lalla errant à Marseille « ne sait pas où elle

va » (DES 290). Si Naja Naja marche « pour marcher, rien d’autre » (VAC 44), elle jouit du

vide de l’esprit en marchant. La marche vide l’homme pour lui faire absorber facilement le

paysage. En marchant, « tout ce qu’il y a dans la tête commence à descendre dans le corps »

(VAC 44). « Marcher, puis s’en aller dans la marche. » (VAC 44) ; marcher, c’est justement « se

faire moteur » et « dévorer le paysage » (LF 87). Dans la marche leclézienne, on perd toute

conscience et toute raison, on se vide et on s’ouvre au monde. L’ivresse de la marche purifie le

corps et l’esprit pour qu’on accède naturellement dans le paysage. La marche, une vraie activité

physique, transforme l’être cérébral en un être physique. En marchant, on ne pense pas, on

n’analyse pas, on n’a pas besoin de comprendre, on regarde et on sent, c’est tout. C’est cette

liberté de la marche qui renforce la sensibilité du personnage pour bien saisir le paysage, c’est

cet état vide de la marche qui détermine la construction du paysage leclézien. Le personnage en

marchant devient une caméra qui enregistre le plus minutieusement le paysage. Avec la marche,

on voit s’accumuler des choses qui sont des fragments du paysage. En ce sens, l’énumération,

la nomenclature et la liste sont plutôt raisonnables pour le dévoilement du paysage, puisqu’elles

correspondent dans une certaine mesure à la façon de voir en marchant : conscience vide, regard

violent et déplacement incessant.

Il y a une intime intrication de la perception du paysage et de l’expérience de la mobilité dans

les œuvres lecléziennes. C’est en ville que les personnages lecléziens marchent le plus souvent.

Une terre plate efface toute péripétie de la vue. La perspective apparaît banale, elle est aussi

plate que la terre. La marche est une expérience pour connaître la ville et le paysage urbain. Il

s’agit d’un déchiffrement de l’espace urbain. D’après Sansot, les rues, les immeubles, les

quartiers « cessent d’être muets », quand on marche en ville, ils « transmettent un message venu

d’ailleurs »

1

. Dans plusieurs œuvres, l’écrivain décrit avec détail la marche des personnages en

ville : l’errance d’Adam dans la ville littorale, le parcours de Besson dans la ville pluvieuse, le

cheminement de Bea dans la ville guerrière, la flânerie de Bogo autour du bâtiment blanc… A

travers ces marches, le paysage urbain se forme peu à peu. Dans Désert, Lalla rôde à Marseille,

de la ville nouvelle à la ville ancienne, ainsi connaît-elle la forme de cette ville. A travers toutes

ces œuvres, on découvre des allers-retours des protagonistes, qui, partant de la ville, y

retournent toujours.

Marcher, c’est en effet participer à la vie de la ville, lire la ville et la dévisager. Le portrait de la

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ville littorale dans Le Procès-verbal se dessine par la marche d’Adam, qui « longe des squares

entiers, des boulevards entiers, désertés, bordés de platanes, de marronniers » (PV 196). Cette

marche s’attache aux lieux : des places, des rues, des fontaines, des jardins… qui configurent

un itinéraire du paysage et aussi dessinent le fil du paysage. Adam marche sans cesse en ville,

pourtant il « ne voit rien » (PV 196). A cause de l’absence d’une volonté du personnage, le

paysage de la ville semble se diviser en morceaux sous le regard : des rues, des réverbères, des

immeubles, qui apparaissent les uns auprès des autres, pareils aux fragments sans aucune liaison.

La ville présente plutôt un paysage mécanique, tandis que l’homme habitant la ville devient

aussi plus ou moins machinal, dépouillé des sentiments.

Besson, protagoniste du Déluge, éprouve aussi une passion pour la marche. Il sent toujours en

lui un « ordre mystérieux donné » (DEL 76), qui est de « marcher » : « marcher, marcher, tantôt

le long des murs, tantôt au bord du trottoir » (DEL 76). La marche se présente comme un besoin

et elle supporte peut-être la vie quotidienne du protagoniste. Même si Besson marche « sans

parler, sans penser », il n’est pas aussi indifférent qu’Adam. Un désir est met en évidence dans

la marche de Besson : « les yeux écarquillés, les oreilles attentives, le nez en alerte, toute la

peau offerte au froid et à la chaleur » (DEL 76). Le désir de voir et de sentir semble tellement

violent. Avec l’ouverture des sens, toute trace de la ville paraît significative pour Besson.

Différent d’Adam, Besson en marchant aime tout voir, tout écouter et tout goûter. A travers le

récit du Déluge, on trouve quelque structure rythmique qui organise la description du paysage.

Les mots « marcher » et « marche » ressemblent à des points qui séparent et en même temps

relient des morceaux du paysage. Ainsi en sortant de sa chambre, Besson « marcha rapidement

à travers les rues, en regardant ce qui se passait » (DEL 72). Puis est décrit le paysage de la

ville : le ciel, les terrains vagues, les immeubles, les plaques de boue, la foule, la pluie... Ce qui

est impressionnant, c’est que l’auteur n’est pas satisfait de décrire quelque état fixe du paysage,

il démontre souvent l’action du paysage. Les plaques de boue « luisaient », la vapeur

« descendait », la poussière « flottait », les gouttes de pluie « montaient », « remontaient »,

« fondaient » et « se mélangeaient »… Il semble que tout le paysage est en action. Ce n’est plus

un tableau immobile et fixe qu’on voit devant une fenêtre, mais un tableau à finir et à compléter.

L’agitation du paysage s’attache d’une part à une atmosphère chaotique de la ville et d’autre

part au rythme de la vue propre de Besson en marchant. Il semble que c’est le mouvement du

personnage qui décide l’activité du paysage. « C’est à travers tout cela que Besson se mit à

marcher. » (DEL 72) Ainsi la marche de Besson ordonne et construit le paysage de la ville

diluvienne pour créer une certaine unité. Le protagoniste se trouve justement au centre du

paysage, il est enveloppé par le paysage, il devient un point mobile, d’où rayonne toute

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l’étendue du paysage. Besson prend la marche comme une façon de découvrir et sentir le monde.

Le paysage se présente ainsi d’une telle façon naturelle. « Il longea deux ou trois avenus,

plantées d’arbres nus. Il traversa des places, des carrefours, des rues ou des ruelles. […] il

contourna des ronds-points, […] quand il arriva vers le centre de la ville, […] il regarda autour

de lui. » (DEL 72) Le mouvement du personnage relie les lieux pour dessiner un itinéraire.

Cette composition est récurrente dans les œuvres lecléziennes. La mobilité et l’arrêt alternent

pour présenter un rythme. La marche apporte les courants paysagers qui sont suspendus

quelquefois par l’arrêt pour donner place à un tableau fixe : « l’air était plutôt frais, la bruine

tombait toujours […] Derrière les pans de nuages gris, l’astre roulait sa boule blafarde, dans le

genre de la lune. […] les autobus et les voitures débouchaient de tous les côtés, et les trottoirs

étaient pleins de monde. […] (DEL 73-75). On entrevoit une logique du regard. Il y a des

locutions prépositives comme « devant les magasins », « plus loin », « à l’horizon », etc., qui

présentent une organisation du paysage. Avec l’arrêt, le fluide du paysage devient plutôt un

tableau, il est plutôt immobile et étendu, comme un ensemble pris dans un cadre. Le regard qui

n’accroche pas et qui bondit sans cesse dans la marche s’arrête pour un moment, il dessine

chaque détail du paysage. Ainsi, dans le parcours, il y a en effet un enchaînement entre une vue

mobile et une vue immobile. La marche et l’arrêt apportent des présentations et des impressions

différentes du paysage. Il y a des files du paysage fluide, qui se forment par la marche, il y a

aussi des tableaux du paysage, qui sont pris sur des points d’arrêt. La mobilité et l’immobilité

créent une intensité du paysage et aussi une disposition spéciale du paysage. Le paysage pris

en marchant se répand sur une file, il est plutôt linéaire, tandis que le paysage pris en arrêt se

répand sur une étendue, il est plutôt carré même stéréoscopique. Ainsi, la description

correspond aussi à ces deux dispositions différentes. Le paysage pris en mouvement est décrit

plus lâchement, par l’énumération et la liste, alors que le paysage pris en arrêt est décrit

intensément, il est condensé et actif, par la référence aux verbes. On ressent ainsi que le rythme

de la marche change le rythme de l’apparition du paysage dans le texte. D’un verbe à un autre,

d’un lieu à un autre, la marche comble la distance des paysages et elle emplit le vide entre les

paysages.

La marche sert de moteur à l’apparition du paysage dans les œuvres lecléziennes. C’est aussi le

cas pour Hogan qui traverse des pays, alors que le paysage se déploie avec sa marche. Puisque

la marche est linéaire, le paysage file à côté du personnage et il se présente par l’énumération

(LF 14). On y ressent une cohérence entre la description du paysage et le regard mouvant. Le

paysage urbain se forme doucement, lentement et minutieusement, il est pris peu à peu par le

personnage en marchant. La proposition présentative « il y a… » correspond à une énumération,

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qu’on voit aussi dans Le Déluge. Le regard en mouvement frôle des morceaux du paysage pour

constituer enfin un dessin complet de la ville. La marche élargit l’existence du paysage, qui

pourrait exister continûment, à condition que la marche ne finisse pas. La marche leclézienne

s’approche de la marche appréciée par Pierre Sansot. Il s’agit de « la marche la plus simple »,

soit une marche avec un « pur regard » et « une attitude purement spectaculaire », « sans

mémoire », « sans projet », « sans but »

1

. Cette marche « picturale » fait apparaître les objets

l’un après l’autre, privés de tout ornement.

On marche en ville et on court à la campagne. Il y a une différence entre marcher et courir, qui

correspondent chez Le Clézio à deux expériences paysagères. Si la marche en ville se montre

plus ou moins non-consciente et qu’elle apporte souvent des paysages plus ou moins

indifférents, la course se présente très consciente chez Le Clézio et le paysage découvert devient

aussi plus sentimental. Comment on peut refuser un épanchement de l’émotion qui s’attache à

la course ? Dans Désert, le premier paysage de ce pays immense se présente par la course de la

petite fille, qui court « le long du chemin, à l’abri de la ligne des dunes grises » (DES 71) Elle

court vers les dunes, elle en redescend, elle court à travers les broussailles, elle court sur les

plages. La course exprime une liberté infinie, qui correspond aussi à la liberté du paysage étendu.

Suivant la course de Lalla, on entrevoit le paysage du désert : la lumière du ciel, le vent chantant,

les dunes vibrantes, la mer au loin, les plantes, les insectes – rien de mathématique, rien

d’étouffant, rien d’intense. Le paysage du désert s’étale autour de Lalla en mouvement et il

devient plus vivant et plus libre grâce à la course. Les personnages marchent en ville sans savoir

où aller, leur regard se présente aussi plus ou moins machinal et indifférent, ainsi le paysage se

montre-t-il mécanique, neutre et objectif. Il est difficile de percevoir quelque chose de

sentimental dans ce paysage-là. Pourtant, au désert, Lalla marche ou court toujours très

consciemment, elle a son but, elle a son lieu désiré, elle a un paysage préféré. La joie et le plaisir

du personnage sont aussi mis en lumière.

Le paysage du Boucan et le paysage d’Onitsha sont aussi configurés par la course des

personnages. Protagoniste du Chercheur d’or, Alexis adore courir après Denis. L’auteur décrit

l’itinéraire de leur course, tout en décrivant ce qu’ils voient. Passant « les plantations d’aloès »

(CO 36), ils s’arrêtent au milieu des champs de cannes, en regardant le lever du soleil. Puis ils

continuent à avancer vers les montagnes et le paysage continue à évoluer avec le lieu et le temps.

Ils passent par d’anciens champs de canne pour arriver à la source du Boucan, puis ils

reviennent à la vallée du Boucan, au moment où « le soleil est déjà à l’ouest » (CO 40). Par tout

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ce parcours, le narrateur présente le paysage qui s’étend du Boucan jusqu’au cœur de la forêt.

Le paysage donne une impression tellement immense, non seulement dans le sens spatial mais

aussi dans le sens temporel. La course dure du lever du soleil au crépuscule. L’étendue de

l’espace et celle du temps, formées par les pieds en marchant, se confondent pour créer une

liberté et une ivresse. Cette expérience, Fintan la connaît aussi à Onitsha, où il court du champ

d’herbes à la rivière Omerun, en passant une sorte de clairière et la plage de sable. En courant,

Fintan embrasse tout le paysage du pays africain. Alexis et Fintan ressemblent à Lalla au désert,

ils courent avec désir, ayant des lieux et des paysages à atteindre ; ils courent avec conscience,

leur regard devient conscient, leur vue devient passionnante. Différente de la description

1

inventaire du paysage urbain pris en marchant, la description du paysage naturel pris en course

apparaît lyrique et émotionnelle ; pleine de qualités émotionnelles, elle représente une certaine

communication du personnage avec le monde. La marche s’associe souvent à une rue, une route,

un chemin ou un sentier. Elle est liée ainsi aux paysages routiers.

1.2. Les rues comme des paysages

2

La marche s’attache à une rue, qui conduit le personnage au lointain et au paysage. Il y a toutes

sortes de rues dans les œuvres lecléziennes, qui structurent le paysage et qui deviennent

elles-mêmes des paysages. Si la marche est une façon de présenter le paysage, la rue servirait de

guide à l’homme en marchant.

Tout devient paysage pour le regard, aussi tout devient chemin pour les pieds. Les personnages

lecléziens suivent les rues, ou quelquefois les rues sont nées de leur marche. Il y a des rues sur

la terre : les rues innombrables en ville comme les avenues et les boulevards, les rues à la

campagne comme les chemins et les sentiers ; il y a des rues dans le ciel : l’allée des étoiles,

des constellations qui sont des repères de la rue terrestre ; il y a des rues sur la mer : la rue de

l’eau et celle des lumières, « la route des reflets qui conduit jusqu’à l’horizon, sous le soleil »

(VAC 149). Toutes ces rues variées produisent des paysages variés. Les marcheurs de Le Clézio

sont capables de découvrir ces paysages de rue. La fille magique Naja Naja connaît « des routes

qui vont partout » : « les routes de l’Est et de l’Ouest, les routes qui vont vers le haut des

montagnes, ou dans la forêt, les routes qui vont jusqu’à la lune » (VAC 149), elle connaît aussi

« tous les chemins de l’eau, du feu, de l’air » (GU 189). Suivant ces routes mystérieuses, la

jeune fille arrive au pays mystérieux où elle voit des paysages fabuleux.

1 Pour la question de la description, voir la troisième partie, chapitre 1.

2 Marina Salles a étudié dans son ouvrage les rues comme les images importantes de la ville moderne chez Le Clézio. Elle les considère comme des lieux. Elle souligne que les personnages projettent souvent leur émotion sur ces lieux. Voir Marina Salles, Le Clézio, « peintre de la vie moderne », Paris, L’Harmattan, 2007, pp. 22-30.

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Il y a les rues urbaines qui sont nées avec les immeubles, les réverbères, les enseignes et tous

les autres objets de la ville. Elles appartiennent à l’ensemble du paysage urbain. Pareilles aux

toiles d’araignées, les rues transforment la ville en un labyrinthe moderne. Elles commencent

et finissent on ne sait pas où. Comme des lumières du soleil, elles donnent le vertige. En ville

les rues se forment « comme les bras d’une étoile, ou bien les rayons d’une roue » (GU 23).

Cela nous fait deviner un centre, qui existe quelque part et qui semble exploser à tout moment.

Les rues viennent « de tous les temps et de tous les lieux, jusqu’au cœur de la spirale, jusqu’au

centre où il n’y a plus de centre » (VAC 307). La ville vibre et tourbillonne sans cesse avec ces

rues qui n’ont pas de commencement ni de fin. Tout est chaotique et troublant. On semble

tomber dans un monde de simulacre, où « les couloirs succédaient aux couloirs, les portes aux

portes, les rues aux rues, les ruelles aux ruelles. » (TA 180) On perd son lien naturel à la terre,

parce que « les éternelles rues cachent la terre » (LF 63). L’écrivain met l’accent sur la

compacité et la clameur des rues de la ville, qui se conforment avec le désordre et le tumulte du

paysage moderne.

La rue structure le paysage urbain, elle se présente comme un axe du paysage. Elle présente

avant tout un désordre et une immensité chaotiques du paysage urbain. En même temps, elle

peut exprimer la banalité et l’ennui de la vie urbaine. Dans la création de la ville, Le Clézio

prête une attention spéciale à la vue des rues familières et quotidiennes, où le spectacle et le

drame de la vie se mettent en scène. A travers la banalité de la rue ordinaire, l’écrivain montre

la condition de l’humain moderne. On voit ainsi une rue étroite dans L’Extase matérielle : une

rue « aux automobiles arrêtées ou en marche, aux hommes, aux femmes et aux enfants qui

parlaient et pensaient, aux chiens qui aboyaient, aux oiseaux qui volaient dans l’air, aux vieux

murs couverts de croûtes de peinture » (EM 240). Cette rue semble n’avoir rien de surprenant,

elle donne un paysage fade et obscur qu’on peut voir partout, dans toute grande ville

d’aujourd’hui. C’est plutôt une « parcelle dure et sûre où il se passait tant de choses

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