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Zone de provenance, caractérisation des dépôts et chronologie relative des échantillons anthracologiques

4.4.3. Patio 22, Complexe Central

Les premières plate-formes du Complexe Central apparaissent vers la fin de la phase Maax II, mais l’édification de la plupart des unités résidentielles se produit en phase Maax III (Sion, 2016). Occupé jusqu’au Classique terminal (phase Muuch), le Complexe Central est considéré comme un ensemble résidentiel d’élite en raison de l’ampleur de ses structures et de sa proximité immédiate avec la Place Río Bec et la pyramide 6O-3. Principale unité résidentielle du complexe, le Patio 22 a fait l’objet de fouilles intensives depuis 2013 (Díaz, 2016; Díaz et Gillot, 2014; Gillot, 2016, 2014) (Figure 4.6). La structure 5O-131 constitue la limite nord du patio. Elle comprend deux files parallèles de pièces suivant un axe est-ouest. Les pièces situées au sud donnent sur le Patio 22, alors que les pièces de l’espace nord donnent sur le Patio 26. À l’ouest du Patio 22, la structure 5O-120 est composée d’au moins cinq pièces disposées selon un axe nord-sud, les trois pièces à l’est ouvrant sur le Patio 22. Cette unité résidentielle connaît une occupation intense en phases Maax III et Muuch, qui s’accompagne de nombreux réaménagements architecturaux (construction de banquettes et de cloisons internes). La fermeture progressive des accès traduit non seulement un phénomène d’accroissement de la population et de contraction de l’habitat identique à celui observé dans le Complexe Sud (Sion, 2016), mais aussi une rupture avec les activités civico-cérémonielles effectuées sur la Place Río Bec, à laquelle le Patio 22 avait un accès direct dans son état initial (Nondédéo, com. pers.). À travers le cloisonnement entre ces deux espaces, le Patio 22 devient plus strictement résidentiel.

Un grand nombre de dépôts spéciaux (dépôts d’abandon et contextes funéraires en particulier) ont été mis au jour dans cette unité résidentielle. Ceux sélectionnés pour l’étude anthracologique sont les dépôts de deux sépultures ainsi que cinq dépôts exposés liés à l’abandon, dont un que l’on peut qualifier de problématique. En revanche, aucun niveau général n’a été retenu dans cette zone, principalement en raison des perturbations subies au Classique terminal. En effet, l’intérêt de cette unité résidait surtout dans son occupation en phase Maax III, où l’on suppose qu’elle abritait l’élite dirigeante de la cité. Elle a donc été considérée comme non prioritaire par rapport aux unités du Complexe Sud, qui connaissent leur apogée au Classique terminal et sont donc plus représentatives de cette dernière phase.

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Tableau 4.7 Caractéristiques des échantillons anthracologiques issus du Patio 22.

Figure 4.6 Localisation des dépôts spéciaux dans le Patio 22, Complexe Central.

Contextes funéraires du Patio 22

Deux sépultures ont fait l’objet d’un échantillonnage anthracologique en 2014, la sépulture 46 de la structure 5O-120 et la sépulture 49 de la structure 5O-131, dont la fouille s’est poursuivie en 2015.

La sépulture 46 se situe dans la pièce 2 de la structure 5O-120, sous la banquette axiale (Figure 4.7) (Barrientos, 2014a, 2014b). Cette sépulture individuelle en ciste, dans laquelle le corps d’un adulte de sexe indéterminé était disposé en décubitus dorsal étendu et orienté nord-sud, fut mise en place dans le niveau de terrassement initial puis rouverte pour en extraire les ossements des membres inférieurs. Ces deux actions successives se sont vraisemblablement produites avant la construction de la structure 5O-120 en phase Maax II, puisqu’aucune trace d’intrusion n’a été détectée. La réouverture

Id Structure Type F Phase UE Vol PM

Dépôts spéciaux

2074 5O-120 Concentration sur sol brûlé intérieur, pièce 1, partie nord

Oui Muuch N14-2074 12 -

2051 Concentration sur sol brûlé intérieur, pièce 1, partie sud

Oui Muuch N14-2051; N14- 2058

15 -

4415 Concentration dans la niche de la pièce 4 ? Muuch N14-4415 10 -

4479 Dépôt intrusif dans le sol de la pièce 4 ? Muuch N15-4479 43 -

4023 Sépulture 46, matrice cendreuse associée aux dalles supérieures de la ciste

? Maax II N14-4023 6 -

4024 Sépulture 46, cendres dans la ciste Non Maax II N14-4024 11 -

2244 5O-131 Epandage de cendres sur le sol de la pièce b ? Muuch N13-2244 12 -

4016 Sépulture 49, niveau cendreux sur les dalles de ciste

? Maax N14-4016 10 -

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et l’altération rituelle des sépultures, pour en extraire des ossements ou y déposer des objets, est une pratique maya préhispanique qui participe probablement des dynamiques d’enracinement dans un espace résidentiel et social, elles-mêmes étroitement liées au culte des ancêtres (Barrientos et al., 2015; Chase et Chase, 2003). Le mobilier funéraire de la sépulture 46 comprend deux récipients monochromes fragmentés situés au niveau des membres inférieurs, qui ont probablement été cassés au moment de la réouverture de la ciste, ainsi qu’un plat tripode polychrome déposé à l’envers au niveau du crâne, qui fut probablement ajouté lors de cette même réouverture (Barrientos, 2014a, p. 226). Les dalles supérieures de la ciste furent ensuite replacées de façon à recouvrir la fosse, donnant lieu, dans sa partie sud, à un arrangement de pierres et de terre charbonneuse. Deux échantillons de sédiment ont été prélevés dans ce contexte funéraire, le premier dans la matrice charbonneuse formant la couverture de la ciste (DS 4023), le second dans le sédiment interne à la ciste, également riche en charbons (DS 4024). S’agissant d’un contexte perturbé, il est difficile de statuer sur le processus de formation de ces dépôts charbonneux. On peut néanmoins affirmer qu’ils correspondent à un ou des dépôts volontaires, en raison de leur densité relativement élevée en charbon (1,1 g/L) par rapport au remblai adjacent qui n’a livré aucun charbon.

Figure 4.7 Sépulture 46, structure 5O-120, Patio 22. A : profil sud de la ciste, modifié d’après Díaz 2014. B : vue de la couverture de la ciste (photo : I. Barrientos).

La sépulture 49 se situe dans la pièce d de la structure 5O-131, sous la banquette latérale (Barrientos, 2016a, 2016b). Il s’agit cette fois-ci d’une sépulture intrusive, au-dessus de laquelle le sol fut reconstruit avant l’installation de la banquette. La ciste était formée de dalles verticales formant les parois latérales et d’une double couverture de dalles horizontales, dont la partie sud était effondrée à l’intérieur de la fosse. Surmontant ces dalles horizontales, une concentration de charbons et de carporestes dans un sédiment cendreux a fait l’objet d’un premier prélèvement de sédiment (DS 4016). Dans la ciste, le corps d’un individu masculin adulte orienté nord-sud était disposé en décubitus dorsal

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étendu et recouvert d’un sédiment particulier, mêlant apparemment cendres et sascab (marne calcaire). En dehors de cet épandage, dans lequel un second échantillon de sédiment a été prélevé (DS 4026), le dépôt funéraire comportait un récipient monochrome déposé à l’extrémité sud de la fosse ainsi qu’un récipient miniature situé au niveau de l’avant-bras droit. Dans ce contexte non perturbé, la nature des deux dépôts de cendres ne laisse que peu de doute sur leur caractère intentionnel en lien avec l’inhumation, d’autant qu’un traitement identique à été mis en évidence dans une autre sépulture du Patio. Mais, à nouveau, le dépôt interne à la ciste a pu être contaminé par le dépôt localisé au-dessus de la ciste lors de l’effondrement partiel de sa couverture.

Dépôts exposés

Contrairement à la structure 5O-51 du Patio 6 où les sols étaient particulièrement propres, les sols des structures du Patio 22 étaient jonchés de nombreuses concentrations cendreuses plus ou moins étendues, contenant souvent de grandes quantités de matériel céramique, lithique, malacologique et faunique. Les traces de combustion sur les sols et les murs indiquent que ces dépôts sont le plus souvent les vestiges de feux in situ, effectués directement sur les sols ou bien dans des intrusions dans les sols et les banquettes, probablement dans le cadre de rituels d’abandon. Le temps imparti aux analyses en laboratoire a impliqué une nécessaire sélection de ces dépôts, et seuls les dépôts de trois pièces ont été retenus : pièce b de la structure 5O-131 et pièces 1 et 4 de la structure 5O-120. Les dépôts mis au jour dans ces pièces ont été sélectionnés en raison de leur nature différente, de leur extension, de leur richesse en charbons et du matériel qui leur était associé.

Dans la pièce 1 (nord-est) de la structure 5O-120, un vaste niveau cendreux était répandu sur la quasi totalité de la pièce, atteignant près de 40 cm d’épaisseur contre le mur sud, sans qu’aucun aménagement pierreux ne permette de penser qu’il s’agissait d’une zone de cuisine. Deux zones de combustion y ont été détectées. La première s’étendait sur toute la largeur de la pièce contre son mur sud (DS 2051) (Figure 4.8 A). Cette zone a fourni peu de matériel céramique mais présentait en revanche une grande quantité de carporestes carbonisés. Dans la partie nord de la pièce, une seconde zone de combustion était disposée sur le sol intentionnellement détruit sur une zone d’environ 2,6 m sur 3 (DS 2074). Ce dépôt était associé à une grande quantité de matériels, dont un fragment de figurine, des coquillages sculptés, des ossements humains ainsi qu’une carapace de tortue presque complète. Bien que n’étant pas situés dans l’axe de la porte, la destruction intentionnelle du sol, les traces d’incendie et la présence d’ossements humains a permis d’interpréter ces dépôts composites comme les vestiges d’un important rituel d’abandon (Díaz et Gillot, 2014, pp. 194–195).

Dans la pièce 4 (nord-ouest) de la structure 5O-120, deux concentrations cendreuses localisées ont été échantillonnées. La première était située à l’intérieur d’une niche aménagée sur le côté nord de la banquette axiale et était associée à quelques fragments de céramique (DS 4415) (Figure 4.8 B). Comme il en existe d’autres exemples sur le site, ce dépôt cendreux résulte vraisemblablement du ou des derniers feux effectués in situ, probablement dans le cadre de rituels domestiques ou bien d’un rituel d’abandon. La seconde concentration se situe dans une fosse intrusive d’environ 0,9 m sur 0,7 perforant le sol et le remblai de la pièce dans son angle nord-ouest (DS 4479) (Figure 4.8 C et D). Il contenait des tessons de céramique des phases Maax III et Muuch, des fragments d’outils lithiques domestiques (meule), des coquillages ainsi que des restes fauniques brûlés. L’intrusion n’ayant été que partiellement rebouchée, ce dépôt « exposé », c’est-à-dire visible, doit être considéré comme lié à

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l’abandon de la structure, bien que sa configuration (dépôt enterré dans une fosse intrusive) suggère qu’il fut mis en place avant ou pendant l’occupation (Sion, com. pers.). Il s’agirait alors d’un dépôt initialement scellé (possiblement un dépôt de fondation) qui fut ensuite rouvert au moment de l’abandon.

Figure 4.8 Dépôts de la structure 5O-120, Patio 22, Complexe Central. Photos : A. Díaz. Profil : modifié d’après Díaz 2016.

Le dernier dépôt (DS 2244) est issu de la pièce b de la structure 5O-131. Ce dépôt est « problématique » dans la mesure où ses caractéristiques ne permettent pas de statuer de façon certaine sur sa fonction ou son origine. Il s’agit d’un épais niveau cendreux contenant des fragments de céramiques et quelques restes fauniques, répandu sur toute la moitié ouest de la pièce (Figure 4.9 A). Dans un premier temps, ce niveau cendreux a été perçu comme un probable dépôt d’abandon, principalement en raison de son homogénéité et de sa plus grande concentration dans l’angle nord- ouest de la pièce (où il atteint 40 cm d’épaisseur), deux observations qui suggéraient un dépôt en une seule étape (Gillot, 2014, p. 272). En effet, la dispersion rituelle de déchets domestiques sur les sols des structures au moment de leur abandon semble avoir été une pratique courante dans les cités mayas (Stanton et al., 2008). À l’inverse, ces observations contredisaient l’hypothèse d’une accumulation

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progressive de déchets domestiques telle qu’on l’observerait si la pièce avait été réutilisée comme dépotoir lors d’une ultime phase d’occupation.

Néanmoins, la mise au jour d’aménagements sur le sol de la pièce (recouverts par le niveau cendreux), notamment deux foyers circulaires ainsi qu’un support en mortier (Figure 4.9 B), a permis de déduire qu’après avoir eu auparavant une fonction résidentielle, comme l’atteste la présence d’une banquette dans la partie est de la pièce, celle-ci fut vraisemblablement réutilisée comme cuisine (Gillot, 2014). Dès lors, il devient difficile de distinguer ici ce qui semble bien être un dépôt volontaire lié à l’abandon de la structure, de ce qui relève de déchets domestiques. Dans le cas d’un abandon anticipé par exemple, les déchets domestiques s’accumulent dans des zones qui seraient nettoyées régulièrement dans un contexte pré-abandon (Stanton et al., 2008, pp. 232–233). Néanmoins, et c’est pourquoi ce dépôt intègre provisoirement le corpus des dépôts spéciaux, la récurrence des dépôts de cendres dans les autres pièces de la structure 5O-131 et dans celles de la structure 5O-120 et leur association claire à des actions rituelles de terminaison, permet de penser que le niveau cendreux de la pièce b fait aussi très certainement partie de l’abandon planifié du Patio 22 (Gillot, 2016, p. 147).

Figure 4.9 Vues depuis l’est de la pièce b, structure 5O-131, Patio 22, Complexe Central. Niveau cendreux N13-2244 (A) recouvrant les aménagements pierreux (B) disposés sur le sol. Photos : C. Gillot.

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