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Apports et limites des différentes approches dans l’étude des usages des bois et des arbres par les anciens Mayas

2.3 Synthèse des connaissances actuelles sur les usages anciens des ressources ligneuses dans les Basses Terres mayas

2.1.1. Les charbons de bois archéologiques

Les charbons de bois sont de loin le type de vestige archéobotanique le plus fréquent sur les sites archéologiques, et leur intérêt pour l’archéologie environnementale est d’autant plus grand en milieu tropical où les matériaux organiques se conservent rarement s’ils ne sont pas carbonisés. Les charbons de bois issus des contextes archéologiques sont les seules évidences irréfutables, chronologiquement fiables et quantitativement exploitables de l’usage continu des bois comme combustible par les sociétés anciennes. Irréfutables, parce que résultant de la combustion, volontaire ou accidentelle, des bois réellement utilisés ; chronologiquement fiables parce que strictement contextualisées d’un point de vue archéologique ; quantitativement exploitables car abondants sur tous les sites préindustriels où le bois de feu constitue la principale sinon la seule source d’énergie.

Origine des charbons de bois dans les sites mayas

Charbons dispersés dans les contextes généraux : synthèse des combustibles utilisés sur le long terme

Dans les sites mayas, les charbons de bois sont généralement abondants dans la plupart des contextes généraux. Issus des dépotoirs domestiques et des niveaux d’occupation dans les structures résidentielles, ils sont en grande majorité les restes des feux domestiques quotidiens nécessaires à la cuisson des aliments et à l’éclairage, régulièrement balayés et rejetés dans des zones proches des habitats. Les charbons archéologiques peuvent aussi être produits au cours d’incendies, volontaires ou accidentels, de structures en matériaux périssables. D’autres types de feu laissent aussi des charbons : ceux impliqués dans certaines activités artisanales (combustion des pierres calcaires dans la production de la chaux et cuisson des céramiques en particulier) et agraires (pratique du brûlis), ainsi que dans les pratiques rituelles où le feu tient un rôle central. Le recyclage des déchets dans les remblais de construction et plus généralement le transport de sédiments occasionné par les multiples réaménagements architecturaux, impliquent que les charbons de bois issus de nombreux feux se retrouvent mélangés dans les niveaux de remblai et de terrassement. Les charbons dispersés dans ces contextes généraux, parce qu’ils correspondent à des dépôts secondaires accumulés sur de nombreuses années, procurent une image synthétique et globale de l’usage, essentiellement domestique, des ressources ligneuses à long terme.

Certains sites spécialisés ont aussi livré des charbons de bois, qui, bien que dispersés et représentant une durée d’activité longue, peuvent être reliés à une activité particulière, non domestique. C’est le cas des ateliers salins du Parc National de Paynes Creek dans le Sud du Belize, où au cours du Classique ancien, l’on extrayait le sel par ébullition d’eau de mer dans des céramiques (Robinson et McKillop, 2014). Un autre exemple est celui d’un site de production de chaux, hypothétiquement à partir de la combustion de coquillages marins, qui fut mis au jour dans la Péninsule de Placencia sur la côte sud du Belize (MacKinnon et May, 1990). Les charbons de bois issus de tels sites « industriels » reflètent un usage spécialisés des ressources ligneuses.

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74 Charbons concentrés : vestiges d’événements ponctuels

À l’inverse, les concentrations de charbons dans les foyers domestiques, sur les sols ou bien associés à des structures de combustion particulières (fours, autels, niches, encensoirs, etc.), lorsqu’elles s’accompagnent de traces de combustion, sont les restes in situ d’événements ponctuels. Ces dépôts primaires peuvent parfois être reliés avec certitude à une activité ou un usage particulier, feu rituel par exemple. Mais ils ne procurent en général qu’une image réduite de l’usage des bois dans cette activité puisqu’ils ne représentent que le ou les derniers feux effectués dans ces structures. Ainsi, les niveaux d’incendie mis au jour sur le site d’Aguateca dans le Sud du Petén, résultant d’attaques guerrières survenues au début du IXe siècle et ayant mis fin à l’occupation de la cité (Inomata et Triadan, 2014), contiennent les restes in situ des bois employés comme matériaux de construction sur ce site à la fin du Classique récent. Dans un autre registre, plusieurs fosses intrusives sous les sols de structures civico- cérémonielles à Lamanai au Belize, contenaient de grandes quantités de charbons et autres restes végétaux carbonisés, vestiges de feux effectués sur place dans le cadre de probables rituels de consécration (Lentz et al., 2016).

Cendres et charbons dans les dépôts rituels mayas

De façon extrêmement fréquente dans les sites mayas, les dépôts de matériels résultant d’actions rituelles sont associés à des concentrations parfois conséquentes de cendres et de charbons (e.g. Clayton et al., 2005; Harrison-Buck, 2012; Pagliaro et al., 2003; Stanton et al., 2008). Celles-ci peuvent être primaires, restes in situ de feux ponctuels, ou bien secondaires, c’est-à-dire visiblement déposées dans un espace autre que le lieu de la combustion. Les dépôts supposés rituels sont communément divisés en trois catégories : les dépôts de fondation ou de consécration, les dépôts funéraires et les dépôts d’abandon ou de terminaison. Identifiés selon leur contenu et leur contexte archéologique, leur fonction est en grande partie interprétée par analogie ethnographique (e.g. McGee, 1998; Mock, 1998; Vogt, 1998).

Dépôts de fondation et sépultures. D’après les sources ethnographiques, les Mayas contemporains perçoivent le monde comme entièrement animé (Vogt, 1969). Les éléments du paysage, les ancêtres disparus, les édifices ou encore les objets, sont autant de sources de pouvoir et doivent être mises à profit si elles sont rendues vivantes par l’intermédiaire de rituels d’animation ou de consécration (McGee, 1998; Vogt, 1998). La consécration des maisons implique, par exemple, l’enterrement d’offrandes dans des fosses sous les sols, mises en place avant la construction ou creusées dans des sols existants qui sont ensuite réparés.

Dans les sites mayas, on retrouve fréquemment des dépôts de matériels dans des caches placées sous les sols des structures ou dans des niches aménagées dans les murs et les banquettes, généralement dans l’axe de la porte principale. De tels dépôts se retrouvent également au pied des monuments civiques et religieux comme les temples et les stèles. Souvent associés à des concentrations de cendres et de charbons, ces dépôts sont interprétés comme les vestiges de rituels de fondation, de consécration ou de transition, selon leur position au sein de la séquence architecturale (Becker, 1992; Chase et Chase, 1998; Pendergast, 1998). On peut citer comme exemple l’important dépôt de fondation associé à la construction, au début du Classique terminal, du temple de la structure 5N2 du Groupe A à Río Bec au Mexique (Michelet et al., 2013b). Situé dans une chambre sous le sol

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de la structure, ce dépôt était composé d’une série de sept encensoirs disposés selon un axe est-ouest, auxquels étaient associées d’importantes concentrations de cendres répandues autour des encensoirs et déposées à l’intérieur de l’un d’entre eux (Michelet et al., 2010). La mise en place des sépultures sous les sols des maisons, à l’occasion de l’édification de celles-ci ou d’une étape de reconstruction ou de réaménagement architectural, fait manifestement partie de cette dynamique de sacralisation de l’espace (McAnany, 1998). On trouve en outre dans la littérature de nombreuses mentions de dépôts de cendres associés à des dépôts funéraires et mortuaires (e.g. Iglesias Ponce de León, 2003; Pereira, 2013). D’après Stuart (1998, p. 399), de telles évidences dans des tombes à Piedras Negras et à Copán, pourraient révéler la pratique de rituels de feu effectués directement à l’intérieur des sépultures. Bien que la fonction et la signification de ces dépôts soient encore l’objet de débats, les caches et les sépultures présentent plusieurs points communs en terme de localisation et d’assemblage d’objets, souvent retrouvés brisés ou brûlés (Becker, 1992), et plusieurs auteurs ont défendu l’idée d’un continuum entre ces différents types de dépôts, en terme de gestes et de signification symbolique et sociale (e.g. Kunen et al., 2002; Newman, 2015, pp. 310–312).

Dépôts d’abandon. À l’opposé de ces pratiques fondatrices, les rituels d’abandon, de « terminaison » ou encore de « clôture », sont connus via l’ethnographie et ont vocation à tuer symboliquement l’objet ou l’édifice lors de son abandon (Vogt, 1969). Ils impliquent généralement la destruction des structures architecturales, la purification par la combustion d’encens, des prières ainsi que des dépôts d’offrandes diverses sur les sols.

Sur le plan archéologique, nombreuses sont les évidences de destruction volontaire des structures architecturales, notamment des perforations de sols ou bien la réouverture de sépultures (Chase et Chase, 2003). Celles-ci sont généralement associées à des traces de combustion, à d’importantes concentrations de cendres et de charbons et à des dépôts d’objets brisés ou brûlés dispersés sur les sols. Ces dépôts ont souvent été considérés comme problématiques en raison de la difficulté que représente leur interprétation (Becker, 1992). En effet, ils incluent régulièrement ce qui ressemble à des déchets domestiques. D’après Stanton et al. (2008, p. 242), c’est principalement la présence d’ossements humains associées aux évidences de destructions et d’incendies qui permettent de distinguer les dépôts de terminaison dits « profanatoires », effectués suite à un conflit et destinés à désinvestir l’ennemi de son pouvoir (Pagliaro et al., 2003; Stanton et al., 2008, p. 236), des simples rejets traduisant la réoccupation d’une structure par des squatteurs après son abandon. Ces actes profanatoires se distinguent encore des rituels de terminaison « révérencieux » effectués lors de l’abandon d’un édifice par les habitants eux-mêmes et supposément destinés à apaiser les ancêtres (Lamoureux-St-Hilaire, 2011; Stanton et al., 2008, p. 236). Les dépôts issus de ces rituels de terminaison, que Lamoureux-St-Hilaire et al. (2015, p. 553) ont qualifié « d’offrandes révérencielles exposées », se caractérisent principalement, d’après les auteurs, par leur position centrale dans l’édifice et par l’absence d’ossement humain.

Quelles que soient la nature et la fonction de ces différents dépôts, il apparaît que le feu tenait une place centrale dans les pratiques rituelles à l’origine de leur formation, comme l’atteste la présence quasi systématique de traces de combustion, de cendres et de charbons. Le feu était peut-être aussi nécessaire à la combustion d’encens, comme c’est le cas dans les sociétés mayas contemporaines. Mais la complexité et la variabilité observées dans la configuration et la composition matérielle des

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dépôts rituels mayas encouragent à penser que les feux qui leur étaient associés faisaient également l’objet d’une composition intentionnelle, impliquant plus étroitement le monde végétal matérialisé par les bois et les plantes.

En dehors des sites d’habitat, d’autres types de contextes livrent aussi parfois d’importantes quantités de cendres et de charbons, notamment les sites souterrains. Lieux sacrés dédiés aux cérémonies religieuses, les cavernes et les cenotes sont considérés, dans les croyances des anciens mayas et encore aujourd’hui, comme des entrées vers l’Inframonde, permettant ainsi la communication avec les entités surnaturelles (Brady et Prufer, 2005; Prufer et Brady, 2005). Les niches aménagées dans les édifices sont d’ailleurs interprétées comme des représentations des cavernes, expliquant qu’elles aient été des lieux privilégiés pour les activités rituelles. Les pratiques rituelles préhispaniques menées dans les cavernes des Montagnes Mayas au Belize ont été particulièrement bien documentées (Prufer, 2002), celles-ci livrant fréquemment divers types des restes végétaux carbonisés (Morehart, 2011, 2002; Prufer et Dunham, 2009) .

L’étude des charbons de bois dans la zone maya

Les charbons de bois recèlent donc un potentiel informatif considérable pour l’archéologie maya, qui répond à des questions fondamentales dans l’étude des sociétés anciennes relatives à la gestion des ressources énergétiques, tout autant qu’à une meilleure compréhension de certains aspects socio- culturels et idéologiques qui se manifestent à travers les pratiques rituelles. Pourtant, le potentiel des charbons de bois a été très largement sous-exploité dans la zone maya. Tout d’abord, rares sont les projets archéologiques incluant un échantillonnage archéobotanique systématique par flottation ou tamisage des sédiments, les charbons n’étant en général collectés que ponctuellement pour les datations au radiocarbone. Ensuite, l’analyse des charbons, lorsqu’elle est effectuée, se limite souvent à un rôle complémentaire par rapport à l’analyse des carporestes (fruits et graines) dans l’étude des pratiques liées à la subsistance et à la sylviculture d’arbres fruitiers. Seules de rares études ont cherché à comprendre spécifiquement l’économie des bois sur un site maya ou à clarifier l’usage et la signification des bois de feu dans les pratiques rituelles des Mayas préhispaniques.

L’étude des charbons de bois, de même que l’archéobotanique en général, a connu un développement tardif dans la zone maya (McClung de Tapia, 1985). À partir de la fin des années 1970, puis dans les années 1980 au Belize, des chercheurs ont commencé à appliquer des protocoles d’échantillonnage archéobotanique systématiques par flottation (Turner et Miksicek, 1984, p. 183), notamment sur les sites préclassiques de Cuello (Miksicek, 1991; Miksicek et al., 1981a, 1981b), Cerros (Cliff et Crane, 1989; Crane, 1996) et Pulltrouser Swamp (Miksicek, 1983). C. Miksicek fut probablement le premier à analyser systématiquement les charbons de bois issus de ces sites, et à tenter de mettre au point une méthode destinée à systématiser les identifications taxonomiques à partir d’une collection de référence personnelle des bois du Nord du Belize (Miksicek, 1991).

Les études archéobotaniques se sont ensuite développées à partir des années 1980-1990 sur des sites préclassiques et classiques au Belize, au Honduras, au Salvador (Lentz, 1989, 1991, Lentz et al., 1996a, 1997, 2016; McKillop, 1994; Miksicek, 1986, 1988; Slotten, 2015), puis, plus récemment, au Guatemala (Lentz, 1999; Lentz et al., 2014b, 2015; Thompson, 2013; Thompson et al., 2015b; Wyatt et al., 2012). Principalement focalisées sur l’usage des plantes « économiques », ces études ont produit

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un vaste corpus de données démontrant que les anciens Mayas recourraient à une grande variété de cultigènes, d’arbres fruitiers et de palmiers pour leur subsistance (Lentz, 1999; McKillop, 1994). L’étude archéobotanique de Lentz (1991) à Copán, bien que centrée en tout premier lieu sur les différences sociales dans l’accès aux ressources alimentaires végétales, est l’une des premières à avoir employé les charbons de bois comme signature pour appréhender la question de la déforestation sur un site maya. Elle démontre que le bois de pin (Pinus sp.) était le principal combustible utilisé à Copán durant toute la durée d’occupation du site, et propose que cette préférence a dû contribuer à une plus forte pression sur les forêts locales de pins et de chêne, dans le cadre de l’hypothèse d’une déforestation à la période classique (Abrams et Rue, 1988).

Les premières études ont souvent révélé la présence de charbons de bois de pin sur les sites mayas, même dans des zones où cette essence ne pousse pas actuellement. À partir de ce constat et en se fondant sur des observations ethnographiques, Miksicek (1991, 1983) a avancé l’hypothèse que le bois de pin avait dû être une ressource suffisamment importante pour faire l’objet d’échanges à longue distance dans la zone maya. À sa suite, Lentz et ses collègues (2005) ont testé cette hypothèse sur le site classique de Xunantunich (Belize). En analysant la distribution des charbons de pin au sein de structures résidentielles de différents statuts sociaux, ils proposent que le pin était un bien de prestige, dont l’acquisition et la distribution étaient une prérogative de l’élite. Cette approche politique et sociale de l’usage des ressources végétales, ou political ecology (Morehart et Morell-Hart, 2013), a été reprise à Chan, une communauté agraire de la haute vallée du fleuve Belize occupée du Préclassique au Postclassique (Robin, 2012). Lentz et al. (2012) y comparent la distribution de trois types de combustibles ‒ bois de pin, bois de feuillu et palmier ‒ entre les contextes domestiques, administratifs et cérémoniels, pour tenter de distinguer des tendances fonctionnelles dans l’usage des bois. Ils démontrent que les charbons de pin sont plus abondants dans les contextes cérémoniels, suggérant un usage spécifique de cette essence dans la sphère rituelle. Ces résultats confortent ceux que Morehart a obtenus suite à son étude des feux rituels pratiqués dans les cavernes de cette même vallée, grâce à quoi il a démontré que le bois de pin était une composante indispensable aux rituels mayas préhispaniques (Morehart, 2011, 2002; Morehart et al., 2005). Deux autres études ont montré que l’usage du bois de pin était également impliqué dans les rituels funéraires, au moins à la période classique : celle de la sépulture de Bats’ub Cave dans les Montagnes Mayas datée du Classique ancien (Prufer et Dunham, 2009), et celle des dépôts de cendres découverts dans des sépultures de Río Bec (Campeche), datées du Classique récent et terminal (Dussol et al., 2016; Pereira, 2013). Alors que l’étude de Prufer et Dunham (2009) a montré un usage quasi exclusif du pin, probablement sous forme de torche, pour cette inhumation particulière, l’étude des dépôts funéraires de Río Bec a révélé qu’un très grand nombre d’essences avait été utilisé pour ce qui fut interprété comme des feux funéraires intentionnellement composés (Dussol et al., 2016). La comparaison entre contextes funéraires, contextes cérémoniels et contextes domestiques non rituels a également permis d’avancer que l’usage du bois de pin à Río Bec était probablement réservé aux pratiques rituelles.

Dans ce contexte scientifique, somme toute très orienté vers des problématiques anthropologiques et culturelles, deux études se distinguent par leur singularité. La première est celle de Robinson et McKillop (2014) menée à Chan B’i, un site subaquatique situé dans le Parc National de Paynes Creek dans le Sud du Belize. Occupé au Classique ancien, ce petit site côtier était un atelier de production de sel, probablement intégré dans des réseaux d’échanges à longue distance (McKillop, 2005). Malgré un

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échantillon très réduit (seulement 191 charbons identifiés) et l’absence de stratigraphie due à l’origine subaquatique des charbons, cette étude est sûrement l’une des premières ayant eu pour objectif de reconstituer spécifiquement les comportements humains associés à l’économie des bois de feu sur un site un maya, spécialisé en l’occurrence. Les auteurs se fondent sur la théorie de la stratégie optimale de recherche de la nourriture, ou optimal foraging theory (Smith, 1983), ainsi que sur des études archéologiques et ethnoarchéologiques extra-américaines pour interpréter les assemblages de charbons en termes de sources d’approvisionnement, de stratégie d’acquisition et de critères de sélection des combustibles. Ce cadre méthodologique leur a permis de suggérer que les principaux combustibles utilisés pour cette activité spécialisée faisaient l’objet d’une sélection, et qu’ils étaient complétés par la collecte opportuniste d’autres essences, probablement sous forme de bois mort ou de déchet de taille des bois de construction. La seconde étude est celle menée par Thompson (2013; 2015b) à Tikal, qui constitue, à notre connaissance, la première étude pédo-anthracologique dans la zone maya. Dans l’optique d’étudier les anciennes pratiques sylvicoles et leur impact sur la structure et la composition de la forêt actuelle, l’auteur confronte les données anthracologiques issues de contextes archéologiques et de fosses pédologiques aux associations végétales actuelles, selon une approche statistique. Elle établit une corrélation positive entre certaines essences parmi les plus utilisées par les Mayas de Tikal et celles les plus représentées aujourd’hui dans l’environnement, telles que Manilkara zapota, Pouteria

reticulata, Brosimum alicastrum et Haematoxylum campechianum, et en déduit que ces essences ont dû être activement entretenues par le biais de pratiques sylvicoles.

Limites à l’étude des charbons en zone maya

La première difficulté de l’anthracologie dans la zone maya réside, comme dans tous les milieux tropicaux, dans l’identification taxonomique des essences de bois. Compte tenu de la biodiversité végétale extrêmement élevée des forêts tropicales ‒ 3145 espèces d’angiospermes (plantes à fleurs) actuellement recensées pour le seul territoire du Belize (Bridgewater, 2012, p. 33), même les collections de référence les plus fournies ne peuvent garantir des identifications toujours précises. Cela est d’autant plus vrai que de nombreuses familles de plantes ligneuses présentent une très grande homogénéité anatomique. Par exemple, s’il peut être difficile de discriminer les genres de Sapotacées, de Malvacées, de Rubiacées ou d’Euphorbiacées, il est parfois impossible de distinguer certains genres de Mimosoidées (sous-famille des Fabacées ou légumineuses) avec certitude (Cassens et Miller, 1981). L’identification des bois tropicaux implique donc une véritable recherche, largement tributaire des sources existantes en xylologie (corpus littéraire et bases de données en ligne). Cette difficulté a probablement constitué un frein majeur au développement de ce type d’étude dans la région, puisqu’elle implique la nécessité, pour tout archéobotaniste désireux de travailler sur un site maya, de se familiariser au préalable avec plusieurs dizaines d’essences de base, voire de constituer sa propre collection de référence à partir de bois actuels.

Malgré ce facteur limitant, C. Miksicek, D. Lentz puis C. Morehart ont largement contribué au développement et à la lisibilité de l’étude des charbons de bois et de l’archéobotanique en général, dans la zone maya. Leurs travaux ont porté essentiellement sur des problématiques économiques et