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Dynamiques socio-environnementales dans les Basses Terres mayas à travers les âges

1. Forêt haute et moyenne sub-pérenne

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zones anciennement incendiées. Dans les marais, deux associations peuvent se développer suite à des perturbations (extraction sélective de bois et feux de forêt) : l’association de Metopium brownei (chechen negro) sur les gleysols et l’association de Gymnopodium floribundum (dzidzilche) sur les sols plus rocailleux. Enfin, les acahuales se définissent comme des communautés d’ancienneté variable, développées dans des zones ayant été fortement affectées par l’agriculture, l’extraction de bois ou les incendies. Les espèces pionnières précédemment citées y sont abondantes, avec en plus, de façon tout à fait caractéristique, Cecropia peltata et C. obtusifolia (guarumo), Acacia gaumeri (kastim) et Mimosa

bahamensis (sak-katsim).

Variations floristiques notables entre les régions de Tikal et de Calakmul

Malgré d’évidentes similitudes dans les formations végétales principales, il existe des différences subtiles entre la flore du Parc National de Tikal et celle de la Réserve de Biosphère de Calakmul. Ces différences s’expliquent en grande partie par le gradient de précipitations sud-nord (1300 à 1500 mm/an à Tikal, 1000 mm/an en moyenne à Calakmul, d’après Martínez et Galindo Leal 2002) et par la qualité des sols, plus minces et rocailleux à mesure que l’on avance vers le nord. Ces deux facteurs impliquent que la région de Tikal se trouve être plus humide que celle de Calakmul. Les légumineuses sont clairement plus représentées dans la région de Calakmul (13 espèces fréquentes, 23 espèces mentionnées au total) que dans la région de Tikal (7 espèces fréquentes, 17 espèces mentionnées). À l’inverse, les Méliacées sont beaucoup plus importantes dans les zones plus humides de Tikal (7 espèces) que dans la région de Calakmul, où seule Swietenia macrophylla a été recensée. Certaines espèces dominantes dans les associations de forêt haute à Tikal sont très rares à Calakmul, voire n’ont été enregistrées que dans l’extrême Sud de la réserve, qui correspond à la région la plus humide du Campeche. C’est le cas de Pouteria durlandii, Ampelocera hottlei (luín) et Pseudolmedia glabrata. D’autres, comme Exothea paniculata (yaicuaje) et Vatairea lundellii (palo de danto), abondantes dans les forêts mésiques de zone haute (Schulze et Whitacre, 1999), n’ont jamais été enregistrées dans la région de Calakmul. Parmi les espèces abondantes à Calakmul et par ailleurs complètement absentes à Tikal, mentionnons Gymnopodium floribundum et Mimosa bahamensis.

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Commentaire sur la distribution des Sapotacées dans les forêts des Basses Terres centrales

Si tous les auteurs s’accordent sur le fait que, dans les Basses Terres centrales, les forêts des zones hautes sont dominées par les arbres de la famille des Sapotacées (Pennington, 1990), l’importance relative3 des espèces varie, en fait, considérablement d’une zone à l’autre (voir par exemple les études de Martínez et Galindo Leal, 2002; Schultz, 2003; Schulze et Whitacre, 1999; Thompson et al., 2015b; Weterings et al., 2008; Zamora-Crescencio et al., 2012). Pour ne donner que quelques exemples, dans les forêts actuelles de Tikal, Pouteria reticulata est l’espèce la plus abondante (en nombre d’individus), quatre à cinq fois plus fréquente que Manilkara zapota (Schulze et Whitacre, 1999, Annexe 2; Thompson et al., 2015b, p. 136), alors qu’en 1937, Lundell mentionnait cette dernière comme étant l’espèce arborée dominante dans les zapotales du Nord du Petén. Il est vrai que cette observation ancienne ne s’appuie pas sur un relevé floristique quantitatif et systématique au sens moderne et que l’auteur ne précise pas ce que recouvre ici la notion de dominance4

Il est possible que ces variations spatiales et probablement aussi temporelles soient dues en partie à la diminution des populations de chicozapote dans certaines régions, conséquence de l’exploitation intensive de l’espèce pour l’industrie du latex au cours du XXe siècle (Martínez et Galindo Leal, 2002, p. 24). Le second facteur qui pourrait déterminer la distribution différentielle du chicozapote dans les Basses Terres est la déforestation elle-même, dans la mesure où l’espèce est caractéristique des forêts anciennes (Weterings et al., 2008) et est donc généralement absente dans les parcelles en cours de régénération. Pour ne parler que de l’actuel, l’importance de M. zapota n’est donc ni générale pas plus qu’elle n’est homogène, contrairement à ce qui transparaît souvent dans les publications relatives aux forêts des Basses Terres. Ce qui est vrai, en revanche, c’est le caractère ubiquiste de l’espèce, dû à sa grande résistance à la sécheresse. Elle se retrouve donc aussi bien dans les forêts des zones hautes que dans les forêts transitionnelles des zones basses, depuis les Basses Terres méridionales jusqu’au Nord du Quintana Roo (Aguirre de Riojas et Pöll, 2007, p. 95; Schultz, 2003; White et Darwin, 1995, p. 9).

. Son caractère informatif est donc limité, mais on ne peut s’empêcher de constater qu’elle semble en désaccord avec les données actuelles existantes pour le Nord du Petén. Des variations existent aussi dans la partie mexicaine de la péninsule. Martínez et Galindo Leal (2002) présentent les espèces Manilkara chicle et M. zapota comme co-dominantes (sans précision) dans les forêts actuelles de Calakmul. D’après ces auteurs, et par comparaison avec l’étude antérieure de Miranda (1958), les espèces Pouteria reticulata,

P. amygdalina et dans une moindre mesure P. campechiana, ont vu leur population augmenter considérablement dans la région au cours des cinquante dernières années (Martínez et Galindo Leal, 2002, pp. 25–26). À l’inverse, dans la région d’Oxpemul, M. zapota n’est que 29e dans l’ordre de dominance d’après les valeurs d’importance relative, et P. reticulata n’y est même pas mentionnée parmi les 50 espèces les plus abondantes localement (Zamora-Crescencio et al., 2012).

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En écologie, l'importance relative d'une espèce se définit comme la somme de trois valeurs : densité relative (nombre d'individus de l'espèce par rapport au nombre total d'individus), fréquence relative (nombre d'unités de surface dans lesquelles apparaît l'espèce par rapport au nombre total d'unités considérées) et dominance relative ou biomasse (aire basale de l'espèce par rapport à l'aire basale totale). Certaines études peuvent porter à confusion lorsqu'une espèce est déclarée « dominante », sans que l'auteur ne précise si ce terme renvoie à son importance relative dans la végétation, ou bien s'il se réfère effectivement à la biomasse de l'espèce.

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La question se pose réellement puisque de ces deux espèces, P. reticulata est un petit arbre des strates forestières intermédiaires, alors que M. zapota est un grand arbre de canopée parmi les espèces à plus forte biomasse dans les forêts des Basses Terres centrales (Weterings et al., 2008).

Feux et forêts mayas

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Tableau 1.2. Composition floristique des associations végétales de la Réserve de Biosphère de Calakmul. Parmi les espèces caractéristiques de chaque association : O = dominante; X = forte emprise ; x = faible emprise. (données

disponibles pour 10 des 15 associations mentionnées, d’après Martínez et Galindo Leal, 2002, p. 12).

Savane

Espèce Nom commun 1a 1b 1e 1f 1g 3a 3b 4 5a 5b

Brosimum alicastrum Ramón O X X X

Manilkara chicle Chikib'ul X O

Pouteria reticulata Zapote X X X X

Manilkara zapota Chicozapote X X X x X X

Pimenta dioica Pimienta gorda X X X X

Melicoccus oliviformis Guayo X X x X

Licaria campechiana Aguacatillo X X

Pseudolmedia spuria Manax X X

Swietenia macrophylla Caoba X X X

Pouteria amygdalina Silillon X X

Pouteria campechiana Zapote X

Pouteria sapota Zapote mamey X

Vitex gaumeri Yaxnic X

Exostema mexicana Palo de quina x

Bucida buceras Pukté O X O

Sabal mauritiiformis Guano X X

Lonchocarpus castilloi Machiche X O

Platymiscium yucatanum Palo marimba X x X x

Astronium graveolens Jobillo X

Ficus obtusifolia Amate X

Enterolobium cyclocarpum Guanacaste x

Gaussia maya x

Haematoxylum brasiletto Palo tinto x

Tabebuia rosea Maculiz x

Aspidosperma cruentum Malerio colorado O

Aspidosperma megalocarpon Malerio blanco O

Guettarda combsi Testap X

Protium copal Copal X

Calophyllum brasiliense Santamaria x

Gymnanthes lucida Pij x

Piscidia piscipula Habín X X

Chrysophyllum venezuelanense x

Hirtella americana Aceituno x

Haematoxylon campechianum Palo tinto O X x

Cameraria latifolia Chechen blanco O

Byrsonima bucidifolia Nance agrio X X X x

Diospyros bumelioides Siliil X X x X

Lonchocarpus guatemalensis Palo gusano X X x X

Cordia dodecandra Siricote X X x

Metopium brownei Chechen negro X X O X

Coccoloba cozumelensis Boochi che' X X

Croton icche P'ere'es k'uuch X x

Forêt secondaire Forêt haute et moyenne Forêt basse