• Aucun résultat trouvé

3.2.1.2 Origine indirecte : physique

Dans le document en fr (Page 131-136)

sur les mécanismes sensorimoteurs

I. 3.2.1.2 Origine indirecte : physique

Bien que l’on puisse aisément envisager la possibilité d’une origine génétique aux troubles de la proprioception, une origine indirecte résultant de l’hypermobilité articulaire peut raisonnablement être envisagée. En effet, les nombreuses études faisant état de troubles proprioceptifs chez des individus présentant une hypermobilité articulaire, sans nécessairement présenter un SEDh, abondent dans ce sens (Smith et al. 2013 ; Holla et al. 2012 ; Sahin et al. 2008

; Fatoye et al. 2008 ; Ferrell et al. 2004 ; Hall et al. 1995). Partant de cette constatation, différentes

hypothèses ont été émises quant aux mécanismes résultants l’hypermobilité articulaire à l’œuvre dans l’apparition des troubles proprioceptifs. En premier lieu, il est possible que l’extension excessive des ligaments induite par l’hypermobilité articulaire détériore les récepteurs situés au sein des articulations. La qualité de l’information transmise par les récepteurs articulaires lors du mouvement serait, par conséquent, détériorée, et celle-ci ne correspondrait plus au mouvement réellement exécuté par ladite articulation (Rombaut et al. 2010a ; Fatoye et al. 2008). Il est également possible que le mouvement excessif provoqué par l’hypermobilité de l’articulation génère l’activation d’une quantité anormalement grande de récepteurs lors du mouvement. Dès lors, un mouvement de faible amplitude n’engendrera pas l’activation d’un nombre suffisant de récepteurs pour permettre au sujet de le percevoir (Rombaut et al. 2010a). Par ailleurs, l’hyperlaxité articulaire

est à l’origine d’une instabilité de l’articulation affectée. Cette instabilité est la cause de nombreux traumas tels que des luxations, entorses et subluxations (Castori et al. 2017). Ces traumas altèrent le ligament, et causent des dommages aux mécanorécepteurs articulaires qui persistent une fois le trauma guéri. Ce mécanisme défini par Freeman et al. (1965), appelé désafférence, altère la perception des positions et des mouvements réalisés par l’articulation (Munn, Sullivan, et Schneiders 2010 ; Refshauge, Kilbreath, et Raymond 2003 ; Konradsen 2002 ; Hertel 2000 ; Jerosch

et al. 1996).

Ainsi, chacune des hypothèses avancées quant à l’origine des troubles somesthésiques apparaissent vraisemblables, sans pour autant s’exclurent, l’une l’autre. Ensemble, l’impact de la modification structurelle du collagène sur les récepteurs et leurs environnements physiologiques, et/ou l’altération d’origine mécanique induites par l’hypermobilité articulaire, exerceraient une influence délétère sur les mécanorécepteurs somesthésiques, les rendant porteurs d’un message bruité. Par conséquent, en raison du bruit généré par le système somesthésique, celui-ci deviendrait source d’erreurs plus que d’informations. L’information sensorielle perdant sa fiabilité, le SNC

baisserait sa contribution aux mécanismes perceptifs et sensorimoteurs. Toutefois, en raison de l’absence d’origine génétique déterminée pour SEDh, il convient de rester prudent quant à un éventuel impact direct de l’altération du collagène sur le fonctionnement des récepteurs somesthésiques.

I.3.2.2. Le syndrome d’Ehlers-Danlos de type hypermobile : du déficit somesthésique aux troubles de la motricité

Les patients affectés par le SEDh présentent communément d’invalidantes limitations fonctionnelles ayant un fort impact sur leur qualité de vie. Les multiples troubles musculosquelettiques et le déficit somesthésique présents dans le SEDh sont à l’origine d’une importante altération de leur motricité, d’une fatigue chronique, et de douleurs diffuses dans l’ensemble du corps(Voermans et al. 2010 ; Russek 2000).Ensemble, ces symptômes provoquent de sévères limitations dans les activités de la vie quotidienne, limitations qui, avec le temps, installent de plus en plus solidement les patients dans l’inactivité (Rombaut, Malfait, De Wandele,

et al. 2011 ; Rombaut, Malfait, De Wandele, Taes, et al. 2012 ; Voermans et al. 2010).Chez de

nombreux patients cette inactivité accroît progressivement une peur à l’idée de se mouvoir, peur aussi appelée kinésiophobie (Rombaut, Malfait, De Wandele, et al. 2011). Par voie de conséquence, cette baisse d’activité entraine une perte d’autonomie, de l’isolement et une désocialisation ; phénomènes qui enferment progressivement les patients SEDh dans une relation exclusive à la pathologie. A ce jour, les troubles sensorimoteurs à l’origine de la détérioration de leur motricité sont encore mal compris et mal évalués. Par conséquent, une meilleure compréhension des mécanismes sous-tendant les troubles de la motricité développés par ces patients constitue un enjeu majeur afin de développer des prises en charges adaptées et efficaces pour le SEDh.

Scheper et al. (2016)ont tenté de déterminer si la perte de la force musculaire était à l’origine

des limitations fonctionnelles développées par les patients SEDh dans leurs activités quotidiennes, mais également, si ces deux phénomènes (i.e. perte force musculaire et limitations fonctionnelles) étaient liés au déficit proprioceptif que présentaient ces patients. Ces auteurs ont ainsi montré que la perte de force musculaire était associée aux limitations fonctionnelles, et que ceux-ci étaient fortement influencés par l’importance du déficit proprioceptifs en présence. Plus spécifiquement, les résultats de cette étude révèlent une forte corrélation entre la sensibilité proprioceptive des patients SEDh et leur force musculaire. Face à cette observation, les auteurs suggèrent quela perte de force musculaire génère, ou aggrave, une partie des troubles proprioceptifs développés par les patients SEDh. Cette interprétation repose sur des observations effectuées chez les patients atteints d’ostéo-arthrose (Felson 2009). Chez ces patients, il a été démontré que l’atrophie musculaire

réduisait la densité des récepteurs proprioceptifs présents dans les muscles.De façon comparable, il est possible que l’atrophie associée à la perte de force musculaire entretienne, voire aggrave, les troubles proprioceptifs présents chez les patients SEDh (Scheper et al. 2016 ; Rombaut et al. 2012). Ainsi, la baisse des activités induite par les limitations fonctionnelles aurait pour conséquence une perte progressive de la force musculaire. Cette perte serait alors à l’origine d’une aggravation du déficit proprioceptif, déficit qui serait, lui-même, à l’origine des limitations fonctionnelles présentes chez les patients SEDh. Ainsi, les patients SEDh apparaissent enfermés dans un cercle vicieux à l’origine de l’altération progressive de leur motricité ; cercle vicieux dont le point d’ancrage est leur déficit proprioceptif.

Le déficit proprioceptif, et plus globalement somesthésique, apparait donc jouer un rôle central dans le développement des limitations fonctionnelles présentes chez les patients SEDh. Cette observation apparaît tout à fait cohérente au regard de l’importante implication de ces afférences sensorielles au sein des processus sensorimoteurs. Aussi, investiguer plus en détail les répercussions de ce déficit somesthésique sur les mécanismes sensorimoteurs sous-tendant la motricité des patients SEDh apparaît capitale pour permettre le développement de stratégies thérapeutiques spécifiques visant à réhabiliter leur motricité, et plus globalement leur autonomie fonctionnelle.

I.3.2.3. Le syndrome d’Ehlers-Danlos de type hypermobile : troubles du contrôle postural

Point d’ancrage de la motricité, le contrôle postural constitue une bonne fenêtre d’observation sur l’état structurel, ainsi que sur les dynamiques inhérentes aux processus sensorimoteurs. Bien que le nombre d’études portant sur le contrôle postural au sein du SEDh demeure limité, ces dernières apportent néanmoins un premier éclairage intéressant quant à l’origine des troubles fonctionnels présents dans le SEDh.

Dans l’ensemble, les études évaluant l’équilibre postural des patients atteints du SEDh révèlent une perte de stabilité (i.e. augmentation de la variabilité de leurs oscillations posturales) à la fois dans les directions antéropostérieure et médiolatérale (Rigoldi et al. 2013 ; Galli et al. 2011 ;

Rombaut, Malfait, DeWandele, et al. 2011). Les auteurs s’accordent pour attribuer cette altération

de la stabilité posturale au déficit somesthésique présent chez les patients SEDh. Néanmoins, ces mêmes auteurs envisagent l’implication d’autres facteurs dans ces troubles posturaux, tels que la douleur ou encore la faiblesse musculaire. Ainsi, outre l’altération du retour somesthésique, cette dégradation du contrôle postural serait induite par une faiblesse musculaire, ladite faiblesse se répercutant alors par une instabilité des articulations, source de l’augmentation de la mobilité du

CdP (Rombaut et al. 2012 ; Galli et al. 2011 ; Voermans et al. 2010). Conjointement, Rombaut,

Malfait, De Wandele, et al. (2011) proposent, qu’en raison des douleurs musculosquelettiques

ressenties par les patients aux extrémités de leurs membres, ces derniers adoptent une stratégie d’évitement. Cette stratégie consisterait à réduire les réponses musculaires autour de l’articulation, ainsi qu’à décharger le poids pesant sur l’articulation touchée afin de limiter la douleur. Ainsi, en rendant le maintien de l’équilibre postural plus difficile sur le plan biomécanique, cette stratégie constituerait un facteur limitant pour sa régulation. Par conséquent, au-delà d’éventuelles répercussions du déficit somesthésique sur le contrôle postural, il est très possible que celui-ci soit également directement altéré par d’autres facteurs relatifs au SEDh, tels que l’instabilité articulaire, la faiblesse musculaire, ou les douleurs présentes chez ces patients. Toutefois, et bien que ces facteurs puissent influencer la régulation de l’équilibre postural, l’ensemble des auteurs s’accordent sur l’hypothèse selon laquelle l’altération du retour somesthésique demeure le principal acteur de son altération. De surcroit, et comme nous l’avons précédemment mentionné, la faiblesse musculaire et les douleurs chroniques pourraient être les conséquences du déficit somesthésique.

En effet, Rombaut, Malfait, De Wandele, et al. (2011)ont obtenu des résultats qui suggèrent une implication privilégiée du système somesthésique dans les troubles posturaux chez les patients SEDh. Ces auteurs ont observé une augmentation de la vitesse de déplacement du CdP chez les patients atteints du SEDh. Or, certaines études ont précédemment démontré le rôle central des informations sensorielles sur la vitesse au sein de la régulation de la stabilité posturale (Jeka et al.

2004 ; Kiemel et al. 2002). Les informations sur la vitesse seraient principalement fournies par les

systèmes visuels et somesthésiques (afférences podales et de la cheville), et donc sensibles aux modifications émergeantes au sein de ces deux systèmes. Ainsi, l’augmentation de la vitesse de déplacement du CdP, suggère que les patients présentent une moindre capacité à réguler ce paramètre. Celui-ci étant principalement géré les afférences somesthésiques et visuelles, l’augmentation de la vitesse observée chez les patients SEDh semble être d’origine sensorielle. Étant donné que les patients SEDh présentent un déficit somesthésique, ces observations suggèrent fortement l’implication de ce déficit dans l’apparition des troubles postaux. Conjointement, l’ensemble des travaux montrent que, comparativement aux sujets sains, les patients SEDh présentent une altération accrue du contrôle postural lors du retrait des informations visuelles (Rigoldi et al. 2013 ; Galli et al. 2011 ; Rombaut, Malfait, DeWandele, et al. 2011). Ainsi, cette altération du retour somesthésique apparait compensée par un recrutement accru, voire une dépendance vis-à-vis des informations visuelles. A contrario, les patients n’apparaissent pas compenser la baisse du recrutement somesthésique pour le contrôle postural, par une utilisation plus importante du système vestibulaire (Rombaut, Malfait, De Wandele, et al.

2011). Toutefois, il serait difficile d’élargir cette observation au fonctionnement global du système

sensorimoteur chez les sujets atteints du SEDh, dans la mesure où le système vestibulaire ne joue qu’un rôle limité dans la régulation de l’équilibre postural (Fitzpatrick et McCloskey 1994). Aussi est-il possible que, si le système vestibulaire contribue peu à la compensation du déficit somesthésique pour le maintien de l’équilibre postural, ce dernier intervienne d’une façon plus importante dans d’autres activités motrices telles que la locomotion.

L’ensemble des travaux sur le contrôle postural des patients atteints du SEDh, confirme l’altération de ce dernier. Cette altération serait principalement due au déficit somesthésique présent chez les patients atteints du SEDh, déficit compensé par un recrutement accru des informations visuelles. Cette stratégie déjà observée dans d’autres pathologies induit une baisse de l’automaticité du contrôle postural (e.g. Redfern et al. 2004 ; Yardley et al. 2001).Par convergence, de précédentes observations effectuées sur le contrôle postural des patients SEDh montrent une baisse de l’entropie relative au contrôle postural (Rigoldi et al. 2013). Ces observations prises de concert avec les études montrant une perte de stabilité posturale (telles que quantifiées par les mesures stabilométriques classiques, e.g. ellipse de confiance, moyenne quadratique des déplacements du CdP), suggèrent ce que Donker et al. (2007) nomment : « régulation posturale de nature contrôlée inefficace ». Ainsi, celle-ci reflèterait une augmentation du monitoring actif des oscillations posturales ; phénomène pouvant être induit par une diminution de l’automaticité de la régulation de l’équilibre postural, mais également, possiblement, en une diminution de la confiance que ces patients accordent à leurs capacités d’équilibration.

Dans le document en fr (Page 131-136)

Outline

Documents relatifs