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Coût cognitif de l’intégration sensorielle au sein du contrôle postural

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I. 1.3.1.3 Profil sensorimoteur : Référentiels spatiaux et vicariances

I.1.3.2. Coût cognitif de l’intégration sensorielle au sein du contrôle postural

Comme nous avons pu le constater, la littérature met en lumière l’implication de mécanismes sensorimoteurs complexes en jeu dans le contrôle de la posture. Ainsi, bien que ce dernier s’effectue la plupart du temps de façon quasi-automatique, il nécessite néanmoins l’apport de ressources cognitives, et plus généralement, attentionnelles. Ces ressources sont particulièrement impliquées lors de situations nécessitant l’adaptation à des bouleversements intrinsèques (e.g. pathologie sensorielle) ou extrinsèques (e.g. modification de l’environnement) à l’individu.

Afin de quantifier la demande cognitive associée au contrôle postural, les chercheurs ont communément recours au paradigme de double tâche cognitivo-posturales consistant à la présentation simultanée de deux tâches cognitive et posturale (e.g. Potvin-Desrochers, Richer, et Lajoie 2017 ; Bernard-Demanze et al. 2009 ; Huxhold et al. 2006 ; Redfern et al. 2004 ; Woollacott et Shumway-Cook 2002 ; Melzer, Benjuya, et Kaplanski 2001 ; Redfern, Yardley, et Bronstein 2001 ; Teasdale et Simoneau 2001 ; Andersson, Yardley, et Luxon 1998 ; Lajoie et al. 1996 ; 1993 ;

Abernethy 1988). Ce paradigme repose sur le postulat selon lequel deux tâches réalisées

simultanément interfèrent si elles utilisent des sous-systèmes fonctionnels et cérébraux communs

(Pashler 1994). La baisse de performance dans l’une des deux tâches lors de leurs présentations

simultanées, indique que, la demande cognitive dépassant les capacités du système, le sujet est contraint de privilégier l’une des deux tâches au détriment de l’autre (Yardley et al. 2001). L’observation des modifications engendrées par l’ajout d’une tâche cognitive à la tâche posturale, ou de la tâche posturale à la tâche cognitive, permet donc de quantifier à la fois la demande cognitive relative à la tâche posturale, mais également d’observer les stratégies de priorisation adoptées par le sujet.

Par conséquent, le maintien des performances dans l’ensemble des deux tâches en condition de double tâche indique que la demande cognitive nécessaire à leur réalisation simultanée demeure en deçà des ressources dont dispose le sujet. Chez les sujets jeunes ce phénomène est fréquemment observé, reflétant donc que leur contrôle postural est associé à une faible demande cognitive (Lajoie et al. 1993). Plus qu’un maintien, l’ajout de la tâche cognitive à la tâche posturale

peut induire une amélioration de la performance posturale chez ces sujets (Potvin-Desrochers,

Richer, et Lajoie 2017 ; Lajoie et al. 1993). Cette amélioration suggère donc que la présentation

concomitante de la tâche cognitive libère la tâche posturale d’une charge attentionnelle trop importante qui opère, en simple tâche, un effet délétère sur la performance du sujet. Cette charge attentionnelle est induite par les conditions expérimentales qui imposent au sujet de porter une

attention excessive au maintien de sa posture, attention quasiment jamais déployée dans le quotidien du sujet. A l’inverse, lorsque la combinaison des deux tâches déplace les ressources disponibles (i.e. complexification de l’une des deux tâches), les sujets jeunes tendent à donner la priorité à la performance cognitive au détriment de la performance posturale, phénomène aussi nommé « cognition en premier » (Huxhold et al. 2006 ; Maylor, Allison, et Wing 2001 ; Shumway-

Cook et al. 1997). Cette stratégie est spécifique aux sujets jeunes et en bonne santé, car celle-ci

implique de la part du sujet une relative confiance en sa capacité à maintenir son équilibre. Elle n’est, par ailleurs, pas adoptée par ces mêmes sujets lorsque la complexification de la tâche posturale génère un risque de chute (Carpenter et al., 2004).

Les sujets âgés et pathologiques vont, de leur côté, adopter une stratégie dite de « posture en premier », qui va les amener à prioriser la tâche motrice au détriment de la tâche cognitive

(Boisgontier et Nougier 2013 ; Li et Lindenberger 2002 ; Li et al. 2001 ; Lindenberger, Marsiske, et

Baltes 2000). De fait, en raison de l’altération plus ou moins prononcée des capacités

sensorimotrices chez ces individus, ceux-ci présentent un risque de chute accru (réel ou supposé) les poussant, par sécurité, à adopter cette stratégie. Par ailleurs, il est notable que, chez les populations présentant des troubles sensorimoteurs, la demande cognitive associée à la réalisation de la double tâche dépasse les capacités du système pour des tâches posturales considérablement plus simples que chez le sujet jeune (Yogev-Seligmann et al. 2013 ; Brown, Sleik, et Winder 2002 ;

Redfern et al. 2004 ; Redfern, Yardley, et Bronstein 2001). Cette observation suggère donc une

augmentation du coût cognitif associé au contrôle postural chez ces populations, ou, en d’autres termes une perte d’automaticité. Or, comme nous l’avons mentionné plus haut, la présence d’une atteinte sensorielle prive le sujet d’une source sensorielle d’information fiable. En conséquence, le SNC dispose de moins d’information pour son fonctionnement sensorimoteur ; perte d’information qui oblige très probablement le sujet à accroitre son investissement cognitif dans les tâches motrices afin de ne pas chuter. Ainsi, cette augmentation de la demande cognitive associée au contrôle postural chez ces populations suggère une implication des ressources cognitives dans les mécanismes centraux relatifs à l’intégration sensorielle.

Quelques chercheurs ont investigué cette question. Afin, d’observer l’implication des mécanismes cognitifs dans les processus sensoriels relatifs au contrôle postural, ces auteurs ont manipulé le contexte sensoriel présenté lors de la double tâche cognitivo-posturale (Redfern et al.

2004 ; Teasdale et Simoneau 2001 ; Shumway-Cook et Woollacott 2000). De cette façon, Redfern

et al. (2004) ont démontré que l’intégration des informations sensorielles, en particulier lorsqu’elles

sont conflictuelles, nécessitait l’implication de ressources attentionnelles. Ainsi, il est tout à fait plausible qu’en présence d’informations sensorielles biaisées, la repondération sensorielle opérée

par le SNC nécessite l’implication des fonctions cognitives attentionnelles, voire exécutives, afin d’adapter (de mettre à jour) leurs représentations internes en inhibant (sous-pondérant) l’information sensorielle biaisée, et en sélectionnant (surpondérant) les informations sensorielles pertinentes. Dans cette veine, Teasdale et Simoneau (2001) sont venus interroger le recrutement cognitif nécessaire à la repondération sensorielle lors du contrôle postural. Pour ce faire, ces auteurs ont soumis des sujets jeunes et âgés à une double tâche cognitivo-posturale durant laquelle les informations visuelles et/ou proprioceptives, précédemment absentes, pouvaient être subitement réintroduites. Ils ont ainsi montré une augmentation de la demande attentionnelle spécifiquement associée à la réintroduction des informations proprioceptives, et ce, de façon d’autant plus prononcée chez les sujets âgés. Par cette expérience, ces auteurs ont donc confirmé la demande attentionnelle nécessaire au processus de repondération sensorielle, et ce en particulier lorsque la modalité manipulée est proprioceptive. Ils démontrent également que la demande associée à ce processus augmente avec l’âge. Dans la continuité de ces travaux, Shumway-Cook et Woollacott

(2000) se sont spécifiquement intéressés à l’influence de l’âge sur la demande cognitive associée au

maintien de l’équilibre dans des contextes sensoriels différents. De façon similaire, ces auteurs ont donc soumis des sujets jeunes et âgés à une double tâche cognitivo-posturale. En parallèle de cette tâche, ceux-ci venaient manipuler le contexte sensoriel dans lequel les sujets devaient maintenir leur équilibre. Six contextes ont ainsi été présentés manipulant tantôt la fiabilité ou la disponibilité des afférences somesthésiques, tantôt celles des afférences visuelles. Grâce à cette exploration, ces auteurs ont pu observer que le contexte sensoriel opérerait un effet différent sur la demande cognitive associée au contrôle postural des sujets jeunes et âgés. Chez les sujets jeunes le contexte sensoriel n’affecte ni leurs performances cognitives, ni leurs performances posturales. Il apparait donc que pour les sujets jeunes maintenir leur équilibre postural dans un contexte un sensoriel appauvri ne constitue pas une tâche suffisamment complexe, pour que la demande cognitive associée à la double tâche dépasse les capacités du réservoir attentionnel. A contrario, chez les sujets âgés, l’appauvrissement du contexte sensoriel induit une altération de la performance en double tâche qui se traduit par une priorisation de la tâche cognitive, pour les sujets en bonne santé, ou par une priorisation de la tâche posturale, pour les sujets à risque de chute.

Ainsi, les mécanismes relatifs à l’intégration sensorielle pour le contrôle postural nécessitent le recrutement des ressources cognitives. Ce recrutement apparait particulièrement nécessaire pour la mise en œuvre de processus adaptatif de repondération sensorielle. Par ailleurs, l’altération du fonctionnement sensorimoteur induit par l’âge ou la pathologie apparait également influer sur la charge cognitive associée au contrôle postural. Cette augmentation apparait, au moins pour partie,

relative à la complexification des processus sensorimoteurs induite par la perte de fiabilité des afférences sensorielles.

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