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1.2.2.3 Contribution du système : du déficit à la dépendance visuelle

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De façon convergente avec les observations effectuées par le biais de paradigmes expérimentaux, en condition standard la présence d’un déficit majeur du système visuel ne semble pas impacter outre mesure le contrôle postural. En effet, les évaluations posturales conduites sur des sujets non voyant révèlent que ceux-ci présentent une stabilité posturale comparable, voire meilleure, que celle des sujets sains, en présence d’une perturbation des afférences somesthésiques (i.e. maintien de l’équilibre sur tapis mousse ; Pyykkö et al. 1991). Il est donc raisonnable de supposer que les non-voyants ont su mettre en œuvre des stratégies de compensations basées sur le recrutement des autres modalités sensorielles efficaces, leur ayant permis de développer un contrôle postural robuste. A contrario, les individus affectés de troubles du système visuel présentent une perte de stabilité posturale, et ce, de façon particulièrement marquée dans la direction médiolatérale (Paulus, Straube, et Brandt 1984). Une information visuelle présente mais altérée semble donc plus délétère au contrôle postural que l’absence totale de cette dernière. Des évaluations posturales conduites chez le sujet sain tendent à confirmer cette observation. Ainsi, une immersion des sujets dans l’obscurité totale accroît leur stabilité comparativement à celle qu’ils présentaient en amont de l’expérience. De plus, ce phénomène augmente proportionnellement à la durée d’immersion (Litvinenkova et Hlavacka 1971 ; Baron et Litvinenkova 1968). Il apparait donc que l’absence d’informations visuelles possède un caractère facilitant pour la stabilisation posturale, et que conséquemment, le SNC gère plus facilement l’absence d’information sensorielle qu’une information de mauvaise qualité pour le contrôle postural.

Phénomène particulièrement remarquable lorsque l’on s’intéresse à la contribution visuelle au contrôle postural : la stabilité du contrôle postural du sujet semble liée à l’importance que celui- ci accorde à la modalité visuelle (Isableu et al. 1997). En effet, les sujets présentant un équilibre postural plus stable en condition standard (i.e. les yeux ouverts sans perturbation), sont également ceux qui s’adaptent le mieux à l’absence d’informations visuelles. Ces derniers présentent donc une stabilité posturale équivalente indépendamment de la présence ou non d’informations visuelles. L’un des aspects notables de la contribution visuelle au contrôle postural, est sa grande variabilité interindividuelle (Isableu et al. 2011 ; 2010 ; 2003 ; 1998 ; 1997 ; Lacour et al. 1997 ; Rougier et Caron 1997 ; Collins et De Luca 1995 ; Crémieux et Mesure 1994 ; Mauritz, Dichgans, et

Hufschmidt 1977). Toutefois, d’un point de vu intra-individuel, on note une relative stabilité dans

le temps de l’importance accordée à cette afférence sensorielle pour le contrôle postural (Isableu et

al. 2011 ; 2010 ; 2003 ; 1998 ; 1997). Ainsi, les individus utiliseraient pour leur contrôle postural des

stratégies sensorielles plus ou moins basées sur la contribution des informations visuelles. Isableu

et al. (1997) parlent alors d’individu dépendant ou indépendant aux informations visuelles pour

établissent ainsi que la proportion d’individus totalement indépendants vis-à-vis des informations visuelles constitue 10 à 20% d’une population en bonne santé. Lacour et al. (1997) revoit ces proportions à la hausse en établissant que 47% des sujets testés montraient une relative indifférence à la présence ou à l’absence des informations visuelles pour maintenir leur équilibre postural. Une hypothèse permettant de répondre aux importantes variations observées dans la proportion d’individus dépendants à l’information visuelle, est celle d’un continuum dans l’utilisation des informations visuelles pour le contrôle postural. Ce continuum irait donc de profils d’individus parfaitement indépendants vis-à-vis du champ visuel, aux individus totalement dépendants de cette information pour le maintien de leur équilibre postural.

De façon comparable, la perturbation des informations somesthésiques provoque d’un sujet à l’autre une altération variable du maintien de l’équilibre postural (Isableu et Vuillerme 2006

; Crémieux et Mesure 1994). Or, Rougier et Caron (1997) ont montré que les sujets les plus sensibles

à la manipulation des informations visuelles étaient également les moins sensibles à la manipulation des informations somesthésiques. Ces observations suggèrent donc que la propension d’un sujet à utiliser les informations visuelles est inversement proportionnelle à sa propension à utiliser les informations somesthésiques. Cette variabilité interindividuelle dans la sensibilité à la manipulation visuelle lors du contrôle postural pourrait donc, au moins partiellement, résulter de la propension du sujet à utiliser les informations somesthésiques.

Enfin, cette propension à utiliser les informations visuelles pour le contrôle postural est particulièrement observable chez des individus présentant des fragilités sensorimotrices. En effet, il a été observé une tendance à la visuodépendance durant le développement, le vieillissement, ainsi que dans certaines pathologies neurologiques s’exprimant au travers d’une altération des mécanismes sensorimoteurs (Brady et al. 2012 ; Eikema et al. 2012 ; Gueguen, Vuillerme, et Isableu 2012 ; Isableu et al. 2010 ; Viel, Vaugoyeau, et Assaiante 2010 ; Jamet et al. 2004 ; Lord et Webster 1990). Cette entrée sensorielle semble donc occuper une place privilégiée dans la mise en place de stratégies sensorielles de compensation lorsque l’individu se trouve dans une situation provoquant l’altération du fonctionnement sensorimoteur.

I.1.2.3. Contribution du système somesthésiques

La somesthésie, aussi appelée sensibilité du corps, constitue un système primordial pour la perception du corps et de ses mouvements. Elle est communément associée au toucher ainsi qu’à la perception de la douleur et de la température, respectivement sous-tendues par l’activité des mécanorécepteurs cutanés tactiles, des thermorécepteurs et des nocicepteurs, mais elle est également responsable des sensations proprioceptives, telles que le sens de la position et la

kinesthésie ; sensations, donc, directement en lien avec la production du mouvement. En tant que principale source d’information sur le corps, la somesthésie constitue donc un contributeur essentiel au développement du schéma corporel, et représente le socle de notre motricité.

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