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Étude 2 Impact du syndrome d’Ehlers-Danlos de type hypermobile sur la dépendance au champ visuel

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sur la perception de la verticale

II. 1.1.2.5 Analyse statistique

II.1.2. Étude 2 Impact du syndrome d’Ehlers-Danlos de type hypermobile sur la dépendance au champ visuel

II.1.2.1. Introduction

Notre précédente étude a montré que l’altération de l’intégration somesthésique chez les patients SEDh conduit à sa moindre contribution dans la perception de la verticale. Néanmoins, dans notre quotidien la perception de la verticale ne repose pas uniquement sur les afférences somesthésiques et vestibulaires, mais aussi, de façon notable, sur la contribution des afférences visuelles. C’est pourquoi, dans cette étude, nous avons tenté de déterminer si le SEDh modifiait la contribution de ces dernières à la perception de la verticale visuelle.

Au sein des processus impliqués dans l’orientation spatiale, les informations extraites des différentes modalités sensorielles contribuent à l’élaboration de trois principaux cadres de référence spatiaux : égocentré (i.e. relatif au corps), allocentré (i.e. relatif à l’environnement), et géocentré (i.e. relatif à la gravité), chacun fournissant des informations à la fois spécifiques et redondantes

(Berthoz 1991). Selon Reuchlin (1978)chaque individu dispose de plusieurs processus sensoriels

redondants pour traiter un stimulus, mais utilise de façon préférentielle de l’un d’eux. Le processus sensoriel utilisé pour réaliser la tâche est donc variable d’un individu à l’autre, et dépend également des contraintes associées à la tâche à accomplir (Ohlmann 1995). Toutefois, si les individus utilisent un référentiel de manière préférentielle pour leur perception et leurs actions, cela ne signifie pas nécessairement l’absence d’utilisation des autres référentiels (Reuchlin 1978). Bien que l’ensemble

des systèmes sensoriels contribuent à l’élaboration des différents référentiels spatiaux, ces derniers demeurent respectivement sous-tendus par la contribution prédominante d’un système sensoriel spécifique. Ainsi, les afférences visuelles, somesthésiques et vestibulaires contribuent principalement aux référentiels allocentré, égocentré et géocentré, respectivement (Barbieri et al.

2008 ; Borel et al. 2008 ; Lopez et al. 2007 ; Anastasopoulos et al. 1999). Par conséquent, se pose

la question de savoir si l’utilisation préférentielle d’un référentiel spatial n’est pas, dans une certaine mesure, déterminé par la façon dont l’individu pondère la contribution des différentes afférences sensorielles au sein des processus perceptivo-moteurs

Witkin et al. (1949 ; 1954 ; 1962) ont développé la notion de style perceptivo-cognitif,

dépendant de la capacité de l’individu à ignorer un contexte visuel. Cette théorie repose sur une épreuve simple proposée par Witkin (1949)aussi nommée test de la baguette et du cadre (Rod et Frame Test - RFT). Dans ce test, largement repris depuis, le sujet doit replacer à la verticale une baguette inclinée dans un cadre (i.e. champ visuel) lui-même incliné. Deux profils de sujets émergent du RFT, les sujets « dépendants à l’égard du champ » ayant tendance à orienter la baguette en se basant sur les indices verticaux fournis par le cadre externe (i.e. indices visuels), et les sujets

« indépendants à l’égard du champ » alignant la baguette avec les indices verticaux interne, donnés par la gravité et/ou l’axe du corps (i.e. indices vestibulaires et somesthésiques). Ce test a ainsi permis de mettre à jour des différences interindividuelles dans l’utilisation des informations sensorielles pour l’orientation spatiale. Ces individus, incapables d’ignorer un contexte visuel, étaient alors nommés « dépendant vis-à-vis champ visuel », et les individus qui, à l’inverse, étaient indifférents au champ visuel étaient nommés « indépendant vis-à-vis du champ visuel ». Globalement, la population se répartit sur un continuum allant du profil très dépendant du champ visuel à un profil totalement indépendant du champ visuel.

De façon intéressante, de nombreuses études montrent, via l’utilisation du RFT, une dépendance au champ visuel accrue au cours du développement (Assaiante et Amblard 1995 ; Lee

et Aronson 1974) et du vieillissement (Agathos et al. 2015 ; Sundermier et al. 1996) ou dans le cas

de pathologies affectant le fonctionnement sensorimoteur (Lopez et al. 2007 ; Azulay et al. 2002 ;

Bronstein et al. 1996). Par ailleurs, le phénomène de dépendance au champ visuel est souvent

associé à la présence de troubles du contrôle postural ou locomoteur (Brady et al. 2012 ; Eikema et al. 2012 ; Gueguen, Vuillerme, et Isableu 2012 ; Isableu et al. 2010 ; Viel, Vaugoyeau, et Assaiante

2010 ; Jamet et al. 2004 ; Lord et Webster 1990). En conséquence, bien que les mécanismes qui

sous-tendent la dépendance à l’égard du champ visuel soient encore mal compris, l’observation de ce phénomène chez les populations fragiles, et l’association de ce dernier avec des marqueurs indicateurs d’une perte d’efficience du fonctionnement sensorimoteur, suggèrent fortement qu’une utilisation excessive du champ visuel résulte d’une altération de l’intégration des afférences somesthésiques ou vestibulaire. En effet, cette altération réduirait la contribution des référentiels égocentré et géocentré, et en conséquence, conduirait ces populations à se baser préférentiellement sur le référentiel allocentré dont le principal contributeur est la vision.

L’objectif principal de la présente étude était de déterminer si l’altération de la perception verticale, du fait de la moindre contribution des afférences somesthésiques chez les patients SEDh, se traduit par une dépendance à l’égard du champ. S'appuyant sur des travaux conduits sur d’autres populations (i.e. patients parkinsoniens ou déafférentés), nous avons émis l’hypothèse que le déficit somesthésique associé au SEDh induirait une utilisation accrue du champ visuel pour percevoir la verticale.

II.1.2.2. Matériel et méthodes

II.1.2.2.1. Population

15 patients atteints du SEDh (14 femmes et 1 homme (âge moyen ± écart-type) : 26,3 ± 9,7 ans) et 16 sujets contrôles en bonne santé, appariés en âge et en sexe (13 femmes et 3 hommes : 26,6 ± 6,4 ans) ont participé à cette étude. La sélection des patients a été effectuée lors d’une hospitalisation de jour (HDJ), dans le Centre d’Évaluation et de Traitement de la Douleur du CHU de Caen selon les critères indiqués dans le Tableau 2 ci-après. Les sujets contrôles (SC) ont été recrutés à l’aide d’un appel local à participation, puis une visite d’inclusion a été effectuée au CHU de Caen par un médecin investigateur de vérifier le respect des critères d’éligibilité. Les participants ont été invités à prendre connaissance de la notice d’information et du formulaire de consentement libre et éclairé une semaine avant la visite d’inclusion, puis à les dater et à les signer en présence de l’équipe des médecins investigateurs de l’HDJ le jour de l’inclusion.

Tableau 2. Critères d’inclusion et d’exclusion des patients SEDh et des sujets contrôles (volontaires sains). C it es d’i lusio

Patients SEDh Volontaires sains

Sujets âgés de 18 à 40 ans Appariés en âge (± 5 ans) Affiliés à un régime de sécurité sociale

Ayant un Indice de Masse Corporelle (IMC) inférieur à 30

Aya t lu le do u e t d’i fo atio et do pa it leu o se te e t li e et lai pou pa ti ipe à l’ tude Patients atteints du SEDh, nouvellement diagnostiqués

(depuis moins de 2 ans) selon les critères internationaux de 2017 (Malfait et al. 2017)

Ayant un score de Beigthon < 5 (a se e d’hypermobilité articulaire)

Ayant une force musculaire normale

Critères de non inclusion

Sujets âgés de moins de 18 ans Femmes enceintes ou allaitantes

I possi ilit e tale ou physi ue de do e so a o d pou pa ti ipe à l’ tude Participation simultanée à une autre étude clinique

Personne sous tutelle ou curatelle, ou privée de liberté par décision judiciaire ou administrative Kinésithérapie proprioceptive (type plateforme Huber

360, LPG) en cours ou déjà effectuée

Antécédent de troubles vasculaires, neurologiques, musculosquelettiques, ou vestibulaires Traitement préalable des troubles à même de limiter les

effets de la rééducation (e.g. semelles proprioceptives à action posturale)

Ayant des troubles orthodontiques, orthoptiques, ou orthopédiques

Diag osti d’aut es a o alies du tissu o jo tif Affiliés à un régime de sécurité sociale Prescription antérieure de vêtements compressifs Antécédent ou affection évolutive vasculaire,

ophtalmologique, neurologique, musculosquelettique, ou vestibulaire (e.g. tumeur cérébrale, épilepsie, migraine,

accident vasculaire cérébral, sclérose en plaque, myoclonie, chorée, neuropathie, dystrophies musculaires,

dystrophie myotonique, maladie de Parkinson, syndrome de Ménière)

Absence de contraception efficace pendant la durée de l’ tude pou les fe es

Déficience motrice invalidante ou limitant la réalisation des tests moteurs et psychomoteurs

II.1.2.2.2. Matériel

Le test de la baguette et du cadre (Witkin 1949) a été effectué à l’aide d’un casque de réalité

virtuelle HTC Vive (HTC, Comté de Taoyuan, Taïwan et Valve Corporation, Washington, États- Unis) et du module Rod et Frame Test (RFT) inclus dans le logiciel Physio VR (Virtualis, France). L’environnement présenté au sujet consistait en un long tunnel de forme cubique au fond duquel était placée une baguette que le sujet pouvait orienter à droite ou à gauche à l’aide d’une manette (Figure 23-B).

(A)

(B)

Figure 23. (A) Illustration d’un sujet équipé du casque de réalité virtuelle HTC Vive, ainsi que de la verticale

indiquée par un individu dépendant au champ (DC) et indépendant au champ (IC). (B) Visualisation de l’environnement présenté au sujet durant la passation du test de la baguette et du cadre.

II.1.2.2.3. Procédure

Pour évaluer la dépendance au champ visuel, les participants étaient assis sur une chaise, équipé d’un casque de réalité virtuelle. Il leur a été demandé de : i) ne pas s’adosser sur la chaise, ii) ne pas poser les pieds à plat sur le sol, iii) ne pas s’accouder sur leurs jambes, et iv) minimiser autant que possible leurs mouvements pendant le test (Figure 23-A). Au sein de l’environnement virtuel,

une baguette était présentée devant eux, inclinée entre 15 et 20 degrés à droite ou à gauche, située au fond d’un tunnel cubique formant un cadre, lui-même incliné de 18 degrés à droite ou à gauche. Les participants pouvaient alors orienter la baguette soit dans le sens des aiguilles d’une montre soit dans le sens inverse à l'aide d'une manette, afin de la positionner verticalement par rapport à la verticale gravitaire. Le test comprenait 16 essais, dont 8 essais avec une inclinaison du cadre vers la

droite et 8 autres essais avec une inclinaison du cadre vers la gauche. Au sein de chacune des séries de 8 essais, 4 essais correspondaient à une inclinaison initiale de la barre vers la droite et 4 autres essais à une inclinaison initiale de la barre vers la gauche. Les différents essais ont été randomisés pour chaque participant.

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