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1.2.1.2 Contribution du système vestibulaire : explorations expérimentales

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La contribution du système vestibulaire au contrôle postural a notamment été révélée grâce au développement de paradigmes expérimentaux visant à modifier les informations transmises par le système vestibulaire, afin d’en observer l’impact sur le contrôle postural. L’une des techniques fréquemment utilisée pour explorer le système vestibulaire, basée sur la stimulation transcutanée électrique, est la stimulation galvanique. Cette méthode repose sur la stimulation d’un ou des deux organes vestibulaires via l’émission d’un courant électrique de faible intensité (≈<5mA) entre une anode et une cathode, respectivement situées sur chacune des mastoïdes du sujet (stimulation binaural) ou sur une mastoide (stimulation monaurale). Lors de l’évaluation de l’équilibre postural, l’application de ce courant génère une inclinaison latérale du sujet du côté de l’anode (Figure 6). Cette réaction correspond à une réponse compensatrice du système postural, induite en réaction à la stimulation du nerf vestibulaire par la cathode. En effet, lorsque le sujet est libéré du maintien actif de sa posture (i.e. contraint par structure venant se suppléer au sujet pour maintenir sa posture) ce dernier présente une inclinaison orientée du côté de la cathode (Fitzpatrick et Day 2004). Cette réaction reflète donc l’excitation du nerf vestibulaire situé du côté de la cathode, excitation compensée, lors du maintien de l’équilibre postural, par la production d’une réponse posturale orientée dans le sens opposé. Plus spécifiquement, l’excitation du système vestibulaire par la stimulation galvanique génère chez le sujet l’illusion d’une inclinaison du côté de la cathode compensée par une inclinaison du côté de l’anode. Ces observations contribuent à démontrer

l’implication du système vestibulaire au maintien de la posture, et révèlent également que celle-ci résulte d’une synergie entre les deux vestibules. Ainsi, la sur-stimulation de l’un des deux vestibules crée un déséquilibre, observable sur le plan postural. Les travaux de Séverac Cauquil et al. (2000) sur l’effet du positionnement des électrodes sur la tête du sujet, confirment que le rôle du système vestibulaire au sein du contrôle postural dépend directement de la contribution relative des deux appareils vestibulaires. Ces auteurs ont en effet démontré que l’orientation de la réponse posturale aux stimulations binaurales (i.e. anodes et cathodes placés sur les mastoïdes droit et gauche) et mononaurales (i.e. anode sur le front et cathode sur le mastoïde) étaient équivalentes à la somme des réactions à chacune des deux stimulations monaurales complémentaires (de chaque côté, de polarité opposée ; Figure 6). Les doubles stimulations galvaniques monaurales donnent, quant à elles, lieu à une réponse posturale orientée dans la direction antéropostérieure, équivalente à l’addition de deux stimulations monaurales complémentaires (de même polarité ; Figure 6). De fait ces travaux reflètent bien le travail synergique résultant de l’activité conjointe des deux organes vestibulaires droit et gauche dans le contrôle postural.

Figure 6. Schéma présentant les différentes configurations d’électrodes relatives aux stimulations galvaniques

binaurales, mononaurale et double mononaurales (standard ou opposées), ainsi que la direction de la réaction posturale qu’elles induisent. Inspiré de l’article de Séverac Cauquil et al. (2000).

Néanmoins, la réponse posturale évoquée par la stimulation galvanique demeure complexe. En effet, la stimulation induit en premier lieu une inclinaison de la tête, mais réalisée lors du maintien de l’équilibre postural, elle provoque également des ajustements de l’ensemble du corps visant à maintenir l’équilibre (Cauquil et Day 1998 ; Day et al. 1997 ; Fitzpatrick et Day 2004). Cette

réponse posturale impliquant l’ensemble du corps vise à maintenir une posture debout convergente avec la verticale gravitaire. Au vu de ses caractéristiques fonctionnelles, la contribution du système vestibulaire au contrôle postural passe principalement par sa capacité à détecter les accélérations de la tête. Grâce à cette détection le système vestibulaire contribue notamment à sa stabilisation posturale en activant les voies vestibulo-spinales qui génèrent des réactions posturales à même d’induire un retour du corps vers sa position d’équilibre (i.e. verticale gravitaire ; Lobel et al. 1998). Ainsi, au regard de l’ensemble de ces observations, la contribution du système vestibulaire à l’équilibre postural apparaît principalement basée sur le fonctionnement réciproque des deux appareils vestibulaires. Toutefois, une récente étude montre que si l’implication du système vestibulaire repose sur un fonctionnement réciproque des deux appareils présents dans le corps humain, la relation entre ces deux appareils ne consiste pas en une sommation linéaire de leurs signaux. En effet, Day et al. (2010) observent que si la direction de la réponse posturale produite lors de la stimulation bilatérale des vestibules équivaut à la somme vectorielle de chacun des déplacements induits par la stimulation unilatérale. L’amplitude de la réponse observée ne correspond, pour sa part, pas à la somme des amplitudes observées lors de la stimulation unilatérale de chacun des systèmes vestibulaires. De fait, ces observations confirment une relation non-linéaire dans la contribution des deux appareils vestibulaires au contrôle postural. Également, la réponse posturale observée n’est pas uniquement le fruit de la perturbation induite, et implique d’autres facteurs relatifs aux contraintes imposées par l’environnement ou par le corps lui-même. La réaction posturale émise en réponse aux stimulations galvaniques va donc varier en fonction de contraintes externes telles que le retrait ou la perturbation des autres modalités sensorielles ou encore l’orientation du corps, et tout particulièrement de la tête (Guerraz et Day 2005 ; Day,

Guerraz, et Cole 2002 ; Horak et Hlavacka 2001 ; Day et al. 1997). Ainsi, bien que celle-ci varie en

fonctions du contexte, la contribution du système vestibulaire au maintien de l’équilibre postural statique semble principalement reposer sur l’équilibre fonctionnel présent entre ses deux appareils. I.1.2.1.3. Contribution du système vestibulaire : la pathologie

Les atteintes vestibulaires ont de nombreuses répercussions cliniques avec : un nystagmus (i.e. atteinte de la voie vestibulo-oculaire), des nausées, des vomissements et une sensation vertigineuse (i.e. atteinte des voies vestibulo-thalamiques et corticales), mais également une instabilité posturale (i.e. atteinte de la voie vestibulo-spinale). Par conséquent, l’évaluation du contrôle postural chez des individus affectés de troubles vestibulaires, est une approche pertinente pour montrer et étudier l’implication du système vestibulaire dans le contrôle postural.

Typiquement, les individus présentant une perte unilatérale de la fonction vestibulaire, présentent, lors du test de marche sur place, une inclinaison de la tête, ainsi qu’une rotation ipsiversive du côté de l’appareil lésé (Fukuda 1983). Sur le plan postural ces mêmes individus souffrent d’un déséquilibre, transfèrent le poids du corps du côté de leurs lésions, et tendent à chuter du côté lésé (Borel et al. 2002 ; Horak et Shupert 1994 ; Takemori, Ida, et Umezu 1985 ;

Schaefer et Meyer 1974). Cette inclinaison du corps du côté lésé se renforce lors du maintien

postural les yeux fermés. Plus globalement, l’analyse stabilométrique de l’équilibre de ces sujets révèle que ceux-ci présentent une augmentation de leurs oscillations posturales (Lacour et al. 1997 ; Gagey et Toupet 1991 ; Allum, Yamane, et Pfaltz 1988 ; Bless et Dejong 1986 ; Hufschmidt et al. 1980). La perturbation conjointe des entrées visuelles et somesthésiques altère de façon plus importante l’équilibre de sujets vestibulo-lésés que celui des sujets sains (Fetter et al. 1991 ; Black

et al. 1989). Dans la même veine, d’autres auteurs ont montré que la présence d’indices visuels

réduit les oscillations posturales, mais provoque une réaction posturale accrue du côté opposé à la lésion (Borel et al. 2002). Ensemble, ces observations suggèrent donc que les sujets vestibulo-lésés adoptent des stratégies de compensation sensorielle basées sur les afférences visuelles et somesthésiques.

Ce phénomène a été étudié par Lacour et al. (1997)qui se sont intéressés à la mise en place de ces mécanismes de compensation chez des sujets avant et après neurectomie unilatérale du vestibule. Ces auteurs ont ainsi montré que la neurectomie s’accompagnait d’un changement dans la stratégie sensorielle utilisée pour le contrôle postural. Les stratégies de compensation mises en place par les patients se divisent en deux catégories que Lacour et al. (1997)nomment : les visuelles et les non visuelles. La mise en place de ces stratégies permet aux patients de recouvrer un équilibre postural relativement stable. Toutefois, même à long terme (i.e. un an après la neurectomie), les sujets ayant subi cette opération ne récupèrent pas un contrôle postural comparable à celui des adultes sains. Cette dernière observation s’accompagne également d’une mauvaise récupération de la capacité des sujets à stabiliser leur tête (Borel et al. 2002 ; Pozzo et al. 1991). Ainsi, bien qu’efficace, les mécanismes de compensation sensorielle ne permettent qu’une réhabilitation partielle du contrôle postural. Ce phénomène démontre qu’un système sensoriel ne peut se substituer complètement à l’autre, et que les trois entrées sensorielles restent indispensables pour le maintien de l’équilibre. La persistance de cette altération de l’équilibre postural est également responsable de sa perte d’automaticité, se traduisant par une augmentation des ressources attentionnelles nécessaires au contrôle postural chez les patients vestibulo-déficients (Redfern et al.

De façon intéressante, si la perte bilatérale de la fonction vestibulaire est associée à une perte de stabilité posturale, celle-ci affecte de façon moins prononcée l’équilibre postural statique. En effet, comparativement aux sujets présentant une lésion vestibulaire unilatérale, contrôle postural des patients atteints de lésions vestibulaires bilatérales tend à se rapprocher de celui des sujets sains (Nashner, Black, et Wall 1982). Egalement, le biais ipsilésionnelle dans la représentation de la verticale, présent chez les patients vestibulo-lésés unilatéraux ne s’observe pas chez les patients vestibulo-lésés bilatéraux (Lacour et al. 1997). Seule la perturbation d’un autre système sensoriel

(i.e. visuel ou somesthésique) permet de distinguer ces patients des sujets sains (Gresty, Bronstein,

et Barratt 1987 ; Nashner, Black, et Wall 1982). Cette observation révèle, par conséquent, la mise

en place, chez ces patients, d’une stratégie sensorielle de compensation basée sur les systèmes préservés. Néanmoins, la relative préservation de l’équilibre postural en présence d’une atteinte vestibulaire bilatérale nous amène à deux conclusions : i) elle renforce l’hypothèse selon laquelle l’efficience fonctionnelle du système vestibulaire dépend de la contribution relative des deux appareils vestibulaires, et, ii) les informations vestibulaires ne semblent pas être déterminantes pour le maintien de l’équilibre postural statique lorsque les autres systèmes sont fonctionnels. En effet, bien que très sensible, le système vestibulaire traite des fréquences plus importantes que celles observées lors du maintien de l’équilibre postural (i.e. 0 et 0.2Hz), et contribue donc que de façon très limité au contrôle postural orthostatique (Fitzpatrick et McCloskey 1994). En revanche lorsque le contrôle postural inclus une composante dynamique, ou le retrait d’informations sensorielles visuelle ou somesthésique alors la contribution des informations vestibulaires augmente (Thomas

Mergner et al. 2009 ; Maurer et al. 2000).

I.1.2.2. Contribution du système visuel

Comme nous venons de le voir, comparativement aux systèmes sensoriels visuels et somesthésiques, l’information vestibulaire ne contribue que de façon relativement faible au maintien de l’équilibre postural en condition standard. Les modalités somesthésiques et visuelles représentent donc les principaux contributeurs du contrôle postural (Rougier et Caron, 1997). Que ce soit pour le contrôle postural, locomoteur, ou plus globalement, de la motricité, la vision est l’un des systèmes clés du comportement humain (Clement, Flanagan, et Harding 1985 ; Soechting et

Berthoz 1979 ; Lestienne, Soechting, et Berthoz 1977).L’une des questions fondamentales ayant

longtemps mue la communauté scientifique est donc l’influence exercée par l’entrée visuelle sur la motricité.

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