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1.2.3.2 Contribution du système somesthésique : explorations expérimentales

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En raison de ses caractéristiques structurelles, l’exploration expérimentale de la contribution somesthésique au contrôle postural est relativement complexe. Toutefois ces dernières décennies ont vu émerger des paradigmes expérimentaux originaux à même de conduire une évaluation, même partielle, de la contribution somesthésique au contrôle de la posture.

La manipulation de la consistance ou de la mobilité du support sur lequel se tient le sujet est une technique courante pour venir perturber la contribution des informations somesthésiques au maintien de l’équilibre postural. L’usage d’un tapis mousse se suppléant, ou se superposant, au support sur lequel se tient le sujet est une technique communément utilisée. L’utilisation de ce tapis a pour vocation de réduire la résistance offerte par la surface d’appui sur laquelle se trouve le sujet. Ce faisant, elle génère du bruit dans les signaux émis par les propriocepteurs musculaires et articulaires, ainsi qu’une baisse du retour au niveau des afférences podales. Ensemble ces phénomènes bruitent les informations transmises par le système somesthésique, et se répercutent par une altération de la stabilité posturale (i.e. augmentation de l’amplitude des oscillations posturales (Patel et al. 2008 ; Fransson et al. 2007 ; Allum et al. 2002 ; Nougier et al. 1997 ; Teasdale,

Stelmach, et Breunig 1991).

Les déplacements du support constituent également une méthode communément utilisée pour venir perturber les entrées somesthésiques. Ce type de technique est appelée posturographie dynamique, par opposition à son homologue statique durant laquelle la base de support demeure

immobile. Les mouvements du support utilisés dans ce type de paradigme peuvent posséder différentes caractéristiques spatiales (e.g. mouvements de rotation ou de translations) et temporelles (e.g. mouvement continu ou ponctuel). Les mouvements ponctuels, ou en d’autres termes, les déplacements inopinés du support permettent d’observer l’émergence de réactions posturales induites par l’étirement passif du muscle (i.e. provoquées par le mouvement du support ;Hatzitaki, Pavlou, et Bronstein 2004 ; Inglis et Macpherson 1995 ; Horak et Shupert 1994 ; Macpherson et

Inglis 1993 ; Horak, Nashner, et Diener 1990 ; Nashner 1976). La réponse posturale communément

observée s’effectue dans le sens opposé à la perturbation et se décompose en deux temps. La première réponse intervient très rapidement (entre 80 et 120 ms) et consiste à contracter le muscle étiré lors de la perturbation. La seconde suit immédiatement la première et consiste en une réaction de compensation du déplacement postural initialement produit (entre 130 et 320 ms ; Carpenter,

Frank, et Silcher 1991 ; Diener et al. 1984). De façon intéressante, la première réponse posturale

possède une latence à la fois trop importante pour relever d’une réaction réflexe de nature spinale, mais également trop courte pour correspondre à une réponse corticale. De plus, l’intensité de cette première réponse diminue avec la répétition de la perturbation, suggérant de fait que celle-ci relève de boucles sensorimotrices basées sur des rétroactions proprioceptives (Nashner 1976). Ce faisant, ces études ont permis d’illustrer la particularité des processus sensorimoteurs impliqués dans le contrôle postural qui possède des mécanismes de régulation ne relevant ni de la réaction reflexe, ni d’un processus cortical (Nashner 1976).

De façon complémentaire, les paradigmes basés sur des déplacements continus du support, permettent d’observer la mise en place par le sujet d’ajustements posturaux anticipés basés sur les informations transmises par les afférences somesthésiques. Ainsi, après plusieurs cycles de déplacement les sujets anticipent les déplacements du support et mettent en place des coordinations inter-segmentaires et des synergies posturales visant à adapter la posture à la perturbation (Akram

et al. 2008 ; Nashner, Black, et Wall 1982). Dans cette veine, Vaugoyeau et al. (2007) ont développé

un paradigme permettant d’évaluer la contribution de la proprioception à l’orientation posturale, basé sur des oscillations lentes du support. Le principe de cette tâche est d’isoler la contribution proprioceptive à l’orientation posturale en demandant au sujet de maintenir son équilibre, en l’absence d’informations visuelles (yeux fermés) et vestibulaires (oscillations lentes du support se situant en dessous du seuil de détection du système vestibulaire canalaire, i.e. 0.2°/s2 ; Fitzpatrick

et McCloskey 1994 ; Henn, Cohen, et Young 1980). Par conséquent, les sujets doivent recourir aux

informations proprioceptives pour maintenir une orientation de leur corps continuellement adaptée vis-à-vis de l’inclinaison du support. De cette façon, en observant que les sujets soumis à ces oscillations étaient capables de maintenir leur orientation posturale selon une verticale

gravitaire, ces auteurs ont démontré le rôle privilégié des informations proprioceptives pour l’orientation posturale (Vaugoyeau et al.2007).

La vibration musculotendineuse est une technique visant, par la stimulation des afférences proprioceptives, à générer l’illusion de l’étirement du muscle (Caudron et al. 2007 ; Ceyte et al. 2006

; Cordo et al. 1995 ; Roll et Vedel 1982). En effet, l’application de vibrations au niveau des muscles

et/ou des tendons crée, par le biais de l’activation spécifique des afférences musculaires Ia, un message nerveux biaisé dont l’intégration par le SNC induit une illusion kinesthésique (Roll et al.

1998 ; Roll et Vedel 1982). Le message nerveux est alors interprété par le SNC comme un étirement

du muscle vibré (Roll et al. 1998 ; Roll et Vedel 1982). Lorsque le sujet est en position debout, cette illusion est à l’origine de réponses posturales compensatrices consistant à contrecarrer l’illusion d’étirement du muscle vibré par la contraction de ce dernier (Roll et Roll, 1988). Par exemple, lors de l’application des vibrations sur les tendons d’Achille, le SNC interprète le signal reçu comme une élongation des muscles soléaires. Or, lorsque le sujet se tient debout cette élongation signifie que le corps s’incline vers l’avant. Cette inclinaison, illusoire, est donc compensée par une réponse posturale vers l’arrière (Caudron, Nougier, et Guerraz 2010 ; Caudron et al. 2008 ; Fransson et al.

2003 ; Hayashi et al. 1981 ; Kavounoudias, Roll, et Roll 1999 ; Roll et Roll 1988). Néanmoins, cette

réponse compensatoire vers l’arrière (latence 500 à 1000ms) est précédée d’une première réponse vers l’avant (latence 160 ms). Cette primo-réponse posturale, initiée dans le sens inverse à la réaction compensatoire, correspond à la force initiale appliquée par le sujet sur le support afin de générer le déplacement de son corps vers l’arrière (Smetanin, Popov, et Kozhina 2002). Enfin, suite à la mise en place de la réponse compensatoire, le sujet entame une phase d’oscillation posturale qui se maintiendra jusqu’à l’arrêt de la stimulation (Polonyova et Hlavacka 2001). Les spécificités des oscillations posturales exprimées au cours des oscillations dépendent notamment de la durée et de la fréquence des vibrations (Čapičikova et al. 2006 ; Kavounoudias, Roll, et Roll 2001 ;

Polonyova et Hlavacka 2001 ; Roll et Roll 1988). Ainsi, au travers de la réponse posturale produite

par le sujet, les vibrations musculotendineuses nous renseignent sur la contribution des afférences issues de la proprioception musculaire au contrôle postural.

De nombreuses techniques ont donc été élaborées afin d’ouvrir une fenêtre d’observation sur la contribution somesthésique au contrôle postural. Ensemble, ces différents paradigmes ont permis de démontrer le rôle central joué par la somesthésie au sein des mécanismes sous-tendant le contrôle postural.

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