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Étude 5 Modification des mécanismes de régulation posturale dans le Syndrome d’Ehlers-Danlos de type hypermobile

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sur le contrôle postural

II. 2.2.2.4 Analyse statistique

II.2.3. Étude 5 Modification des mécanismes de régulation posturale dans le Syndrome d’Ehlers-Danlos de type hypermobile

II.2.3.1. Introduction

Les patients atteints du SEDh présentent généralement d’invalidantes limitations fonctionnelles ayant un fort impact sur leur qualité de vie (Rombaut, Malfait, De Wandele, et al.

2012 ; 2011). Point d’ancrage de la motricité, le contrôle postural constitue un bon marqueur de

l’état structurel et fonctionnel du système sensorimoteur. L’ensemble des travaux sur le contrôle postural des patients atteints du SEDh, ainsi que nos deux précédentes études (cf. études 3 et 4), confirment l’altération de ce dernier.

La complexité exprimée par la dynamique d’un système serait le reflet de ses multiples composantes et de leurs interactions, l’ensemble opérant à différentes échelles temporelles et spatiales (Goldberger et al. 2002). La dynamique du système serait donc l’expression directe de sa

richesse structurelle et de sa capacité à s’auto-organiser. En réponse à l’appauvrissement structurel et fonctionnel du système, induit par la pathologie ou le vieillissement, une baisse de sa complexité est fréquemment observée (Decker, Cignetti, et Stergiou 2010 ; Goldberger et al. 2002). D’un point

de vue neurophysiologique, la complexité du contrôle postural émergerait de ses riches réseaux composés de boucles sensorimotrices, intégrés au niveau périphérique, sous-cortical et cortical, qui sous-tendent sa régulation. Sur le plan fonctionnel, la régulation posturale est donc le reflet des multiples processus moteurs, sensoriels et cognitifs nécessaires à son fonctionnement, et de leurs interactions (Pascolo et al. 2005 ; Riley et Turvey 2002 ; Baratto et al. 2002 ; Peterka 2000 ; Yamada

1995 ; Collins et De Luca 1993 ; K. Newell et al. 1993). Le système somesthésique étant l’une des

composantes centrales du contrôle postural, l’altération de son intégrité structurelle dans le SEDh, devrait induire une perte de complexité du système postural.

Parmi les récentes études portant sur le contrôle postural au sein du SEDh, quelques-unes ont cherché à explorer la complexité du système postural (Rigoldi et al. 2013 ; Galli et al. 2011). Au travers de mesures non-linéaires, ces auteurs ont étudié la dynamique des fluctuations du CdP, et ont montré que les patients SEDh présentent une régularité accrue de leurs oscillations posturales (i.e. baisse de l’entropie). Face à ces observations, ces auteurs ont proposé que cette augmentation de la régularité soit induite par une moindre automatisation du contrôle postural. Cette perte d’automaticité provoquerait alors, chez les patients SEDh, un investissement accru des ressources attentionnelles pour le contrôle de leur équilibre postural. De nombreux travaux ont montré une corrélation positive entre la régularité des oscillations posturales et l’investissement des ressources attentionnelles dans le contrôle postural (Cavanaugh, Mercer, et Stergiou 2007 ; Donker et al. 2007

et sensible pour quantifier l’investissement cognitif dans le contrôle postural, elle n’apporte malheureusement qu’une information partielle sur la complexité qu’il exprime. En réponse à son altération un système subit, soit une désorganisation de sa dynamique (i.e. le système tend vers un comportement aléatoire) se traduisant par une perte de régularité (i.e. augmentation de l’entropie), soit un appauvrissement de sa dynamique (i.e. le système tend vers un comportement plus simple ou plus rigide) se traduisant par une augmentation de régularité (i.e. baisse de l’entropie). Or, un système complexe est un système qui possède une variabilité traduisant sa capacité à s’auto- organiser en produisant des états à la fois stables et flexibles (Camazine et al. 2001). Il va ainsi produire un comportement qui reflète une organisation à mi-chemin entre l’ordre (signal périodique) et le désordre excessif (signal aléatoire ; Stergiou et Decker 2011). Ces deux phénomènes reflètent une perte de complexité qui va tantôt se traduire par un comportement très prédictible (i.e. augmentation de la régularité du signal), tantôt par un comportement non prédictible (i.e. diminution de la régularité du signal). Par conséquent, si la mesure de la régularité d’un système constitue un indicateur de sa prédictibilité, elle n’est pas suffisante pour statuer sur sa complexité. En cela, la structure fractale nous offre un éclairage plus direct sur la complexité puisqu’elle constitue la signature d’un système présentant une coordination optimale entre ses multiples composants, sous-systèmes et sous-fonctions (Kello et al. 2007). Un système complexe exprimera donc des corrélations à long terme, témoignant de la présence d’une mémoire des données antérieures dans l’expression du système à l’instant « t » (Duarte et Sternad 2008 ;

Goldberger et al. 2002).

L’analyse des dimensions fractales permet d’observer et de quantifier ces corrélations. Cependant, les oscillations posturales possèdent une spécificité tout à fait singulière, puisqu’elles revêtent à la fois un caractère stochastique (i.e. évolution du système dans le temps imprédictible) et déterministe (i.e. évolution du système dans le temps prédictible). Parmi les outils issus de la théorie des systèmes dynamiques (TSD), la modélisation en mouvement Brownien fractionnaire, dans lequel s’inscrit les analyses fractales, constitue un modèle intéressant, en ce qu’il met en évidence la part relative des processus stochastiques et déterministes au sein du système analysé (cf. Cadre théorique – Partie II.2.4.2.3). En tant que technique basée sur cette modélisation, l’analyse par stabilogramme de diffusion (i.e. Stabilogram Diffusion Analyses  SDA) a notamment permis de mettre à jour deux mécanismes agissant respectivement à court terme et à long terme : un mécanisme persistant en boucle ouverte (i.e. corrélation sérielle positive  une tendance positive dans le passé sera suivie d’une tendance positive dans le futur), et un mécanisme antipersistant en boucle fermée (i.e. corrélation sérielle négative  une tendance positive sera suivie d’une tendance négative ; Collins et De Luca 1993). Pour expliquer l’observation de ces deux mécanismes distincts,

Collins et De Luca (1993)ont émis l’hypothèse que le déplacement du CdP est laissé sans contrôle par le système postural jusqu’à ce qu’il dépasse un certain seuil critique à partir duquel des mécanismes correctifs basés sur l’action des rétroactions sensorielles sont mis en place. Ces derniers induiraient donc un bornage de la série temporelle. Les études ultérieures basées sur l’analyse des fluctuations redressées (i.e. Detrended Fluctuation Analysis  DFA) appliquée aux séries temporelles des déplacements du CdP, n’ont, de façon surprenante, pas permis de révéler ce bornage de la série temporelle. Delignières, Torre, et Bernard (2011) ont émis l’hypothèse que cette

discordance entre les résultats obtenus à l’aide du SDA et du DFA, résultait de la méthode d’analyse relative au SDA. En effet, le calcul du SDA s’effectue sur la série temporelle des positions, mais, contrairement au DFA, il n’inclut pas d’étape d’intégration de la série temporelle. En conséquence, appliquer le DFA sur la série temporelle de la vitesse du CdP, plutôt que sur la série temporelle des positions/déplacements du CdP, revient à appliquer le SDA sur la série temporelle des positions du CdP. Au regard de ces constatations , Delignières, Torre, et Bernard (2011) proposent que les conclusions apportées par Collins et De Luca (1993), à savoir la présence de mécanismes en boucle ouverte et boucle fermée, et le phénomène de bornage de la série temporelle qui en résulte, concernent en réalité les fluctuations de vitesse, et non celles de position. Ainsi, en appliquant le DFA à la série temporelle de vitesse du CdP, , Delignières, Torre, et Bernard (2011) parviennent à reproduire le phénomène de transition de la persistance vers l’antipersistance observé par Collins

et De Luca (1993), et tendent, par conséquent à confirmer leur hypothèse de départ à savoir que le

contrôle postural serait basé sur la régulation de la vitesse plus que sur celle de la position.

Pour Collins et De Luca (1993 ; 1995), les mécanismes en boucle ouverte (intervenant à

court terme) et en boucle fermée (intervenant à long terme) correspondent, respectivement, à un mode de contrôle local basé sur l’activité des muscles posturaux, et à un mode de contrôle central, appelé à entrer en jeu à plus long terme, nécessitant l’apport des rétroactions sensorielles ( Priplata

et al. 2002 ; Collins et De Luca1993). Ainsi, selon le modèle proposé par Collins et De Luca (1993),

le fonctionnement à court terme du système postural s’effectuerait en boucle ouverte, et serait donc supposément indépendant de toute afférence sensorielle. Ce phénomène constituerait une « zone aveugle » qui résulterait de la combinaison du délai de transmission de l’influx nerveux et de celui

relatif aux voies afférentes et efférentes impliquées dans le fonctionnement sensorimoteur, ainsi que d’un délai imposé par l’inertie du système. Cependant, Peterka (2000) ont tenté de simuler le modèle proposé par Collins et De Luca (1993), et ont montré que le comportement exprimé par le système postural, au travers de l’analyse par SDA, peut être généré sans qu’un fonctionnement à court terme en boucle ouverte ne soit envisagé. En d’autres termes, la dynamique du système serait déterminée par une régulation continue en boucle fermée, et l’effet d’incrémentation successive

observé à court terme résulterait de l’inertie produite par le système postural. De fait, puisque l’inertie du corps est fixe et relative à un contexte donné, la dynamique exprimée par le système postural à court terme est principalement le reflet de la dynamique du contrôle généré par les rétroactions sensorielles (Peterka 2000). Ainsi, selon cet auteur, le mécanisme basé sur les rétroactions sensorielles est suffisant pour expliquer la plupart des phénomènes observés, tant dans le maintien de l’équilibre orthostatique, que dans les mécanismes mis en jeu lors de son adaptation à une perturbation (Peterka et Loughlin 2004). En conséquence, ces deux comportements distincts relatifs au contrôle postural révélé par le SDA ne résulteraient pas d’une implication intermittente des rétroactions sensorielles. D’après Peterka (2000), les deux comportements observés dans le SDA pourraient donc résulter de la nécessité, pour le système postural, d’éviter les régions proches des limites de stabilité. Face à ces observations, et en nous reposant sur le modèle proposé par

Paillard (1985), nous avons émis l’hypothèse que les deux comportements observés découleraient

de l’implication de deux mécanismes distincts, respectivement en charge de la régulation à court et long terme des oscillations posturales, qui se différencieraient par leur nature automatique et contrôlé. Plus spécifiquement, nous postulons ici que le phénomène de transition correspondrait à la détection par le SNC de valeurs extrêmes le poussant à opérer un contrôle resserré. Ce contrôle resserré s’exprimerait au travers de mécanismes correctifs visant à protéger l’équilibre postural, et serait à l’origine de l’antipersistance exprimée par les corrélations sérielles à long terme. La persistance des corrélations sérielles à court terme serait, quant à elle, le reflet d’une régulation automatique, contrôlant les oscillations posturales de façon plus lâche. Celle-ci consisterait principalement en une régulation de l’activité des muscles posturaux par le biais des rétroactions proprioceptives. A mi-chemin entre les conclusions avancées par Collins et De Luca (1993) et

Peterka (2000), il est donc possible d’émettre l’hypothèse que la régulation des oscillations

posturales à court terme relève de processus sensorimoteurs relativement automatiques, tandis que leur régulation à long terme relève de processus sensorimoteurs contrôlés.

A sein du contrôle de l’action, Paillard (1985) distingue deux formes de dialogue entre l’organisme et son environnement : l’une directe par des boucles externes qui relient les informations sensorielles aux activités motrices qui les suscitent et les transforment ; l’autre indirecte par des boucles internes qui alimentent les interactions entre le système cognitif et l’environnement. Outre la divergence entre les caractéristiques neurophysiologiques sous-tendant ces deux formes de dialogue, cette distinction repose également sur leur nature automatique ou contrôlée. Il nomme ainsi la première forme de dialogue « traitements sensorimoteurs » et la seconde « traitements cognitifs », qui bien que distinctes, entretiennent une relation d’interdépendance. Malgré sa nature automatique, la régulation du comportement moteur opérée

par les traitements sensorimoteurs n’est pas rigide, mais possède au contraire une certaine flexibilité qui repose sur l’action de modules servo-assistés. En effet, selon Paillard (1985), les traitements sensorimoteurs reposent sur une logique d’organisation modulaire hiérarchisée, dont les éléments de base sont : le module générateur de force musculaire, ou servomoteur, et le module générateur de déplacement mono-articulaire résultant de la combinaison de deux modules servomoteurs aux actions antagonistes, ces deux modules reposant sur des circuits rétroactifs d’origine proprioceptive. De fait, le maintien de l’équilibre orthostatique met en jeu des processus automatiques de régulation des fluctuations posturales qui requièrent la contribution de rétroactions proprioceptives. Ainsi, au regard des études conduites par Peterka (2000)et Peterka et

Loughlin (2004), nous proposons que la distinction entre les mécanismes de régulation posturale

observés à court terme et à long terme repose sur l’action des traitements sensorimoteurs et cognitifs, respectivement. Ainsi, sur de courts intervalles de temps, sans être laissé totalement libre, l’équilibre postural serait régulé en grande partie par des processus automatiques, c’est-à-dire ne nécessitant pas d’implication cognitive, reposant principalement sur l’action de boucles de rétroaction proprioceptive. Tandis qu’à long terme, les fluctuations posturales atteignant des valeurs proches du seuil critique, le SNC met en place des mécanismes correctifs, de nature contrôlée, visant à protéger l’équilibre postural. Sur la base de ce postulat, l’augmentation de la persistance des fluctuations à court terme observée chez des populations vieillissantes ou pathologiques, serait le fruit d’une altération des mécanismes de régulation opérant de façon relativement automatique (Toosizadeh, Mohler, et Najafi 2015 ; Kurz, Oddsson, et Melzer 2013 ; Itshak Melzer et al. 2011 ; Oddsson, De Luca, et Meyer 2004 ; Maurer, Mergner, et Peterka 2004 ;

Laughton et al. 2003 ; Collins et al. 1995). Plusieurs études ont démontré une augmentation de la

nature antipersistante des corrélations sérielles à long terme, reflet donc de l’intervention d’un contrôle resserré avec l’avancée en âge ou chez des populations pathologiques (Toosizadeh,

Mohler, et Najafi 2015 ; Collins et al. 1995). Selon notre hypothèse, ces observations suggèrent une

implication accrue des mécanismes correctifs à long terme dans la régulation posturale ; implication visant probablement à sécuriser l’équilibre en raison d’un contrôle automatique des fluctuations à court terme moins efficient. Ainsi, chez les sujets SEDh, l’altération des mécanismes sensorimoteurs pourrait détériorer la qualité de la régulation des fluctuations à court terme, se répercutant par une rigidification de la régulation des fluctuations à long terme, qui, en raison de l’implication accrue de mécanismes centraux, induirait un recrutement accru des ressources attentionnelles dans le contrôle postural.

L’objectif principal de cette étude était de déterminer la manière dont les mécanismes de régulation posturale sont modifiés par la présence du SEDh, et l’impact de ces modifications sur

leur adaptation à des contraintes externes. Nous avons ici émis l’hypothèse que le déficit somesthésique se traduirait par une altération des mécanismes automatiques de régulation posturale et une implication accrue des mécanismes correctifs contrôlés ; et qu’ensemble, ces bouleversements se refléteraient au travers d’une perte de complexité de la dynamique exprimée par le système postural.

II.2.3.2. Matériel et méthode

II.2.3.2.1. Participants

19 patients atteints du SEDh (18 femmes et 1 homme (moyenne d’âge ± SD) : 28 ± 11,7 ans) et 19 sujets contrôles en bonne santé, appariés en âge et en sexe (14 femmes et 5 hommes : 25.7 ± 5,4 ans) ont participé à cette étude. Les critères d’inclusion et d’exclusion étaient les mêmes que lors de l’étude 2. De la même façon, tous les participants ont été invités à prendre connaissance de la notice d’information et du formulaire de consentement libre et éclairé une semaine avant le rendez-vous d’inclusion, puis à les dater et à les signer en présence de l’équipe des médecins investigateurs de l’HDJ le jour de l’inclusion.

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