• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE I. DE L’ACCUMULATION DES GAZ A EFFET DE SERRE DANS L’ATMOSPHERE AUX

I.3. Quelques observations et projections : impacts des changements climatiques

Plusieurs études indiquent que les impacts des changements climatiques risquent d’être plus lourds sur les populations des pays les plus démunis qui sont déjà vulnérables à cause surtout de leur dépendance plus étroite vis-à-vis de l'agriculture, du manque de ressources financières, du retard technologique et institutionnel et de faiblesses dans les connaissances et capacités de recherche, comme le souligne Grasso (2007).

17

Dans son rapport d’évaluation, le GIEC souligne que les variations de concentrations des GES et d’aérosols dans l’atmosphère et de la couverture végétale modifient le bilan énergétique du système climatique (Solomon et al., 2007), avec des répercussions sur les modes de fonctionnement des systèmes physiques et biologiques. Ces variations de concentrations sont la conséquence, en grande partie, de l’augmentation et de la diversification des activités humaines. En particulier, les émissions mondiales de GES imputables aux activités humaines et visées par le Protocole de Kyoto ont augmenté de 28,7 GtCO2e à 49,0 GtCO2e entre 1970 et 2004 (GIEC, 2007), le CO2 reste le GES d’origine humaine le plus abondant dans l’atmosphère puisqu’il a représenté 77 % de toutes les émissions anthropiques de GES en 2004 (GIEC, 2007), et contribue pour 64 % au forçage radiatif global (OMM, 2011).

L’augmentation et la diversification des activités humaines, qui amplifient la production des émissions de GES, a porté la concentration atmosphérique de CO2 à 389 ppm en 2010, soit une augmentation de 39 % au-dessus de sa concentration des années ayant précédé la révolution industrielle qui était d’environ 280 ppm (OMM, 2011). Les hausses d’émissions anthropiques de CO2 sont passées à 3,3 % par an depuis le début du 20ème siècle, comparativement à sa valeur initiale de 1,3 % au cours des dernières années du siècle précédent (Raupach et al., 2007 ; Canadell et al., 2007). Cette augmentation aurait été de 78 % de sa concentration préindustrielle (280 ppm), soit une augmentation vers des valeurs de l’ordre de 500 ppm, sans la présence des puits de carbone (sur terre et dans les océans) qui ont pu absorber une partie des émissions de GES, comme le soulignent Gruber et al. (2009).

Cependant, ces puits de carbone restent eux-mêmes vulnérables aux changements climatiques en cours et aux changements d'utilisation des sols. En effet, ils sont fortement susceptibles de s'affaiblir à l'avenir en raison de plusieurs effets, comme l'acidification des océans et les changements dans la circulation océanique (Gruber et al., 2009), mais aussi en raison de l’exploitation excessive des ressources forestières (biomasse). Par conséquent, les concentrations en GES sont appelées à poursuivre leur augmentation si rien n’est fait, aussi bien au niveau international, régional, national ou même sectoriel, pour initier des changements dans les modes de vie et de développement actuels. Par ailleurs, même si des actions remarquables sont menées pour réduire sensiblement les émissions de GES, leurs effets ne se feront sentir que plus tard, car les concentrations des GES déjà présents dans l’atmosphère persisteront pendant longtemps en raison de leur temps de séjour ou durée de vie relativement long (tableau 1).

Cette augmentation des concentrations en émissions de GES dans l’atmosphère ne peut se faire sans impacts dans les variations de température et de précipitations, sur les systèmes naturels et biophysiques ce qui affecte à son tour, d’une manière ou d’une autre, les modes de vie et diverses activités socioéconomiques de l’homme. En effet, certains phénomènes observés sont largement liés à ces perturbations induites par l’augmentation des émissions de GES dans l’atmosphère, comme le soulignent les différents rapports d’évaluation du GIEC et d’autres études ou recherches scientifiques. Il s’agit par exemple de l’augmentation de la température moyenne de l’atmosphère et de l’océan, l’augmentation du niveau moyen de la

18

mer, la fonte massive des surfaces de neige et des calottes glaciaires, les changements du régime des précipitations au niveau continental et régional, les atteintes à l’environnement naturel et humain (effectives ou prévues).

I.3.1. Changements dans les températures et les précipitations

Le quatrième rapport du GIEC mentionne (avec une grande probabilité) que la fréquence et/ou l’intensité de certains phénomènes météorologiques extrêmes a changé au cours de ces 50 dernières années (GIEC, 2007). Les journées froides, les nuits froides et le gel ont été moins fréquents sur la plus grande partie des terres émergées ; le nombre de nuits chaudes et de journées chaudes a au contraire augmenté. Les vagues de chaleur sont devenues plus fréquentes sur la majeure partie des terres émergées, et la température moyenne mondiale a augmenté, particulièrement depuis environ 1950 (Solomon et al., 2007 ; Lévêque & Sciama, 2008 ; Jensen & Steffen, 2009). En outre, les précipitations ont connu de fortes variations : pendant qu’elles ont augmenté dans les parties de l’est de l’Amérique du Nord et du Sud, dans le nord de l’Europe et dans le nord et le centre de l’Asie, elles connaissaient en même temps de fortes diminutions au Sahel, en Méditerranée, en Afrique austral et dans une partie de l’Asie du sud (Solomon et al., 2007). Par ailleurs, les régions/zones et groupes concernés restent les pays et les populations pauvres de la planète (Parry et al., 2007).

En particulier pour l’Afrique, l’augmentation de la température conduit, entre autres, à la hausse de la désertification, à la diminution de la disponibilité en eau (GIEC, 2001a). Par ailleurs, les caractéristiques géographiques des pays d’Afrique en général et d’Afrique subsaharienne en particulier de même que les pratiques agricoles de la région rendront sans doute son secteur agricole particulièrement sensible aux changements climatiques (Barrios

et al., 2008). Cette diminution en ressources hydriques aura de lourdes conséquences néfastes sur ce secteur agricole et, par conséquent, sur la sécurité alimentaire dans cette région, étant donné que la majeure partie de la population, environ 70 %, vit de l’agriculture (Desanker, 2002), essentiellement pluviale. En effet, le quatrième rapport du GIEC (Parry et al., 2007) affirme que la production agricole dans de nombreux pays d’Afrique sera gravement compromise par les changements climatiques et la variabilité du climat, ce qui aura un impact dommageable sur la sécurité alimentaire et exacerbera la malnutrition. Dans certains pays africains, par exemple, les rendements de l’agriculture utilisant les eaux de pluie pour irrigation pourraient connaître des baisses allant jusqu’à 50 % en 2020 (Parry et al., 2007), ce qui pourrait aggraver la malnutrition, occasionner des conflits pour des ressources devenues de plus en plus rares et conduire à de fortes migrations climatiques, du fait de la forte dépendance de ce secteur par les populations de ces derniers pays.

I.3.2. Augmentation du niveau de la mer

La fréquence des épisodes d’élévation extrême du niveau de la mer s’est accrue en de nombreux endroits du globe et, durant la période allant de 1961 à 2003, le taux moyen d’élévation mondiale du niveau de la mer est estimé entre 1,8 ± 0,5 mm/an (Solomon et al.,

19

2007). La montée du niveau de la mer moyenne totale mesurée entre 1993 et 2003 est de l’ordre de 3,1 ± 0,7 mm/an (Solomon et al., 2007 ; Jensen & Steffen, 2009). Ces deux valeurs impliquent que l’élévation du niveau de la mer augmente dans le temps, tout comme la température de l’atmosphère qui accélère la fonte des glaciers et des surfaces enneigées, mais aussi avec la hausse de la température dans les océans qui fait augmenter le volume de l’eau. En effet, il est estimé que depuis 1993, l’élévation du niveau de la mer est imputable pour 57 % environ à la dilatation thermique des océans, pour 28 % environ à la fonte des glaciers et des calottes glaciaires et, pour le reste, à la rétraction des nappes glaciaires polaires (GIEC, 2007). En particulier, la calotte glaciaire du Groenland a perdu sa masse à raison de 179 Gt/an depuis 2003, une perte correspondant à une contribution à la montée du niveau de la mer d’environ 0,5 mm/an (Jensen & Steffen, 2009).

L’augmentation des inondations des zones côtières due à l’augmentation du niveau de la mer sera une conséquence importante du réchauffement global, un certain nombre de régions côtières ou de pays comme le Bangladesh, la Floride, la Malaisie, les Maldives et les Pays-Bas étant en danger potentiel en raison de l’élévation du niveau de la mer (Jain, 1993). En Afrique, l’élévation anticipée du niveau de la mer affectera essentiellement les basses terres fortement peuplées, comme en Egypte (delta du Nil), suite à des risques d’inondation et de submersion, mais elle affectera aussi toute infrastructure liée à l’eau dans les zones touchées (Parry et al., 2007 ; GIEC, 2007). Le coût de l’adaptation aux changements climatiques pour l’Afrique pourrait représenter 5 à 10 % du PIB, voire plus (GIEC, 2007). Toutefois, le coût de l’adaptation dans certains pays d’Afrique pourrait dépasser de beaucoup ces valeurs estimatives, en raison d’autres facteurs de pression pouvant survenir, en l’occurrence des conflits internes dus à un accroissement de la précarité consécutive à un accès inégal aux ressources, une insécurité alimentaire accrue, des systèmes de gestion sanitaire médiocres. Ces facteurs de pression, renforcés par les changements climatiques et la variabilité climatique, auraient pour effet en Afrique de renforcer encore les vulnérabilités de nombreuses personnes déjà vulnérables (Parry et al., 2007).

I.3.3. Diminution des surfaces enneigées

La couverture de neige a diminué dans la plupart des régions, particulièrement dans les régions polaires où la perte de masse des glaciers, c'est-à-dire la fonte croissante de grandes calottes glaciaires polaires du Groenland et de l’Antarctique, a été très élevée et a beaucoup contribué à l'augmentation observée du niveau de la mer (Jensen & Steffen, 2009). Le bilan de la diminution en masse pour la nappe glaciaire du Groenland est estimé à : de -50 à -100 Gt/an de 1993 à 2003, soit un rétrécissement contribuant à une élévation mondiale de niveau de la mer de 0,14 à 0,28 mm/an (Solomon et al., 2007). Le pergélisol et les sols gelés de manière saisonnière montrent, dans la plupart des régions, de grands changements au cours des dernières décennies ; les changements de conditions de pergélisol pouvant affecter l’écoulement des fleuves, l’approvisionnement en eau, l’échange carbonique et la stabilité du paysage, jusqu’à endommager les infrastructures (Parry et al., 2007).

20

Plus particulièrement en Afrique, les impacts induits par les changements climatiques sur la calotte blanche du Mont Kilimandjaro (Tanzanie) montrent que les glaciers et les couvertures neigeuses sont en recul, avec une diminution d’environ 80 % entre 1912 et 2002 (Desanker, 2002 ; Parry et al., 2007). D’autres glaciers africains, en l’occurrence les montagnes du Ruwenzori en Ouganda et le Mont Kenya, sont aussi menacés (Desanker, 2002). La figure 1 montre les quelques variations climatiques observées : (a) de la température moyenne à la surface du globe, (b) du niveau moyen de la mer à l’échelle du globe, et (c) de la couverture neigeuse dans l’hémisphère Nord. La figure 2 quant à elle représente le recul de la surface des glaciers du Mont Kilimandjaro sur une période allant de 1912 à 2002, où une disparition presque totale des glaciers sur le Mont a été observée.

Figure 1 : Quelques variations climatiques observées Source : GIEC, 2007.

Figure 2 : Recul des glaciers sur Kilimandjaro Source : Desankar, 2002.

I.3.4. Atteintes à l’environnement naturel et humain

Les changements climatiques affectent également les systèmes naturels, biophysiques et humains. Le quatrième rapport d’évaluation du GIEC affirme que les systèmes naturels sont affectés par des changements touchant l’enneigement, les glaciers et les pergélisols ; les systèmes hydrologiques ; les systèmes biologiques terrestres comme la précocité de certains événements printaniers, le déplacement de l’aire de la répartition d’espèces animales et végétales vers les pôles et vers des latitudes supérieures (Parry et al., 2007). L’apport de carbone anthropique depuis 1750 a entraîné l’acidification des océans, dont le pH a décru en moyenne de 0,1 unité (Solomon et al., 2007).

Or, une augmentation de l’acidification des océans a, entre autres, impacts la diminution de la disponibilité dans l’eau de mer des minéraux de carbonate, une composante importante pour les plantes et des animaux marins (SCDB, 2010). Dans son étude "Synthèse scientifique des impacts de l’acidification des océans sur la biodiversité marine", le Secrétariat de la Convention sur la Diversité Biologique (SCDB, 2010) relève des impacts d’un taux élevé de CO2 et de l’acidification des océans sur les organismes marins benthiques (coraux, echindermes, mollusques) et pélagiques (foraminifères, ptéropodes, coccolithophores). En particulier, il souligne une diminution systématique du taux de calcification chez ces organismes, avec des implications socio-écologiques allant de perte de fonctions de

21

l’écosystème (protection contre les tempêtes et l’érosion) à la perturbation des réseaux trophiques. Le rapport du GIEC (Solomon et al., 2007) met également en évidence certains aspects de la santé humaine comme la mortalité liée à la chaleur en Europe et les vecteurs de maladies infectieuses dans certaines régions comme en Afrique.

Dans l’avenir, si l’augmentation de la concentration des émissions de GES n’est pas limitée ou atténuée, les impacts des changements climatiques prévus mettront à rude épreuve les systèmes naturels et sociaux, et devraient être vastes et variés, même s’il n’est pas facile de les quantifier avec précision (Jain, 1993). Les domaines comme : l’approvisionnement en eau, l’agriculture et la sécurité alimentaire, les écosystèmes terrestres et marins, les zones côtières, les établissements humains, l’industrie, et surtout la santé humaine, etc. seront les principales cibles de ces impacts (Jain, 1993 ; Desanker, 2002 ; Parry et al., 2007). Comme les changements climatiques résultant de l’accroissement de l’activité humaine sont perçus comme un enjeu environnemental majeur face à l’humanité (générations présentes et futures), une telle situation combien préoccupante ne pouvait pas passer inaperçue devant la communauté internationale.

Longtemps traité par les agences internationales incluant le PNUE, le FEM, la Banque Mondiale et le PIGB (Jain, 1993), ce challenge est aujourd’hui au plus haut niveau des négociations internationales initiées par l’ONU depuis la conférence de Rio de 1992 qui a mis en place la CCNUCC. La communauté internationale, à travers ces négociations sur le climat, tente toujours d’apporter des propositions de réponses à cette problématique en s’efforçant de définir un certain nombre de politiques et mesures y relatives. Dans les lignes qui suivent il est rappelé certaines des tentatives de réponses qui se sont progressivement mises en place jusqu’à ce jour pour faire face à cette problématique des changements climatiques et contribuer ainsi à l’objectif ultime de la CCNUCC.