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CHAPITRE III. STRATEGIE DE MISE EN ŒUVRE ET RESULTATS ATTENDUS DU MDP

III.9. Forces et faiblesses du Mécanisme pour un Développement Propre

III.9.2. Faiblesses du Mécanisme pour un Développement Propre

Malgré différents points forts du MDP développés ci-dessus, il subsiste encore des points faibles qui fragilisent par ailleurs ce mécanisme. Il s’est d’abord avéré que le MDP est émaillé de fortes disparités dans la répartition d’activités de projets en défaveur des PMA, ce qui réduit les opportunités de ces dernières en termes de contribution au développement durable de ces pays pauvres. En outre, l’inertie du processus d’évaluation (validation et d’enregistrement) des activités de projets pèsent lourdement sur le processus, ce qui induit des coûts de transaction élevés surtout pour des activités de projets de faible ampleur. Par ailleurs, les réductions d’émissions réalisées dans les pays en développement restent compensatoires au niveau global, ce qui rappelle la notion d’additionnalité dans des activités de projets de ce mécanisme qui reste aussi elle-même problématique. Enfin, le MDP reste aussi fragilisé par des incertitudes de son avenir pour le régime post-2012.

Disparités dans la répartition des activités de projets du MDP. Les disparités dans la répartition des activités de projets du MDP ont été examinées au chapitre précédent, et constituent le nœud de la problématique de ce mécanisme. Comme le montre le tableau 4, le MDP a joué aux côtés des grands pays émergents d’Asie et d’Amérique latine au détriment de PMA. En effet, en décembre 2011, l’ensemble des PMA se partageaient 96 activités de projets (soit environ 1,3 %) sur un total de 7.532 activités de projets et des réductions d’émissions estimées à 32,284 MtCO2e (soit environ 1,2 %) sur un total de 2.723,685 MtCO2e de crédits-carbone attendus en 2012 (Fenhann, 2012).

En outre, les secteurs qui bénéficient le plus d’activités de projets du MDP sont dans l’ensemble les secteurs de l’industrie (en termes de crédits générés), de l’énergie et de la gestion des déchets essentiellement (Fenhann, 2012). Certains secteurs à forte intensité de carbone tels que les transports et surtout le secteur forestier, pouvant être une opportunité pour les PMA particulièrement d’Afrique, ne sont pas suffisamment exploités à ce jour. Par ailleurs, bien que le MDP ait permis un transfert de technologies propres, ce transfert de

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technologies reste aussi problématique pour les PMA où il reste difficile pour le moment de mettre en œuvre des activités de projets du MDP, ce qui renforce ces disparités.

Problématique de durabilité des activités de projets du MDP. La contribution au développement durable figure également parmi les critères d’éligibilité dans le processus d’activités de projets du MDP (section II.4). Néanmoins, le fait que l’évaluation de ce critère ne soit pas standardisée et soit laissée aux soins des pays hôtes (au nom de la souveraineté des Nations) peut induire des effets pervers. En effet, en raison de ce principe de souveraineté, les pays en développement peuvent être tentés d’adopter des critères plus flexibles dans le but d’attirer facilement des investissements. La problématique de durabilité des activités de projets du MDP réside dans cette difficulté d’avoir des activités de projets qui procurent à la fois des réductions substantielles d’émissions et des avantages/bénéfices réels en termes de développement socioéconomiques (Sutter & Parreno, 2007). Par ailleurs, le caractère de marché de ce mécanisme qui privilégie les réductions d’émissions fait que ce concept de développement durable, difficile à quantifier par ailleurs, reste secondaire aux yeux des investisseurs (Cosbey et al., 2005).

Inertie du processus d’évaluation des activités de projets du MDP. Les différentes étapes du processus de mise en œuvre d’activités de projets du MDP sont illustrées à la figure 9 avec tout un arsenal d’évaluations imbriquées. En outre, le rapide débordement et l’allongement de la durée des processus de validation, d’enregistrement et de délivrance des crédits d’émissions des activités de projets du MDP (Fenhann, 2012) peuvent justifier des moyens humains et matériels à la mesure des besoins. En général, le délai global de tout le processus dépend de certaines étapes clés sur lesquelles les développeurs d’activités de projets n’ont aucun contrôle direct, en particulier l’approbation, la validation et l’enregistrement.

Dans ce contexte, la moyenne des retards enregistrés dans des activités de projets jusqu’en décembre 2011 revient en moyenne à plus de 3 ans depuis le début des commentaires à la première délivrance des crédits d’émissions (Fenhann, 2012). Elle s’exprime comme suit : 404 jours pour la validation (depuis le début des commentaires jusqu’à la demande d’enregistrement), 137 jours pour l’enregistrement (depuis la demande d’enregistrement jusqu’à l’enregistrement effectif) et 582 jours depuis l’enregistrement effectif jusqu’à la première délivrance des réductions d’émissions (soit un total 1.123 jours). Ces retards dans le processus de mise en œuvre d’activités de projets peuvent décourager les investissements dans les PMA, surtout là où la situation en termes de stabilité politique reste incertaine.

Coûts de transaction élevés surtout pour des activités de projets de faible ampleur. Les coûts de transaction impliqués dans les activités de projets du MDP (section III.5) sont inversement proportionnels à la quantité totale de crédits-carbone générés au cours de la période de comptabilisation (Krey, 2005 ; Michaelowa & Jotzo, 2005). Des facteurs qui augmentent le coût de production d’un crédit-carbone ou qui réduisent son prix de marché, peuvent avoir d’énormes effets sur la viabilité économique des activités de projets du MDP (Chadwick, 2006). Ainsi, comme les coûts de transaction restent élevés dans le cas d’activités de projets

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de faible ampleur, car elles génèrent de faibles réductions d’émissions de GES, leur nombre se trouve relativement réduit (tableau 5). Cette situation réduit à son tour l’attractivité de ces activités de projets du MDP, qui conviennent aux PMA, ce qui renforce davantage les disparités dans la répartition de ces activités de projets du MDP à travers le monde en développement, en particulier la marginalisation des PMA.

Le système MDP reste un mécanisme de compensation. Le MDP a pour vocation de réduire les émissions de GES dans des pays en développement, mais ces réductions d’émissions ne sont pas des réductions réelles par rapport à l’ensemble de l’atmosphère. Elles sont plutôt utilisées pour compenser une partie des émissions émises dans les pays industrialisés. Cette situation peut constituer un incitant négatif pour la protection du climat en général et conduire à des effets pervers. En effet, certains pays industrialisés risquent de se contenter beaucoup plus de cet instrument de flexibilité dans leurs politiques climatiques au lieu de fournir des efforts nécessaires pour la réduction à la source de leurs émissions de GES. C’est pourquoi la question d’additionnalité reste d’une importance capitale afin d’éviter d’attribuer aux pays développés (Annexe B) des crédits d’émissions (compensation) qui ne sont pas réellement réduites dans les pays en développement, hôtes d’activités de projets.

Problématique de l’additionnalité des activités de projets du MDP. Le MDP est critiqué pour avoir autorisé la mise en œuvre de certaines activités de projets qui ne sont pas réellement additionnelles. Comme il est évoqué à section II.4, l’additionnalité constitue l’autre critère d’éligibilité des activités de projets au processus du MDP. Mais, ce critère s’est avéré très complexe dans son évaluation, car, établir une façon pratique de juger si les réductions d’émissions sont complémentaires à celles qui se seraient passées sans l’activité du MDP reste la question la plus difficile et subjective face au MDP, ce qui indique que suivre à la lettre les dispositions du Protocole de Kyoto en la matière reste très difficile. Le cas le plus critique reste les activités de projets industrielles (réductions de HFCs, N2O) mises en œuvre dans les pays émergents. En effet, bien qu’elles génèrent des réductions substantielles d’émissions (tableau 3), on estime que de telles activités de projets auraient eu lieu même en dehors du MDP, comme indiqué dans une interview (annexe 10).

En outre, la démonstration de l’additionnalité suppose tout d’abord la détermination d’une ligne de base, c'est-à-dire le scénario le plus probable de l’évolution des émissions. Or, les lignes de base, faciles à calculer dans les activités de projets industrielles, sont très difficiles à déterminer dans d’autres types d’activités de projets dont la contribution au développement durable des pays hôtes reste par ailleurs garantie. C’est le cas notamment dans des pays à faibles émissions de GES, essentiellement les PMA, dont les lignes de base sont considérées comme étant plates. Cette situation en appelle à la standardisation des niveaux de référence et des tests d’additionnalité, déjà évoquée à la section III.2 et développée au huitième chapitre, pour ne pas pénaliser ces activités de projets de grande importance pour les pays pauvres (PMA) en termes de durabilité.

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Incertitudes du MDP pour le régime post-2012. Le MDP a également cette faiblesse d’être un mécanisme limité dans le temps, car il est lié au Protocole de Kyoto qui a introduit la notion de périodes d’engagement et placé la fin de la première période d’engagement à 2012. La décision de prolonger le Protocole de Kyoto pour une deuxième période d’engagement à partir de 2013 (décision 1/CMP.7) est intervenue tard en fin 2011 lors de la Conférence de Durban (COP17-CMP7), c'est-à-dire à seulement une année de la fin de la première période d’engagement. Néanmoins, elle n’établit pas d’engagements formels et clairs en ce sens. En outre, même dans cette situation, l’ambition reste faible puisque seule l’Union Européenne reste la seule entité des pays de l’Annexe B à s’engager formellement dans cette perspective en tant qu’investisseur/acheteur, ce qui risque de réduire encore plus la demande en crédits-carbone en général et ceux issus du MDP en particulier sur le marché du carbone.

En outre, cette date limite proche (première période d’engagement) constitue pour le MDP un handicap majeur en termes d’incertitudes. En effet, il n’est pas facile pour des investisseurs de prétendre anticiper la mise en œuvre d’activités de projets au-delà de cette date, même si l’ampleur du défi climatique laisse présumer que les mécanismes de marché fondés sur les activités de projets, peuvent continuer à apporter une contribution à la politique mondiale lutte contre les changements climatiques. Par ailleurs, les retards dans la conclusion d’un accord global post-2012 et sur les règles d’utilisation des crédits-carbone issus des activités de projets du MDP dans la deuxième période d’engagement, c'est-à-dire à partir de 2013, ne fait qu’amplifier les incertitudes du MDP pour le régime post-2012.