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CHAPITRE III. STRATEGIE DE MISE EN ŒUVRE ET RESULTATS ATTENDUS DU MDP

III.2. Additionnalité et ligne de base des activités de projets du MDP

L’intégrité environnementale du MDP dans le cadre du Protocole de Kyoto dépend de la possibilité d’éviter de donner des crédits-carbone à des activités de projets qui auraient eu lieu de toute façon (Greiner & Michaelowa, 2003), ce qui rappelle la notion d’additionnalité. Comme évoquée précédemment (section II.4), l’additionnalité reste un des critères d’éligibilité de toute activité de projet du MDP. L’additionnalité doit donc permettre de

1. Définition du concept de projet, 2. Note indicatif du projet (NIP), 3. Développement de la méthodologie,

4. Elaboration du document descriptif du projet (DDP)

5. Approbation du projet par le pays hôte (Non-Annexe I) et le pays de l’investisseur ((Non-Annexe I)

6. Validation du projet par les auditeurs

7. Enregistrement du projet

8. Mise en œuvre du plan de surveillance du projet (monitoring)

9. Vérification & Certification des réductions d’émissions de gaz à effet de serre issues du projet

10. Délivrance des réductions certifiées des émissions

11. Usage des réductions certifiées des émissions : conformité ou plus-value sur le marché secondaire

Ph as e de c on ce pti on d u pro je t Ph as e de m is e e n œ uv re Développeurs de projet (promoteurs) Entité Opérationnelle Désignée (EOD1) Autorités Nationales Désignées (AND) des pays

Annexe I et non-Annexe I Conseil Exécutif du MDP Acheteurs de certificats de crédits d’émissions Entité Opérationnelle Désignée (EOD2) Développeurs de projet (promoteurs) Conseil Exécutif du MDP Etapes impliquées dans le cycle du projet Parties responsables

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distinguer les activités de projets du MDP des activités de projets conventionnelles ou habituelles (BAU = business as usual). Dans ce contexte, les promoteurs (ou développeurs) sont invités à justifier qu’il existe des contraintes à la mise en œuvre de l’activité de projet pouvant être liées, par exemple, à l’investissement, à la technologie, aux ressources humaines, aux pratiques existantes, à la faiblesse des institutions et à l’information limitée (Yunna & Quanzhi, 2011). Sans cette exigence de l’additionnalité, il n'y a aucune garantie qu’une activité de projet du MDP créera des réductions cumulatives d’émissions de GES équivalentes à celles qui auraient été faites dans les pays de l'Annexe B.

En outre, le concept de l’additionnalité dans le MDP reste très important en raison du caractère de compensation des crédits d’émissions de ce mécanisme. Etant donné que les crédits-carbone résultant des activités de projets du MDP permettent de compenser les émissions de GES des pays de l’Annexe B, le MDP n’a aucun effet bénéfique sur la réduction des émissions globales dans le cas des activités de projets réellement additionnelles. Cependant, dans le cas où les crédits-carbone déclarés résultent des activités de projets qui ne sont pas additionnelles, cela conduit à une réelle atteinte à l’intégrité environnementale, car il y a une augmentation nette dans les émissions globales de GES. Dans les lignes qui suivent, il est développé trois principes relatifs à ce concept d’additionnalité : l’additionnalité environnementale, l’additionnalité financière et l’additionnalité technologique.

L’additionnalité environnementale d’une activité de projet du MDP se réfère à sa capacité de réduire réellement les émissions de GES dans les pays hôtes (non-Annexe I). De façon générale, une activité de projet répond au critère d’additionnalité environnementale lorsque les émissions totales de GES avec l’activité de projet sont inférieures à celles qui seraient survenues en l'absence de cette activité du projet. Les développeurs d’activité de projet doivent donc démontrer que leur activité de projet permet des réductions d’émissions supplémentaires qui n'auraient pas lieu sans la réalisation de cette dernière (CCNUCC, 2002). En particulier, l’additionnalité environnementale revêt une importance capitale dans le cadre du MDP. En effet, contrairement aux activités de projets réalisées dans le cadre de la mise en œuvre conjointe (MOC) qui se résument en un échange de crédits d’émissions entre pays soumis à un engagement, toute activité de projet du MDP introduit sur le marché des crédits-carbone supplémentaires puisque les pays hôtes n’ont pas d’engagements. C’est pourquoi, les crédits-carbone dégagés par les activités de projets du MDP ne doivent pas être surévalués par rapport aux émissions réelles pour ne pas porter atteinte à l’intégrité environnementale du Protocole de Kyoto.

L’additionnalité technologique est un principe selon lequel une activité de projet doit impliquer un transfert de technologies du Nord vers le Sud. Ainsi, selon ce principe, il faut que la technologie utilisée pour réduire les émissions de GES dans les pays hôtes ne puisse être présente dans la région/pays de réalisation de l’activité de projet (Boulanger et al., 2004). Néanmoins, l’additionnalité technologique reste problématique, car le transfert de technologie se heurte souvent à des questions de propriété intellectuelle, étant donné que de telles technologies à transférer sont du domaine du secteur privé et principalement des

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pays industrialisés, possédant le savoir-faire et les connaissances pour l’exploiter (Lussis, 2002). Ainsi, le Japon, l’Allemagne, les Etats-Unis, la France et la Royaume-Uni sont responsables de plus de 70 % des transferts de technologies (Seres et al., 2009). Le transfert de technologies est plus fréquent dans des activités de projets impliquant des participants étrangers (bilatérales ou multilatérales) que dans celles unilatérales, car pour le MDP bilatéral ou multilatéral le transfert de technologies est inclus dans l’investissement (Seres et al., 2009), alors que pour le MDP unilatéral la technologie doit s’acheter dans ces pays développés, ce qui rappelle la justification par les promoteurs d’activité de projet des contraintes liées à la technologie.

L’additionnalité financière quant à elle est un principe qui fait partie du concept général de l’additionnalité, aux côtés des deux autres déjà susmentionnées. L’additionnalité financière des activités de projets du MDP fait référence à la différence entre une activité de projet qui aurait normalement été entreprise dans le contexte d’affaires normales et l’activité de projet proposée dans le contexte du MDP. Les développeurs doivent alors démontrer que leur activité de projet n’aurait pas pu se réaliser sans la plus-value carbone du MDP (Balan, 2004), ce qui rappelle la nécessité de justifier les contraintes liées à l’investissement. Ainsi, l’additionnalité financière est en quelque sorte un des moyens de vérifier l’additionnalité environnementale. En effet, pour générer de réels crédits-carbone, une activité de projet du MDP doit donner lieu, entre autres, à un investissement supplémentaire par rapport à une situation de référence (normale) pour surmonter la barrière liée l’investissement. En outre, l’additionnalité financière constitue une preuve de non-détournement des fonds publics de l’APD, conformément aux décisions du CAD (OCDE, 2004) sur les questions relatives à la comptabilisation dans l’APD des dépenses relevant du MDP.

Par ailleurs, la complexité de cette notion d’additionnalité renvoie à la détermination du niveau de référence. D’après Müller-Pelzer (2008), la fixation d'un scénario de référence reste indispensable afin de pouvoir mesurer les améliorations induites par une activité de projet du MDP. Ainsi, pour évaluer la contribution d’une activité de projet en termes de réductions réelles d’émissions, il faut un élément de comparaison, qui est donc ce niveau de référence ou ligne de base.

La ligne de base (niveau de référence ou scénario de référence) pour une activité de projet du MDP est le scénario utilisé pour montrer l'évolution des émissions de GES qui se produiraient en l'absence de l’activité de projet relevant du MDP. C’est l’estimation des émissions de GES du scénario de référence. C’est donc une trajectoire future des émissions de GES qui aurait été constatée en l’absence de l’activité de projet du MDP. Cela étant, chaque activité de projet relevant du MDP doit se développer suivant sa propre ligne de base. Toutefois, une fois qu’une méthodologie de base a été approuvée par le Conseil Exécutif du MDP, d'autres activités de projets pourront l'utiliser (Fenhann et al., 2004). La réduction d’émissions attribuables à l’activité de projet correspond à la différence entre les émissions du scénario de référence (ligne de base) et les émissions réelles de l’activité de

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projet. Cette différence constitue une démonstration de l’additionnalité environnementale de l’activité de projet considérée.

La ligne de base est déterminée avant le début de toute activité de projet et fait l’objet d’un suivi régulier tout au long de la période de comptabilisation des réductions d’émissions de l’activité de projet, dans sa phase de réalisation ou de mise en œuvre (figure 9). La figure 10 ci-dessous illustre ces notions de ligne de base et d’additionnalité (environnementale).

Figure 10 : Représentation de l’additionnalité environnementale d’une activité de projet du MDP Source : Müller-Pelzer, 2004.

Néanmoins, si la détermination de la ligne de base est aisée pour les pays émergents (leurs émissions sont en forte augmentation), elle reste problématique pour nombre de pays en développement, essentiellement les PMA (Afrique) du fait que ces derniers ont des niveaux d’émissions relativement faibles (CCNUCC, 2005 ; World Bank, 2010a). Par conséquent, leurs lignes de base pour les émissions futures sont considérées comme étant presque plates en dehors de tout scénario de forts changements en termes de croissance/développement économique. Pour tenter de pallier ce problème, la décision 2/CMP5 demande au Conseil Exécutif d’examiner la possibilité d’inclure dans les méthodes de fixation du niveau de référence, un scénario qui prévoit une augmentation des émissions anthropiques futures par les sources au-dessus des niveaux actuels en raison des conditions spécifiques à la Partie hôte (CCNUCC, 2010). D’après un expert européen interviewé (annexe 10), cette question peut aussi être résolue si l’on considérait les émissions dans un contexte des OMD. Cela dit que comme chaque être humain a droit à la satisfaction de ses besoins vitaux, ce droit lui permet de générer des émissions de GES, ce qui peut justifier des lignes de base qui affichent des émissions en augmentation. Toutefois, si une activité de projet aboutit, le crédit-carbone qui est délivré ne correspond pas à une tonne réellement évitée mais à une tonne potentiellement évitée, c'est-à-dire projetée dans le futur.

C’est à la suite de cette complexité liée à la détermination des niveaux de référence (ou lignes de base) et à des tests d’additionnalité, surtout dans les PMA, qu’il est soulevé la question de standardisation des tests d’additionnalité et d’évaluation des niveaux de référence. En réponse à cette dernière et suite à la décision 2/CMP5 susmentionnée, le

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Conseil Exécutif du MDP et la CMP6 (décision 3/CMP.6) ont renforcé cette nécessité de standardisation de méthodologies (voir section VIII.6). La standardisation des tests d’aditionnalité et de la détermination des niveaux de référence auront comme avantage la promotion d’activités de projets du MDP dans les secteurs et régions/pays sous-représentés dans le marché du MDP actuel. En effet, comme le souligne l’un des experts interviewés, avec cette idée de standardisation, les crédits-carbone ne sont plus générés sur base de valeurs d’émissions initiales. Au contraire, les activités de projets du MDP reçoivent des crédits-carbone liés au type de technologie. Ce qui confère à cette méthodologie relative à la standardisation un avantage déterminant pour les PMA en général, et ceux d’Afrique en particulier.