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Sous II.5, je reprendrai l’idée déjà avancée par d’autres de l’hymne védique comme discours rhétorique persuasif prononcé devant un public divin

II.4. Analyse de la structure des hymnes

II.4.2. Au niveau de l’hymne

Ici sera examiné le rôle des trois types pour ce qui concerne l’hymne dans son ensemble.

II.4.2.1. Le type (1)

Le livre 3 contient dix-sept hymnes262 sur quarante qui présentent une structure parallèle à celle du type (1) pour la strophe. L’énonciation de la vérité concerne des faits qui servent à contextualiser et à justifier des expressions modales/performatives; le résultat n’est pas décrit ou constaté comme dans les hymnes dont on vient de discuter.

Certains hymnes ayant cette structure commencent par l’énoncé d’un fait, mais tout ce qui suit, le corps de l’hymne, consiste en expressions modales ou performatives. La première strophe est le lieu privilégié pour l’énoncé d’un fait plus ou moins énigmatique qui donne le contexte de tout le reste de l’hymne. L’hymne 1 commence par l’énoncé «le royaume t’est échu», affirmation initiale sur laquelle se fondent les exhortations qui suivent dans le reste de l’hymne 262 1, 3, 7, 8, 10, 11, 13, 14, 15, 19, 20, 22, 24, 25, 27, 30, 37.

en faveur de l’élection du roi et de son établissement sur le trône. Dans les strophes 5, 6 et 7 interviennent quelques énoncés additionnels qui affirment que les dieux ont choisi de soutenir le roi en question, mais l’accent reste mis sur les expressions modales. L’hymne se termine par un énoncé performatif prononcé par l’officiant afin de conclure la consécration par une oblation, suivi d’un souhait pour le succès.

L’hymne 3 commence par l’énonciation d’une vérité énigmatique au sujet du figuier, citée plus haut, mais tout le reste de l’hymne consiste en expressions modales visant la mort des ennemis. Les strophes finales, 7 et 8, forment une unité à part qui conclut l’hymne par des performatifs, et qui introduit un geste rituel additionnel destiné à faire couler un bateau symbolique.

L’hymne 10 commence, dès le premier hémistiche de la première strophe, par un énoncé concernant le dieu de la mort, mais le reste de l’hymne n’est composé que de demandes adressées à ce dernier ainsi qu’à ses associés. De la même manière, les deux premières strophes de l’hymne 27 affirment l’autorité du roi en faisant de son couronnement un récit mythologique, mais le reste de l’hymne n’est composé que de demandes en faveur de son succès martial. L’hymne 37, long charme d’amour composite, appartient au même type : il commence par deux strophes du type (1), où l’on s’adresse au dieu de l’amour en lui rappelant la connexion entre son nom et le pouvoir qui est le sien de rappeler le sujet à l’objet de son désir ; le pouvoir séducteur du sujet y est également affirmé. Ces deux strophes, qui ne contiennent pas le mot clef «envies», sont en cela séparées du reste de l’hymne (les strophes 3 à 9), où un grand nombre d’énoncés performatifs se mêlent à des impératifs. La richesse des épithètes employées pour qualifier les envies est peut-être encore une manière d’exposer la vraie nature de l’objet que le poète connaît de façon privilégiée.

D’autres hymnes, en revanche, voient la majeure partie de leur contenu consacré à l’exposition du savoir. L’hymne 8 est une louange au Sommeil divinisé, qu’il célèbre, dans les strophes 1 à 4, en exposant sa connexion avec la mort ; des demandes ne lui sont adressées que dans les deux strophes finales, qui appartiennent chacune au type (1) au niveau de la strophe. L’hymne 25, qui comporte 14 strophes, se divise en réalité en deux parties comme l’a montré Selva(2019), dont chacune suit le modèle suivant: les strophes 1 à 5 exposent un savoir ésotérique sur le bœuf de trait qui se clôt à la strophe 6 par une demande pour accéder au ciel; les strophes 7 à 12 font de même pour les nuits de la session rituelle, et se terminent par deux « strophes» (13-14) qui mêlent expressions modales et éléments de prose exégétique.

D’autres hymnes encore appartiennent au type (1) en ce qu’ils sont entièrement composés de sous-structures du type (1). Les hymnes 11 et 24 sont des litanies aux dieux des directions de l’espace; ils forment une sorte de catalogue de leurs noms et de leurs armes, dont chacune des strophes appartient au type (1). Tout se passe comme si la connaissance de ces noms permettait au locuteur de s’adresser aux dieux en question, dans le cas du premier hymne, pour demander leur protection, dans le cas du second, pour

leur offrir l’ennemi comme victime au moyen d’un énoncé performatif « nous plaçons l’ennemi dans la gueule de ce serpent».

L’hymne 15 fonctionne de manière identique: dans cet hymne, la connaissance de la mythologie de la terre permet l’extraction de la glèbe qui servira d’antidote au poison, avec un refrain performatif. L’hymne 7, qui évoque les mésaventures sur leurs chars des démons associés au tétanos, ne possède pas de refrain, mais fait de la même façon alterner l’énoncé d’un fait avec une expression modale/performative, sans explicitement constater de résultat. La même chose s’observe dans un certain nombre d’autre hymnes: 13, pour doter le roi de charisme au moyen d’une amulette divine; 14, pour la conception d’un fils; 20, pour fonder une maison ; 22, pour détecter et bannir démons et sorciers ; 30, pour rejeter le mauvais sommeil sur l’ennemi.

L’hymne 19 peut être divisé en deux parties égales: les trois premières strophes forment une unité du type (2), où l’on trouve la séquence complète «fait > performatif > déclaration du résultat» : « 1, Mes pouvoirs sont aiguisés au service de ceux dont je suis le chapelain ; 2, j’aiguise leur force, je tranche les bras des ennemis, je nous mène à la victoire ; 3, ceux dont je suis le chapelain sont plus aiguisés que les armes des dieux». Quant à la seconde moitié de l’hymne, elle présente un mélange d’expressions modales et performatives qui, tout en reprenant l’idée d’aiguiser les armes et la force de l’armée, se concentre sur les exhortations à attaquer les ennemis et à triompher d’eux.

II.4.2.2. Le type (2)

Dans l’exposition du type (2) au niveau de la strophe, on aura remarqué le nombre élevé d’exemples portant sur une unité de deux strophes. Ce fait suggère que l’énoncé qui constate le résultat a un rôle structural situé au niveau de l’hymne dans son ensemble plutôt qu’au niveau de la strophe. Onze hymnes263 sur les quarante du livre 3 présentent une structure parallèle à celle du type (2) pour la strophe : l’hymne présente, souvent à la fin, une constatation du résultat auquel concourent tous les autres éléments de l’hymne, qu’ils soient de l’ordre du fait ou de l’expressions modale/performative. Quelle que soit l’importance de ces éléments, ils restent soumis au résultat final.

Le corps de l’hymne est parfois consacré à l’exposition de ce que le poète sait de l’être invoqué, et peut apparaître comme une sorte de louange. Dans l’hymne 4, les quatre premières strophes font la louange de l’eau au moyen de jeux étymologiques sur ses différents noms, tandis que les deux strophes finales décrivent l’exaltation et la revivification du locuteur qui en boit, ce qui correspondrait au résultat attendu du rite.

L’hymne 9 est comparable, mais la partie qui constitue l’exposition, caractérisée par six strophes avec refrain, contient l’appel à l’aide contre le poison d’un certain nombre de divinités, et le savoir qui y est exposé concerne 263 2, 4, 9, 12, 16, 17, 28, 29, 38, 39, 40.

plus les divinités invoquées que la cible (le poison). Ces six strophes constatent dans le refrain l’inefficacité du poison dans le refrain. La dernière strophe 7 constitue également une constatation: le locuteur a pris le pouvoir sur le poison par la connaissance des noms de celui-ci, et le poison est devenu inefficace. Il est difficile de savoir si la transgression de la norme de six strophes maximales s’est faite par l’ajout d’une des strophes comportant le refrain, aisément reproductibles, ou par l’ajout de cette dernière strophe qui donne à la litanie son « résultat ».

Dans l’hymne 12, les strophes 1 à 7 sont consacrées à la description de toutes les origines et fonctions du dieu du feu Agni ; elles ont donc pour fonction d’exposer le savoir du poète, tout en vouant à chaque fois au dieu une oblation au moyen d’un refrain (verbe à l’impératif: « que cette oblation lui soit offerte »). La strophe 8 est du type (1): ayant invoqué un nombre de divinités, on leur demande d’apaiser le feu. La strophe 9, finale, est du type (2) : elle exprime le résultat avéré de toute l’activité précédente, à savoir l’apaisement du feu. L’hymne dépasse le nombre de six strophes maximales imposé par le format du livre 3 : on a manifestement multiplié librement les strophes avec refrain afin de grossir le nombre de vérités au sujet d’Agni, ce qui a étoffé l’hymne264.

L’hymne 16 est presque entièrement composé d’énoncés énigmatiques qui tous constatent la défaite du serpent. Une seule phrase «performative» figure à la fin de l’hymne («je te redonne ton poison »), là encore suivie encore du constat du succès de cette action.

D’autres hymnes ont un aspect mixte, et ne situent pas nécessairement le résultat à la fin de l’hymne. Dans l’hymne 2, les strophes 1 à 5 enchaînent trois structures du type (1) : « 1, fait > impératif, performatif; 2, fait > impératif ; 3, fait > performatif », mais l’hymne se termine, à la strophe 6, par le constat du résultat : la maladie est partie. La septième strophe, avec son impératif demandant aux eaux de guérir le patient, apparaît superflue dans la mesure où les eaux ne participent pas à la guérison décrite dans le reste de l’hymne.

De la même façon, même si l’hymne 17 se termine par une strophe du type (1), soit par une expression modale, il appartient sans doute plutôt aux hymnes qui présentent une progression vers un résultat constaté. Il commence par l’exposition du savoir du poète à propos de l’herbe médicinale et de la figure du médecin. Au milieu de l’hymne (strophe 3), on constate le succès de l’opération sur les blessures. Suivent encore quelques impératifs, mais finalement la strophe 5 constate la destruction des affections restantes par le soleil. La dernière strophe décrit l’origine géographique des eaux et leur demande de ranimer le patient; la présence de cette strophe ne change rien au fait que l’hymne est tourné vers le constat d’un résultat.

De même, l’hymne 39 consiste largement en exhortations adressées au dieu Agni visant à déclencher une nouvelle grossesse chez une femme après une fausse 264 Les strophes à refrain 5 à 7, par exemple, suivent moins parfaitement le modèle des quatre premières strophes à refrain, peut-être plus authentiques.

couche, avant de conclure à la strophe 5 par le constat du résultat à la première personne «j’ai déposé la semence », qui pourrait renvoyer aux mots d’Agni lui-même. La strophe 6 contient une référence énigmatique à un mythe auquel il est fait allusion dans la première strophe, et affirme à la première personne le pouvoir efficace des brahmanes. Venant après la déclaration du dieu, cette dernière strophe semble attribuer la responsabilité du résultat aux officiants.

L’hymne 38, pour rejoindre le ciel au moyen du sacrifice d’un bouc, est long de onze strophes; il fait alterner descriptions ésotériques et expressions modales et performatives. Il présente le constat du résultat à la strophe 8, à savoir l’arrivée au ciel ; ce résultat, même s’il est suivi de prières additionnelles et d’une dernière strophe en prose exégétique, est présenté comme définitif.

Les charmes d’amour que sont les hymnes 28 et 29 ont en commun de situer la constatation du résultat exactement au milieu de l’hymne de six strophes, au moyen de la même formule: mayy asya mana āhitam «son esprit est fixé en moi» en 28.3d, et mayi te mana āhitam «ton esprit est fixé en moi » en 29.4a. L’hymne 28 entoure cette formule d’expressions modales, et se termine dans les deux dernières strophes par une description de l’herbe employée. L’hymne 29 peut se diviser en deux moitiés de trois strophes, dont la première présente la structure complète du type (2) : « fait > performatif > constat du résultat» : «1, Ô herbe, tu es l’égale des dieux, donc je m’adresse à toi; 2, je te déterre, toi qui fais revenir celui qui part ; 3, j’ai saisi son esprit». Suite à cela, la strophe 4 commence par la formule commune à l’hymne 28, et le reste de l’hymne consiste en expressions modales. Malgré la position inhabituelle du résultat au centre de l’hymne, ces hymnes paraissent bien appartenir au type (2).

II.4.2.3. Le type (3)

Douze hymnes265sur quarante ont une structure parallèle au type (3), en ceci que l’énoncé d’un fait n’y joue aucun rôle, ni pour le contexte, ni en tant que résultat. S’enchaînent en grand nombre les demandes et les souhaits, exprimés au moyen de verbes modaux, parfois ponctués par un énoncé performatif. Ce sont pour la plupart des hymnes liés au roi ou au culte solennel, qui reposent sur la réputation du dieu invoqué. Les éléments de louange qui peuvent être présents sont simples et directs ; ils se limitent généralement à des épithètes et ne relèvent pas de l’exposition d’un savoir ésotérique. Les hymnes 5 et 6 sont des prières au dieu Agni en temps de guerre. Les hymnes 18, 21, 23, 31, 33, 34, 35 et 36 visent à renforcer l’autorité et le pouvoir guerrier du roi. Les hymnes 32, 33 et 34 sont parallèlement employés dans le culte solennel des autres traditions védiques.

L’hymne 26, pour celui qui rentre à la maison après une absence prolongée, sort de ce cadre solennel, et contient un plus grand nombre d’énoncés à la première personne : strophe 1 « Je rentre à la maison avec des cadeaux; je gagne 265 5, 6, 18, 21, 23, 26, 31, 32, 33, 34, 35, 36.

le cœur des habitants», 2 «Qu’on me reconnaisse », 3 «N’ayez pas peur », 4 «J’appelle les gens de la maison ; qu’on me reconnaisse», 5 « On a invoqué tout ce que la maison contient», 6 « qu’elle soit toujours prospère et sûre».

II.4.3. Conclusions

Au niveau de la strophe individuelle, une structure récurrente majeure a pu être identifiée: celle du type (1) (63 strophes sur 278, un peu moins d’un quart du livre 3), où l’un des hémistiches constitue l’énoncé d’un fait et l’autre comporte une expression modale (45 sur 63) ou performative (18 sur 63). Les strophes individuelles du type (2) sont minoritaires (maximum 22 sur 278), mais elles sont souvent particulièrement emphatiques, avec des figures étymologiques qui relient les deux parties de la strophe de manière appuyée.

Mais la majeure partie des strophes du livre 3 ne relèvent ni du type (1) ni du type (2), c’est-à-dire qu’aucun énoncé d’un fait contextuel ou résultatif n’y est attesté (193 sur 278). Parmi celles-ci, dites du type (3), la majorité sont composées uniquement d’expressions modales (165 sur 193), et une minorité contiennent aussi ou exclusivement des énoncés performatifs «explicites » (28 sur 193). On peut identifier une sous-structure du type (3) où l’un des hémistiches constitue un énoncé performatif « explicite» à la première personne de l’indicatif, et l’autre une expression modale (19 sur 193).

Au niveau de l’hymne, le tableau est différent: les hymnes du type (3), dont la structure ne tourne pas autour de l’énonciation de la vérité, sont minoritaires (12 sur 40). L’énonciation de la vérité fait partie de la structure de la majorité des hymnes (28 sur 40), que ce soit sous la forme du type (1) (17 sur 40), où l’énoncé d’un fait sert de contexte à l’hymne, ou sous la forme du type (2) (11 sur 40), où le résultat est constaté comme s’il s’agissait d’un fait accompli. Le fait contextuel occupe le plus souvent le début de l’hymne, et le résultat le plus souvent la fin. On a vu que presque tous les hymnes du type (3) concernent le roi ou le culte solennel des autres traditions védiques: ils sont donc liés à des événements publics ayant une grande importance sociale. Il s’agit là d’une différence structurale, qui dépasse la question du contenu, avec les hymnes liés à des rites visant des buts personnels, parmi lesquels ceux du rituel hostile, emblématique de l’Atharvaveda.

Ainsi, dans la grande majorité des cas, le savoir du poète sert à contextualiser, et par là à justifier les demandes et les actions. L’énonciation de la vérité précède généralement l’impératif ou le performatif à l’indicatif présent, lesquels tirent leur sens de cette vérité. Cette structure pourrait être réduite au raisonnement suivant: «Telle chose est ainsi, donc je demande/fais ceci». Dans relativement peu de cas, l’énoncé de la vérité représente le constat du résultat souhaité, ce qui aurait pu être tenu pour un critère pertinent de la performativité d’un hymne. Il y a peu d’indications que la seule déclaration du poète suffise à accomplir le but souhaité. Toute demande, toute action doit être argumentée. Le seul scénario qui parfois dispense de la nécessité de

présenter des arguments, de faire preuve d’un savoir particulier, est celui où interviennent des dieux majeurs dont le pouvoir est bien connu: les hymnes de ce genre, concernant le roi ou le culte solennel, sont plus riches en verbes impératifs qu’en savoir ésotérique.

Ces données suggèrent que le pouvoir des mots n’est en réalité pas lié, chez les prêtres-poètes qui composent les hymnes, à une conception de la forme phonique (ou mentale?) du mot comme étant dotée par nature d’une force intrinsèque, mais que ce pouvoir découle des effets que peut avoir le discours des poètes sur leurs interlocuteurs dans un contexte donné : les poètes conçoivent que leur parole est finalement assujettie aux conditions de sa réception. Il convient pourtant d’avoir une idée large de ce que peut être un interlocuteur, car, plus qu’aux humains, on s’adresse dans les hymnes aux objets, aux abstractions, aux dieux et aux démons : tout ce qui existe est doté d’une intelligence capable de comprendre les signes linguistiques. Il n’y a aucune raison de douter des croyances des acteurs védiques dans les dieux, démons, et autres puissances invisibles personnifiées auxquelles ils s’adressent dans les hymnes.

La présence de performatifs «explicites » tels que 19.4 «Je détruis les ennemis par la formule», 28.2 « J’encercle son nom par la parole » ne peut pas être considérée comme un argument en faveur de la performativité générale du rite dans lequel ils s’insèrent, car ils font partie de structures plus larges qui doivent être prises en compte : l’hymne, le rite, la société. Ces énoncés appartiennent aux hymnes du type (1) (19 et 37) et (2) (28), dans lesquels interviennent d’autres éléments, tels qu’un grand nombre d’impératifs adressés à «toi » (la personne qu’il s’agit d’influencer) mais aussi à des dieux et à des abstractions, ainsi que l’exposition d’un savoir qui renforce ces appels à des forces extérieures. Il y a beaucoup plus à dire, d’ailleurs, sur la structure de ces hymnes que ce qui ressort de l’analyse ci-dessus. Il s’agit de créations verbales266 qui représentent un effort calculé visant à susciter une réponse chez l’interlocuteur, que celui-ci soit une maison, un démon du tétanos ou une assiette de riz au beurre. Cet effort prend en définitive la forme d’un discours tenu devant un public, comme l’a bien noté Tatyana Elizarenkova pour le R̥gveda267. Il n’est aucun hymne védique qui, à un moment ou à un autre, ne s’adresse directement à un être extérieur à la deuxième personne. S’il est vrai que la réponse de l’interlocuteur n’est pas toujours rapportée, encore faut-il préciser que la réponse à laquelle on s’attend est en réalité une action : que l’interlocuteur se comporte comme on lui demande de se comporter. Ce sont des hymnes dans lesquels la rhétorique joue un rôle évident: on qualifierait certains hymnes de «discours rhétoriques en vers» plutôt que de « poèmes ». Une interprétation rhétorique de ces hymnes rend compte de leur complexité 266 Ou bien des « discours sacrés » comme le dit Pinault (2014, p. 223).

267 Elizarenkova 1992, p. 70. Elle cite l’influence de Roman Jacobson dans son travail sur l’hymne védique comme « message ».

tout en ouvrant des possibilités d’interprétation pragmatique dans le cadre rituel, tandis que l’interprétation performative les réduit à une perspective