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Sous II.5, je reprendrai l’idée déjà avancée par d’autres de l’hymne védique comme discours rhétorique persuasif prononcé devant un public divin

III.2. L’édition critique du livre 3

III.2.1. Le manuscrit du Cachemire (K)

J’ai consulté ce manuscrit dans sa version numérisée et téléchargeable depuis le site de la bibliothèque de Tübingen299. Le livre 3 commence à la page 9 du fichier, au folio 49a/49b, ligne 2. Il est daté du milieu duxviesiècle et rédigé en écriture śāradā sur écorce de bouleau. Il comporte un colophon avec une date qui correspond à l’an 1419 de notre ère, mais il est généralement admis que cette date appartient en propre au manuscrit *K à partir duquel le manuscrit K conservé à Tübingen aurait été copié. Les calculs de datation sont dus à Claus Vogelainsi qu’à l’analyse de Witzel(1985a, p. 257 et 1994, p.11) ; Slajea apporté des arguments en faveur de cette hypothèse (2007, p.345-349).Slaje 2007 retrace également les événements historiques liées à la (ré)importation de la PS au Cachemire.

Les nombreuses corruptions de K sont souvent explicables par des erreurs graphiques : l’écriture śāradā de *K, de cent ans plus vieille de K, a dû poser quelques problèmes au scribe de K. En 33.5 par exemple, la leçon correcte svena apparaît dans Or, mais K présente la leçon mbena, déroutante au premier abord. Or la leçon est facilement explicable dès que l’on sait que les signes graphiques -sv- et -mb- sont presque identiques en śāradā : la leçon sous-jacente est svena. Voir Witzel1994 pour un aperçu des erreurs typiques (de nature graphique et phonétique). Je me suis servie deSlaje 1993 pour l’écriture en général.

Particularités graphiques VoirGriffiths2009, p.xix-xx; je résume ici ce qui est nécessaire à la compréhension de mon édition:

1. L’écriture śāradā dispose de deux signes différents pour -b- et -v-, mais ne les emploie pas toujours correctement; -br- et -vr- sont en outre difficiles à distinguer.

2. Les groupes consonantiques -ṣṭ- et -ṣṭh- sont représentés par le même signe; les mots qui contiennent ces séquences sont transcrits dans l’apparat avec l’orthographe attendue selon le contexte.

3. K présente l’assimilation des sifflantes finales à celles qui suivent (-ś ś- au lieu de -ḥ ś-, etc.), et emploie le jihvāmūlīya -ẖ devant k(h)- et l’upadhmānīya -ḫ devant p(h)-. Comme l’explique Griffiths (2009, p. lxii-lxiii), ces particularités de la transmission cachemirienne ne font pas partie 299 http://idb.ub.uni-tuebingen.de/digitue/tue > Indische Handschriften > Zu den Beständen

de la tradition Paippalāda au sens large ; le texte édité ne présentera donc que -ḥ-, mais les variantes de K seront transcrites dans l’apparat telles qu’elles se présentent dans le manuscrit, sans normalisation. De même, certaines autres particularités de K n’ayant pas d’incidence sur la tradition figureront dans les variantes citées dans l’apparat : K double les consonnes dans les groupes consonantiques avec -r-, et représente -ḍ- intervocalique par un signe transcrit -ḷ-.

Accents Les accents ne sont pas notés dans K pour le livre 3 ; sur l’accentuation sporadique du manuscrit de Cachemire à d’autres endroits, voir Griffiths 2009, p.xx-xxii.

Ponctuation VoirGriffiths2009, p.lxv-lxvii: K ne sépare les hémistiches au moyen du daṇḍa que de manière sporadique. Parfois un daṇḍa figure à la fin d’une strophe, mais ce n’est pas systématique. À la fin d’un hymne, le numéro de l’hymne est indiqué entre des signes transcrits par « z » dans l’apparat. III.2.2. Les manuscrits de l’Odisha (Or)

ArloGriffithsa bien voulu me donner accès aux photographies numériques des manuscrits qu’il a trouvés en Odisha, décrits en détail dans sa publication de 2003a. Tous les manuscrits de l’Odisha (Or)300 sont incisés au stylet de fer sur feuille de palme. Un trou situé au milieu de la feuille sert à passer le fil qui relie tous les folios. Les six manuscrits contenant le livre 3 présentent quatre lignes de texte sur les deux côtés de la feuille. Voici les descriptions des six manuscrits collationnés ainsi que des quatre manuscrits de l’édition de Bhattacharya(1997):

Ek1 (Griffiths2003a, p. 345-346) : le livre 3 commence au folio 51r, ligne 3. Ce manuscrit appartient à Viśvanātha Upādhyāya du village d’Ekcaliya, au sud de la capitale Bhubaneswar. Il est daté de 1818 environ et contient les livres 1 à 5.

Ek2 (Griffiths2003a, p. 345-346) : le livre 3 commence au folio 68v, ligne 4. Ce manuscrit d’Ekcaliya, daté de 1844 environ, appartient à Kāśīnātha Upādhyāya, frère de Viśvanātha, et contient les livres 1 à 5. Comme Ek1, il distingue peu entre les versions brèves et longues de la vocalisation -ū̆- de consonnes.

Ji3 (Griffiths2003a, p. 349-350): le livre 3 commence au folio 62r, ligne 1. Ce manuscrit appartient à Ānandacandra Paṇḍā du village de Jiuli, dans l’Ouest du district de Mayurbhanj, au nord de Bhubaneswar. Il est daté de 1848-1849 et contient les livres 1 à 5. Le scribe qui l’a rédigé était très peu soigneux: l’écriture est rapide et imprécise, et on trouvera un grand nombre de 300 Je retiens ce sigle pour préserver la continuïté avec les éditions précédentes ; il repose sur l’ancien nom de l’état d’« Orissa ».

cas dans l’apparat où tous les manuscrits concordent excepté Ji3. La plupart du temps, il s’agit d’erreurs banales et sans importance: oubli du visarga ou d’autres signes de ponctuation, haplologie, oublis de plus grands morceaux du texte, confusion plus prononcée que d’habitude dans les sifflantes, etc. Le manuscrit distingue peu entre les graphèmes sa/sya et ma/mya, ainsi qu’entre les versions brèves et longues des vocalisations -ī ̆- et -ū̆- de consonnes. Voir par exemple 1.1b où tous les manuscrits ont prāṅ, sauf Ji3 qui a prāṅa, ce qui est bien sûr une forme impossible, explicable seulement par l’oubli du virāma ; 1.1c où tous ont hvayantu ou similaire, en face de Ji3 bhavantu, même si corrigé en hvayantu ; 1.3b-c où Ji3 est le seul à oublier le visarga dans deux mots différents; 1.3d où Ji3 présente la forme à dittographie pasyāśyāsā en face de

paśyāsā dans tous les autres manuscrits; il n’est pas nécessaire de chercher loin

pour se faire une idée des erreurs en question. Je ne le rejette pas cependant, parce qu’il peut parfois aussi s’accorder avec K pour la leçon correcte, contre les autres manuscrits de l’Odisha.

Ku1 (Griffiths2003a, p. 354-355) : le livre 3 commence au folio 55v, ligne 3. Ce manuscrit appartient à Harihara Upādhyāya du village de Kuruṁcaini, dans le district de Cuttack, autour de la capitale Bhubaneswar. Il est daté de 1800 environ et contient les livres 1 à 5. Il est numérisé sur le site de l’université de Cambridge301. Le manuscrit de Ku1, quoiqu’il soit écrit dans une belle écriture, témoigne d’un certain déficit d’attention du scribe, car il compte plus d’erreurs simples que les autres manuscrits (mais moins que dans Ji3). Le scribe prend également soin de corriger plus souvent que dans Ji3. Malgré ses erreurs, Ku1 a parfois la bonne leçon contre tous les autres, comme en 1.8.

V/123 (Griffiths 2003a, p.363) : le livre 3 commence au folio 51r ligne 4. Ce manuscrit est conservé à l’Odisha State Museum à Bhubaneswar. Le catalogue du musée indique qu’il a été acheté à « K.C. Kar », du village de Talanga dans le district de Balasore, sur la côte nord de l’Odisha. Sa date n’est pas assurée, mais il ne peut pas être antérieur à la fin duxviiiesiècle. Il contient les livres 1 à 5. Les photographies à ma disposition étaient parfois assez floues. V/153 (Griffiths 2003a, p. 354-355) : le livre 3 commence au folio 46r bis, ligne 1. Ce manuscrit est conservé à l’Odisha State Museum, mais il n’y a pas d’information utile sur son origine dans le catalogue. Il est incomplet et contient seulement PS 2.37.1 à 5.39.5b ; à l’intérieur du livre 3, il manque aussi le folio 54 (PS 3.26.3c à 3.29.6ab).

[Ma1 Ma2 Ja Vā] : j’inclus également dans l’apparat, entre crochets droits […], les variantes des quatre manuscrits citées par Bhattacharya dans l’apparat (négatif) de son édition du livre 3, figurant dans le volume de 1997.Bhattacharyanote que Ja est probablement le plus ancien des quatre manuscrits (1997, p.xvi). Remarquons que pour le livre 3, Bhattacharya regroupe souvent sous un même sigle « Ma» les variantes de Ma1 et Ma2, car 301 Le livre 3 commence à l’image numéro 114 : http://cudl.lib.cam.ac.uk/view/MS-OR-02555/1.

celles-ci seraient selon lui identiques. Il note (1997, p.xvi) à ce sujet: « Ma1 and Ma2 have Kāṇḍas 3-5 common between themselves. They are almost identical here ». Je ne note dans mon apparat que ce que Bhattacharya a lui-même explicitement noté; je préfère ne pas me hasarder à déduire les leçons des autres manuscrits. Prenons l’exemple d’une entrée à 1.1 :

gan] Ek1 Ek2 Ji3 V/123 V/153, gana Ku1 [Ja Vā], gni K

Ici, Bhattacharya note dans son apparat que Ja et Vā écrivent gana, ce qui signifie implicitement que Ma1 et Ma2 ont la leçon correcte gan, retenue parBhattacharya (comme par moi). J’ai fait le choix, pourtant, de ne pas explicitement ajouter [Ma1 Ma2] à la liste des manuscrits comportant la leçon correcte. Pour cette raison, il ne faut pas s’attendre à toujours voir onze (ou dix, si Ma1 et Ma2 Ma) manuscrits cités, mais le minimum des sept que j’ai moi-même collationnés : les six de l’Odisha mis à ma disposition par ArloGriffiths, plus le manuscrit K du Cachemire. L’un ou l’autre parmi les quatre manuscrits deBhattacharyan’y figure que quand il figurait déjà dans l’apparat de celui-ci.

Particularités graphiques Voir Griffiths 2009, p.xxvi-xxvii; je résume ici ce qui est nécessaire à la compréhension de mon édition:

1. L’écriture odia ne distingue pas entre -b- et -v- ; les deux sons sont représentés au moyen d’un même signe. Dans l’apparat, les variantes sont présentées avec la labiale correspondant au lemme en question. Pour les mots rares, comme bamba- en 3.8.2, le témoignage de Or ne peut pas être pris en compte pour établir l’orthographe.

2. Les manuscrits Or distinguent entre deux signes, transcrits -y- et -ẏ-, tous deux normalisés en -y- dans mon apparat, car cette variation n’a pas d’incidence sur l’édition du texte. Le signe -y- est prononcé [j] en odia ; le signe avec diacritique est prononcé [y].

3. De même, les deux signes -l- et -ḷ- sont tous deux transcrits par -l- dans l’apparat; dans les manuscrits, le second est parfois employé à la place du premier.

4. Dans l’ećriture odia, les signes transcrits par -ṛ- et -ṛh- notent -ḍ- et -ḍh- intervocaliques (mais on trouve parfois aussi les signes -ḍ- et -ḍh- entre voyelles). Les variantes dans l’apparat sont écrites avec -ṛ- et -ṛh-, mais le texte de l’édition est normalisé avec -ḍ(h)-. Ces transcriptions ont longtemps été objet de confusion ; voirGriffiths2009, p.lxv-lxvii.

5. Le signe pour la voyelle -r ̥- est prononcé [ru] en odia. Pour cette raison, dans les manuscrits Or, les mots contenant -ru- ou -rū- sont souvent écrits avec -r ̥- ou r ̥̄- à la place ; par exemple, le mot varuṇa- est généralement écrit var

̥ṇa-dans Or. Cependant, il arrive parfois aussi qu’un manuscrit écrive correctement -r ̥̄̆-. Toutes les variantes sont citées dans l’apparat.

6. L’écriture odia possède deux signes distincts pour -ch- et -cch-, mais les manuscrits ont tendance à écrire -ch- à la place de -cch-: gacha à la place de gaccha. Bhattacharya, ayant noté que les manuscrits odia notent

généralement -ch- au lieu de -cch-, a choisi de normaliser le texte en imprimant +-ccha-. En revanche, les autres éditeurs après lui ont choisi de suivre la tradition odia et de laisser -cha-. Lubotsky procède de cette façon, citant à l’appui la même pratique pour les éditions du R̥gveda (2002, p. 7-8). Griffiths, qui consacre à cette question la discussion la plus détaillée (2009, p.lix-lx), prend aussi en compte la graphie de K dans ces cas, à savoir -śch- ; il s’agit d’une convention cachemirienne sans incidence pour la tradition Paippalāda de manière plus large. Le livre 3 confirme ces tendances : sur 28 occurrences de -(c)ch-, 24 ont une grande majorité de manuscrits qui écrivent -ch-, c’est-à-dire pas plus de deux manuscrits sur six écrivent -cch- pour l’occurrence en question : 14× unanimement -ch- (1.3a, 10.6c, 13.1d, 17.1c, 20.2d, 20.3b, 25.12d, 27.6c, 34.3a, 34.3c, 34.4a, 34.9d, 37.4b, 37.6d) ; 5× avec un seul manuscrit qui écrit -cch- (3.7b Ek2; 4.6b, 8.3b V/123; 28.5b, 33.3d Ku1; 28.5b V/123 écrit -chr-) ; 4× avec seulement deux manuscrits qui écrivent -cch- (4.2b V/123 V/153 ; 37.3a Ek1 V/153 ; 32.7c Ek2 V/153 ; 37.2a V/153, avec Ji3 qui écrit -śva-). En 28.4b par contre, la plupart des manuscrits écrivement -cch-. Rien ne prouve qu’un manuscrit en particulier ait tendance à écrire -cch-. Le résultat du sandhi de -t ś-, c’est-à-dire -c

ch-, est généralement écrit avec le graphème -ch-; ces cas de sandhi externe

seront normalisés en -c ch-, à l’inverse de la procédure pour le sandhi interne. Par exemple, en PS 3.20.2, le syntagme hors sandhi ut śrayasva «érige-toi !» devrait donner uc chrayasva en sandhi, mais les manuscrits de l’Odisha notent tous u chrayasva. La leçon de K est uś chrayayasva, comme on pouvait s’y attendre (mise à part la dittologie -yaya-, d’importance négligeable). En revanche, en PS 3.4.2 le même résultat de sandhi (ici hors sandhi āt śībhaṁ) est écrit « correctement» avec le graphème -cch- dans deux des manuscrits de l’Odisha: āc chībhaṁ V/123 V/153, ā chībhaṁ Ek1 Ek2 Ji3 Ku1 [Vā],

tsībhaṁ K. On trouve aussi le cas inverse, comme l’a déjà noté Griffiths, où un -cch- attendu est rendu dans les manuscrits odia non pas par -ch-, mais par -ts- : 2.3 chadiḥ V/123 [Ja Ma], tsadiḥ Ek1 Ek2 Ji3 Ku1 [Vā], cchadiḥ V/153, śchati K ; 14.5 samutsasamu Ek1 V/123, samusatsamu Ek2 Ji3 Ku1 V/153, [sama asatsamu Ma], sam asakhyama K ; 28.4 hr ̥cchokam Ek1 Ku1, hr ̥tsokam Ek2 Ji3 V/123 [Ma Vā], hr ̥śchokam K.

Je me suis en outre servie, pour l’évaluation des variantes de Or, de la liste d’erreurs tenue à jour par Jeong-SooKim, éditeur des livres 8-9 (2014) ; je fais également référence aux listes plus petites que l’on trouve dans les éditions déjà parues, ainsi qu’à celle deLubotsky2002, p.9-10.

Accents Les accents ne sont pas marqués dans Or.

Ponctuation Voir Griffiths2009, p.xxviii: Or sépare les hémistiches par un daṇḍa (|) et marque la fin de la strophe par un double daṇḍa (||). Certains

manuscrits marquent parfois les pāda entre les daṇḍa par de petits traits verticaux; leur emploi sporadique n’est pas noté dans l’apparat. La fin de

l’hymne comporte un colophon indiquant le numéro de l’hymne et le nombre de strophes.