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La multiplicité des lois contenant des éléments de lustration

B. La Lettonie – la lustration comme instrument de désoviétisation

1. La multiplicité des lois contenant des éléments de lustration

189. M. Indulis Zālīte, ancien directeur du Centre pour la documentation et les conséquences du totalitarisme (institution qui est en charge de garder et étudier une partie des anciennes archives du KGB), parle de la lustration « au goût letton » et souligne qu’une des spécificités de la lustration lettonne est que la Lettonie n’a jamais adopté une loi centralisée, consacrée exclusivement à la lustration. Il existe au moins quatorze lois dans lesquelles

152 Req. n° 46726/99. Dans cette affaire la CrEDH constate la violation du droit à des élections libres (article 3 du Protocole n°1). A la suite de l’arrêt de la CrEDH, les dispositions exigeant une « excellente » maitrise de la langue lettone pour les personnes se portant candidates à une élection parlementaire ont été supprimées.

153 Req. n° 48321/99, la CrEDH constate la violation par la Lettonie du droit au respect de la vie privée (article 8 de la Convention).

154

Req. n° 55707/00, la CrEDH constate la violation de l’article 14 de la Convention combiné avec l’article 1 du Protocole n° 1 ainsi que de l’article 6 § 1 de la Convention.

89 figurent les éléments de lustration et de justice transitionnelle155. Nous évoquerons ci-après certaines d’entre elles.

a) La condamnation ferme de l’activité des services secrets soviétiques à travers des mesures juridiques

190. Le 24 août 1991, à peine trois jours après la déclaration d’indépendance, le Conseil Suprême de Lettonie a adopté une loi sur la fin des activités des services de sécurité de l’URSS. Conformément à cette loi, « les activités de ces services ou de leurs unités

subordonnées, ainsi que celles du Comité de sécurité d’Etat de la République soviétique de Lettonie, effectuées sur le territoire letton, doivent être considérées comme criminelles et visant les intérêts de la nation lettonne ». Ainsi, pour renforcer les structures démocratiques

de l’Etat naissant, les autorités lettonnes ont condamné, dans un des premiers actes adoptés, l’activité des services secrets soviétiques. Comme l’a souligné la Cour constitutionnelle lettonne, dans son arrêt du 22 mars 2005 « après la chute du régime totalitaire, il était

nécessaire d'évaluer politiquement, historiquement et juridiquement le préjudice moral et matériel, causé par les services secrets soviétiques à l'État letton et à ses résidents » (point

13.1 du jugement156).

191. Les éléments de lustration ont été également introduits dans la loi du 25 mai 1995 sur les élections législatives157. Les dispositions de cette loi excluent de se porter candidat aux élections au Parlement letton (Saeimas) les personnes qui « sont ou ont été agents des organes

de sécurité de l’Etat, de renseignements ou de contre-espionnage de l’URSS, de la RSS de Lettonie ou d’un Etat étranger158 » ainsi que celles qui « ont activement participé, après le 13

janvier 1991, aux activités du PCUS (PCL), du Front internationaliste des travailleurs de la RSS de Lettonie, du Conseil uni des collectifs du travail, de l’Organisation des anciens combattants et travailleurs, du Comité de salut public de Lettonie, ou au sein de leurs comités régionaux159 ». La loi du 13 janvier 1994 sur les élections aux conseils municipaux des villes,

155 ZAKE Ieva, Politicians versus Intellectuals in the Lustration Debates in Transitional Latvia (Abstract), Department of Sociology, Rowan University, p. 10, disponible sur le site suivant: http://users.rowan.edu/~zake/papers/Politicians%20vs.%20Intellectuals.pdf (15/07/2010).

156 Affaire No 2004-13-0106, l’arrêt disponible sur le site de la Cour constitutionnelle lettonne.

157 No 232/Lp 11, en letton : Saeimas vēlēšanu likums.

158

Art. 5 § 5. Voir aussi : aff. Adamsons c. Lettonie, arrêt du 24 juin 2008, Cour européenne, req. n° 3669/03.

90 régions et communes160, contient des dispositions similaires161. En revanche, la loi du 29 janvier 2004 sur les élections européennes ne prévoit pas ce type de restrictions.

b) La loi sur les archives du KGB de 1991

192. Les règles en matière d’accès aux archives du KGB sont établies par la loi sur les archives de 1991. Les Lettons, mais aussi les étrangers, disposaient d’un droit d’accès aux archives les concernant directement ou concernant des membres décédés de leur famille. Cet accès était néanmoins soumis à de nombreuses restrictions prévues dans les lois sur le secret d’Etat et sur la protection des données personnelles.

193. Les archives de l’ex KGB se trouvant en Lettonie sont plus complètes que les archives estoniennes, même si une grande partie de ces archives a été rapatriée en Russie, principalement à la veille du putsch de Moscou de 1991. D’après les données actuelles, le KGB a recruté en Lettonie, au cours des années 1950-1991, 25.000 agents secrets et 60.000 informateurs. En outre, environ 1000 fonctionnaires du KGB travaillaient au sein de ce service162.

194. En 1993 le gouvernement letton a pris la décision de diviser les anciennes archives du KGB et de les transférer dans différentes institutions: le Parquet général de la République de Lettonie, tenu de garder les dossiers des affaires pénales des personnes condamnées pendant la période du communisme ; le Ministère des affaires intérieures, possédant une partie des matériaux opérationnels du KGB ; le Centre pour la documentation et les conséquences du totalitarisme163, qui a recueilli des matériaux opérationnels du KGB et des dossiers concernant 4500 agents secrets, ce dernier veille également sur la conservation et utilisation des documents du KGB ; les Archives de l’Etat qui demeurent en possession des dossiers des personnes infiltrées par les services secrets russes. La Lettonie est probablement le seul Etat postcommuniste où les archives des services secrets ont été le plus dispersées dans des institutions différentes. Ailleurs, elles sont concentrées au sein d’une seule voire de deux institutions compétentes.

160 En letton : Pilsētas domes, novada domes un pagasta padomes vēlēšanu likums.

161 Notamment, l’art. 9 § 1, al. 6, est identique à l’art. 5 § 5 de la loi sur les élections législatives.

162

BUKALSKA Patrycja, SADOWSKI Rafal, EBERHARDT Adam (dir.), op. cit., pp. 26-27.

91

2. Les dispositions controversées de la loi du 19 mai 1994 sur l’archivage, l’utilisation

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