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Entre 1917 et 1929, trois films sont produits par Hollywood autour de la figure centrale de Disraeli, dont la vie est fictionnalisée. Le premier date de 1917 et est muet. Il rencontre un succès modeste. Le second date de 1921. George Arliss incarne Disraeli et sa femme Mary-Ann. Le film est plus techniquement avancée et reprend le scénario de la pièce de théâtre.4 Il reçoit plutôt un bon accueil critique, en particulier pour le jeu d'acteur d'Arliss. Cette bonne réception d'un film américain est aidée par le sujet très anglais, qui permet au critique du Times de conclure :

Disraeli revives belief in the future of the American film industry, which for little

while now has seemed to be going consistently backward rather than forward.5

Enfin, en 1929, une version parlante du film précédent, toujours avec George Arliss, est réalisée et produite par Warner Brothers. Selon Bernard Glassman :

Though he is labeled as an outsider, there is a sympathetic portrayal of him that combines a sense of benevolence with a deep personal fortitude to make England a mighty power. Disraeli, the Jew, is characterized as a man of daring as well as of great foresight.6

Glassman ajoute aussi que les films où figure Disraeli donnent une autre image du juif à l'époque souvent cantonné dans des représentations misérabilistes, toutefois, l'acteur principal, Arliss a aussi incarné régulièrement Shylock au théâtre.7 Le film de 1929 est un succès

d'un Disraeli dépassant nos plus folles attentes. » 1 The Times, 8 juin 1916, No. 41 188, p. 5.

2 Lous N. Parker, Several of My Lives, Chapman and Hall Ltd, Londres, 1927, p. 258. 3 T. Kushner, op. cit., p. 210.

4 L. N. Parker, Disraeli: the story of the play and of the film starring George Arliss as Disraeli, The Readers Library, Londres, 192?.

5 The Times, 9 janvier 1922, No. 42 924, p. 8. « Disraeli redonne de l'espoir pour l'avenir de l'industrie du film américain, qui depuis un certain temps a semblé plus reculer qu'aller de l'avant. »

6 B. Glassman, Benjamin Disraeli: The Fabricated Jew in Myth and Memory, University Press of America, Lanham, p. 143. « Bien qu'il soit étiquetté comme un outsider, un portait sympathique qui combine bienveillance et une profonde détermination personnelle à faire de l'Angleterre un pouvoir sans égal est fait de sa personne. Disraeli, le Juif, est représenté comme courageux et visionnaire. »

populaire et est nominé pour les Academy Awards, alors que George Arliss reçoit l'Oscar du meilleur acteur pour son interprétation de Disraeli. Le Times converge dans les éloges adressés à Arliss, estimant que ce dernier a réussi à fondre l'ironie et le maniérisme disraélien dans une sincérité passionnée autrefois possédée par ce dernier. La dévotion de Disraeli pour sa femme est aussi remarquée, puisque la femme de George Arliss, Florence, interprète encore une fois Mary-Ann.1 C'est avant tout le portrait de Disraeli qui retient l'attention,2 plus que la fidélité historique. Ce manque de véracité entraîne cependant un échange soutenu de lettres de la part de certains lecteurs du Times, prompts à rétablir la vérité sur les conditions d'achat des actions du canal de Suez.3 L'un d'eux, Arthur A. Baumann, qui profite d'ailleurs de sa lettre pour critiquer la biographie d'André Maurois – en particulier de certaines de ses traductions et de ses assertions – déplore :

How little people care about the truth is shown by this beginning of a national myth while some of the hero's contemporaries are still alive.4

La réalisation de deux films muets dès 1917 alors que le cinéma a seulement une vingtaine d'années témoigne de l'intérêt que suscite Disraeli, du moins pour les scénaristes hollywoodiens. La réception semble en effet plus faible à la fin des années 1910 et au début de la décennie suivante. Toutefois, le succès de la version de 1929, l'introduction récente du parlant (1927) aidant sûrement beaucoup, est parallèle au succès conservateur de l'époque et à la domination du verbe baldwinien, fortement inspiré par Disraeli. Le film, tout comme la pièce, compte Neville Chamberlain parmi ses spectateurs comme ce dernier le confie à ses sœurs.5

Une comparaison de la destinée cinématographique de Gladstone et Disraeli se révèle clairement à l'avantage de ce dernier. Sur la seule période allant de 1916 à la fin de la Seconde Guerre mondiale, Disraeli apparaît dans six films, dont quatre où il tient la vedette (les trois films mentionnés plus haut plus The Prime Minister [1941]). Gladstone doit se contenter au mieux d'un second rôle et le plus souvent de rôles mineurs dans quatre films durant la même période, dont The Prime Minister. Sur une plus longue période, Gladstone peut d'ailleurs remercier Disraeli, puisque ce sont le plus souvent des productions consacrées à Disraeli qui

Biography, OUP, Oxford, édition en ligne.

1 The Times, 22 novembre 1929, No. 45 367, p. 12. 2 The Times, 28 janvier 1930, No. 45 422, p. 12. 3 The Times, du 11 au 17 mars 1930.

4 The Times, 12 mars 1930, No. 45 459, p. 15. « Ce début de mythe national alors que certains des contemporains du héros sont encore vivants montre à quel point les gens ne soucient pas de la vérité. » 5 R. Self (ed.), The Neville Chamberlain Diary Letters, Volume 3 : The heir apparent, 1928-1933, Ashgate,

lui permettent d'être incarné à l'écran.1 L'austérité de Gladstone explique partiellement l'avantage donné à Disraeli au cinéma, tout comme la proximité de ce dernier avec la reine Victoria – et son image de dandy – lui ont procuré plus d'occasions de figurer dans des films d'époque.