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Les modalités de choix des élèves

C HAPITRE II. L ES DEBUTS DE LA FORMATION

B) Les modalités de choix des élèves

L’arrivée de Milet-Mureau à la préfecture de la Corrèze ouvre une période d’expatriation pour les élèves sages-femmes. Son premier geste dans ce domaine est de profiter de la possibilité offerte par la toute récente création de Chaptal : l’école de l’Hospice de la Maternité. Le ministre avait proposé à son prédécesseur d’y envoyer quelques élèves, c’est chose faite dès le 1er nivôse de l’an XI147. Trois élèves de la Corrèze ont rejoint l’établissement parisien pour une scolarité de six mois. Ce chiffre et cette durée ne restent pas constants au cours du quart de siècle qui voit les Corréziennes partir à Paris. Le choix est fait de la qualité aux dépens de la quantité. Un démonstrateur corrézien peut former une vingtaine d’élèves en deux mois, mais les médecins, les chirurgiens et les maîtresses sages-femmes savent depuis des décennies qu’un apprentissage de ce type est largement insuffisant. Il a le mérite d’apporter à un nombre conséquent de femmes des rudiments de l’art des accouchements mais est dans l’impossibilité d’instruire en profondeur la moindre de ces sages-femmes.

L’opportunité, que constitue l’accès d’un nombre restreint d’élèves à cette école prestigieuse et, à partir de 1818, à l’hospice de la maternité de Bourges148, nécessite une grande précision des critères de choix des élèves bénéficiaires. Ces règles de choix dépendent de l’évolution des règlements respectifs des deux établissements : une constante apparaît, celle de l’âge. Aucune élève n’est admise à moins d’avoir 18 ans révolus. Cette volonté de fixer une limite plancher recoupe des préoccupations observées pour le cours de l’an X où les élèves devaient avoir entre 25 et 35 ans149, mais aussi des observations qui avaient été faites devant les cas d’élèves âgées de 14 et 15 ans pour le cours briviste de 1787150. La fixation d’une limite haute intervient plus tard : elle est de 35 ans à Paris, 36 à Bourges. Il s’agit là d’une adaptation à l’évolution du public qui aspire à suivre les cours d’accouchement. Il faut noter d’ailleurs que jamais ce plafond ne pose problème pour une candidature. Aucune femme d’âge mûr ne se présente pour aller suivre les cours à Paris.

En revanche, la barre des 18 ans entraîne bon nombre de mises au point de l’administration préfectorale qui est régulièrement dans l’obligation de refuser des candidates

147 Arch. dép. Corrèze, 1 X 161. 22 décembre 1802.

148 Pour bien différencier les deux institutions, des majuscules seront utilisées pour parler de l’établissement parisien, l’Hospice de la Maternité, et des minuscules pour l’hospice de la maternité de Bourges.

149 Arch. dép. Corrèze, 1 X 161.

150 Arch. dép. Haute-Vienne, C 270. Ces deux jeunes filles sont autorisées à suivre le cours à condition de s’engager à suivre les cours suivants.

trop jeunes. Une seule entorse à cette règle se produit lors du premier envoi d’élèves corréziennes à Paris : Marguerite Lafon-Duroux est âgée de 15 ans tout juste lorsqu’elle est nommée par le préfet151. Un tel écart ne se reproduit plus. Pourtant, les demandes continuent, appelant toujours la même réponse : la requête doit être présentée de nouveau lorsque la jeune femme aura atteint l’âge exigé, comme l’illustre l’exemple de Marie Pétronille Lafont qui pose une première candidature en 1807, âgée de 16 ans à ce moment-là. Or, elle n’obtient l’autorisation de partir à Paris que pendant le premier semestre de 1809, à sa troisième demande152. De la même manière, en 1820, le préfet refuse de prendre en compte la candidature de Marie Guillaumette Mouratille car elle est encore trop jeune153.

Le second élément qui entre en jeu dans le choix d’une élève est sa connaissance de la lecture et de l’écriture. C’est une condition intangible pour l’Hospice de la Maternité de Paris. Cependant, Bourges ne la cite pas au nombre des conditions d’admission, étant donné la présence d’un enseignement primaire. Cette obligation pose d’ailleurs un réel problème pour le recrutement d’élèves. En floréal de l’an XII, le sous-préfet d’Ussel, à qui le préfet a réclamé une liste de candidates pour les admissions à Paris, répond :

Vous me rappelez que les bienfaits de cette institution ayant pour objet principal de fournir des secours aux campagnes, il était à propos de prendre les élèves parmi les filles agricoles. Mon choix n’a pu ainsi s’effectuer quelques recherches que j’ai fait par la voie des maires, par le peu d’instruction qui règne généralement dans les campagnes154.

Le manque d’instruction est général, et il est même arrivé qu’une jeune fille illettrée passe à travers les mailles du contrôle préfectoral comme c’est le cas de Marguerite Martin en 1816155. À l’inverse, la maîtrise de la lecture et de l’écriture sont des qualités qui sont largement mises en avant, surtout dans les cas cités plus haut de jeunes femmes n’ayant pas atteint l’âge requis. Ainsi de Marie Pétronille Lafont, le sous-préfet de Brive note en 1807 qu’elle sait lire et écrire et ajoute, deux ans plus tard, qu’elle sait compter156. De même, Marie Guillaumette Mouratille, bien qu’elle n’ait fréquenté l’école que pendant dix-huit mois, sait lire et écrire à peu près correctement157.

Un autre aspect revient souvent dans les critères qui déterminent le choix de l’élève. Il s’agit de son expérience dans le domaine de l’art des accouchements. Cela pourrait paraître paradoxal, mais la récurrence de candidatures de jeunes femmes possédant déjà des notions

151 Arch. dép. Corrèze, 1 X 161. Elle naît le 28 mars 1787 et fait sa scolarité à Paris du 1er nivôse de l’an

XI au 30 frimaire de l’an XII (c’est-à-dire du 22 décembre 1802 au 22 décembre 1803).

152 Id. 153 Arch. dép. Corrèze, 1 X 163. 154 Arch. dép. Corrèze, 1 X 161. 155 Arch. dép. Corrèze, 1 X 162. 156 Arch. dép. Corrèze, 1 X 161. 157 Arch. dép. Corrèze, 1 X 163.

du métier de sage-femme a de fortes répercussions sur le niveau des élèves admises. Cinq femmes parmi celles qui demandent à pouvoir étudier à Paris ont suivi auparavant le cours organisé à Tulle en l’an X. Or, le cours d’accouchement professé par le sieur Rigolle n’est pas le seul cadre d’apprentissage auquel ces femmes ont eu accès. Marie Anne Picard, veuve Verdier, s’honore d’avoir suivi, avant le cours tulliste, un autre cours de l’officier de santé Rigolle. Elle a de surcroît exercé pendant deux ans la fonction d’institutrice dans la ville de Bort-les-Orgues158. De la même manière, Madeleine Coissat a étudié l’art des accouchements à Tulle en l’an X, mais aussi dans un autre cours. On peut aussi évoquer le cas d’Antoinette Mazetier, nommée en remplacement d’une élève à Tulle, qui a suivi par la suite un cours à Limoges. Les autres candidates présentent, elles aussi, de précieuses références. Ainsi, Marie Pétronille Lafont est fille d’officier de santé accoucheur qui a commencé à lui enseigner les principes de l’art des accouchements. Claudine Martin et Marianne Queyriaux sont respectivement fille et bru de sages-femmes renommées dans la ville d’Ussel. Elles ont de plus suivi les leçons des docteurs Desortiaux et Lacoste159. Il faut remarquer encore que les deux sœurs de la première, Françoise et Marguerite160, obtiennent elles aussi le sésame d’accès à l’école parisienne, ce qui n’est pas sans provoquer quelques grincements de dents de la part d’autres candidates :

La suppliante demeure instruite que vous en avé désigné une nommée Françoise Fontaine161. Voilà la troisième accoucheuse dans la même maison, scavoir la mère162 et ses deux filles, dont l’aînée a été conduite à Paris, aux frais du gouvernement163 ; tous les bienfaits doivent-ils être appliqués à la même famille ?164

Enfin, Marguerite Lafon-Duroux, la benjamine des Corréziennes de l’Hospice de la Maternité, travaillait depuis plusieurs mois avec une sage-femme briviste avant d’être choisie par le préfet. Quelques années plus tard, elle forme à son tour Marie Guillaumette Célerier, élève à Paris de 1811 à 1812.

De façon générale, le lien avec un médecin, un chirurgien ou une sage-femme reconnue est un facteur très positif pour l’admission à l’Hospice de la Maternité de Paris ou à Bourges. On rencontre, en plus de ceux déjà cités, d’autres exemples de filles de chirurgien comme Anne-Victoire David165 ou la demoiselle Meillard166, ou encore de parentes de

158 Arch. dép. Corrèze, 1 X 161.

159 Id.

160 Arch. dép. Corrèze, 1 X 162.

161 Il s’agit en fait de Françoise Martin.

162 Marguerite Poulot, accoucheuse à Ussel de 1790 à 1826.

163 Claudine Martin, élève à Paris de janvier à décembre 1807.

164 Arch. dép. Corrèze, 1 X 161.

165 Arch. dép. Corrèze 1 X 162. Anne-Victoire David est la fille de Louis David, chirurgien d’abord installé dans l’Hérault à Marsillargues, puis en Corrèze à Lagraulière. Elle est élève à Paris de 1817 à 1819.

femmes comme Marguerite Jourdan167. Néanmoins, la filiation n’est pas toujours suffisante comme le prouve le cas de Marguerite Picard en 1821, nièce de Marie Anne Picard, sage-femme à Bort-les-Orgues, qui n’est jamais choisie par l’administration préfectorale168.

Il est par ailleurs rare que les candidates se contentent de signaler leur expérience pratique sans évoquer le patronage d’un membre du personnel médical. C’est néanmoins le cas de Thérèse Lafont en 1806. Sa candidature n’est pas retenue169.

En ce qui concerne les arguments mis en avant par les candidates, une motivation revient souvent : la nécessité d’un état pour pallier les difficultés financières de la famille. Le goût pour la profession qui témoignerait d’une vocation s’exprime en parallèle de l’exposé d’une situation de pauvreté souvent proche de l’indigence. Quelques témoignages renvoient à cet aspect, comme celui du sieur Chammard, officier de santé et accoucheur, à qui le préfet s’adresse pour juger des dispositions de Marie Soumaille. Le 20 fructidor an XII, il déclare : « La pétitionnaire me paraît avoir des dispositions mais surtout le désir de s’instruire »170. Rechercher chez ces femmes l’expression d’un souhait ou du choix raisonné d’une profession est peut-être anachronique, toujours est-il qu’elles maîtrisent parfaitement la rhétorique attachée au métier qu’elles demandent à pouvoir apprendre. Écoutons les mots d’Elisabeth Lafon en 1829 :

Elisabeth Lafon, fille cadette du feu sieur Lafon notaire à la résidence d’Egletons, âgée de vingt-cinq ans se trouve privée des secours de la fortune : orpheline depuis 10 ans, elle sent la nécessité d’apprendre l’art des accouchements si essentiel dans les campagnes pour lequel elle a beaucoup de goût. Elle a recours à votre bienveillante charité, étant incapable par la modicité de son patrimoine qui ne s’élève qu’à un capital de 1000 francs de faire le voyage de Paris et d’y fixer un séjour de deux années171.

Les dossiers de candidatures présentent nombre de ces lettres rédigées par les candidates, qui plaident leur demande auprès du préfet. Mais ils sont constitués d’autres documents. En effet, le règlement de l’Hospice de la Maternité de Paris exige des élèves à leur entrée dans l’établissement la remise de plusieurs éléments : les actes de naissance et de mariage pour les femmes mariées, l’acte de décès de l’époux en cas de veuvage, mais aussi un certificat de bonne vie et mœurs du maire de la commune énonçant l’état des parents et celui

166 Arch. dép. Corrèze, 1 X 162 : Cette demoiselle, qui décède au cours de sa scolarité à Paris en 1818, est fille et petite-fille de chirurgiens.

167 Id. Marguerite Jourdan est élève à Bourges en 1819-1820. Sa mère, Hélène Darluc, est sage-femme à Neuvic.

168 Arch. dép. Corrèze, 1 X 163.

169 Arch. dép. Corrèze, 1 X 161.

170 Id. Marie Soumaille est élève de l’Hospice de la Maternité de Paris du 1er nivôse an XIII, c’est-à-dire le 22 décembre 1804, au 31 décembre 1805.

de l’époux si besoin172. Il s’agit des papiers réclamés par l’institution parisienne, mais de fait ils sont demandés de la même manière par l’administration préfectorale corrézienne. À ces documents de base viennent s’ajouter les lettres de recommandation de la candidate.

Un phénomène se développe au cours des années pendant lesquelles des élèves corréziennes sont envoyées dans des écoles extérieures au département : l’inflation des candidatures qui entraîne la mise au point de listes d’attente. Si les premières années voient les sous-préfets peiner à trouver des jeunes femmes correspondant aux souhaits de l’administration, très rapidement apparaît une tendance à l’engorgement. Les dossiers se multiplient et les demandes doivent être renouvelées plusieurs années de suite pour avoir une chance d’aboutir. Le nombre réduit de places et la pratique du redoublement accentuent encore la lenteur du roulement des élèves à l’Hospice de la Maternité de Paris en particulier. Quelques exemples : en 1812, Marie-Jeanne Nicaud pose une première candidature, elle n’est nommée à Paris qu’en 1815173. Marie Faure, épouse Téreygeol, voit sa requête refusée à trois reprises avant de partir pour l’Hospice de la Maternité en 1829174. Mais certaines candidatures n’aboutissent jamais, même lorsqu’elles sont renouvelées régulièrement. C’est le cas de Marie Queyriaux, fille et petite-fille de sage-femme, qui présente son dossier en 1815, 1821 et 1827 avant d’abandonner175 ; ou encore de Cécile Pomarel, qui dépose une première demande en 1828, puis la réitère en 1830 et 1834. Elle finit par se tourner vers les cours corréziens et fait partie de la première promotion d’élèves de l’école de la Maternité de Tulle176. L’existence d’une liste d’attente des élèves pouvant correspondre aux critères d’admission est confirmée par l’exemple de Radegonde Buzeaud, qui, élève à Bourges depuis deux ans, est nommée élève à Paris en 1820, tout simplement parce que, après le retour des deux élèves précédentes, c’est son tour de bénéficier de la formation parisienne177.

Le phénomène qui vient d’être présenté explique d’autant mieux le besoin de lettres de recommandation. La concurrence est réelle et par conséquent chaque candidature doit être étayée de soutiens solides. Les principaux soutiens de ces jeunes femmes sont les maires de leur commune d’origine. L’intervention de ces magistrats apparaît naturelle dans la mesure où ils sont avec les sous-préfets les interlocuteurs privilégiés du préfet. Toute candidature pour la nomination comme élève sage-femme du département doit être présentée à l’administration

172 Arch. dép. Corrèze, 1 X 161. Règlement général pour l’école d’accouchement établie à l’Hospice de la Maternité, à Paris, titre II, article 4.

173 Arch. dép. Corrèze, 1 X 161.

174 Arch. dép. Corrèze, 1 X 163.

175 Id.

176 Arch. dép. Corrèze, 1 X 163 et 164.

préfectorale par une instance officielle. Nous pouvons observer une évolution à cet égard. Pendant les premières années d’envoi d’élèves à Paris, les sous-préfets jouent un rôle d’intermédiaire entre les maires et le préfet puisqu’ils lui transmettent les candidatures178. Cependant, très rapidement, les maires s’adressent directement au préfet et l’informent eux-mêmes du souhait de leur administrée de prendre l’état de sage-femme. Il ne s’agit pas seulement d’une démarche formelle. Toute présentation de candidature est l’occasion pour le maire de recommander la jeune femme en question et de souligner tous les bienfaits que pourraient apporter les lumières de celle-ci à la commune si le préfet daignait porter son choix sur elle. Les portraits qu’ils dressent sont généralement très élogieux, comme l’illustre la lettre du maire d’Objat au préfet en juin 1817 pour présenter la demande de la demoiselle Meillard :

Nous avons ici une demoiselle d’environ 20 ans, sachant écrire et lire, joignant beaucoup d’aptitude naturelle, beaucoup de discernement, une conduite exemplaire pour une demoiselle de son âge qui est très bien de sa personne179.

On peut aussi citer une lettre du maire de Lagraulière du 30 mai 1817 en faveur d’Anne-Victoire David :

La douceur de son caractère, sa bonne conduite, ses bonnes mœurs, sa religion et son infortune, ont fixé mon attention et je suis persuadé que tous ces motifs joints à l’état de détraisse et à la probité de sa famille, fixeront la votre, elle a les qualités exigées par votre lettre, dont elle justifiera à la Préfecture le jour que vous voudrés me fixer pour qu’elle s’y présente [...] mais je présume que vous saurés aprécié sa position, l’intérêt que je prend à cette infortunée famille et à mon canton de Seilhac, qui est un des vastes du département et où dans les 9 communes qui le composent il n’y a pas une seule femme habille en accouchement, aussi arrive-t-il souvent des très grands malheurs [...] ce qui me détermine à vous prier de vouloir accueillir ma demande et faire admettre mademoiselle David mon administrée au cours d’accouchement180.

Cependant, les maires ne sont pas les seuls à tenter de peser sur les choix préfectoraux. D’autres notables sont mis à contribution par les familles des candidates : en premier lieu des membres du personnel médical181. Ces interventions de médecins sont destinées à certifier la capacité de la jeune femme à suivre les cours d’accouchement comme le certificat du docteur Lacoste en faveur de Marie Queyriaux en 1808182. On peut aussi évoquer dans le même esprit les recommandations de la dame Suideraux, maîtresse sage-femme de la maternité de Limoges, et du professeur d’accouchement Thibaud183. On rencontre aussi des lettres envoyées par les desservants des paroisses184. Le curé est considéré

178 Arch. dép. Corrèze, 1 X 161.

179 Arch. dép. Corrèze, 1 X 162.

180 Id.

181 Arch. dép. Corrèze, 1 X 161. Lettre de l’officier de santé Chammard pour Madeleine Coissat en l’an XI ; lettre du chirurgien major en chef de l’hospice militaire et civil de Limoges pour Antoinette Mazetier en l’an XII.

182 Id.

183 Arch. dép. Corrèze, 1 X 163.

comme un garant de la moralité et du sérieux de la future élève sage-femme. Il est d’ailleurs intéressant d’observer que les arguments employés par le prêtre sont très proches de ceux utilisés par les maires. Ainsi, en 1818, le curé de Meyssac écrit au préfet au sujet d’Antoinette Groussat185 :

Antoinette Goursat, âgée de 18 ans et trois mois, ma paroissienne désirerait prendre la profession d’accoucheuse et d’entrer par conséquent dans l’école de Bourges. Elle a de l’esprit naturel, une conception prompte et elle écrit passablement. Elle est d’ailleurs fort adroite. Je ne doute pas un instant qu’elle ne fasse un bon sujet dans cette partie. [...]La position de Meyssac exige absolument une personne de cette profession, à trois lieues de Brive, cinq lieues d’Argentat, trois de Beaulieu...186

Une troisième catégorie de notabilités est mise à contribution : les élus du département. Il arrive parfois que l’élève soit membre de la famille d’un d’entre eux. C’est le cas de Radegonde Buzeaud qui est nièce du sieur Combet, maire d’Uzerche et conseiller général187. On peut aussi évoquer les démarches des familles auprès du député de la Corrèze, le comte Alexis de Noailles188. Ce dernier intervient à deux reprises : en faveur de Marguerite Roussely en 1826 et Cécile Pomarel en 1828189. Dans le premier cas, Alexis de Noailles a écrit au préfet et au ministre de l’Intérieur et rend compte de ses interventions au père de la jeune femme. Parmi les auteurs de recommandation, on compte encore le colonel Soulages, ancien maire de Saint-Chamant190, ou le chevalier de Merliac191. Le recours à l’influence de ces hommes n’est pas forcément l’apanage de familles relativement aisées. S’adresser au député par exemple apparaît comme un geste naturel pour une famille dans le besoin comme c’est le cas du père de Marguerite Roussely dont l’indigence est telle qu’il n’est pas inscrit au rôle des contributions192.

Cette pratique de la recommandation qui découle directement de la concurrence entre les candidates aux bourses d’élèves sages-femmes n’est pourtant pas toujours efficace. Les interventions des maires restent parfois lettre morte. De la même manière, la protection accordée par le député ne suffit pas toujours à assurer le choix d’une jeune fille. Quoi qu’il en soit, ces correspondances renseignent sur l’intérêt porté à la formation des sages-femmes dans