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Mettre au monde Sages-femmes et accouchées en Corrèze au XIX e siècle

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(1)

T

HÈSE

POUR LE DIPLÔME D

ARCHIVISTE

-

PALÉOGRAPHE

soutenue par Nathalie Sage Pranchère

Diplômée d’études approfondies

le 13 mars 2006

Mettre au monde

Sages-femmes et accouchées en

Corrèze au

XIX

e

siècle

TOME I

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I

NTRODUCTION

Lorsqu’on ouvre le Larousse universel du XIXe siècle à l’article « sage-femme »,

passée la définition liminaire d’une « femme pratiquant les accouchements », on rencontre une longue et minutieuse description des mesures contenues dans la loi du 19 ventôse an XI

pour l’instruction des sages-femmes, ainsi qu’une copie presque mot pour mot du règlement de l’Hospice de la Maternité de Paris, la plus ancienne et la plus prestigieuse école de sages-femmes en France. La place accordée à la dimension pédagogique de ce métier n’est pas anodine. En effet, l’art des accouchements qui renvoie, bon gré, mal gré, à une réalité professionnelle bimillénaire, est d’une certaine manière dépassé dans l’intérêt qu’il suscite par son propre enseignement. La spécificité de la profession de sage-femme ne réside plus dans le contenu de cette profession mais dans la structure scolaire qu’elle induit et l’instruction qu’elle diffuse.

L’étude qui va suivre accompagne sur un peu plus d’un siècle les destinées de l’enseignement obstétrical en Corrèze, en se concentrant sur l’apogée constituée par l’école départementale d’accouchement de Tulle (1834-1895).

Pourquoi ce sujet ?

À l’origine on rencontre des raisons affectives. La volonté de travailler sur l’histoire du département de la Corrèze a guidé la quête d’un thème de recherche.

Un second centre d’intérêt a influé sur la définition du champ d’étude. La médicalisation de la société à la fin de l’époque moderne et pendant le premier siècle de la période contemporaine est apparue comme un axe d’approche multiple des transformations de cette société, de son rapport à la vie et à la mort, ainsi qu’à la complexe notion de santé qui bascule largement dans la sphère publique et étatique à partir du XIXe siècle. Or, embrasser

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Il est aussi nécessaire de souligner la persistance d’une forte imbrication des domaines du médical et de l’assistance pour cette période, selon un type de pensée propre à une société marquée par l’omniprésence de la pauvreté. La combinaison de ces deux aspects doit être prise en compte car elle constitue l’essence même du geste de soin. L’hôpital-hospice est à cet égard un exemple patent de cette ambivalence. L’étude ne pouvant couvrir l’intégralité de ce champ, j’ai décidé de la concentrer sur un domaine plus précis. La série X, Assistance et protection, des archives départementales de la Corrèze recélait un fonds spécifique et encore inédit : celui de la maternité départementale de Tulle. Cet ensemble documentaire rassemble, outre les archives produites par et pour cette maternité, celles concernant l’école départementale de sages-femmes. La séparation de ces institutions, si elle possède une résonance du point de vue linguistique, s’efface dans la réalité devant le lien de parenté qui les unit, l’école engendrant la maternité, et leur fonctionnement conjoint. L’école-maternité peut, dès lors, être vue comme un modèle parfait de la dualité médecine sociale ou assistance médicale.

1763 : Angélique du Coudray fait cours à Tulle. 1834 : Une école de sages-femmes est créée à Tulle. 1895 : La dernière promotion d’élèves quitte l’école.

Un peu plus de 130 ans séparent le début et la fin de l’ère de la formation obstétricale corrézienne. Cette période qui s’étend largement sur la fin de l’époque moderne et le début de l’époque contemporaine, montre à quel point ce genre de distinctions se révèle factice dans un domaine où les avancées sont réglées par l’évolution des mentalités et des découvertes médicales. L’entrée dans l’époque contemporaine se fait pour l’obstétrique vers 1880 avec les premières applications des découvertes pasteuriennes, et avec l’accès des sages-femmes aux facultés. La période pré-pasteurienne s’inscrit dans un mouvement long de formation, dont les bases théoriques sont celles d’une technique manuelle de la naissance, dans la lignée de Louise Bourgeois et d’Angélique du Coudray. Cette étude se place à la charnière de ces deux époques, dans le cadre d’une formation locale qui ne survit pas au progrès de la connaissance et aux exigences croissantes de niveau des sages-femmes.

La naissance des écoles départementales de sages-femmes qui recouvre le premier tiers du XIXe siècle, a pour vocation de fournir le pays et surtout ses campagnes en

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maternité de Port-Royal, proche de la faculté de médecine, et la seconde héritière des tournées d’Angélique du Coudray et des cours plus ou moins réguliers des démonstrateurs. On peut mettre en parallèle ce système avec celui des officiers de santé. Médecins au rabais, ils n’exercent eux aussi que dans un cadre départemental, avec un diplôme de second rang. Étonnamment, la réforme des formations médicales entreprise par Napoléon en l’an XI n’a

abouti qu’à faire perdurer une dichotomie d’Ancien Régime, fossilisant la vieille opposition entre une élite parisienne, et donc nationale, et des formations à l’audience et au ressort strictement locaux. Surprenant mélange de modernité, par l’extension de l’accès à la formation professionnelle, et d’arriération, par la persistance revendiquée d’une médecine des pauvres et des campagnes face à une médecine de la capitale, cette réforme ouvre la voie à presque un siècle de règne des écoles départementales. Les décrets de 1893 et 1894 qui obligent les élèves aspirant au diplôme de première classe à suivre la moitié de leur scolarité dans une faculté ou une école de médecine de plein exercice, réduisent progressivement l’intérêt présenté par les écoles locales qui délivrent un diplôme désormais considéré comme insuffisant. La même période voit la fin des officiers de santé. La fin du XIXe siècle ouvre la

voie d’une uniformisation des enseignements vers le haut, qui repousse dans l’archaïsme les structures provinciales.

Les trois dates mises en valeur au début de ce propos, bien plus que des repères chronologiques, se situent à des charnières de l’histoire de l’enseignement obstétrical français. La figure incontournable d’Angélique du Coudray a désormais valeur de symbole. Sa venue en Bas-Limousin en 1763, c’est-à-dire au tout début de son tour de France, inscrit cette région parmi les pionnières françaises. Certes, un autre personnage clé de cette seconde moitié du

XVIIIe siècle est à l’origine de ce passage : Turgot. Toujours est-il que cette rencontre pose la

première pierre d’un édifice pédagogique jamais totalement délaissé par la suite. Retrouver les phases de construction de cet édifice, en dessiner les continuités et les possibles ruptures doit être au cœur de cette étude. Dans la continuité des travaux de Jacques Gélis sur l’ancien régime, il paraît nécessaire d’éclairer les mécanismes de maintien d’un enseignement spécifiquement destiné aux sages-femmes après le cours de 1763 et jusqu’à la création de l’école nationale de formation par Chaptal en 1802. Cette période qui va de la fin du règne de Louis XV au Consulat s’inscrit sans innovation dans la tradition de son cours inaugural. De

1775 à l’an IX, des démonstrateurs d’un même milieu professent selon des méthodes

identiques, ce sont parfois les mêmes que l’on retrouve de part et d’autre du siècle, de part et d’autre de la Révolution. La véritable rupture s’opère au début du XIXe siècle quand pour deux

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centre régional comme Bourges pour les former. Étudier les modalités de ces envois d’élèves, les choix qui y président et la géographie des influences pédagogiques que cette habitude sous-tend est essentiel pour cerner les conditions qui conduisent à la remise en place de cours corréziens et à la fondation d’une école. Échec parisien ? Adaptation à des besoins mal mesurés ? L’exemple corrézien, parce que Tulle est l’une des dernières écoles créées, est un point d’observation intéressant pour la compréhension des étapes qui jalonnent la fondation d’une cinquantaine d’écoles de maternité pendant les trois premières décennies du XIXe siècle.

À la compréhension des mécanismes de création de l’école, il faut faire succéder l’étude de ses structures institutionnelles. La question du statut de l’école, public et non privé à la différence de la Haute-Vienne, joue un rôle essentiel dans l’appréhension de son rayonnement et des contraintes qui pèsent sur l’établissement. Ce travail vise à mesurer le degré d’intégration de l’établissement dans le paysage départemental et urbain. L’implication des élites locales au sein de la commission de surveillance de l’école et de la maternité ouvre d’intéressantes perspectives sur les sphères d’influences et les réseaux socioprofessionnels tendant à noyauter les instances départementales et leurs structures parallèles. De la même façon, observer le comportement de l’administration départementale, préfecture ou conseil général, vis-à-vis de cette institution par le biais des dotations budgétaires, ou par l’intervention dans son fonctionnement, éclaire sur la politique menée au plan de la médecine et de l’assistance sociale. L’étude institutionnelle ne peut se limiter aux superstructures dont dépend l’établissement, elle doit se pencher sur l’évolution de la direction interne de l’école et de la maternité, pour mettre en valeur la répartition des responsabilités. La présence des religieuses à la tête de l’hospice de la maternité pose la question du rapport entre congrégations et administration, tant au moment où on fait appel aux sœurs de la Charité de Nevers qu’à celui de la laïcisation de l’institution. Enfin l’étude des modalités d’entrée dans l’école et à la maternité éclaire les volontés de l’administration lorsqu’il s’agit de choisir les futures sages-femmes qui s’engagent à exercer leur métier dix ans en Corrèze, et de définir les femmes qui peuvent bénéficier de l’assistance départementale.

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préfet, les rapports des médecins attachés à l’établissement, complétés par la comptabilité, contribuent à faire naître quelques instantanés, quelques fragments d’existence souvent pittoresques et parfois anecdotiques, puisque la routine est ordinairement silencieuse et que seul ce qui vient la rompre nous laisse une trace aujourd’hui. Temps long d’école, deux puis trois ans, temps court d’un séjour pour un accouchement, une dizaine de jours souvent moins, l’école-maternité est le cadre de vie de plusieurs centaines d’élèves et plusieurs milliers de mères pendant sa durée d’existence. Cet exemple de micro-histoire donne l’occasion de faire renaître, ne serait-ce que partiellement, des moments de la vie de ces femmes, périodes essentielles pour les élèves comme pour les accouchées. Les conséquences du passage par cet établissement sont incontournables dans l’existence et la carrière des futures sages-femmes. Les liens créés pendant leur séjour, la bienveillance durable de la maîtresse sage-femme, sont des éléments difficiles à saisir hors de ce contexte particulier.

Or, il semble impossible de laisser ces sages-femmes à la sortie de l’école, sans les suivre dans leur vie personnelle et professionnelle. L’étude d’une école se justifie en elle-même, mais dans un cadre départemental où le recrutement scolaire a pour objet de structurer la couverture obstétricale des différents arrondissements, il est indispensable d’aller plus loin car il ne s’agit pas d’un établissement d’élite, à vocation nationale comme l’Hospice de la Maternité de Paris. L’école d’accouchement de Tulle est le premier maillon d’une chaîne dont il n’est pas pensable de négliger la suite. Il faut d’ailleurs rappeler qu’elle n’est pas le seul centre de formation puisqu’elle n’intervient qu’à partir de 1834 et qu’un tableau de cette catégorie socioprofessionnelle ne peut laisser de côté les femmes formées auparavant. Partir à la recherche de l’ensemble des sages-femmes corréziennes exerçant au cours du XIXe siècle

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P

RESENTATION HISTORIOGRAPHIQUE

L’étude d’une école départementale de sages-femmes et de sa maternité au XIXe

siècle se place à la croisée de multiples chemins. Il faut tout d’abord observer que ce type de structure a relativement peu intéressé les historiens jusqu’à présent puisque aucun travail ne leur a été consacré.

I. La naissance.

Accouchement, accoucheuse, accouchée, ces trois mots sont entrés dans le champ des préoccupations historiques il y a une trentaine d’années. Ce lexique oriente en premier lieu vers deux voies : l’histoire de l’obstétrique et l’histoire de la naissance et de ses acteurs. De la première, Jacques Gélis écrivait en 1988 qu’il s’agissait d’une « histoire-monument, une histoire morte »1. La seconde, née des réflexions de l’anthropologie historique, donne à comprendre le contexte humain de cet événement, « la manière d’être au monde » et de mettre au monde.

A) Histoire de l’obstétrique.

Ce domaine est intimement lié à l’histoire de la médecine. Chasse gardée des professionnels de la santé, l’histoire de la chose médicale par les médecins est avant tout celle d’un progrès et d’une avancée inexorable vers la modernité contemporaine. Réflexion sur l’évolution des diagnostics, des thérapeutiques, l’histoire de la médecine se construit sur les améliorations et les réussites. Le caractère d’autocélébration de ce genre est très fort dans la mesure où son point de vue est volontiers téléologique, présentant un passé repoussoir et des

1 GELIS (Jacques). La sage-femme ou le médecin. Une nouvelle conception de la vie. Paris, Fayard, 1988,

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méthodes en route vers un présent référence. À cet égard, la gigantesque Histoire de la

médecine, de la pharmacie, de l’art dentaire, et de l’art vétérinaire2 constitue une somme concernant les étapes qui ont jalonné la mise en place des différentes spécialités médicales. À cette histoire traditionnelle de la médecine, Olivier Faure oppose l’histoire de la santé3 qu’il définit comme celle de « certaines dynamiques sociales, en particulier celles de la médicalisation et de la socialisation, qui révèlent l’importance croissante qu’occupent la médecine, le corps, la maladie et la santé dans notre société, surtout depuis deux siècles ». Ce courant met en valeur la recherche sur le personnel médical, son statut social, ses rapports avec ses patients, ainsi que l’évolution de la demande sociale en matière de santé. La thèse pionnière de Jacques Léonard sur les médecins de l’Ouest au XIXe siècle, soutenue en 1978, a

ouvert le champ à une étude sociale des praticiens de santé. Le rapport avec les malades et leurs familles a été depuis exploré entre autres par Olivier Faure avec son ouvrage sur Les

Français et leur médecine4, ou Anne Carol par le biais de ses recherches sur la médicalisation de la mort à l’époque contemporaine5.

B) La naissance : histoire et anthropologie.

Tout naturellement l’accouchement et son encadrement médical viennent s’insérer dans les champs à explorer. Cette étude a cependant, dans un premier temps, été laissée de côté au bénéfice d’une analyse plus large de la notion de naissance et de tout son environnement. L’ouvrage de référence sur l’histoire de la naissance reste la synthèse publiée en 1984 par Jacques Gélis6. Dans son introduction à L’arbre et le fruit, celui-ci définit ainsi l’orientation de son ouvrage : « il veut donc moins retracer les grandes étapes du progrès médical que s’attacher aux motivations, aux comportements des couples, des femmes surtout, qui transmettaient la vie aux siècles passés, dans l’aire culturelle occidentale »7. L’auteur s’inscrit dans la lignée des pères de l’anthropologie historique tels que Philippe Ariès ou Jean-Louis Flandrin. Sensible au poids des rituels liés à l’attente et à la venue de l’enfant, à

2 Histoire de la médecine, de la pharmacie, de l’art dentaire, et de l’art vétérinaire, collection dirigée par

Jacques Poulet, Jean-Charles Sournia, Marcel Martiny en 8 volumes, Paris, Société française d’éditions professionnelles, médicales et scientifiques, 1978.

3 FAURE (Olivier). « La recherche en histoire de la santé. « Axe de recherche santé et assistance » Centre

Pierre Léon d’histoire économique et sociale », dans Cahiers d’histoire, 1998, n°1.

4 FAURE (Olivier). Les Français et leur médecine au XIXe siècle. Paris, 1993.

5 CAROL (Anne). Les médecins et la mort : XIXe-XXe siècles. Paris, Aubier, 2004.

6 GELIS (Jacques). L’arbre et le fruit. La naissance dans l’occident moderne, XVIe-XIXe siècles. Paris,

Fayard, 1984.

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l’imprégnation des mentalités par la pensée analogique, Jacques Gélis trace un tableau riche et nuancé d’une naissance qui va bien au-delà du moment biologique de l’accouchement. Son second ouvrage, paru quatre ans plus tard, La sage-femme ou le médecin8, fait le bilan de quinze ans de recherches, en présentant l’acquis de ses propres découvertes ainsi que des travaux d’historiennes comme Mireille Laget9, Marie-France Morel10 ou Françoise Loux11. La série d’articles de Jacques Gélis, préparatoire à ces deux ouvrages, publiée à partir de 1977 met au centre de ses préoccupations un personnage essentiel : l’accoucheur. Le choix du masculin général est ici volontaire dans la mesure où les analyses portées dans ces articles ont mis en valeur la substitution partielle d’un acteur masculin à l’accoucheuse traditionnelle. La présence indispensable auprès de la femme en couches d’une personne spécialisée, que ce soit par l’habitude ou en vertu d’un diplôme, est caractérisée au XVIIIe siècle par la participation

marginale puis réclamée des hommes de l’art.

C) Les acteurs de la naissance.

Débat entre empirisme et savoir, entre nature et culture, les études qui ont porté sur les acteurs de la naissance que sont la sage-femme et le chirurgien accoucheur, ont mis au centre de leur intérêt la prise de pouvoir par les hommes à la fin de l’époque moderne d’un des rares domaines exclusivement féminins : l’accouchement. L’intitulé de l’ouvrage de 1988,

La sage-femme ou le médecin, est, par l’alternative exclusive qu’il propose, très représentatif de l’optique choisie pour l’approche de la place et du rôle des sages-femmes. Cette manière d’observer la place de ces actrices de la naissance dans la concurrence qui les oppose aux médecins et aux chirurgiens a permis de souligner la manière dont se sont construits de nouveaux savoirs et de nouvelles méthodes obstétricales, les hommes mettant un point d’honneur à se réserver la modernité constituée par le recours à des instruments et tendant à s’imposer comme les sources essentielles du savoir des sages-femmes. Sur ce plan l’historiographie américaine adopte un discours parallèle, éclairant les points d’affrontement et définissant le rapport médecin/sage-femme comme une lutte visant à l’élimination des

8 GELIS (Jacques). La sage-femme ou le médecin. Une nouvelle conception de la vie. Paris, Fayard, 1988. 9 LAGET (Mireille). « La naissance aux siècles classiques. Pratique des accouchements et attitudes

collectives en France aux XVIIe et XVIIIe siècles », dans Annales Economies, Sociétés, Civilisations, 1977, n°5, p.

958-992 ; et Naissances : l’accouchement avant l’âge de la clinique, Paris, Seuil, 1982.

10 Entrer dans la vie : naissances et enfances dans la France traditionnelle, présenté par Jacques Gélis,

Mireille Laget et Marie-France Morel, Paris, Gallimard, 1978.

11 LOUX (Françoise). Le jeune enfant et son corps dans la médecine traditionnelle, Paris, Flammarion,

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secondes par les premiers dans un contexte plus radical qu’en Europe12. Cette vision, très influencée par les premières préoccupations des historiennes des femmes, privilégie la mise en lumière de la dégradation de la position féminine dans cette fonction médicale au profit d’hommes qui font de la médecine et de l’obstétrique naissante leur pré carré, avec le soutien des pouvoirs politique et religieux.

II. Approches du travail des femmes.

Or, le métier de sage-femme interroge un autre domaine de la recherche historique : l’histoire du travail et plus précisément du travail des femmes. Intégrées à la corporation des chirurgiens à partir du Moyen Age, les sages-femmes ne bénéficient pas de l’autonomie d’autres corporations féminines comme les lingères et les couturières13. Elles sont admises dans cette corporation, honorent le même saint patron, saint Côme, mais n’ont pas d’influence sur les décisions la concernant, celles-ci restant du ressort des chirurgiens. L’étude de la place des femmes au sein des corporations ouvre la question de la division sexuelle du travail et celle du discours sur le travail féminin, dont la plus large part reste dans l’ombre, sans « identité professionnelle »14. Pourtant les femmes ont toujours travaillé15. Cette affirmation, loin d’être une pure constatation factuelle de l’implication de la gent féminine dans l’activité productrice, constitue en elle-même un programme appelant à rechercher les traces de ce travail pour en cerner mieux les modalités. Les historiennes des femmes se sont d’ailleurs très tôt tournées vers ce chantier que Michelle Perrot définit comme « un front pionnier »16. Comment ne pas rappeler la place de l’historiographie anglo-saxonne avec Joan Scott et Louise Tilly17 ? Ou encore, proche de notre objet, l’étude de la naissance du métier

12 MC GREGOR (Deborah Kuhn). From midwives to medicine. The birth of American gynaecology. New

Brunswick, New Jersey, London, Rutgers University Press, 1998. « Unlike the centuries-old female dominated practice of midwifery, male medical dominance in childbirth was very new. While medical education was increasingly denied to women and efforts were made to stop the practice of female midwifery, no recognition or reciprocical acknowledgement of the experiential knowledge of female midwives occurred. »

13 TRUANT (Cynthia). « La maîtrise d’une identité ? Corporations féminines à Paris aux XVIIe et XVIIIe

siècles », dans Clio, revue francophone d’histoire des femmes, n°3, 1996.

14 PERROT (Michelle). Les femmes ou les silences de l’histoire. Paris, Champs Flammarion, 1998, p. 202. 15 SCHWEITZER (Sylvie). Les femmes ont toujours travaillé. Une histoire du travail des femmes aux XIXe et

XXe siècles. Paris, Odile Jacob, 2002.

16 Id., p. 117.

17 SCOTT (Joan W.), TILLY (Louise A.). Women, work and family. Holt, Rinehart and Winston, 1978.

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d’infirmière par Yvonne Kniebielher18 ? La synthèse de Françoise Battagliola19 ainsi que la réédition en 1998 de nombreux articles de Michelle Perrot20 ont contribué à esquisser un premier bilan de presque trente ans de recherche.

Pour revenir plus en détail sur les travaux consacrés aux femmes dans la médecine, il faut souligner plusieurs orientations : en premier lieu, les historiens se sont intéressés à la pratique de la médecine par les femmes, histoire d’une interdiction progressive puis d’une lente reconquête. Ainsi, Josette Dall’Ava-Santucci21 et plus récemment Jean-Pierre Poirier22 se sont penchés sur la place des femmes dans les sciences et dans la médecine. Ensuite, le métier moins prestigieux qu’est celui de sage-femme a lui aussi suscité l’intérêt des historiens. Nous avons évoqué longuement les travaux de Jacques Gélis, bien d’autres l’ont rejoint. La question du statut social de la sage-femme, de ses méthodes, a fait l’objet d’études en France et à l’étranger. Le volume The Art of midwifery23, publié en 1993, rassemble des contributions d’historiennes anglo-saxonne, allemande, italienne et espagnole sur la condition de sage-femme à l’époque moderne. Ce dernier trait est à souligner car il est spécifique de l’étude de cette catégorie socioprofessionnelle : la recherche a quasi-exclusivement porté sur la période moderne. Même si l’ouvrage de Jacques Gélis englobe le XIXe siècle24, il n’est pas inutile

d’observer que le XVIIIe siècle constitue à la fois le moment privilégié des études et la période

butoir de celles-ci. La période contemporaine est le parent pauvre des recherches sur les sages-femmes. Olivier Faure, à l’origine d’une journée d’étude sur les femmes soignantes25, a d’ailleurs souligné ce manque qui concerne essentiellement le XIXe siècle26. Cependant, à ce

noir tableau, il faut opposer les éclairants travaux de Danièle Tucat sur les sages-femmes parisiennes de la fin du XIXe siècle27, et ceux de Scarlett Beauvalet-Boutouyrie sur la

maternité-école de Port-Royal28. L’historiographie semble néanmoins se concentrer sur un

18 Cornettes et blouses blanches : les infirmières dans la société française, 1880-1980, Yvonne

Kniebielher, Véronique Leroux-Hugon, Odile Dupont-Hess, Yolande Tastayre, Paris, Hachette, 1984.

19 BATTAGLIOLA (Françoise). Histoire du travail des femmes. Paris, Editions de la Découverte, 2000. 20 PERROT (Michelle). Les femmes ou les silences de l’histoire...

21 DALL’AVA-SANTUCCI (Josette). Des sorcières aux mandarines : histoire des femmes médecins. Paris,

Calmann-Lévy, 1989.

22 POIRIER (Jean-Pierre). Histoire des femmes de science en France, du Moyen Age à la Révolution. Paris,

Pygmalion, 2002.

23 The Art of midwifery. Early modern midwives in Europe, dir. Hilary Marland, Londres, New York,

Routledge, 1993.

24 GELIS (Jacques). La sage-femme ou le médecin...

25 « Les femmes soignantes », dir. Olivier Faure, dans Bulletin du centre Pierre Léon d’histoire

économique et sociale, n°2-3, 1995.

26 FAURE (Olivier). « La recherche en histoire de la santé. « Axe de recherche santé et assistance » Centre

Pierre Léon d’histoire économique et sociale », dans Cahiers d’histoire, 1998, n°1.

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espace parisien29 dont le caractère exceptionnel, tant au point de vue des clientèles potentielles pour les sages-femmes qu’à celui de la qualité de la formation qui leur est dispensée, ne peut rendre la variété des situations provinciales, dont le caractère considéré comme arriéré gagnerait à être reconsidéré.

Cette problématique du travail des femmes recoupe par ailleurs un autre aspect de cette recherche dans la mesure où elle constitue un des angles d’étude de la catégorie des accouchées de la maternité. L’aspect sériel de ce corpus permet d’avoir une vision élargie du monde professionnel féminin. Cette approche s’inscrit dans un type d’analyse quantitative qui a déjà été employée à ce propos. Rappelons les résultats issus de l’enquête des 3000 familles30, ou les recherches de Nathalie Ostroot à partir des listes nominatives de 1896 à Aix-en-Provence31.

III. Femmes et famille : au point de rencontre de deux histoires.

A) Entre histoire des femmes et histoire de femmes.

Le sujet de notre étude ne peut s’envisager sans l’arrière-plan historiographique de cette spécialité. Sans vouloir en détail revenir sur sa chronologie, il faut malgré tout rappeler le contexte qui a présidé à sa naissance. L’histoire des femmes prend sa source dans les combats féministes de l’après-guerre, aux Etats-Unis d’abord, puis en France à partir des années 1970. Le cours de Michelle Perrot, Pauline Schmitt et Fabienne Bock à Jussieu en 1973 s’intitule : « Les femmes ont-elles une histoire ? »32. Il ouvre le débat et, le premier, fonde la légitimité de cette histoire, dont l’évolution, en parallèle de l’historiographie américaine, aboutit à une histoire du genre, des rapports entre les sexes dans la lignée de Joan W. Scott au milieu des années 1980. L’une des premières préoccupations de ce courant touche « au corps féminin, à ses fonctions, son entretien ou son langage »33. Or, sans se réclamer des mêmes objectifs épistémologiques, les historiens de la naissance commencent leurs travaux

29 Citons pour le XXe siècle l’ouvrage de Françoise Thébaud, tiré de sa thèse, Quand nos grands-mères

donnaient la vie. La maternité en France dans l’entre-deux guerres, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 1986.

30 La société française au XIXe siècle, dir. Jacques Dupâquier, Paris, Fayard, 1992.

31 « Des professions féminines « amicales à la famille » au XIXe siècle », communication au colloque

Itinéraires féminins, 21-22 janvier 2005, Société de démographie historique.

32 PERROT (Michelle). Les femmes ou les silences de l’histoire..., p. XI.

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dans les mêmes intervalles. Alors que le tabou légal pesant sur la contraception et l’avortement vient d’être levé, l’histoire se penche sur l’aboutissement de la conception, sur les temps exceptionnels dans la vie d’une femme que sont la grossesse et l’accouchement.

« Une affaire de femmes ». L’expression se révèle étonnamment juste lorsqu’il s’agit d’évoquer le monde d’une école de sages-femmes et d’une maternité : peu d’hommes dans le fonctionnement général de l’établissement, encore moins dans la réalité du quotidien. La question du rapport entre les sexes ne peut être passée sous silence, cependant, nul doute que sa résonance se soit trouvée assourdie du fait de ce contexte particulier. Elle prend corps à l’extérieur de l’établissement : avant pour les filles-mères pauvres qui forment la majeure partie des accouchées, après pour les jeunes sages-femmes qui ont à s’imposer dans leur commune face à l’indifférence parfois hostile des maires et à la concurrence des médecins. La spécificité de l’internat renvoie à une conception quasi-claustrale de l’enseignement, dont il faut prendre la mesure pour la rapprocher d’autres cadres d’éducation, et saisir le fossé entre la sage-femme du XVIIIe et l’élève du XIXe siècle. Car cette recherche ne peut se singulariser

par rapport à l’histoire du mouvement progressif d’accès des femmes à l’instruction. Sans remonter aux recherches de François Furet et Jacques Ozouf sur l’alphabétisation des Français et des Françaises34, il faut rappeler que l’histoire de l’éducation féminine au XIXe siècle a eu

son chantre en la personne de Françoise Mayeur avec sa thèse sur la mise en place de l’enseignement secondaire féminin35. Or le métier de sage-femme est le premier à bénéficier d’un diplôme reconnu, avant même celui d’institutrice.

B) L’émergence des études sur la parentalité : une nouvelle histoire de la famille.

L’intérêt pour la naissance est contemporain de l’émergence de l’histoire des femmes en France. Il est aussi héritier et frère de l’intérêt pour l’histoire de la famille dont on peut citer quelques travaux comme ceux de Philippe Ariès36 ou Jean-Louis Flandrin37. En contrepoint et en complément des recherches sur l’enfance qui se sont développées pour

34FURET (François), OZOUF (Jacques). Lire et écrire : l’alphabétisation des Français de Calvin à Jules

Ferry. Paris, Editions de Minuit, 1977.

35 MAYEUR (Françoise). L’éducation des filles au XIXe siècle. Paris, Hachette, 1979. Elle est par ailleurs

l’auteur du tome III de l’Histoire générale de l’enseignement et de l’éducation en France : De la Révolution à

l’école républicaine, Paris, Nouvelle Librairie de France, 1981.

36 ARIES (Philippe). Histoire des populations françaises et de leurs attitudes devant la vie depuis le XVIIIe

siècle. Paris, 1948.

37 FLANDRIN (Jean-Louis). Famille, parenté, maison, sexualité dans l’ancienne société. Paris, Hachette,

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toutes les époques38, il faut placer les études sur la parentalité. Celle-ci a tout d’abord été envisagée sous son angle maternel par les travaux de Catherine Fouquet et Yvonne Kniebielher39 ou l’ouvrage d’Elisabeth Badinter40, avant d’être étendue à la paternité plus récemment41. Dans le cadre de cette étude c’est la maternité qui se trouve au centre des préoccupations, cependant il faut observer qu’elle a souvent été abordée dans son cadre traditionnel, tel que le définit Elisabeth Badinter : « la mère, au sens habituel du terme (c’est-à-dire une femme mariée dotée d’enfants légitimes) est un personnage relatif et

tridimensionnel. Relatif parce qu’elle ne se conçoit que par rapport au père et à l’enfant »42. Or, dans notre cas, la maternité concerne essentiellement des mères seules, filles-mères ou veuves, qui ne se définissent pas en fonction d’un père qui bien souvent ne se reconnaît pas comme tel, et paradoxalement peu en fonction d’un enfant dans la mesure où le taux d’abandon est particulièrement fort dans cette catégorie de personnes. C’est leur grossesse et leur accouchement, leur accès à la maternité qui les caractérisent à eux seuls, sans que cette maternité puisse entrer dans les cadres acceptés par la société. Leur situation a surtout été analysée par les historiens dans le cadre des recherches sur les conceptions illégitimes et l’abandon43 et plus rarement sous l’angle du rapport mère/enfant, parentalité hors norme, difficile à saisir et à définir44.

C) Femmes seules.

À la croisée de l’histoire des femmes et de la famille, sont incluses dans cette étude les recherches sur la solitude féminine, en lien direct avec ce que nous venons d’aborder. Ce thème a été développé à partir des années 1980 avec la volonté de faire sortir de l’ombre

38 ARIES (Philippe). L’enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime. Paris, Seuil, 1975 ; RICHE (Pierre),

ALEXANDRE-BIDON (Danièle). L’enfance au Moyen Age. Paris, Seuil, 1994 ; COULON (Gérard). L’enfant en Gaule romaine. Paris, Editions errances, 1994 (réédité en 2004) ; ROLLET (Catherine). Les enfants au XIXe siècle. Paris, Hachette, 2001.

39 FOUQUET (Catherine), KNIEBIELHER (Yvonne). L’histoire des mères du Moyen Age à nos jours. Paris,

Montalba, 1980 ; KNIEBIELHER (Yvonne). Histoire des mères et de la maternité en Occident. Paris, PUF, 2002.

40 BADINTER (Elisabeth). L’amour en plus. Histoire de l’amour maternel, XVIIe-XXe siècles. Paris, Champs

Flammarion, 1981.

41 Histoire des pères et de la paternité, dir. Jean Delumeau et Daniel Roche, Paris, Larousse, 1990. 42 BADINTER (Elisabeth). L’amour en plus..., p. 13.

43 On peut citer sur ce sujet les articles d’Alain Lottin, Jacques Depaw ou Christine Nougaret,

respectivement sur les villes de Lille et Nantes et sur le diocèse de Rennes ; Il faut aussi évoquer l’ouvrage collectif né du colloque de 1987 sur Enfance abandonnée et société en Europe, XIVe-XXe siècles, Collection de l’Ecole Française de Rome, 1991.

44 L’ouvrage d’Annick Tillier, Des criminelles au village : femmes infanticides en Bretagne (1825-1865),

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toutes ces femmes que leur marginalité vis-à-vis du statut matrimonial (célibataires ou veuves45) excluait de nombreux champs de recherche. La mesure de leur importance numérique, l’appréhension de leur statut juridique spécifique, de leur poids social, toutes ces variables ont permis de nuancer le tableau tracé par les historiens démographes dont les premiers intérêts s’étaient portés sur la conjugalité et la taille des familles. Un ouvrage sous la direction d’Arlette Farge et de Christiane Klapish-Zuber a fait en 1984 un bilan provisoire des connaissances sur le sujet46, qui reste aujourd’hui encore largement à explorer comme le rappelle en 2000 Scarlett Beauvalet-Boutouyrie, soulignant les manques pour la période moderne en particulier47.

IV. La Corrèze : objet historiographique ?

Enfin, il a fallu se tourner vers la production historique concernant l’espace dans lequel est circonscrite cette recherche : la Corrèze. Les motivations de ce choix sont, il faut l’admettre, d’ordre affectif mais elles ont été confortées par l’existence de sources riches et variées sur le sujet à traiter. Or l’historiographie concernant le département ou même la région est vite apparue relativement peu fournie. Le Limousin contemporain n’a pas fait l’objet depuis la thèse d’Alain Corbin commencée en 1962 et publiée en 197548 de monographie équivalente. Les périodes médiévale et moderne ont vu éclore un certain nombre d’études dans le sillage de Bernadette Barrière et de Michel Cassan, mais la Corrèze du XIXe siècle n’a

suscité que peu de vocations. Le phénomène de l’émigration vers Paris et des associations d’originaires a cependant été traité par Evelyne Crison dans sa thèse soutenue en 1995 sous la direction de Gilles Le Béguec49. Les élèves de ce dernier ont d’ailleurs joué un rôle important dans l’orientation des recherches sur le Limousin contemporain vers une histoire de l’évolution politique de la région et de ses élites. De ce fait, l’histoire sociale s’est trouvée en partie délaissée dans le milieu universitaire. En parallèle, il ne faut pas sous-estimer la place

45 BEAUVALET-BOUTOUYRIE (Scarlett). Etre veuve sous l’Ancien Régime. Paris, Belin, 2001.

46 Madame ou mademoiselle ? Itinéraires de la solitude féminine, XVIIIe-XXe siècles, dir. Arlette Farge et

Christiane Klapish-Zuber. Paris, Montalba, 1984.

47 BEAUVALET-BOUTOUYRIE (Scarlett). « La femme seule à l’époque moderne : une histoire qui reste à

écrire », dans Annales de démographie historique, 2000, n°2, p. 129.

48 CORBIN (Alain). Archaïsme et modernité en Limousin au XIXe siècle (1845-1880). Limoges, PULIM,

1998 (réédition).

49 CRISON (Evelyne). Les groupements d’originaires de la Corrèze à Paris sous la troisième République.

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occupée dans la région et en particulier dans le département de la Corrèze par les membres des sociétés savantes dont la production n’est en aucune façon à négliger50, et dont les publications se font le relais des recherches tant d’érudits locaux que d’universitaires.

En conclusion, on peut observer à quel point le thème de cette étude a amené à puiser à de multiples sources. La bibliographie s’est révélée très riche, malgré son caractère assez dispersé et les manques évidents dans certains domaines comme l’histoire locale. Il est nécessaire de souligner que les titres présentés à la fin du second volume ne visent pas à l’exhaustivité dans la mesure en particulier où la production historique étrangère est trop peu présente, à l’exception de quelques études anglo-saxonnes. Élargir le champ de références à l’étranger et surtout au domaine européen constitue une des ambitions de l’élargissement de ce travail dans le cadre d’une thèse de doctorat.

50 Les sociétés savantes corréziennes publient toutes trois un bulletin : Revue de la société des lettres,

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P

RESENTATION ET CRITIQUE DES SOURCES

L’étude de ce sujet s’est insérée dans une volonté d’approche de la médicalisation et des structures d’accueil et de soin dans le département de la Corrèze. Le choix de l’école d’accouchement et de la maternité de Tulle découle de l’importance de la naissance et de son encadrement dans la vie quotidienne. Le XVIIIe siècle avait vu s’éveiller une sensibilité très

vive à ces questions et la fondation des écoles au XIXe siècle prend ses racines dans cet éveil.

Les sources de cette recherche sont présentées en fonction de leur lieu de conservation. Le dépôt des archives départementales de la Corrèze a constitué le principal cadre des dépouillements qui ont servi de base à cette étude. D’autres centres ont apporté leur contribution : les archives départementales de la Haute-Vienne, la bibliothèque de l’Académie de Médecine et les Archives Nationales, ils seront évoqués dans un second temps.

I. Les archives départementales de la Corrèze.

A) Le fonds de l’école d’accouchement et de la maternité : 1 X 161-1 X 243.

Le fonds de l’école d’accouchement et de la maternité est le noyau à partir duquel s’est construite cette étude. Il forme un ensemble regroupé au sein de la série X, Assistance et prévoyance sociale, où il est classé dans la sous-série 1 X, Administration hospitalière.

1) L’organisation du fonds.

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forment celui de la maternité. L’étendue chronologique des dossiers déborde le cadre de cette étude, puisque, si l’école ferme en 1895 et que l’on cesse deux ans plus tard d’envoyer des élèves boursières du département à Bordeaux, la Maternité départementale poursuit ses activités jusqu’en 1969.

Si l’on dresse une typologie des documents conservés à l’intérieur de ces fonds, on remarque un éventail extrêmement large. Les différentes origines expliquent cette richesse puisque sont en présence, d’une part une gestion départementale et de l’autre, des documents issus directement du fonctionnement de l’établissement.

Pour décrire ces archives, le choix a été fait de respecter la séparation entre fonds de la maternité et fonds de la préfecture, en mettant en valeur les spécificités respectives de ces deux ensembles.

2) L’histoire du fonds

Retracer le parcours de ces archives avant leur arrivée aux archives départementales a présenté des difficultés. Seule l’histoire du fonds de la Maternité est documentée. Le bordereau de versement par le centre hospitalier de Tulle subsiste. Les archives sont entrées en 1976, six ans après la fermeture de la maternité départementale et l’intégration du service de gynécologie-obstétrique au centre hospitalier.

Les liasses versées ont été intégrées dans la série X pour les dossiers et les registres concernant la période qui précède 1940 et dans la série W pour les suivants. Les archives départementales n’ont opéré ni tri ni destruction dans ce fonds. En revanche, les habitudes de conservation archivistique de la Maternité départementale ne sont pas connues.

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3) Le fonds de la maternité

Le fonds de la maternité regroupe les documents produits par la direction de cet établissement. Les plus importants sont les registres de sortie des femmes admises dans l’institution. Ils couvrent l’activité de la maternité entre 1849 et 1940, ce qui correspond aux cotes 1 X 202* à 1 X 214*. Cependant, le dépouillement a été restreint aux registres 1 X 202* à 1 205*, c’est-à-dire de 1849 à 1887. Parmi les autres cotes de ce fonds, une seule, 1 X 219*, correspond à l’activité de l’école d’accouchement. Il s’agit d’un registre d’annotations sur la scolarité des élèves accoucheuses, pour les années 1884-1895. Le reste des liasses composant le fonds de la maternité porte sur des questions de rapports avec l’assistance à l’enfance ou de gestion, mais dans tous les cas, pour le XXe siècle. Ces archives forment un ensemble

cohérent, mais essentiellement centré sur le fonctionnement de la maternité. L’école d’accouchement est laissée de côté et on peut envisager qu’un tri ait eu lieu dans ses archives lors de sa fermeture en 1895.

4) Le fonds de la préfecture.

Lorsqu’on aborde l’étude des archives issues de la préfecture, il faut toujours garder présente à l’esprit la nature du producteur de celles-ci. La préfecture s’intéresse aux aspects réglementaires, administratifs, financiers de la vie de l’établissement. Il faut donc retrouver l’œil de l’administrateur pour analyser le contenu de ces liasses et ainsi mieux comprendre leur richesse et leurs lacunes.

Au cours de leur existence, de 1834 à 1895, l’école d’accouchement et l’hospice de la maternité de Tulle ont dépendu de la préfecture de la Corrèze, mais il faut noter que le bureau en charge de leur gestion a régulièrement varié au gré des recompositions d’attributions1. Ces changements fréquents renvoient plus sûrement à des redistributions de postes qu’à des déménagements et n’ont guère dû influer sur la continuité et la conservation des archives. Dans tous les cas, le vocable qui renvoie à notre école est : accouchements. Dénomination englobante, elle explique certaines spécificités de contenu des liasses du fonds. L’intérêt préfectoral va à l’encadrement de la naissance en général à travers ce terme d’accouchements.

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Le premier ensemble de documents que livre le fonds de la préfecture concerne les admissions d’élèves sages-femmes dans différents établissements scolaires. Les liasses 1 X 161 à 1 X 163 concernent les candidatures et les dossiers des élèves à l’Hospice de la Maternité de Paris et à l’hospice de la maternité de Bourges. Les élèves des cours corréziens de 1827 à 1833 sont connues par les liasses 1 X 163 et 1 X164. En ce qui concerne l’école d’accouchement de Tulle, il existe deux séries continues de dossiers de candidatures de 1834 à 1867, les cotes 1 X 164 à 1 X 167, et de 1886 à 1895, les cotes 1 X 169 à 1 X 172. Les documents portant sur l’admission des élèves sont de différentes natures. Les dossiers de candidature sont composés de lettres de motivation et parfois de recommandation, de certificats émanant d’autorités administratives (maires) ou médicales (médecins, sages-femmes), ainsi que de pièces d’état civil. Ils concernent l’ensemble des postulantes, c’est-à-dire un éventail plus large que les élèves finalement retenues. Les jeunes filles choisies pour suivre les formations évoquées ci-dessus sont identifiables grâce aux arrêtés préfectoraux de nomination ou de prolongation d’études. On possède de plus des tableaux récapitulatifs des différentes promotions informant sur les origines géographiques des élèves, l’année de leur scolarité et le niveau de leur bourse. La période 1867-1885 n’est pas totalement obscure grâce à l’existence d’un registre récapitulatif des élèves de l’école de 1858 à 1891 dans la liasse 1 X 171.

Dans ces liasses on découvre aussi les épaves des procès-verbaux de séances de la commission de surveillance. Ces minutes sont des sources précieuses sur la vie scolaire dans l’établissement. Le règlement de l’école d’accouchement de Tulle, daté de septembre 1833, instaure un calendrier de visites de l’école maternité et impose la tenue d’un registre rassemblant les observations des membres de la commission. Un seul exemplaire de ces registres subsiste : 1 X 177*. Il porte sur les années 1886-1887. La date tardive de ce document prouve la persistance de la pratique mise en place en 1834. Elle est néanmoins symptomatique des lacunes du fonds. Il est fort possible que les archives de la commission de surveillance ne soient passées que de façon très fragmentaire dans celles de la préfecture. L’implication personnelle de ses membres, plus précisément président et secrétaire, peut laisser imaginer le maintien des documents en mains privées.

La correspondance entre la direction de l’école, la commission de surveillance et le préfet est présente dans l’ensemble du fonds, mais on la rencontre plus souvent dans les liasses concernant l’admission des élèves et dans 1 X 176.

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mais de façon lacunaire : 1 X 168 et 1 X 175. Plutôt qu’un recensement des admissions on y trouve des avis donnés au préfet de l’entrée de femmes enceintes à la maternité, ainsi que des épaves de correspondance concernant certains cas dont l’admission posait problème.

Les questions portant sur le personnel de l’établissement font l’objet de deux dossiers spécifiques : 1 X 179 et 1 X 180. Les dossiers de candidatures des médecins, économes, sages-femmes ou portiers-jardiniers précisent le rythme de renouvellement du personnel et les critères de choix qui y président. Par ailleurs, on rencontre, au hasard des dossiers sur les admissions d’élèves, des états d’émargements donnant le détail des traitements de la sage-femme, de l’institutrice et de la portière.

La comptabilité de l’école et de la maternité a été transmise de manière assez complète. On rencontre des pièces relevant de la comptabilité dans toutes les liasses du fonds. Cependant, on peut distinguer des documents typologiquement plus spécifiques qui forment un groupe à part : les budgets et comptes (1 X 182), mais aussi une série continue de livres-journaux de dépenses de 1892 à 1910 (1 X 188 à 1 X 201). Ces derniers, bien qu’un peu tardifs dans le cadre de cette étude, ont l’avantage de présenter une vision synthétique des dépenses annuelles de l’établissement. Par ailleurs, on conserve des pièces justificatives de dépenses, mois par mois, pour la période précédente, de 1838 à 1894 (1 X 183 à 1 X 185), ce qui permet d’élargir en amont la connaissance de la comptabilité et des dépenses. Tous ces documents envoyés pour vérification dans les bureaux de la préfecture sont par nature des justifications des activités comptables de l’institution. Ils ont, par conséquent, une fonction récapitulative, synthétique, et éclairent sur le calendrier de contrôle des comptes par l’administration départementale. Les pièces comptables ont cependant l’immense avantage de permettre d’aborder les questions matérielles : nourriture, linge, blanchissage, chauffage. Leur étude éclaire des pratiques de soin, ou de propreté, essentielles à la compréhension du fonctionnement de l’institution et à l’appréhension des bienfaits qu’elle est à même de dispenser

Le fonds issu de la préfecture fournit donc des informations riches et variées sur le fonctionnement de l’école-maternité. Il présente cependant les limites inhérentes à la nature administrative du producteur. La préfecture ne s’intéresse pas aux aspects pédagogiques. Il ne reste rien des cahiers de cours, des ouvrages utilisés, des rapports sur les accouchements réalisés avec les élèves. Seules surnagent dans le fonds des allusions à l’achat d’ouvrages ou de matériel, ou encore des cas aigus de débordements scolaires.

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B) Les autres sources issues de l’administration départementale.

Les archives issues de la préfecture de la Corrèze, en dehors de la série X, Assistance et prévoyance sociale, ont été largement exploitées. Elles se présentent sous la forme de sources manuscrites et imprimées.

1) La série M, Administration générale et économie du département (1800-1940).

Cette série est divisée en dix sous-séries mais deux ont été particulièrement utilisées : 5 M, Santé publique et hygiène, et 6 M, Population, économie et statistiques.

La sous-série 5 M contient les listes d’enregistrement du personnel médical qui renseignent sur la population des médecins, chirurgiens, pharmaciens, sages-femmes et herboristes. Cette pratique de l’enregistrement du personnel de santé remonte à la loi du 19 ventôse an XI. Elle oblige les différents corps à venir présenter leurs diplômes au jury médical

du département, lors de sa première réunion suivant l’obtention du diplôme. Les registres ont été conservés pour la période 1800 à 1839, ainsi qu’à partir de 1877 : liasses 5 M 1 et 5 M 2. Ils présentent l’intérêt de renseigner sur des sages-femmes diplômées avant l’an XI, qui

viennent faire reconnaître leur qualification à partir de cette date. Par ailleurs, il existe des listes périodiques du personnel médical en exercice dans le département, qui reprennent les mêmes éléments que les registres, à savoir identité, lieu d’exercice, ainsi que date et lieu du diplôme. Les lacunes de l’enregistrement sont complétées par ces listes qui s’étendent de 1800 à 1904 : 5 M 3 et 5 M 4.

La politique sanitaire du département dans le domaine des épidémies fait l’objet de trois liasses (5 M 13 à 5 M 15) : ces documents apportent d’intéressants éclairages sur les pratiques d’hygiène face au phénomène épidémique et contagieux. Elles permettent par ailleurs de mieux connaître le personnel médical corrézien et ses figures principales.

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Cette sous-série ouvre enfin une dernière perspective dans le domaine de la pratique des sages-femmes : la vaccination. Les campagnes de diffusion de la vaccine dans le département sont organisées tout au long du siècle par l’administration préfectorale, la conservation du fluide vaccin tout comme la prophylaxie sont confiées aux sages-femmes en priorité, avant les médecins. Les états de vaccination par canton sont parvenus pour les années 1817-1821 et de 1867 à 1875 : 5 M 27 à 5 M 29.

La sous-série 6 M a permis d’aborder la situation plus générale du département. Les résultats des enquêtes statistiques ont dressé un tableau de la démographie corrézienne à différents moments du XIXe siècle : 6 M 12-13, 6 M 15 et 6 M 18. Les rapports sur la situation

humaine, économique et sociale de la Corrèze rédigés par les préfets pendant le premier tiers du siècle ont complété l’image du département : 5 M 541-542.

2) Les séries N, Conseil général, et Z, Sous-préfectures.

L’administration départementale a d’autres facettes : d’une part le conseil général et la commission départementale à partir des années 1880, et d’autre part les services des sous-préfectures, pour la Corrèze, Brive et Ussel. Ces séries ont fourni des éléments ponctuels : sur l’état de délabrement du bâtiment de l’école-maternité qui entraîne en 1906 la décision de construire un nouvel établissement (N 102) ; sur les candidatures des élèves originaires des arrondissements de Brive et d’Ussel aux différents cours d’accouchement (Z 24).

3) La série K, Lois et ordonnances, et les sources imprimées.

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ils ont aussi éclairé les modifications de l’organigramme de la préfecture et la répartition des attributions par division.

La sous-série 3 K, Bulletin de la préfecture, est le cadre de classement de tous les

Recueils des actes administratifs de la préfecture. Ces imprimés regroupent l’ensemble des circulaires et lettres adressées par le préfet aux sous-préfets et aux maires du département, ainsi que les avis officiels qui étaient affichés dans tous les lieux publics. Cette source a été exploitée dans le même sens que la sous-série 4 K, pour combler les lacunes des archives rassemblées dans la série X.

L’autre source imprimée émanée de l’administration départementale est la série des

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C) État civil, notaires et enregistrement.

Les registres de l’état civil (naissances, mariages, décès) se sont révélés une source très riche pour différents aspects de cette étude. D’un point de vue statistique, le dépouillement en série des registres de naissances de la commune de Tulle, entre 1838 et 1881, a fourni les éléments indispensables à l’évaluation de la proportion des naissances à l’hospice de la maternité dans l’ensemble communal. Ces sources ont aussi permis d’approcher le phénomène de l’illégitimité, du concubinage urbain et la part des légitimitations. Sur un plan général, l’état civil a constitué un contrepoint essentiel pour l’appréhension de la place de l’école-maternité dans le tissu urbain.

S’ajoute à cela l’intérêt plus traditionnel des registres de naissances, mariages et décès pour la reconstitution de parcours individuels, qu’il s’agisse d’accouchées de la maternité ou de sages-femmes. Une prosopographie complète des sages-femmes corréziennes sera l’objectif dans le cadre du doctorat : cette catégorie rassemble entre trois et quatre cents femmes exerçant dans le département au cours du XIXe siècle. Partir à leur recherche implique

une démarche de type généalogique, puisqu’il faut retracer leur existence et retrouver leur mariage, la naissance de leurs enfants, leur décès, mais aussi celui de leurs parents, de leur époux parfois. De plus, le suivi de la présence des sages-femmes dans les déclarations de naissance éclaire dans une certaine mesure leur pratique professionnelle et leur rythme de travail.

On dispose d’une autre source pour ajouter une dimension patrimoniale : l’enregistrement des actes civils publics. Celui-ci, classé dans la série Q, se présente sous forme de tables classées par ordre semi-alphabétique et recouvrant différents domaines comme les contrats de mariage, les ventes, les testaments et les successions. Les tables qui ont été le plus utiles sont les tables de contrats de mariage, les tables de successions et absences et les registres de déclarations de mutation par décès. La table des contrats de mariage donne la référence de l’acte notarié correspondant (série E, Notaires). La table des successions et absences signale la solvabilité des décédés, et renvoie dans ce cas aux déclarations de mutation par décès.

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II. Les archives issues d’autres dépôts.

La succession des administrations entre le XVIIIe siècle et la fin du XIXe siècle, ainsi

que la hiérarchie entre les différents niveaux décisionnels, expliquent la présence de documents concernant directement l’enseignement obstétrical dans le Bas-Limousin puis la Corrèze dans d’autres dépôts que les archives départementales.

A) Les archives départementales de la Haute-Vienne.

Pour comprendre la présence d’archives dans ce dépôt, il faut revenir brièvement sur l’histoire des cours d’accouchement en Limousin à partir de la seconde moitié du XVIIIe siècle.

En effet, ils n’apparaissent pas en Corrèze en 1834. Ils s’intègrent, comme c’est le cas dans la majorité des régions françaises, dans une tradition de plusieurs décennies. La dynamique naît au XVIIIe siècle. Le Limousin n’échappe pas à la règle et Angélique du Coudray y a fait cours

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B) Les dépôts parisiens : l’Académie nationale de Médecine et les Archives Nationales.

La recherche d’informations sur la mise en place des cours d’accouchement corréziens ainsi que la présence obstétricale dans la province puis le département a imposé le recours à deux dépôts spécifiques : la bibliothèque de l’Académie de Médecine et les Archives Nationales.

1) La bibliothèque de l’Académie de Médecine.

Cette bibliothèque conserve les archives de l’institution depuis sa fondation au XVIIe

siècle sous le nom de Société Royale de Médecine. C’est dans le fonds de cette société originelle que des renseignements ont été recherchés. Le carton 85 a révélé des pièces d’une valeur inestimable pour cette étude. Sans entrer dans le détail de leur contenu, qui sera analysé au cours du développement, il faut cependant évoquer ces documents avec quelques précisions. On rencontre ainsi les résultats, pour la généralité de Limoges, de l’enquête diligentée en 1786 par le contrôle général des finances sur les sages-femmes du royaume, accompagnée d’une lettre de l’intendant. Le carton 85 contient aussi un mémoire adressé par un chirurgien du Bas-Limousin à l’intendant et à la Société Royale de Médecine, avec l’avis prononcé par deux rapporteurs de la société. Il s’agit d’un projet de cours d’accouchement qui forme un point de comparaison théorique intéressant par rapport à la réalité des cours telle que la livrent les archives administratives.

2) Les Archives Nationales.

Le fonds principalement consulté dans cette institution est la série F composée des archives produites par le ministère de l’Intérieur au cours du XIXe siècle. La sous-série F17,

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III. Les limites de la documentation.

Les différentes sources qui ont été évoquées présentent l’avantage de se compléter relativement bien et de permettre une reconstitution assez soignée des cadres institutionnels et réglementaires qui fondent le fonctionnement de l’école-maternité de Tulle. Des inconvénients se font jour aussi : les lacunes des fonds. Certains manques ont été signalés pour la série X, mais une même remarque peut être faite pour la série M dont les listes d’enregistrement du personnel médical sont très inégalement conservées pour cette période. Pour cette même source, la tenue des listes, qui dépend de celle des registres d’enregistrement, n’est pas toujours très scrupuleuse et il arrive que des erreurs se glissent dans la dénomination des personnes. La confrontation avec les Annuaires de la Corrèze peut être fructueuse, du moment qu’une même méfiance préside à l’égard de ces documents dont l’actualisation laisse beaucoup à désirer.

Les déficiences d’inventaires anciens peuvent aussi faire obstacle à la recherche, ainsi pour la série U, Justice, des archives départementales de la Corrèze. Cette série n’a connu qu’un classement provisoire à la fin du XIXe siècle. Un certain nombre de dossiers

d’instruction ont été rassemblés selon une optique thématique, sous l’intitulé Fonds pénaux d’origines diverses. Pour cette étude, trois liasses ont été retenues : 5 U 52 sur l’exercice illégal de l’art des accouchements, 5 U 56 et 5 U 57 sur les infanticides. Malheureusement, ces affaires ne constituent qu’un échantillon des cas traités par la justice corrézienne au XIXe

siècle. Il est impossible d’avoir une vision juste de l’ampleur de ces phénomènes. La consultation des registres d’écrou de la prison de Tulle dans la série Y, non classée, a permis de découvrir des cas supplémentaires, confirmant ainsi les lacunes des archives judiciaires.

Le hasard faisant parfois bien les choses, une vérification dans une liasse entraîne parfois la découverte de pièces insoupçonnées. Citons l’exemple d’un discours de félicitations du préfet aux élèves sages-femmes classé dans 43 T 5, c’est-à-dire dans la série T, Enseignement, qui rassemble les archives produites par l’inspection d’académie.

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l’extraordinaire qui vient rompre la routine. On cherche en vain le contrepoint humain au discours officiel. Le manque d’archives privées se fait cruellement sentir lorsqu’il s’agit d’appréhender le vécu des élèves sages-femmes ou des femmes admises à la maternité. Que dire alors des raisons qui poussent à devenir sage-femme, du ressenti face à ce métier ? Silence et invisibilité, ni écrit intime, ni photographie, ne rendent ces femmes plus proches. Rien ne dévoile leur sentiment d’impuissance face à des pathologies qu’elles ne maîtrisent pas ou au contraire leur fatalisme devant une mort encore partie intégrante du quotidien. Au milieu de ce désert surnage une image, la seule : le portrait de la seconde maîtresse sage-femme de l’école et de la maternité. Peint en 1849, année de son accession à ce poste, ce tableau présente le visage d’une femme dont le parcours exceptionnel explique justement l’existence de cette source iconographique2. Il en est de même pour les femmes enceintes qui décident d’accoucher à l’hospice de la maternité. La parole des accouchées, épouses surchargées de famille ou filles-mères, reste inaudible. Dans une société d’hommes, la place des femmes, valorisée ou dépréciée, n’est perçue qu’à travers un discours d’hommes.

À ces sources viennent s’ajouter quelques fonds annexes non détaillés, puisque utilisés de manière exceptionnelle (ils sont cités dans la liste présentée à la fin du second volume). En conclusion, nous pouvons observer à quel point le sujet traité implique le recours à des archives nombreuses et variées. Le noyau principal que constitue le fonds de l’école d’accouchement dans ses deux parties, préfectorale et maternité, ne peut être étudié en vase clos. Il est nécessaire de compléter les informations qu’il livre pour inscrire cet établissement dans le contexte qui lui a donné naissance et où il se développe. Cette obligation implique d’être très attentif aux structures institutionnelles productrices et détentrices d’archives pour ne pas laisser de côté des sources essentielles.

2 Ce portrait a été conservé dans la famille et l’arrière-petit-fils de cette sage-femme, M. Albert Uminski,

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