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Le modèle « technique et professionnel » : une approche par les rapports sociaux de

Section III. L’identité : définitions et modèles d’analyse

2. Les modèles d’analyse de l’identité

2.5. Le modèle « technique et professionnel » : une approche par les rapports sociaux de

Il s’agit dans ce quatrième modèle d’un autre type d’approches de l’identité au travail, qui consiste à la repérer en fonction des moyens qu’utilisent les différents groupes ou individus dans l’espace social du travail pour s’identifier aux pairs, aux supérieurs ou aux membres d’autres catégories professionnelles (Sainsaulieu, 1977). C’est l’approche, développée notamment par R. Sainsaulieu (1977 ; 1987 ; 1990), qui privilégie d’abord « l’expérience

98 Dans cette perspective, pour l’auteur : « c’est une identité professionnelle rattachée à un métier d’entreprise, mais

construite et renforcée par l’interpénétration, au cours de l’échange économique, entre l’entreprise et son marché. Le banquier a une compétence professionnelle fondée sur cette perméabilité : sa culture collective ne repose pas tant sur un ensemble de valeurs communément partagées avec le marché que sur une coopération de fait avec le marché (1994 : 227) ».

relationnelle et sociale du pouvoir » (1977 : 342) comme fondement de la construction sociale de l’identité. Deux éléments sont à la base de cette approche.

Premièrement, il y a cette notion complexe de « pouvoir ». Parce que « si le pouvoir social est profondément recherché, c’est que l’individu risque dans toute relation la perte de la reconnaissance de soi ; l’identité individuelle est intimement liée au pouvoir, car elle dépend des moyens de lutte que l’individu trouve dans son expérience sociale pour imposer et faire respecter sa différence » (1977 : 342). Les rapports individuels et collectifs au travail seraient donc, en termes de recherche identitaire, d’abord des rapports où

l’acquisition du pouvoir renvoie à la reconnaissance identitaire. La maîtrise plus ou moins importante du pouvoir est de ce fait directement liée aux capacités stratégiques dont dispose l’acteur, individuel ou collectif, pour gérer les conflits auxquels il doit faire face99.

Deuxièmement, il y a le fait que cette « expérience relationnelle » s’inscrive dans la durée. Sainsaulieu (1977) voit dans les mécanismes entourant les rapports sociaux de travail (conflits, alliances, coopération, stratégies de comportements,...) un espace de socialisation propice aux relations durables entre les acteurs, en tant qu’individus ou en tant que groupe. Les relations construites dans cet espace apparaissent comme autant de possibilités ou de voies d’accès à l’identité.

À partir de ce cadre conceptuel, l’entreprise peut être considérée comme un espace social privilégié de la construction des identités professionnelles (Tap, 1980 ; Reynaud, 1982 ; Sainsaulieu, 1990). Cela, dans la mesure où, d’une part, les diverses identités collectives catégorielles qui peuvent s’y former demeurent structurellement dépendantes de l’espace et des modes de socialisation professionnelle qui lui sont propres, et où, d’autre part, ces identités peuvent, de surcroît, être des vecteurs porteurs de la reconnaissance, de

l’affirmation, voire de la singularité sociales de communautés professionnelles distinctes les unes des autres à l’intérieur de ce même espace.

Cette conception de l’espace de l’entreprise ne présente pas de caractère fondamentalement

nouveau en soi. De fait, elle correspond à l’émergence d’une « nouvelle » sociologie de l’entreprise progressivement apparue dans le courant des années quatre-vingts et proposant de considérer l’entreprise comme un acteur social de plein droit (Gagnon, 1996 : 87). Dans cette évolution, « deux rôles sont particulièrement reconnus à l’entreprise : la création de valeurs et la constitution d’un lien social » (Gagnon, 1996 : 87), deux éléments que leur conjugaison inscrit en tant que nouveaux repères dans le processus de formation de l’identité socioprofessionnelle100.

Particulièrement représentative de ce quatrième modèle, l’approche de R. Sainsaulieu fait ressortir le rôle de la relation structurelle entre la notion d’identité et ce sentiment de permanence et de

99 C’est là un aspect de l’approche de l’identité sur lequel nous reviendrons au cours de cette recherche à la faveur de

l’analyse portant sur les stratégies individuelles et collectives d’évolution de carrière, utilisées notamment par les techniciens. Notons que ces stratégies constituent l’un des éléments privilégiés pour l’approche de la construction identitaire sur le terrain concerné par cette étude de cas.

100 Et que traduit fort concrètement M.-J. Gagnon : « Le travail qui occupe nos journées n’est pas indifférent. Il nous

détermine, il nous définit, il nous situe par rapport aux autres. C’est pourquoi il est un fait social structurant, et cela tant au plan individuel qu’au plan collectif » (1996 : 103).

continuité éprouvé par l’individu « dans ses rapports sociaux » (Sainsaulieu, 1977) pour le replacer dans le cadre des relations sociales globales et lui faire couvrir « le champ des rapports humains où le sujet s’efforce d’opérer une synthèse entre les forces internes et les forces externes de son action, entre ce qu’il est pour lui et ce qu’il est pour les autres » (1977 : 319). Soulignons là encore le recours, dans ce dernier modèle, à cette dualité organique qui caractérise la notion d’identité et dont nous avons montré plus haut à quel point elle s’impose comme une référence analytique récurrente dans les nombreuses approches sociologiques recensées pour cette revue bibliographique101.

2.5.1. La portée d’une typologie.

Dans son analyse, à partir du postulat selon lequel les individus ont en commun une logique d’acteur dans les positions sociales qu’ils occupent, R. Sainsaulieu se propose d’explorer les processus de la constitution de ces « logiques » au travail sur la base d’une problématique fondée sur les « modes d’accès à la reconnaissance de soi » au travail. Un des exemples les plus

significatifs de ces logiques est le phénomène, courant et observé de façon récurrente en psychologie sociale, de la tendance des individus à se différencier de leurs « inférieurs102 » et à

s’identifier à leurs « supérieurs103 » C’est dans cette perspective de rapport au pouvoir et à

l’autorité que veut se situer l’approche de R. Sainsaulieu :

« Les sentiments qui se développent autour de l’autorité du pouvoir et des règlements sont intenses car ils traduisent le fait que les structures sociales influencent les groupes humains qui s’en servent pour bâtir leurs mécanismes de défense affective. Toucher aux structures d’autorité ou de répartition du travail, c’est donc mettre en jeu la vie affective des groupes et entraîner ensuite des relations de défense, inattendues pour l’organisation du travail définie selon des critères de rationalité purement technique et économique » (1977 : 316).

À partir de ces prémisses, R. Sainsaulieu suggère de repérer le processus de formation de l’identité sur la base d’une typologie fondée sur quatre modèles généraux de relations : la fusion, le retrait, la négociation et l’exclusion104. Pour lui, il ne s’agit pas de « personnalité collective » mais seulement des cadres ou des contextes sociaux formels dans lesquels peuvent s’inscrire les différentes logiques d’acteurs et du processus d’accès à l’identité. Pour ancrer les identités professionnelles dans des modes d’action qui leur correspondent, R. Sainsaulieu propose la construction suivante :

101 Des approches qui, quoique provenant d’horizons disciplinaires relativement éloignés les uns des autres, semblent

constituer, avec une certaine cohésion exprimée ici notamment à travers l’existence des quatre modèles mis en exergue, un corpus sociologique distinct, une sorte de « sociologie de l’identité ».

102 Mudler., M., 1959, « Power and Satisfaction in Task Oriented Groups », Acta psychologica, 16. 103 Idem.

104 Modèles, en étroite relation, ainsi que nous l’avons observé plus haut, avec la construction élaborée par Sayles (1958) à

partir d’une vaste étude menées sur les modes de l’action collective, et dont nous avons pu voir qu’ils ont été repris plus tard par d’autres analyses sociologiques pour reconstruire d’autres typologies fixant les modèles de relations en œuvre dans le processus de formation de l’identité (Veltz, 1986 ; Dubar, 1991 ; 1996 ; Stroobants, 1993 ; Courpasson, 1994).

1. le modèle fusionnel : ou modèle dit « de masse ». Il correspond à une identité collective « de masse », celle des ouvriers spécialisés, sans aucun pouvoir sur leurs conditions de travail et de relation ;

2. le modèle de négociation : significatif chez les professionnels hautement qualifiés et les cadres de production qui trouvent dans la richesse des compétences et la diversité des responsabilités de leurs fonctions le moyen d’affirmer leurs différences et de négocier leurs alliances ;

3. le modèle des affinités : c’est un univers social qui exclut les grandes solidarités et les appartenances de groupes pour se limiter à quelques affinités subjectives ou affectives et à l’insertion dans des réseaux de relations privilégiées ;

4. le modèle de retrait, ou modèle dit de « l’absence-présence » caractérisant une identité se définissant par l’éloignement ou l’exclusion du groupe ou de la communauté sur la base d’un choix individuel105.

Sans reprendre à nouveau une construction typologique dont nous avons déjà pu évaluer la portée dans d’autres approches, nous nous limiterons dans l’évocation de l’approche de R. Sainsaulieu à l’analyse qu’il fait du cas précis de l’identité professionnelle des techniciens à partir d’un cadre théorique auquel cette typologie ne servira finalement que de cadre global de référence.

Les hypothèses de base de l’auteur sont les suivantes. Premièrement, « l’organisation est porteuse d’identités collectives centrées sur le métier, le statut, la masse, la mobilité, l’intégration ou le retrait » (1977 : 411). Deuxièmement, dans cet espace, « la culture du métier s’oppose à celle du statut, celle de la masse supporte mal la culture du mobile, le retraitisme est incompréhensible aux intégrés » (1977 : 411). Pour l’auteur, de nouveaux acteurs ont progressivement émergé dans cet espace, avec des logiques d’action et de formation identitaire différentes : le cas des techniciens en est un exemple particulièrement significatif.

2.5.2. Le cas de l’identité des techniciens.

Dans les années soixante, période durant laquelle ont commencé précisément à apparaître dans les milieux de travail les premières tâches destinées à ce groupe et qui allaient du même coup

fortement le caractériser sur le plan professionnel, R. Sainsaulieu (1977) souligne que le travail des techniciens était alors non standardisé et encore profondément marqué par l’habileté technique. Ce

105 Construction inspirée, comme nous l’avons souligné, des travaux de L. Sayles sur les différentes formes de l’action

collective telles que : l’action de masse (action portée par une vision « triomphante »), l’action critique pessimiste, l’action sporadique ou l’action menée par le jeu de l’action-réaction, et enfin l’action menée sur une base catégorielle, tous modèles dont les nombreuses reprises par d’autres analyses peuvent témoigner de la vigueur persistante dans l’analyse sociologique.

à quoi il faut ajouter l’exclusion des techniciens des groupes de salariés institués en raison de composantes identitaires nouvelles tendant à les distinguer de ces derniers par les ambitions de promotion qui les sous-tendent.

Les membres de cette nouvelle communauté professionnelle proviennent pour la plupart de l’atelier ou des lignes de fabrication industrielle et entrent dans un cycle de mobilité professionnelle et sociale qui les détachent de la communauté ouvrière sans pour autant les intégrer à l’encadrement ou au personnel d’ingénierie. L’auteur fait remarquer ainsi que :

« obligés de se heurter partout à la différence des autres groupes socioprofessionnels de l’entreprise, et affrontés sur le plan interpersonnel aux différences d’évolution des collègues dans la carrière technique, les techniciens ne voient de confirmation de leur identité par un jeu de relations

complexes et internes sur le plan affectif et cognitif qu’avec quelques compagnons de mobilité. Les capacités stratégiques de leur groupe social sont alors fort réduites » (Sainsaulieu, 1977 : 282).

Si une telle confrontation a pu prendre forme, c’est principalement en raison du pouvoir d’expert que se sont approprié les techniciens au cours de divers processus d’apprentissage à l’intérieur du même espace de travail que leurs collègues : démarches dont les conséquences sur l’identité individuelle et professionnelle ne peuvent être évacuées de l’analyse. Résultant de l’introduction progressive de changements technologiques, aux impacts encore insoupçonnés, dans les entreprises, ce pouvoir est alors encore dépendant de l’ampleur des études techniques devant être effectuées pour maintenir et renforcer le maintien de l’entreprise dans un fort courant de changements technologiques. C’est ce rôle de relais technique occupé graduellement par les techniciens qui compliquera leur intégration dans le système social de l’entreprise106. C’est ainsi que « si le drame

des OS est de ne trouver du pouvoir que dans les imperfections du contrôle des tâches, et si celui des employés de bureau est dans la prolifération des règlements, celui des techniciens est de n’être experts qu’en sursis et mobiles dans l’incertitude des bases de leur évolution » (1977 : 183). Le problème de cette identité technicienne en gestation semble globalement enraciné dans trois situations originelles permettant l’accès au pouvoir d’expert (ou au pouvoir technique) à travers lesquelles cette « catégorie socioprofessionnelle » a tenté d’obtenir la reconnaissance sociale et professionnelle de son existence en tant que communauté distincte et autonome . Premièrement, il y a ceux qui réalisent leur projet d’ascension dans l’entreprise et qui ce faisant se positionnent, de

facto, hors de l’identité technicienne. Deuxièmement, il y a ceux qui veulent « monter » par le savoir pratique accumulé, mais qui rencontrent sur leur chemin divers obstacles retardant ou même freinant cette démarche d’affirmation sociale individuelle . Troisièmement, il y a ceux qui sont techniquement « compétents » mais qui, renonçant aux projets techniques, stagnent et sont conduits

106 Cependant, ce rôle reste le plus souvent marginal dans les secteurs autres que l’électronique et la chimie, des secteurs

qu’un extraordinaire développement mettra au premier plan au cours des trente années qui suivront les travaux de R. Sainsaulieu (1977), une évolution sur laquelle nous reviendrons dans nos conclusions.

à vivre plus une intégration à l’entreprise qu’un projet individuel de progression sociale et professionnelle.

C’est suite à une analyse de ces trois types de positions qu’il devient possible de conclure à l’autonomie relative d’un modèle d’identité « technicienne ». À partir du moment où les

techniciens prendront conscience de la nécessité de progresser individuellement et de se différencier des autres groupes de travailleurs et des cadres, alors ils pourront « élaborer une culture commune fondée sur la valorisation de l’effort individuel, du changement social et scientifique, sur

l’instruction et la formation théorique » (Sainsaulieu, 1977 : 184).

Après avoir effectué une enquête, menée auprès de 250 techniciens d’une entreprise de construction électrotechnique, R. Sainsaulieu montre que ces derniers présentent un profil professionnellement caractérisé, distinct de celui des ouvriers spécialisés et des cadres. Cette étude a fait apparaître une forte tension entre une tendance au regroupement par petits noyaux sur la base de relations

d’affinité et une recherche d’une collectivité qui prenne en compte l’existence des différences entre ces sous-groupes. En comparaison avec les différents groupes formés par les autres salariés où la tendance à un certain consensus identitaire est plus affirmée parce que sous-tendue par une tradition de solidarité plus ancienne, la « collectivité technicienne » paraît pour le moins hétérogène.

Dans un contexte où l’accès à la position « technicienne », c'est-à-dire à un statut professionnel venant sanctionner socialement une mobilité ascensionnelle, relève davantage de la démarche individuelle (au moment de l’enquête de l’auteur) que du parcours institutionnalisé (actuellement), une autre composante identitaire contribue largement à la formation de l’identité technicienne : la formation. Quelles que soient ses formes, c’est la formation qui rend possible la « promotion technicienne » même si les conditions concrètes de son acquisition peuvent être problématiques (cours du soir, sacrifices de pans entiers de la vie privée ou familiale, etc.). le plus souvent

« l’aventure technicienne » correspond à la rupture entre les souhaits et la réalité. Écartelé entre un projet d’évolution personnelle et les faibles moyens de le réaliser, l’aspirant technicien vit une véritable expérience d’anomie, une situation se traduisant par ce profond déphasage entre les buts et les moyens107. R. Sainsaulieu souligne ainsi déjà –en 1977– l’incertitude identitaire liée aux

conditions d’émergence mêmes de ce groupe :

« Le problème que nous posons est alors celui de savoir quelles sont à la fois les racines culturelles de l’anomie pour le groupe des techniciens, et quelles en sont les conséquences sur l’éventail des systèmes de valeurs d’une société travaillée par la mobilité sociale et professionnelle dont ce groupe de techniciens est un des meilleurs exemples » (1977 : 192).

107 En ce sens que « l’anomie serait ainsi la caractéristique d’une société dans laquelle il n’y a pas de concordance totale

La question ainsi posée par l’apparition de cette nouvelle identité est de savoir si elle est reliée à la mise en œuvre de « nouveaux rapports de pouvoir dans le travail » et de se mettre en mesure de créer des relations collectives nouvelles correspondant à de nouvelles structures d’organisation des rapports humains de travail. Cette difficulté pour cette nouvelle communauté, le groupe des

techniciens, à établir des rapports de groupes durables ne vient pas du fait que ces derniers disposent d’une technicité ou d’un savoir technique spécifique, mais bien de ce que les bases de ce pouvoir d’expert ne soient pas encore stables108. Pour l’identité technicienne, il ne reste en fin de compte et le plus souvent que l’intégration à l’encadrement, le retour à la communauté ouvrière ou la

stabilisation d’un nouveau pouvoir d’expert109.

Remarque sur l’identité technicienne.

En dernière analyse, cette identité technicienne, du moins telle qu’elle peut être perçue à partir des travaux de R. Sainsaulieu, semble caractérisée par une forte mobilité sociale ascensionnelle – situation rapidement et fondamentalement transformée depuis par un certain processus de stabilisation dont nous montrerons les limites dans notre analyse– ainsi que par une incertitude originelle foncièrement dépendante de la capacité d’expertise technique et des possibilités de sa mise en œuvre.

Il sera intéressant dans ces conditions de mettre en relation ces caractéristiques identitaires avec celles qui ont réellement émergé, une trentaine d’années plus tard, avec les transformations et les changements technologiques qui ont affecté les espaces de travail des groupes de techniciens, et dont nous pourrons comparer les composantes avec celles que nous venons d’évoquer dans le cadre des travaux de R. Sainsaulieu (1977). En effet, il est possible de remarquer d’ores et déjà que, malgré une évolution certaine vers la stabilisation de leur fonction, consécutive au processus d’institutionnalisation de l’identité technicienne, la maîtrise technique dont nous nous avons pu observer le rôle majeur dans les difficultés d’intégration de cette catégorie au système social de l’entreprise ne paraît plus engendrer les mêmes conséquences, bien au contraire. Dans ces conditions, la question qui se pose alors est celle de savoir à quel(s) facteur(s) attribuer le malaise

108 R. Sainsaulieu (1977) remarquait, en son temps, que « le changement technique justifiant les bureaux d’étude et les

recherches de standardisation ne durent qu’un temps (1977 : 196) ». Nos propres observations montrent, et nous y reviendrons plus longuement à la fin de cette étude, que cette instabilité et cette fluctuation du pouvoir d’expert des techniciens continuent de se poser en tant que source de difficultés entravant sérieusement, non seulement l’intégration de leur identité professionnelle dans l’espace social et industriel où ils exercent leurs activités aujourd’hui, mais aussi l’évolution même de cette identité, dont nous pourrons montrer ici l’extrême vulnérabilité sous les coup de boutoirs à la fois des changements technologiques et des stratégies de gestion de ces changements par l’entreprise.

109 Toutes alternatives dont nous aurons l’occasion d’examiner les développements futurs et/ou avérés suite au double

processus, d’institutionnalisation de la fonction technicienne et, surtout, celui de son insertion en tant que catégorie professionnelle à part entière dans certains espaces industriels où cette identité a fini par acquérir une certaine autonomie.

qui caractérise aujourd’hui cette identité professionnelle dont les composantes continuent de dépendre toujours aussi profondément des changements technologiques affectant l’espace de travail et, partant le système social de l’organisation. L’une de nos hypothèses de travail, pour tenter de répondre à cette question, sera d’examiner la portée et la signification des conséquences des deux phénomènes suivants. Premièrement, les conséquences du phénomène de la standardisation qui a largement couvert les espaces industriels, notamment ceux qui nous concernent au premier chef, c'est-à-dire les secteurs de haute technologie, et tout particulièrement l’électronique des

télécommunications. Deuxièmement, les conséquences de la stabilisation effective du pouvoir d’expert des techniciens –un phénomène dont nous avons pu voir le rôle majeur dans l’incertitude

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