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Les migrants dans les explications sur les migrations internationales

Au début de ce chapitre, nous avons fait valoir que nous étions inspirée par l’exercice de penser les théories migratoires comme une trajectoire à partir des modèles jusqu’aux narrations, mais que, cependant, nous savions que toute attente de linéarité dans ce parcours serait vaine. Donc, ce qui nous a intéressée à propos de cet exercice était la distinction entre le modèle et la narration, qui a été intégrée à l’analyse de l’étude de la migration pour rendre compte d’une certaine gradation dans l’anonymat des migrants. À cet égard, nous pouvons reconnaitre que chaque explication sur les migrations réserve une place aux migrants – parle d’eux – mais dans la plupart des cas la définition de cette place oscille entre l’abstraction, la

simplification et la généralisation, qui finissent par les rendre invisibles et par désancrer leurs mouvements.

Comme nous l’avons dit déjà plusieurs fois dans ces pages, la question primaire et fondamentale des théories sur la migration – primaire puisque l’installation est un phénomène non prévu et de ce fait pas immédiatement enquêté, et fondamentale dans la mesure où elle traverse tous les développements ultérieurs, y compris la question de la perpétuation des migrations – a été pourquoi les personnes

migrent-elles ? et nous considérons que les réponses à cette question sont très

intéressantes pour illustrer notre point de vue sur la dérive qu’ont suivie les exercices explicatifs sur notre sujet de recherche.

Ainsi, de façon générale, nous pouvons dire que, d’une part on a répondue à la question à partir des ‘facteurs migratoires’ – démographiques, politiques, écologiques, culturels –, qui même s’ils sont abordés de façon conjointe ou séparée, font référence à des circonstances dans lesquelles les personnes sont prises et qui produisent comme résultat leur déplacement, mais qui ne donnent pas d’espace à la première personne pour le récit d’un élan migratoire hors du cadre de l’impuissance. D’autre part, on a répondue à la question à partir des intérêts et des motivations des migrants eux- mêmes, où les circonstances continuent à être importantes, mais pas plus importantes que ce qui configure un ‘désir migratoire’ lequel, de plus, implique une définition particulière et partielle de celles-ci. Malheureusement, plusieurs fois en travaillant cette question ont arrivé à une réponse en sélectionnant une motivation unique ou centrale. Pire encore, l’élément sélectionné a souvent été utilisé comme le descripteur principal pour répondre à une autre question beaucoup plus complexe et abandonnée :

qui sont les personnes qui migrent ? Cette dernière interrogation, à notre avis,

fondamentale pour commencer toute discussion sur les migrations, perd ainsi sa potentialité du fait des réductions et des fragmentations.

En même temps, cette dynamique semble toucher aussi aux analyses critiques sur le devenir de la théorie sur les migrations internationales. Ainsi, le questionnement du travail fait jusqu’à présent se concentre, sur les limites des explications qui ont été élaborées en fonction des contextes et flux spécifiques ou sur les traitements isolés des facteurs qui seraient à la base du déclenchement des déplacements, la migration étant un phénomène multi-causal. Par exemple, Durand et Massey (2003) ont proposé qu’une théorie pertinente sur les migrations doit prendre en compte simultanément

quatre éléments qui jusque-là avaient été traités de façon indépendante par les théories que nous avons présentées : les forces structurelles d’expulsion, les forces structurelles d’attraction ; les motivations, les objectifs et les aspirations des migrants ; et les structures qui connectent les lieux d’origine et les lieux de destination des migrations. Par conséquent, selon les sociologues, la mise en vérification conjointe de ces théories serait fondamentale pour approfondir la connaissance du phénomène. De leur point de vue, l’ensemble des théories «sont nécessaires pour parvenir à une compréhension globale et complète de la migration internationale au XXIe siècle » (Ibid. p. 39).

Néanmoins, à notre avis, la contribution de ce dialogue entre les propositions explicatives n’est pas évidente, dans la mesure où les perspectives qui se concentrent sur les forces structurelles réduisent les migrations au déplacement de force de travail, celles qui s’intéressent aux motivations réduisent le désir migratoire aux attentes de mobilité sociale et celles qui se focalisent sur les structures qui font des ponts et qui placent les migrants à l’intérieur des collectivités à différentes échelles, réduisent les réseaux et les liens à des rapports de type instrumental. Alors, le regard économique de la migration continue à s’imposer malgré, les approches le traitement conjointe des approches et de ce fait, c’est la dimension économique de l’expérience migratoire qui fonctionne comme un cadre interprétatif de n’importe quel de ses aspects. À cet égard, même si Castles et Miller (2004) nous disent que la perspective de la migration économique est l’une parmi d’autres pour traiter les migrations, à notre avis, que ce soit dans le travail historique ou sociologique quant aux migrations, celle-ci est loin d’être une option comme les autres. Moins encore dans un moment historique où l’économie, loin de paraître une dimension dans le cadre des faits sociaux totaux, elle exhibe plus que jamais leur autonomie, leur désancrage et leur capacité de traduction; et en conséquence, le fait que les migrations soient résumées dans les flux des envois internationaux d’argent commence à avoir du sens.

Compte tenu de ce qui précède, ce qui paraît absent dans ce tableau est la mise en question de la figuration migratoire derrière les théorisations. Même s’il existe des points de vue critiques dans lesquels la migration est considérée comme un fait complexe et divers, il semble que ces adjectifs ne soient pas transférables à ses protagonistes. Alors, quelles propositions exploreraient d’autres figurations pour les migrants et d’autres interprétations pour les migrations ? Déjà il est important de

savoir que, même sans appartenir aux théories classiques, d’autres approches et perspectives – comme pourrait être par exemple celle du transnationalisme – ouvrent la voie à repenser d’anciennes prémisses et à une série de nouvelles interrogations que la situation actuelle des migrations impose.

La question qui reste alors, est comment ces interrogations sont intégrées à l’étude des migrations, ou plutôt, quelles propositions peuvent émerger à partir d’elles. C’est à ces dernières que nous consacrons la prochaine partie de cette recherche qui traite des ‘Autres sensibilité pour l’étude des migrations’ et des ‘Autres itinéraires pour l’étude des migrations’, sur lesquelles nous nous inspirons, et nous nous appuyions, pour inviter à penser les migrations à partir d’autres référents et hors des frontières du cadre traditionnel de leur étude. Toutefois, avant de poursuivre avec elles, il nous semble indispensable faire référence aux cartographies des migrations actuelles dans lesquelles s’inscrit la migration des jeunes Chiliens à Paris, le cas d’étude de notre recherche.

Chapitre!2:!Cartographies!des!migrations!aujourd’hui!

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