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Pourquoi continuent-ils à venir ?

1.3 Vers une sociologie des migrations

1.3.1 Le développement des théories sur les migrations internationales

1.3.1.2 Pourquoi continuent-ils à venir ?

D’après Amparo Micolta (2005), il existerait deux positions relatives à la perpétuation des mouvements migratoires. D’une part, celle qui considère que la durée de chaque migration est définie par un projet migratoire, et d’autre part, celle qui considère la migration comme un processus dynamique. Quant à la première, deux regards sur le retour au lieu d’origine peuvent être dégagé. Pour l’un la migration étant entendue comme un départ définitif, le retour serait toujours un échec. Par l’autre, la migration étant entendue comme la poursuite des objectifs spécifiques, le retour après leur atteinte représente un succès. Quant à la deuxième proposition, elle estime que « les déplacements peuvent être produits par une variété de raisons, qui peuvent être différentes de celles qui les perpétuent dans le temps et l’espace » (Ibid. p. 72). Ainsi, cette dernière donne la place à la diversité des motivations et aussi à la possibilité de leur resignification. Cela ouvre la voie à une approche différente des processus migratoires qui ne se focalise ni au niveau des décisions individuelles, ni au niveau des déterminants structurels, et qui se manifeste actuellement dans la Théorie des réseaux sociaux, la Théorie institutionnelle et la Théorie de causation cumulative.

En ce qui concerne la Théorie des réseaux sociaux, il faut dire d’abord que, en conformité avec ce qui a été exposé précédemment, l’étude des réseaux sociaux pour comprendre les mouvements migratoires remonte au travail de Thomas et Znaniecki au début du XXe siècle (Arango, 2003). Ensuite, il faut expliciter

qu’aujourd’hui – depuis les années 1980 – ils sont compris comme des « ensembles de liens interpersonnels qui relient des migrants avec d’autres migrants qui les ont précédés et avec des non-migrants dans les zones d’origine et de destination, par des liens de parenté, d’amitié et de concitoyenneté. Ces liens accroissent la probabilité de déplacement international, car ils réduisent les coûts et les risques de ce mouvement et augmentent le bénéfice net de la migration » (Durand et Massey, 2003 :31). Ainsi, quant à la ‘probabilité de déplacement international’, on considère que les réseaux participent aux différentes étapes du processus migratoire : à la décision de migrer, à l’adaptation au pays de destination et à la constitution et au maintien des liens avec les sociétés d’émigration (Lacomba, 2001). Plus intéressant encore, on évalue qu’ils sont très importants dans la multiplication et la perpétuation des mouvements migratoires. À ce sujet, on considère que les liens avec des personnes qui ont migré,

contribueraient à l’élan migratoire parce que « après le départ des premiers migrants, (...) les coûts potentiels de la migration se réduisent considérablement pour les amis et les parents qui sont restés » (Durand et Massey, 2003). Cet effet serait particulièrement ressenti dans un contexte de restrictions aux déplacements humains, car la réduction affecterait aussi les risques de la mobilité. Par exemple, « lorsque le nombre de connexions connaît un seuil critique, la migration peut être maintenue et les flux migratoires arrivent à déjouer ou éviter les politiques publiques de contrôle » (Rea et Tripier, 2008 :31).

Donc, une fois le réseau formé, il devrait grandir , « car chaque déplacement constitue une ressource pour ceux qui restent derrière et facilite d’autres mouvements ultérieurs, qui à leur tour développent les réseaux et leur probabilité de s’étendre dans l’avenir » (Arango, 2003 :20). En conséquence, on estime que « le développement des réseaux sociaux peut expliquer que l’immigration continue, quelles que soient les causes qui ont conduit au déplacement initial » (Loc.cit.). Par ailleurs, il nous semble pertinent de souligner que, même si cette proposition a été historiquement liée au concept de ‘capital social’, car on estime que les relations établies dans un contexte de tentatives migratoires et de mouvements déjà concrétisés, sont susceptibles d’être converties en d’autres formes de capital, spécialement en « capital financier » (Arango, 2003 ; Durand et Massey, 2003) en même temps il est possible de trouver des propositions qui élargissent l’importance des réseaux sociaux au-delà du bénéfice économique. À ce sujet nous pouvons nommer le travail de Douglas Gurak et Fe Caces (1998)28 dans lequel il est fait référence à la diversité des fonctions attribuées

aux réseaux par les travaux scientifiques actuels. Quoique nous ayons déjà mentionné certaines d’entre elles, il y en a d’autres que ils remarquent aussi, notamment : définir qui, dans un contexte de départ, sont les personnes qui migrent et quels sont leurs lieux de destination, atténuer le vécu de «rupture vital» qui signifierait la migration, agir en tant que canaux d’information et d’autres ressources, et fournir des structures normatives

Pour sa part, la Théorie institutionnelle – considérée comme complémentaire à celle des réseaux sociaux – repose sur les travaux du sociologue Anthony Giddens (1990 ; 1995) et des des géographes urbains Jonc Goss et Bruce Lindquits (1995). En ce qui concerne à cette théorie, bien que l’élément commun soit le rôle des institutions !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

publiques ou privées en relation à la continuité des flux migratoires, nous pouvons trouver deux perspectives. D’une part, le travail d’Amparo Micolta (2005) se concentre sur le soutien que ces institutions offrent aux migrants dans la mesure où elles « sont établis dans les pays développés pour travailler pour les droits et chercher à améliorer le traitement des travailleurs migrants en situation régulière et irrégulière » (Ibid. p. 72). D’autre part, Durand et Massey (2003) réfléchissent sur l’occasion économique qu’offre la tension entre les attentes migratoires et les restrictions aux déplacements, pour la constitution d’un ensemble « des agents, des institutions et des mafias, dédiés à la promotion du mouvement international, et [qui] crée ainsi un marché noir pour la migration » (Ibid. p. 33). Alors, ce serait les conséquences de cet ensemble – exploitation et victimisation – qui contribueraient, selon Durant et Massey, à l’émergence d’organisations d’aide aux migrants. Malgré des approches différentes, en reprenant les sources de la théorie (Goss, Lindquist et Giddens), on considère que leur contribution générale à l’étude des migrations serait de penser leur origine au-delà des actions individuelles et des structures, et leur perpétuation au-delà du rôle des relations interpersonnelles. Donc, à partir de la Théorie institutionnelle, les migrations sont analysées dans le cadre de « l’articulation des agents ayant des intérêts particuliers qui jouent des rôles spécifiques au sein d’un cadre institutionnel, et qui gèrent adéquatement les ensembles de règles et les règlements afin d’accroître l’accès aux ressources » (Loc.cit.).

Finalement, la Théorie de causation cumulative, dont l’antécédent est le travail de l’économiste Gunnar Myrdal en 1957, a été reprise et diffusée dans les années 1990 par le sociologue Douglas Massey, avec l’intérêt d’envisager la tendance de la migration internationale – vue comme un processus dynamique – à persister dans le temps, quelles que soient les conditions qui l’ont provoquée originellement. Dans cette théorie, on propose que chaque déplacement a un impact dans les perceptions et les motivations des sujets, mais aussi dans les groupes et communautés dont ceux-ci font partie dans les lieux de départ et de destination. Ainsi, le travail de Douglas Massey est remarquable par l’importance qui assigne à l’interprétation que font les migrants potentiels des mouvements migratoires antérieurs et de leurs conséquences. À ce sujet, les migrations modifieraient les contextes de prise de décision migratoire à travers divers processus socioéconomiques et feraient pencher la balance en faveur des mouvements additionnels. Selon l’analyse de Joaquin Arango

sur le travail de Massey (Arango, 2003), parmi ces processus se trouvent : « la privation relative [liée à la redistribution des ressources dans la communauté de départ], le développement d’une culture de l’émigration, la distribution perverse du capital humain et la stigmatisation des travaux effectués généralement par des immigrants » (Ibid. p. 22). Par ailleurs, du point de vue d’Amparo Micolta (2005), « les changements sociaux, économiques et culturels produits par la migration internationale dans pays les émetteurs et récepteurs donnent au mouvement un pouvoir interne qui augmente la résistance aux tentatives de contrôle et de régulation» (Ibid. p. 73).

Or, bien que les questions continuent, il n’en est pas moins vrai que nous sommes arrivés à la limite des propositions traditionnellement reconnues comme ‘théories sur la migration internationale’. Par conséquente, traiter le sujet de l’installation exige que nous recourions à d’autres sources dans le cadre des études des migrations, aussi importantes pour le développement disciplinaire, même si elles ne partagent pas le statut des théories précédentes. Par ailleurs, si, selon Rea et Tripier (2008), la ‘sociologie de l’immigration’ s’est concentrée sur les problématiques de l’origine des mouvements migratoires et de l’installation, nous considérons que cette dernière problématique, plutôt que traiter la question des pourquoi, sont les réponses seraient déjà multiples et particulières, il s’agit de la question des comment.