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II. C ONNECTER LES JOUEURS

II.2. Commercialisation des univers en ligne

II.2.2. Massivement Multijoueurs et persistants

En 1993, un studio américain publie un jeu de stratégie en temps réel qui a lieu dans le royaume fictif d’Azeroth, et qui devient l’un de leurs premiers grands succès : Warcraft : Orcs and Humans. En 1997, Blizzard Entertainment met en place une plate-forme (Battle.net) permettant de jouer des partie en mode multi-joueur à distance, simultanément à la sortie du jeu de rôle intitulé Diablo. Battle.net propose des services relativement restreints, et permet alors essentiellement aux joueurs de communiquer via une interface de dialogue, puis de rejoindre une partie multijoueur du titre. Cette plateforme de mise en relation des joueurs pour des parties multijoueurs est mobilisée et améliorée progressivement pour les différents titres du studio de développement concernant les séries Starcraft, Warcraft et Diablo. Au début des années 1990, le potentiel présenté par les jeux en ligne graphiques multijoueurs devient patent, et c’est alors le genre du jeu de tir à la personne (First Person Shooter, FPS) qui l’illustre, notamment via le succès du titre Doom (ID Software, 1993). Le potentiel de jeux de rôle graphique en ligne, sur des univers dits persistant, à l’image du projet

Habitat, est également perçu, mais ne s’est pas encore véritablement traduit par un succès

commercial tangible. En 1995, plusieurs projets d’univers virtuels graphiques persistants sont en fait en cours de développement. C’est le cas de titres tels que Meridian 59 (Archetype Interactive puis

3DO), Ultima Online (Origin System) ou encore Lineage (NCSoft).

En occident, Ultima Online (UO) devient le premier véritable « succès commercial » d’un genre nouveau : les Massive Multiplayer Online Role-Playing Game (MMORPG), dont l’acronyme est d’ailleurs fréquemment attribué à Richard Garriot, créateur du titre, connu également sous le pseudonyme de Lord British, son incarnation sur Britania, l’univers offert par Ultima Online.

Quand Ultima Online a réuni 50.000 d’abonnés en l’espace de 3 mois, les gens l’ont remarqué. Quand il a dépassé les 100.000 en un an, les bras leur en sont tombés. Le revenu substantiel des ventes au détail ne comptait presque pas : 100.000 personnes payaient chacune 9,95 $ par mois en ayant déjà acheté le jeu – et pas un sou ne revenait aux détaillants.112

Bartle, dans l’histoire qu’il présente des univers virtuels, attribue le succès d’Ultima Online à la fois à une conception fortement inspirée de l’expérience des MUD et à un crédit accordé à une équipe de conception d’une série déjà populaire de titres ludiques : la série Ultima. L’univers offert par

Origin System, en termes de conception comme de pratique, fera office de référence. Mis en ligne en 1997, il est encore aujourd’hui possible de parcourir les terres de Britania.

En 1999, un nouvel univers, édité par Sony Entertainement dépasse néanmoins Ultima Online en termes d’audience dans la courte période d’un semestre. EverQuest (EQ), à la fin 1999 atteint une audience de plus de 300,000 abonnés, et s’impose pour les observateurs de l’époque comme un standard pour les productions à venir. En 2003, Bartle, dans Designing Virtual Worlds, estime ainsi que la taille de l’audience « critique » atteinte par EverQuest est maximale vis-à-vis du marché occidental, et qu’il y a peu de chance qu’un titre surpasse de beaucoup cette population de joueurs. Le public des produits qui vont sortir entre 1999 et 2004 tend en effet à confirmer cette opinion.

Fin 2001, Blizzard Entertainement a annoncé la production d’un MMORPG par son équipe, désormais célèbre pour son expérience en matière de jeu en ligne, via la plate-forme battle.net, et pour avoir, au fil des titres, composé un univers qui, bien qu’inspiré des canons du genre de la

fantaisie héroïque, lui est propre, aussi n’avoir conçu que des titres ayant connu un grand succès

commercial. Suivant la maxime qui est fréquemment accolée à la firme, World of Warcraft (WoW) sortira « quand il sera prêt » (« when its done »), soit en l’occurrence, fin 2004. En quelques mois, sa population rattrape et dépasse largement en termes d’audience les titres asiatiques les plus populaires de la série Lineage, qui rassemblaient à deux quelque 4 millions d’abonnés. En 2006, il compte plus de 6 millions de joueurs, et en 2008, plus de 10 millions.

Nous avons ici focalisé notre attention sur un aspect particulier de l’histoire des jeux électroniques sur ordinateur en retraçant l’histoire de la connexion de ses utilisateurs, parallèle à celle des développements en matière de technologie du réseau. Cette connexion est d’abord celle qui permet aux milieux estudiantins de partager et de faire évoluer des programmes ludiques sur des systèmes informatiques en temps partagé ou en réseau. Le système PLATO de l’Illinois est peut-être un cas plus documenté qu’unique. Cette documentation nous permet, ceci étant, de mettre en avant un aspect qui nous semble fondamental considérant son rôle crucial apparent dans les innovations faites en matière de jeu sur ordinateur, celui d’un milieu d’usage technologique, qui, au-delà des applications a proprement parler ludiques, mobilise de nouvelles manières de communiquer via l’informatique. Que les premiers univers de jeux multijoueurs soient apparus dans ces cercles élitistes à plusieurs titres, tant en compétences qu’en accès aux ressources matérielles ne surprend pas outre mesure. La localisation relative des réseaux informatiques va, jusqu’à la fin des années 1980 voir se développer de façon parallèle plusieurs

modalités des univers partagés en lignes : le Royaume-Uni est celui des MUD, les États-Unis commencent eux à voir apparaître des univers graphiquement représentés sur les réseaux privés. Le réseau Internet diffusera les MUD outre-Atlantique, où leurs variantes orientées vers l’interaction mondaine davantage que vers les combats en univers fantaisistes focalisent l’attention des chercheurs en humanités du MIT. Dans les années 1990, les services qui facturent l’accès à Internet au temps de connexion ne peuvent que trouver une manne substantielle dans les jeux en ligne, particulièrement si ceux-ci proposent un contenu persistant, et pour ainsi dire infini. Au milieu des années 1990, les premiers jeux de rôle en ligne massivement multijoueurs (Massive Multi-player Online Role Playing Game : MMORPG) font leur apparition, permettant la connexion simultanée d’une audience dont l’importance ne cessera de croître de façon exponentielle au fil des ans. De Ultima Online jusqu’à EverQuest, les MMORPG représentent néanmoins une niche assez restreinte de consommateurs. Mais à la fin des années 1990, avec un potentiel marché de plus en plus crédible, à la fois comme produits et comme services vidéoludiques, les jeux multijoueur en ligne de manière générale et les MMORPGs particulièrement suscitent une attention nouvelle de la part de l’industrie. Il faudra attendre la moitié de cette décennie pour que la majorité des développements impulsés par ce mouvement arrivent sur le marché. L’un d’entre eux, World of Warcraft, va à la fois littéralement écraser la concurrence et phénoménalement ouvrir le marché des joueurs de MMOG. Il ne trouvera jusqu’aujourd’hui concurrence qu’en un domaine, celui de la couverture médiatique et académique, avec un titre dont l’audience est beaucoup plus modeste, le Second Life de Linden Lab.