• Aucun résultat trouvé

La Médina : hôtels classés, hôtels non-classés et riads-maisons d’hôtes (RMH)

Terrain de recherche : la Médina habitée par le touriste

Section 3. Développement de l’offre d’hébergement à Marrakech et ouverture de la Médina au tourisme : du palace de luxe au riad

II. Développement de l’offre d’hébergement touristique à Marrakech et l’ouverture de la Médina au tourisme

4- La Médina : hôtels classés, hôtels non-classés et riads-maisons d’hôtes (RMH)

Dans la Médina, l’espace d’implantation n’était pas très large, se concentrant surtout autour de la place Jamaa El-Fna, de la Koutoubia et des souks à partir de la fin des années 1980. Dans le Sud de la Médina, il y a là présence d’établissement non classés. Les hôtels non classés localisés dans les derbs sont souvent d’anciennes résidences transformées en hôtel (Baillard, et al., 1995, p.435). La multiplication des

hôtels en Médina intramuros parfois de grande capacité (Hôtel Mamounia (250 chambres), Naoura Barrière (172 chambres), Les Jardins de la Koutoubia (260 chambres), etc)152 ainsi que le développement des RMH dans les années 1990 (Kurzac-Souali, 2016) permettent également aux touristes de vivre en Médina.

Cette évolution est accompagnée par une forte croissance de la capacité d’hébergement des RMH (Cf. chapitre 4). Comme nous le verrons plus en détails, on passe d’une dizaine de structures RMH au début des années 90s à plus de 1200 RMH classés en 2016. Ce phénomène a connu un point culminant au milieu des années 2000 avant de se stagner à cause de la crise financière internationale de 2008. Selon les statistiques officielles153 de la fréquentation des hôtels classés de la ville de Marrakech (2013), 362 352 nuitées sont enregistrées dans les RMH en 2010 avec un taux d’occupation de 38%.

La réutilisation fonctionnelle des anciennes maisons offre un type d’accueil qui répond à une demande nouvelle en pratiques touristiques plus individuelles et en contact avec la vie locale et ses habitants. Ses lieux offrent un dépaysement dit authentique ; « On se déplace physiquement dans l’espoir d’être transporté mentalement par la beauté ou l’authenticité des choses et d’accéder à leur sens caché » (Amirou, 2000, p. 12).

Les reconfigurations spatiales et les transformations de la Médina et de son image par et pour le tourisme, la mise aux normes de ses infrastructures et la métropolisation de son espace urbain montrent un ancrage au processus de mondialisation (Kurzac-Souali, 2007, p. 66).

Le rachat de maisons anciennes par des étrangers s’inscrit dans un contexte de mondialisation des échanges, des pratiques et des personnes (Kurzac-Souali, 2007, p.

80). Nombreux sont les étrangers qui séjournent en Médina à temps partiel dans leur résidence secondaire ou principale. L’attrait pour ces maisons s’inscrit dans une longue tradition de culture patrimoniale, exportée à l’étranger par les moyens modernes et rapides de communication et une mondialisation du patrimoine, rendu universel, notamment par la démarche de l’Unesco154.

152 Statistiques de la délégation du tourisme à Marrakech, 2016.

153 Délégation régionale du tourisme, Marrakech.

154 Kurzac-Souali, Rumeurs et cohabitation en Médina de Marrakech : l'étranger où on ne l'attendait pas, Cairn.info, n° 127, p.64 à 88, 2007.

Conclusion du chapitre 3

Ce troisième chapitre s’est proposé comme une tentative pour appréhender le développement de l’espace de la Médina de Marrakech (depuis le début du XXième siècle) et le processus de son ouverture au tourisme et au touriste. Longtemps mise en second plan par les autorités du protectorat et par les premiers gouvernements de l’indépendance, cette vieille ville marocaine a connu plusieurs phases de remise en valeur et de transformation urbaine et socio-économique.

Bien que l’expansion du tourisme à l’ère du protectorat français ait été relativement modeste, cette période a mis la ville sur la voie du développement touristique en lui assurant un placement précoce sur le marché touristique mondial (Berriane, 2001)155.

Cependant, si la Médina par son patrimoine matériel et immatériel représentait un élément attractif majeur pour les touristes, elle est restée marginale, et, jusqu’au début des années 1990, la plupart des travaux scientifiques soulignait le délabrement architectural et social de ces espaces. Ce délabrement est lié au départ des classes aisées vers la nouvelle ville et à l’installation de populations de milieux très populaires (migrants ruraux, petits artisans, travailleurs journaliers démunis) dans l’enceinte de la Médina.

A la fin du XXe siècle, les perceptions changent et les constructions traditionnelles de la Médina marocaine apparaissent comme particulièrement adaptées pour aménager une résidence de vacances ou une maison d’hôtes pour une clientèle européenne (Gallotti, 1926)156. Ainsi, après l’indépendance, la Médina a profité d’une évolution urbaine progressive. Cette dernière s'est faite en trois phases : d’abord, l’abandon et le départ des couches aisées vers la ville moderne construite à l’extérieur des remparts ; ensuite, l’arrivée massive des ruraux consécutive à l’exode rural, et enfin, la gentrification et la mise en tourisme de ses espaces avec l’émergence des RMH et d’une nouvelle population occidentale.

Parallèlement, le développement du tourisme en Médina s’est produit de manière progressive. Nous pouvons dégager trois périodes distinctes de ce développement. La

155 BERRIANE (M), (2001), Le patrimoine culturel et son utilisation touristique : le cas de l’habitat en terre du Sud marocain, in Le Maroc à la veille du troisième millénaire : Défis, chances et risques d’un développement durable, (Edit. par Mohamed Berriane et Andreas Kagermeier), Publications de la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de Rabat, Série Colloques et Séminaires, vol. 88, pp 111-122

première est celle du protectorat français (1912-1956) qui a doté la ville de ses premières infrastructures touristiques. Par la création des premiers hôtels et la promotion de la destination Marrakech en France et en Europe, cette période a certainement tracé les premières lignes de développement du tourisme et de la revalorisation de ses espaces intramuros.

La deuxième période se situe entre l’indépendance (1956) et la fin des années 1985 (date de classement par l’Unesco). Elle correspond aux différents plans de structuration économique (plans triennaux, plans quinquennaux…) mis en place par les premiers gouvernements de l’indépendance et qui n’ont pas pu sauver la Médina de la dégradation de ses lieux et l’appauvrissement de ses habitants. Sur le plan touristique, la Médina n’était perçue à cette période qu’un lieu de courtes visites et de découverte des espaces « vierges ».

La troisième période (à partir de 1985 à nos jours) est relative à la forte croissance des activités touristiques à Marrakech, à l’expansion de son offre d’hébergement et à la revalorisation de son tissu urbain. Le classement de la Médina (1985) et de la place Jemâa El-Fna (2001) par l’UNESCO, le grand intérêt porté par les autorités au patrimoine et les deux visions 2010 et 2020 en sont les principaux indicateurs. Au milieu de cette période (2004), la ville se distingue comme première destination nationale et l’une des plus réputées à l’échelle internationale.

L’investissement des habitations par le tourisme reste, à notre sens, l’une des évolutions les plus remarquables de ce processus de mise en tourisme. Le rachat de maisons anciennes par des étrangers et le développement des RMH est un élément phare de développement du tourisme dans la Médina. Ce phénomène s’inscrit dans un contexte de mondialisation des échanges, des pratiques et des personnes. L’attrait pour ces maisons s’explique par une tradition de culture patrimoniale, exportée à l’étranger par les moyens modernes et rapides de communication et une mondialisation du patrimoine, rendu universel, notamment par la démarche de l’Unesco.

Chapitre 4. Le riad-maison d’hôtes : une nouvelle forme d’occuper

Documents relatifs