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Le patrimoine domestique de la Médina de Marrakech : Origines, patrimonialisation, gentrification et mise en

Section 1. La Médina arabo-musulmane : Définition, caractéristiques et fonctions

II. La Médina de Marrakech : Fondements et caractéristiques urbaines

1- La Médina de Marrakech : Principaux fondements

Selon Wilbaux (2001, pp. 10-11), cet espace garde toujours les éléments urbains constitutifs d’une ville islamique et semble être l’une des rares fondations de l’Islam : « Les historiens semblent unanimes, dit Wilbaux, Marrakech a été fondée à la fin du XIème siècle sur un site vierge. Il s’agit donc d’une des rares créations urbaines de l’Islam » (2001).

Quatre fondements principaux seront mis en avant dans cette étape de la recherche ; l’Islam comme religion principale de Almoravides (fondateurs de la ville), la centralité comme mode d’organisation spatiale, la spécialisation et la privation des espaces.

Le premier trait est que la Médina de Marrakech appartient au monde de l'Islam. Il s’agit de l’une des rares villes arabo-musulmanes crées par les musulmans.

La majorité de ces dernières notamment celles de l’Afriques du Nord se sont en effet développées sur des implantations antérieures, romaines puniques ou phéniciennes (Wilbaux 2001, p. 330).

Ceci se traduit dans le noyau historique de la ville par une organisation spatiale

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particulière qui peut se lire encore dans les tissus urbains intra-muros : une structure radioconcentrique, rôle central de la Grande Mosquée de La Koutoubia, spécialisation des souks — rues spécialisées dans le commerce et l'artisanat — à proximité du pôle religieux ; forte personnalité des quartiers résidentiels ainsi l’architecture de ses demeures privées, organisées intérieurement autour d'un patio (ibid.).

La centralité est une autre caractéristique principale de la ville islamique.

L’espace construit dans le monde musulman est souvent ordonné suivant des règles précises, sur des axes qui se croisent en un centre qui prend valeur de symbole. Souci dordre par rapport au monde environnant, le croisement d'axes et centre que l'on retrouve tant dans le schéma de base de la maison que dans la structure de la ville (Wilbaux, 2001, p.10).

Contrairement à la tradition occidentale doffrir les axes et les centres à la vue et à la circulation (les avenues, les places, etc.), dans l’espace urbain du monde musulman le centre sera occupé idéalement par la mosquée, le palais ou le tombeau d'un saint. Les rues comme les cheminements matérialiseront les trajets dévitement ou de contournement de ces édifices (Deverdun, 1959)56.

D’autre part, la Médina de Marrakech se distingue par la forte séparation entre les deux domaines : le public et le privé. Cette conception d'un espace clairement divisé, ville publique en opposition à une ville privée, peut facilement se refléter sur les plans des quartiers intramuros.

A l'intérieur de la Médina, nous pouvons voir une nette répartition entre les quartiers résidentiels et les quartiers qui rassemblent d’autres fonctions urbaines. Elles se différencient aussi très clairement en espaces réservés à la production, ceux réservés au commerce (souks permanents et souks temporaires), les espaces du sacré (mosquées et zaouïas avec leurs bains, leurs fontaines, leurs médersas), et les quartiers du pouvoir réservés au sultan (El Mechouar avec le palais, la Casbah, les casernes, les arsenaux, et les greniers).

Cette spécialisation des quartiers peut aisément se lire en suivant les trois fonctions principales d'une ville musulmane définies par Roger Le Tourneau et de Jacques Berque (1957) : centre religieux, carrefour d'échanges commerciaux et siège du pouvoir (Mosquée- Souk- Palais).

56 Cité par Wilbaux, 2001 ;

Dans son ouvrage La Médina de Marrakech : Formation des espaces urbains d’une ancienne capitale du Maroc, 2001, Quentin Wilbaux précise que « la vie privée conditionne l'organisation spatiale de la ville islamique. Elle est ainsi un ensemble d'espaces clos, collés les uns aux autres. Matérialiser les limites de l'espace par l'omniprésence des murs et les portes structurent les cheminements et garantissent la protection (alignements : tracé sinueux, passages couverts, culs de sac, fermetures de tronçons des portes, par des chaînes). La plupart du temps, l'espace public n’est pas géré en tant que tel, il nest que le résidu des espaces privatisés ».

Dresser un mur tout autour de la propriété, jardin, verger ou demeure, se fait en essayant de gagner le maximum de surface au détriment de lespace laissé à la circulation publique (ibid.). Les photos aériennes prises (figure 9) par les autorités françaises durant la période du protectorat donne une vision assez fidèle de ce que devaient être les jardins privés, les enclos à l'intérieur des remparts.

Figure 9 : Vue aérienne de la Médina de Marrakech (1916) montrant l’étroitesse des espaces réservés à la circulation publique par rapport aux maisons avec patios et/ou jardins clos, Marcelin Flandrin, circa 1916,

D’un autre côté, l'intimité de la vie privée dans l'islam donne une importance à l'habitat ou la maison. Wilbaux (2001) confirme qu’il y a une grande similitude entre

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la maison et la ville. Une maison est avant tout un enclos, un mur encerclant la parcelle et contre lequel on construit une pièce ouverte sur le jardin qui occupe le reste du terrain : « Plus tard on construira une pièce en face contre le mur opposé (le modèle du Riad), puis les autres côtés, puis peut-être des étages ».

Dans le même ordre d’idée, Wilbaux avance qu’à Marrakech, le propriétaire d’un terrain commencera par dresser un mur tout autour de sa propriété, en essayant de gagner le maximum de surface au détriment de l’espace laissé à la circulation publique. A une autre échelle, la ville c’est d’abord un mur, l’enceinte, qui encercle un espace permettant la vie et le développement d’un grand nombre d'activités, et sur un coté du rempart on construit le siège du pouvoir, le palais et ses dépendances, la Casbah, qui domine la ville et la surveille.

En effet, ce mode d’organisation urbaine centré sur la vie privée des familles (maisons enfermées avec patios et jardins clos) et caractérisé par l’étroitesse des espaces de circulation publique définit une structure hiérarchique de la Médina de Marrakech. La hiérarchisation des espaces urbains et des différentes fonctions de la cité historique se manifestent dans les derbs qui forment des petits quartiers juxtaposés appelés houmas, dans les espaces commerciaux et artisanaux regroupés en souks traditionnels et dans de nombreuses petites moquées et lieux de prière éparpillés dans les différents houmas intramuros. Comment sont, donc, organisés les quartiers, les rues et les ruelles de la Médina ? et comment les fonctions commerciale, religieuse et politique trouvent-elles place dans un espace dominé par le souci de la vie privée et des valeurs de l’Islam ?

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