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La Médina arabo-musulmane de Marrakech : Fonctions et espaces urbains

Le patrimoine domestique de la Médina de Marrakech : Origines, patrimonialisation, gentrification et mise en

Section 1. La Médina arabo-musulmane : Définition, caractéristiques et fonctions

II. La Médina de Marrakech : Fondements et caractéristiques urbaines

2- La Médina arabo-musulmane de Marrakech : Fonctions et espaces urbains

La ville musulmane, comme le reste des grandes villes, romaines ou grecques, jouait un rôle important dans l'organisation du territoire. On y développait l'activité commerciale et artisanale, et c’est aussi un lieu d’échange avec le monde rural. Elle se caractérise par la quantité énorme d’impasses qui forment ses quartiers. Du point de vue morphologique, il y a un consensus autour de la hiérarchisation de la structure de la ville arabo-musulmane : la maison est produite par le groupement d'unités domestiques autour d'une cour centrale, le quartier est la formation d'un groupe de maisons, et par conséquent la « Médina » résulte d’un groupement des différents

quartiers bien formés. Cette hiérarchie donne lieu à un cadre irrégulier et labyrinthique, trait caractéristique des villes islamiques.

En Médina de Marrakech, le derb est souvent fermé et ne sert pas à un intérêt public général puisqu’il obéit à une logique privée en regroupant et isolant de petites communautés de voisins pouvant partager des liens familiaux ou tribaux. Toutefois l’existence de ces derbs ouverts sur d’autres quartiers est inévitable pour le fonctionnement de la ville. La rue musulmane ouverte ou fermée est souvent rompue par une courbure qui entrave la perspective au contraire de la rue occidentale qui est en général continue.

Beaucoup de théories ont été élaborées en essayant d'expliquer et de comprendre les hypothèses qui ont tenté de questionner l’origine et la naissance de ce type de rues. Goitia (1982) souligne que les culs de sac musulmans sont nés d’un besoin défensif afin de contrer les attaques des tribus voisines pendant les périodes de guerre puisque ces passages labyrinthiques et étroits ralentissaient la pénétration des ennemis dans les quartiers. En outre ces rues tellement étroites étaient conçues pour un seul objectif de circulation (Marçais, 1937).

Les mosquées représentent le centre de la ville, en plus de leur fonction en tant que temple religieux consacré au culte, elles se sont considérées comme une scène où se développe la vie sociale et culturelle. Elles sont aussi le lieu qui réunissait le sultan ou le gouverneur avec ses sujets sans pour autant oublier leurs fonctions en tant qu’espace de justice (ibid.)57.

Par conséquent, la mosquée est considérée comme une institution étatique en général associée au palais du sultan ; centre du pouvoir et d’enseignement religieux, comme pour le cas de la mosquée Ben Youssef à Marrakech. À côté de la mosquée, nous avons un autre espace pour la prière, la musalla (figure 10) qui, dès les premiers temps de l’Islam, a été créée en dehors de l’enceinte des villes. Ce grand espace libre et dégagé est conçu pour faire la prière à des dates précises, spécialement les deux festivités canoniques annuelles à savoir l’Aïd al-Fitr (fête de la rupture du jeun) et l’Aïd al-adha (fête du sacrifice). On réunissait la communauté des croyants pour lancer un discours religieux, khotba (Wilbaux, 2001, p.119-138).

57 Ibid.

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Figure 10 : Khotba, à la musalla du Mechouar au début du XXème siècle, Phélix.

Source : Félix / www.routard.com (consulté en 2018).

Si le souk est d’abord un espace de transactions commerciales, il peut néanmoins être défini comme un endroit de rencontre des marchands, d’échange d’idées et de traitement des affaires juridiques et sociales (Colin, 1931). Il possède une forte spécialisation professionnelle et une concentration marquée. Chaque métier occupe alors une rue particulière dont témoigne son nom. L’l’équipement de tels souks est souvent sommaire, une couverture rustique en bois, mais certains ont un très remarquable caractère monumental58.

Le souk est devenu, à travers l’histoire, le quartier central des activités économiques, possédant généralement une unité architecturale constituée par des ruelles bordées d’échoppes et de caravansérails et associant le commerce de gros et le commerce de détail (Wirth, 1974). Il se différenciait en outre des quartiers d’habitation par la présence fréquente d’artères relativement larges menant aux portes de la ville et permettant le passage des marchandises et des montures (Raymond, 1989)59.

58 Colin, S., « Nom d’artisans et de commerçants à Marrakech », in Hespéris XII, 1931.

59 Cités par Kurzac-Souali, 2006.

Mikel De Epalza, (1989)60 résume l'espace économique dans la ville islamique médiévale en trois zones principales : la zone centrale près de la mosquée et du palais, la zone des entrées tout au long des portes de la ville et la zone des grandes voies de communication entre le centre et les accès.

A Marrakech, le grand souk occupe le centre de la ville et les différentes artères de commerce et d'artisanat s’organisent de manière concentrique autour de la grande mosquée Ali ben Yousouf. De ce fait, le souk ne se limite pas à exercer son influence sur la division du travail dans la cité, mais il s’avère être d’une grande importance dans l’organisation spatiale de la ville. Tout en respectant la hiérarchie des métiers régis par la loi et la jurisprudence.

A l’heure actuelle, les souks de la Médina jouent souvent un rôle complémentaire à celui des espaces commerciaux modernes situés dans les nouveaux quartiers. Il est à la fois un lieu touristique central, espace de production et commercialisation des produits bon marché, et conservatoire des produits traditionnels nécessaires à la pratique des rituels sociaux (Kurzac-Souali, 2006).

Les souks des Médinas d'Afrique, comme signalé par plusieurs auteurs européens, perdent de plus en plus leur fonction de fabrication et de commerce régional pour se métamorphoser, brutalement ou progressivement selon les cas, en artères commerciales à l'échelle nationale et internationale, avec un changement de la physionomie même du souk et une sophistication des magasins des boutiques et bazars (ibid.). Les façades des ateliers prennent des aspects traditionnels de grandeur et de luxe (synonymes de la prospérité du commerce des produits artisanaux et de l'enrichissement des bazaristes) pour attirer le client local et ne pas trop dépayser le touriste occidental habitué aux façades très modernisées chez lui (figure 11).

60 Cité par Wilbaux, 2001.

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Figure 11 : Souks de la Médina de Marrakech ; Entre hier et aujourd’hui.

Source : Tripadvisor et Félix / www.routard.com (consulté en décembre 2018).

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Section 2. La Medina de Marrakech : genèse et transformations de l’espace

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