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L’ère de la dynastie Almoravide : création et prospérité urbaine

Le patrimoine domestique de la Médina de Marrakech : Origines, patrimonialisation, gentrification et mise en

Section 2. La Medina de Marrakech : genèse et transformations de l’espace urbain depuis sa création

I. L’ère de la dynastie Almoravide : création et prospérité urbaine

Les Almoravides, tribu originaire du désert au sud, choisissent l’emplacement de la ville de Marrakech, au cœur de la plaine du Haouz. On suppose qu’ils avaient trouvé là un cadre favorable pour la concrétisation de leur projet de conquête du grand Maghreb et du sud de l’Europe après (Ibn Haldùn cité par Golvin , 1986, p. 444-445)64. Ce point géographique est situé à quelques kilomètres des villes d'Aghmat et d’Ourika déjà surpeuplées à cette époque (Deverdun, 1959).

En plus de son lien très fort avec le désert, Marrakech et la plaine du Haouz qui l'entoure, se situent sur le passage des principales routes économiques et commerciales du Moyen âge. La ville bénéficie de ressources naturelles importantes que ce soit dans la plaine elle-même ou les montagnes qui l’entourent. Le souci sécuritaire justifierait également ce choix stratégique puisque les montagnes du Haut Atlas représentaient une protection naturelle contre les attaques probables des ennemis (Deverdun, 1959).

L’identité musulmane de la dynastie des Almoravides s’exprima rapidement avec la construction de la mosquée Ben Youssef (figure 12) près du palais à cette même époque. Les fondateurs de la ville qui se désignaient eux même défenseurs de la religion musulmane avaient dès l’origine, un projet urbain qui s’appuyait sur le modèle de la ville islamique d’orient (Knidri, 2011, p.7)65. C’est vers cette époque que la ville a commencé à jouer le rôle de carrefour au centre des principales voies de communication tracées par les caravanes qui reliaient les rives de Niger, l’Atlantique, la Méditerranée et l'Andalousie (ibid.).

n° 4, p. 21, 1986.

64 L. Golvin, « Alī Ben Yūsuf ben Tašfin », Encyclopédie berbère, 3 Ahaggar – Alī ben Ghaniya, Aix-en-Provence, Edisud, 1986, p. 444-445

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Figure 12 : Cour de la mosquée et médersa Ben-Youssef, 2018.

Source : www.medersa-ben-youssef.com. (Consulté le 20 juin 2019).

Toute la ville almoravide se déployait autour de la mosquée Ben Youssef (figure 12), établissant une zone de commerces et d'industries, où se multiplièrent les souks et les corporations de métiers. De nouveaux quartiers s'agglomérèrent autour des enceintes, à l'Est puis au Nord, en alternance avec des zones d'activités, comme celles des tanneurs et des potiers (Deverdun, 1959) : « Ainsi Marrakech, nous dit Deverdun, ne relève dans ses origines aucune intention de métropole. Une Casbah, quelques demeures pour les harems des chefs, ailleurs de pauvres constructions, des enclos à bétail, mais une ville grouillante dans la crasse bédouine, un pêle-mêle pittoresque de soldats, des courtisanes et des paysans, une foire continuelle aux marchands toujours plus nombreux » (Deverdun, 1959, p. 109)

C’est à cette époque, et autour des souks, que sont nés les premiers quartiers.

Al-Bakri (1987) relatant des évènements datant des débuts du mouvement Almoravides (sous les ordres de Abdeallah ibn Yassin66) nous dit : « Ensuite, il leur

66 Abdellah ibn Yassin est un théologien du XIe siècle, natif du Souss dans la tribu berbère des Jazulah, l’un des

ordonna de bâtir une ville, qu’ils nommèrent Aratnanni et il leur prescrivit que la construction de l’un ne devrait pas être plus grande que celle de l’autre. Ils se conformèrent à ses ordres… » (Al-Bakri, 1987). Ainsi, le camp de nomades et de tentes se transformait rapidement en ville (Al-Bakri, 1987, 153-154). Selon Wilbaux (2001, p.221), la ville n’aurait connu au début que les maisons bâties par les tribus sédentaires et les commerçants qui venaient s’installer près du nouveau souk. Dans ce sens, Deverdun (1966) écrit : « Nous ignorons par quel processus on passa de la tente noble […] à la maison bourgeoise, et de la pauvreté nécessaire du mobilier léger et solide de chameliers au confort andalou. […] De nombreux sédentaires Masmouda vinrent s’agglomérer au camp. Et ces hommes, où les vagabonds et les aventuriers durent être nombreux, bâtirent au hasard. Tous les moyens furent bons pour la construction de leurs demeures, dès qu’ils eurent senti la nécessité de se fixer. La pierre du Guéliz était loin, l’eau peu profonde, l’argile excellente, le sous-sol riche en chaux, etc. autant de raisons de penser que les constructions en pisé durent s’élever assez vite » (Al-Bakri, 1987, p. 153-154).

Les toponymes qui se sont conservés à Marrakech, nous renseignent sur différents types d’activités industrielles. À ce propos, le nom de Bab Debbagh (porte de la tannerie) située au Nord-Est de la ville est déjà évocateur : cette porte donne accès à un quartier qui porte le même nom, addabaghin, les tanneurs (Wilbaux, 2001, p.215).

Deverdun (1966) souligne que les artisans réputés d’Aghmat avaient très vite abandonné cette ville pour venir exercer leurs vieilles techniques dans la nouvelle capitale. Leur industrie trouvait à Marrakech non seulement plus de matière première, mais plus de débouchés. Il ajoute qu’auprès des tanneurs, se développe une autre industrie si nécessaire dans toute ville musulmane : celle des briquetiers et des potiers dans le quartier Tabhirt. Un passage d’Ibn al Muaqqit indique que leur saint patron sidi Al Fakhar le potier a été enterré dans ce quartier en 1195 -1196 (ibid.). Pour étayer l’hypothèse d’une économie florissante à cette époque, le pont de Tensift bâti par Ali Ibn Yousuf (figures 13a et 13b) émane d’un grand trafic entre le nord du Maroc et la capitale almoravide.

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Figure 13a : Pont de Tensift au début du XXème siècle. Photographe, Editeur : Vergé Martin.

Figure 13b : Pont de Tensift aujourd’hui, 2018.

Source : mapio.net/place/10741782 (consulté le 10 juin 2019).

Tels sont les différents aspects de la vie urbaine à l’époque almoravide mais, cette prospérité n’a pas pu conserver la continuité de la souveraineté almoravide au-delà de 1147 date où les Almohades s’emparèrent de Marrakech et firent d’elle leur capitale.

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