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Croissance des biens immobiliers étrangers et transformation de l’espace de la Médina de Marrakech depuis les années 1990 : un contexte

Terrain de recherche : la Médina habitée par le touriste

Section 1. Croissance des biens immobiliers étrangers et transformation de l’espace de la Médina de Marrakech depuis les années 1990 : un contexte

favorable au développement des RMH.

I. Croissance des biens immobiliers étrangers en Médina de Marrakech depuis les années 1990.

Le nombre de propriétaires étrangers dans la Médina, selon Escher et Petermann (2000), a grimpé de quelques douzaines au début des années 90 à 150 en été 1999 (2000, p.34). Plusieurs agences immobilières internationales à orientation binationale guident l’achat de résidences qui n’était plus une aventure hasardeuse pour les étrangers, mais un investissement assuré. Selon la même source, 457 étrangers ont acheté en 2000 plus de 500 maisons sur 512 terrains en Médina de Marrakech (Escher et Petermann., 2001a et 2001b) et plus de 900 propriétaires (possédant au total 948 terrains) ont été comptés au mois de mars 2003 (Escher et Petermann, 2003).

Au printemps 2006, les investisseurs étrangers disposaient de 1 432 biens immobiliers répartis sur environ 1 250 propriétaires (Escher et Petermann, 2009). Selon Kurzac-Souali (2012) environ 2 160 biens immobiliers appartenaient à des étrangers en 2009. A titre d’illustration, la carte de la figure 44 montre l’ampleur de la gentrification observée dans le quartier Derb Dabbachisitué en plein centre de ville. La surface occupée par les biens immobiliers étrangers et celle des maisons d’hôtes représente une bonne partie de la carte. On peut y voir aussi que la proportion des biens immobiliers étrangers transformés en RMH est supérieur à 50%.

En 2007, Anne-Claire Kurzac Souali (2007)161 affirme que la population étrangère de la Médina représente quelques milliers de personnes sur environ 150 000 habitants162 et les maisons appartenant à des étrangers avoisinent les 500 pour un total d’environ 30 000 bâtiments.

161 Cité par Madoeuf Anna, 2014, « Symétrie et asymétrie de deux mises en scènes d’altérités orientales : riads de Marrakech et ryokans de Kyoto », in L’arabité entre conceptualisation et médiatisation, dir.S. Lamnaoui, Fès, Presses de l’Université Sidi Mohamed Ben Abdellah, p. 16.

162 Le Recensement Générale de la Population et de l’Habitat en 2014 compte 189344 habitants en 2004 et 137503 en 2014, HCP, 2014.

Figure 44 : Biens immobiliers étrangers dans le quartier Derb Dabbachi (Médina de Marrakech, 2009).

Conception Escher et Petermann, 2010 (Kurzac-Souali, 2012)

Une deuxième carte conçue par ces mêmes géographes (Escher et Petermann, 2010) (figure 45), présentant une répartition des biens immobiliers étrangers à l’échelle de la Médina en 2008, illustre l’importance du phénomène. Elle montre que l’expansion des biens immobiliers étrangers a touché, presque, tous les quartiers de la ville ancienne avec une forte concentration au centre et au Nord-Ouest.

Figure 45 : Biens immobiliers étrangers en Médina de Marrakech, Escher et Petermann, 2008 (cité par Kurzac-Souali, 2012).

Quant aux nationalités des propriétaires, les acheteurs français représentent un tiers des étrangers en 2008, suivis de façon plus infime par l’Italie (5 %), le Royaume-Uni (4 %), la Belgique et l’Allemagne (respectivement 3 %) (Kurzac-Souali, 2012).

Toutes les autres nationalités ne dépassent pas 19 %. (Graphique 4).

Graphique 4 : Propriétaires de biens immobiliers à Marrakech par nationalité, 2008 (Graphique basé sur les données d’Escher et Petermann, 2010)

Ainsi, nombre de ces propriétaires étrangers décidèrent d’ouvrir des maisons d’hôtes au sein de leurs habitations. Quelques hypothèses peuvent illustrer ce passage de biens résidentiels en hébergement touristique. D’abord, ces dars, palais ou riads n’étaient pour la plupart utilisés que de façon temporaire sous forme de résidences secondaires. Comme nous le verrons par la suite, une grande partie des nouveaux propriétaires vivaient entre le Maroc et l’étranger et/ou viennent occasionnellement passer leurs vacances dans la Médina. Ensuite, l’état dégradé où se trouvaient ces habitations (cf. chapitre 3) nécessitait des entretiens et des restaurations souvent coûteux. Les convertir en RMH était donc une façon d’amortir les frais des travaux y

66 5

4 3 2,5

2,5 2 1

11

3

Nationalités des propriétaires immobiliers dans la Médina de Marrakech , 2008.

France Italie

Grande Bretagne Espagne

Belgique Allemagne USA Suisse Sans données Autres

étant réalisé. De plus, nous pensons que ce mouvement est dû, en grande partie, au succès qu’a connu le phénomène des RMH comme investissement commercial réussi et perçu comme très prometteur dans les années 2000. Enfin, les prix d’achat sont très bas pour les européens dont le référentiel est le prix de l’immobilier des grandes villes d’Europe. Selon un article publié sur L’Express.fr, nous pouvons lire qu’ « un palais de 400m² sol, offrant un rez-de chaussée avec patio jardin, un étage et une terrasse, pour une surface développée de plus de 800m² se négocie autour de […] 75 000 euros ».163

II. Renouvellement urbain et dynamique économique en Médina :

Dans les années 2000, Marrakech confirme sa trajectoire métropolitaine et prend appui sur son avantage majeur, le tourisme, tout en ayant débuté des actions de diversification de sa base économique. Plus généralement, Marrakech manque de grands projets urbains générant logements et activités économiques. Face à l’étalement urbain qui caractérise Marrakech et en raison d’une rareté du foncier public qui a été très rapidement vendu, en partie aux étrangers, dans les années 1990 et 2000 (Barthel, 2013, p. 39), le renouvellement et l’intensification urbains offrent de réelles perspectives d’alternative à l’extension de la ville dans toutes les directions.

Selon plusieurs chercheurs (El Faiz, Barthel…), à l’intérieur du périmètre urbain de la ville de Marrakech, le foncier public susceptible d’être destiné à la promotion immobilière est actuellement en voie rapide d’épuisement. Le marché de l’immobilier marrakchi résidentiel et touristique a explosé dans les années 2000 avec des excès dans l’abondance de l’offre en très haut standing. Le tourisme a drainé un volume important d'investissements nationaux et internationaux (au cours de la période 2003-2009, les projets touristiques et résidentiels touristiques approuvés par la commission de dérogation ont correspondu à un montant d'investissement global avoisinant les 153 Milliards de DH) (Barthel, 2013).

La Commune Urbaine de Marrakech (CUM) est le maître d’ouvrage de la planification urbaine faisant appui sur les dispositifs récents ouverts par l’Etat dans le cadre de la décentralisation et de la régionalisation. La ville de Marrakech, chef-lieu de la région Marrakech-Safi, est placée parmi les six grandes agglomérations urbaines qui ont été touchées par la nouvelle réforme visant le retour à l’unité de la ville et la création

163 Express 2001: https://www.lexpress.fr/actualite/monde/afrique/la-ruee-vers-les-riads_492784.html

des conseils d’arrondissements. Cette Charte a été modifiée en mars 2009 qui instaure des conseils de ville unifiés dans les grandes villes et elle autorise les regroupements de communes, donne compétences et ressources propres, et permet la constitution de sociétés de développement local.

Avant la mise en place des PCD (Plans Communaux de développement) par la CUM, à partir de 2009, la ville de Marrakech émerge peu à peu depuis les années 2000 comme pouvoir urbain local usant de ses compétences. Elle pilote des politiques publiques sectorielles (espaces verts, mobilités) et s’est doté d’un certain nombre d’instruments avec une réelle mise en œuvre (Plan de Déplacements Urbains, Agenda 21).

Le lancement des PCD que les communes doivent réaliser selon la Charte communale de 2009 est une innovation de taille pour le management stratégique des communes du Maroc164. Marrakech est l’une des villes pionnières du Maroc en matière de planification stratégique, puisque la Municipalité s’est lancée dans la définition d’un Plan Communal de Développement (accompagné par le bureau d’études Thalys) basé sur la période 2011-2016. Le PCD a été structuré autour de SEPT projets phares et des projets d’accompagnement et de proximité (Barthel, 2013)165.

Ainsi nous pouvons dégager deux moments phares dans le processus de planification territoriale qu’a connu Marrakech depuis 1999. D’abord, le Schéma National d’Aménagement du Maroc (SNAT) élaboré à partir de 1999 qui insère Marrakech dans un territoire vaste (partie interne du pays) à valoriser et préserver. A travers ce schéma, des priorisations ont été faites par l’Etat en fonction des villes (villes métropoles, villes en croissance, villes ancrées territorialement ayant une fonction géostratégique importante, etc). Dans ce dispositif de planification, Marrakech est quelque peu marginalisée par rapport au développement structurel du territoire national qui est basé sur : l’axe nord-sud (axe atlantique) avec le développement des aires métropolitaines et la réorganisation des grandes régions et l’axe est-ouest avec le renforcement des complémentarités entre les villes proches selon une approche « bipôles

» pour Fès / Méknès, Tanger /Tétouan et Rabat/Salé.

Ensuite la Stratégie Nationale de Développement Urbain (SNDU) établie en

164 Guide rédigé par la Direction Générale des Collectivités Locales (DGCL) sur l’élaboration des PCD est paru dès juin 2008.

165 Pierre-Arnaud Barthel, « Rapport sur Marrakech. Le PCD : impact du cadre national et régional d’urbanisation,

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