• Aucun résultat trouvé

La médecine « indigène » zande ou l’art « traditionnel » de guérir

Dans le document Haut-Uele. Trésor touristique (pdf - 6,8 MB) (Page 129-133)

LES PEUPLES DU HAUT-UELE

4. LES EXPRESSIONS ARTISTIQUES, MUSICALES ET LA VIE RELIGIEUSE

4.3. LA VIE RELIGIEUSE

4.3.5. La médecine « indigène » zande ou l’art « traditionnel » de guérir

Dans les années vingt et trente, le missionnaire dominicain Albert De Graer, arrivé dans le Haut-Uele en 1922 après avoir suivi des cours de médecine tropicale, étudia l’ethnographie médicale zande. Sans trop de préjugés, il examina les pathologies humaines et les thérapies médicales des Azande du territoire de Doruma.

Il savait que les malades se présentaient au dispensaire de la mission parce qu’ils étaient attirés par la gratuité des médicaments et parce qu’ils étaient souvent incapables de payer les « médecins » traditionnels. Il s’abstint par ailleurs de déterminer si le remède était de caractère « superstitieux

» ou s’il existait un rapport physique réel entre celui-ci et l’organisme malade228. Il était toutefois convaincu que les

227 Costermans, J., Mosaïque Bangba : notes pour servir à l’étude des peuplades de l’Uele, Bruxelles, Institut royal colonial belge – section des sciences morales et politiques – tome XXVIII, fasc. 3, 1953, pp. 88-89.

228 De Graer, A., « L’art de guérir chez les Azande », Congo,

Azande n’attribuaient de cause naturelle à aucune maladie.

La maladie était, dans leur esprit, toujours occasionnée par un mauvais sort jeté par un individu possédant le mangu (le mauvais œil). S’ils reconnaissaient que le froid pouvait provoquer une pneumonie, que la syphilis pouvait être contractée par des rapports avec un syphilitique, ils estimaient que ces causes n’auraient pas sorti leurs effets si le mauvais sort n’avait été jeté sur le malade. Il fallait, en conséquence, avant tout soustraire la victime à l’influence occulte de ce mauvais sort229.

Il existait, d’ailleurs, une danse appelée avule, exécutée par des spécialistes, qui avait pour but de faire connaître le nom de celui qui poursuivait le malade. Une fois découvert, la parenté se rendait chez ce dernier et le suppliait de ne plus inquiéter sa victime. S’il était bien disposé, il prenait une gorgée d’eau fraîche et la crachait violemment à terre en protestant de ses bonnes intentions.

Si le danseur avait bien prédit, la maladie quittait le souffrant. Mais les Azande n’avaient pas toujours recours à la danse de l’avule. Ils se contentaient souvent de déloger le malade et de le cacher dans la brousse, à l’insu de son milieu, dans l’espoir de le soustraire à l’influence d’un villageois séjournant auprès de lui et qui lui aurait jeté un mauvais sort.

Les Azande se considéraient aussi comme tributaires de certains peuples pour la médication de quelques-unes de leurs maladies. Ainsi achetaient-ils aux Mangbetu les remèdes contre le moti et aux Basiri ou aux Madi les remèdes contre l’himabatio et l’himadakurugbwa. Ils reconnaissent ignorer l’origine de certains autres remèdes.

A la question « qui vous a donné ce remède ? », ils répondaient : « nos ancêtres »… qui auraient appris les valeurs thérapeutiques des plantes de Dieu. Ils affirmaient aussi que très souvent les atolo (les mânes) venaient leur indiquer pendant le sommeil, sous la forme d’un rêve, la plante qu’ils devaient utiliser dans un cas bien déterminé230.

1929, I-2, pp. 220-254 et 1929, I-3, pp. 361-408. De Graer, A., « État actuel des recherches sur la médecine indigène en territoire de Doruma », in Compte-rendu de la XIIIe semaine de missiologie de Louvain, Bruxelles-Paris, L’Édition universelle-Desclée De Brouwer & Cie, 1935, pp. 101-109.

229 De Graer, A., « L’art de guérir chez les Azande », Congo, 1929, I-2, pp. 222-223.

230 De Graer, A., « L’art de guérir chez les Azande », Congo, 1929, I-2, p. 223.

LES EXPRESSIONS ARTISTIQUES, MUSICALES ET LA VIE RELIGIEUSE

Mais la théorie de la signature des plantes était aussi largement appliquée par les Azande. En voici quelques exemples :

- Le fruit mûr du vuruma, bien rond et velouté, regorgeant de sève laiteuse fait penser au sein d’une femme qui vient d’accoucher. Aussi la racine de cette plante est-elle donnée en infusion à la mère qui ne parvient pas à allaiter son nourrisson.

- le bambira et le baakaya ou kase, employés dans les cas de syphilis, portent des fruits qui ressemblent beaucoup au chancre syphilitique ;

- le fruit du danga a l’aspect du scrotum humain.

Aussi l’incinère-t-on et ses cendres sont-elles employées pour guérir l’hernie scrotale et l’éléphantiasis du scrotum ;

- à un moment donné de leur croissance, les tiges grimpantes du haraka, très appréciées dans le traitement de la lèpre, perdent leurs feuilles. Celles-ci sont remplacées par une double rangée de bandes, accolées à la tige, qui petit à petit se dessèchent, se fendillent et tombent par petits morceaux, tout comme les extrémités des mains et des pieds disparaissent dans la lèpre mutilante. Les plaques rougeâtres se dessinant sur le tronc du kungu, remède contre la lèpre cutanée, ressemblent aux plaques érythémateuses du début de cette maladie ;

- la cendre de carapace de tortue est employée dans le babandua ou ulcère phagédénique parce que le malade souffrant de pareil ulcère ne peut marcher que très lentement, comme la tortue ;

- les cendres provenant d’un morceau de chair découpé dans le pied d’un éléphant tué sont prétendues guérir l’éléphantiasis de la jambe231.

Selon Albert De Graer, c’est dans le mode de vie des Azande que l’on trouvait les principaux caractères de leur thérapeutique. Le point de départ était la passion avec laquelle ils s’adonnaient, avant l’arrivée des Blancs, à la guerre et à la chasse. Sans cesse en mouvement, ils ne pouvaient se payer le luxe de traitements doucereux, parce que très longs. Ils nécessitaient des remèdes énergiques, au moins contre les maladies les plus graves232.

231 De Graer, A., « L’art de guérir chez les Azande », Congo, 1929, I-2, pp. 224-225.

232 De Graer, A., « L’art de guérir chez les Azande », Congo, 1929, I-2, p. 225.

Il est frappant de constater le grand nombre de remèdes existant pour une seule maladie. Cela s’explique par le fait que la flore de la région où habitent les Azande n’étant pas tout à fait homogène (certaines chefferies possédaient des plantes médicinales que l’on ne trouvait pas ailleurs ; dans une même chefferie, telle plante déterminée n’a pour habitat qu’une rivière ou une plaine), les guerriers et les chasseurs devaient pouvoir trouver les remèdes à leurs maux là où ils se trouvaient, et à n’importe quelle époque de l’année, sous peine de devoir les chercher fort loin et de causer préjudice à leur marche en avant233.

Le père De Graer fournit dans son article un aperçu des maladies les plus importantes et les plus courantes qui se rencontraient chez les Azande, les unes bien connues, les autres très étranges. Pour chacune de ces maladies il dresse une liste correspondante des remèdes et des traitements appliqués.

Il signale 16 remèdes contre les vers intestinaux (ascaris, ankylostomes, anguillules), 42 contre la blennorragie, 44 contre la poliomyélite, 4 contre la blépharite ciliaire, 19 contre le phagédénisme des plaies, 53 contre la pneumonie, 1 contre l’ascite, 9 contre la bronchite, 3 contre les convulsions des nourrissons, 7 contre l’éléphantiasis scrotale, 7 contre l’épilepsie, 48 contre la syphilis, 17 contre la syphilis mutilante, 19 contre la lèpre, 13 contre les morsures vénéneuses de serpents, 55 contre les dysenteries amibiennes et bilharziennes, 23 contre les hernies inguinales et scrotales, 10 pour aider à réduire les fractures, 14 antidotes contre les empoisonnements etc234.

Il s’agit d’un document extrêmement intéressant du point de vue de la pharmacopée zande. À titre illustratif, les remèdes que les guérisseurs proposaient pour soigner la syphilis sont repris ci-après :

« Kongoni = syphilis.

Cette maladie est déjà bien répandue parmi les Azande. Il n’en était pas ainsi jadis avant l’arrivée des Européens. Les grands polygames étaient alors beaucoup plus nombreux et leurs femmes étaient placées sous une surveillance beaucoup plus étroite. Tout le monde redoutait les terribles châtiments qui sanctionnaient 233 De Graer, A., « L’art de guérir chez les Azande », Congo,

1929, I-2, pp. 225-226.

234 De Graer, A., « État actuel des recherches sur la médicine indigène en territoire de Doruma », in Compte-rendu de la XIIIe semaine de missiologie de Louvain, op. cit., p. 102.

l’adultère, et qui, s’ils n’étaient pas la mort, consistaient le plus souvent dans de cruelles mutilations des parties génitales, des mains et des oreilles. La crainte de pareilles sanctions retenait donc fortement tous ceux qui se sentaient attirés vers la femme d’autrui. Même les rapports avec les jeunes filles étaient beaucoup plus rares, la plupart de celles-ci ayant été destinées dès leur bas âge à l’un ou l’autre polygame, et la violer aurait été un méfait aussi grave que de coucher avec la femme déjà enfermée dans le harem de son mari. À part le cas de syphilis héréditaire, seul le mari pouvait contracter la syphilis d’une de ses femmes, ou celles-ci de lui. Sa propagation devait donc être lente. Les riches et les puissants de la région se faisaient un monopole de femmes et celles-ci étaient enfermées comme des esclaves dans des endroits inaccessibles, comme c’est actuellement encore le cas pour les femmes de quelques grands chefs.

Cette situation poussa les jeunes gens et les hommes non capables de se procurer légitimement une femme, à s’adonner aux vices contre nature.

La pénétration du Blanc a mis fin à ces terribles sanctions de l’adultère en ordonnant de les remplacer par un paiement de couteaux. Mais ces paiements n’étaient effectués que par un certain nombre d’indigènes. Les autres, les vagabonds, qui ne parvenaient même pas à rassembler la dot nécessaire pour s’acheter une première femme, traînaient l’affaire en longueur, et, après avoir lassé pendant plusieurs années parfois la partie lésée, voyaient leur peine commuée en quelques mois de prison indigène et à quelques coups de fouet. Les adultères, moins craints, devinrent beaucoup plus fréquents, et les petites filles ne pouvant plus, grâce à l’intervention de l’Européen, être livrées à l’état de mineures aux polygames, devenaient l’objet de la convoitise de chacun. Il est à noter que, d’après la coutume zande, des rapports sexuels avec une fille non promise en mariage – et il s’agit toujours d’une promesse fondée sur un début de paiement – n’entraîne pour le coupable aucune obligation de réparer auprès du père la lésion du droit que ce dernier aurait à l’honneur de sa fille.

Cette plus grande liberté eut pour effet naturel de propager une maladie qui jusqu’alors s’était réduite à quelques individualités ou quelques groupes. La syphilis devint une plaie commune, d’abord évidemment dans les centres d’Européens, mais aussi parmi les indigènes.

Les Azande attribuent aux Arabes – aux Bakatulia – l’introduction de la syphilis dans leur pays. Ils l’appellent kongoni, pour signifier sa ténacité. Le verbe kongo en zande veut dire : être immobilisé dans quelque chose. Peut-être le mot “kongoni”

est-il d’origine étrangère ; mais les Azande n’en trouvent pas moins la racine dans leur propre idiome. Quand la syphilis éclate

dans toute son horreur, elle s’appelle zoli. C’est alors que l’on voit apparaître d’affreuses pustules aux alentours des lèvres ; des gommes volumineuses s’attachent à toutes les parties du corps ; la chevelure tombe et le malade exhale une odeur nauséabonde.

Les Azande admettent la contagion de la syphilis, tant par l’usage d’objets ayant servi aux syphilitiques que par des rapports sexuels imprudents. Généralement, ils n’attendent pas que le chancre caractéristique de la syphilis se soit formé pour constater qu’ils ont contracté la maladie. L’apparition du chancre leur semble précédée immédiatement d’une espèce de petite gale s’étendant sur toute la peau, ou de petites taches pâles rappelant à leurs yeux l’asilisili. Celui qui, averti par ce signe avant-coureur, parvient grâce à l’absorption d’un remède efficace, à prévenir les manifestations ultérieures, n’est pas immunisé contre les rechutes éventuelles. Il doit se tenir sur ses gardes et seulement user de remèdes préventifs. Ceux, au contraire, chez qui la syphilis s’est pleinement déclarée et dont la guérison a été constatée par l’expulsion soit dans les selles, soit dans les vomissements, de l’“œuf de la syphilis” (bande kongoni), sous l’influence du remède, se disent immunisés pour la vie et peuvent impunément avoir des relations sexuelles avec des personnes syphilitiques.

C’est une chose très étrange que cet “œuf de la syphilis”. Il réside au milieu du ventre du malade. Expulsé, il se présente sous la forme d’une petite boule de la grosseur d’une cerise environ, rosâtre, très mou et entouré de nombreuses glaires et de mucus.

Dans ces glaires, on retrouve enchevêtrées d’innombrables et très fines ramifications qui partent toutes de l’œuf comme d’un centre et qui ont pour fonction de se répandre dans tout le corps jusqu’à la surface cutanée où leurs extrémités se développent en pustules. C’est pourquoi quand ils veulent dire que la syphilis s’est entièrement déclarée, les indigènes emploient l’expression, kura, qui veut dire : sortir. C’est vraiment l’œuf de la syphilis qui s’extériorise et sort en quelque sorte aux yeux du malade, grâce aux nombreux prolongements qu’il émet. Telle est la description que nous ont faite les Azande de cet “œuf de la syphilis”.

Aussi longtemps que cet œuf n’est expulsé, le malade n’est pas guéri. Tous ses efforts tendront donc à s’en débarrasser. Les remèdes qu’il emploie à cet effet provoquent tous des diarrhées et des vomissements. Ceux-ci sont parfois d’une extrême violence. Cette expulsion survient après deux, trois et même plusieurs absorptions du remède, suivant le degré d’invétération que la maladie a acquis.

Elles sont effectuées à plusieurs jours d’intervalle pour ne pas trop épuiser le patient. Une fois l’œuf rejeté, le malade prendra encore une ou deux fois le remède pour bien s’assurer qu’il ne reste plus rien de lui dans le corps. La cessation complète des vomissements après une nouvelle ingestion du remède sera le signe que tout foyer

LES EXPRESSIONS ARTISTIQUES, MUSICALES ET LA VIE RELIGIEUSE

de la syphilis est éteint. Il existe donc un rapport réel entre l’œuf de la syphilis et les remèdes destinés à le détruire. Je me suis plusieurs fois laissé dire que ces mêmes remèdes n’exerçaient aucun effet émétique ou autre sur les indigènes non atteints de la maladie. Par contre, ils sont une pierre de touche pour ceux qui doutent s’ils l’ont contractée. Ils le sauront avec pleine certitude, si, après avoir ingéré des plantes, ils en ressentent les effets.

L’expulsion de l’œuf de la syphilis suffira à elle seule pour faire disparaître toute trace cutanée de cette maladie. Mais afin de hâter leur cicatrisation, les pustules et les gommes seront enduites d’onguents préparés à cet effet ou lavées avec une eau dans laquelle a trempé l’une ou l’autre plante.

Il ne faut pas oublier que durant tout un temps après sa guérison, le convalescent doit se soumettre à un régime, qui consiste surtout dans l’abstention de certains aliments, tels que la viande de poule, celle d’éléphant, la chair de certains rongeurs et de certains poissons et en général de tout aliment pimenté.

Remèdes

A. Traitement général, ayant pour effet d’expulser l’ “œuf de la syphilis” par diarrhées ou vomissements :

Boire une infusion d’écorce de l’aningo ou une infusion des fruits verts de cette plante, ou une infusion des écorces des racines du ngbege, ou du hilya, ou du ngbelengbele, ou de l’anbokopa, ou des écorces du tronc du ndoka ou du ngero.

Manger avec un peu de sel indigène des cendres des racines du kandagabwate, ou du gumba. On mâche en même temps une noix de palme.

Boire un peu de bière indigène dans laquelle on a laissé cuire des racines du mbarapa.

Manger une compote de patates douces qu’on a cuites dans une infusion d’écorce de la racine du liwe ou du tubercule ou du fruit de l’andegira.

Manger du sungbwa préparé avec des écorces des racines du liwe, ou de l’aningo, ou du zambara ou du maliakpakaya, ou des feuilles du nguko, ou celles du ranga.

Boire un peu de toma dans lequel on a laissé tremper l’écorce du parakuma, ou la racine du nasamba, ou l’écorce de la racine de l’anzigo.

Manger des arachides cuites dans une infusion faite avec l’écorce des racines des trois plantes : aningo, bamolomolo, agoio.

Chauffer un œuf auquel on a mélangé un peu de sève coulant d’une entaille faite dans l’écorce du tronc du teke. Manger cet œuf.

Manger deux ou trois pilules faites avec de l’écorce pilée de la racine du parakuma et de termites écrasées.

Mélanger à des légumes la cendre d’une tige du mbandiya.

Boire de la bière indigène très chaude qui a cuit avec des racines du nawo. Ces deux derniers remèdes ne provoqueraient pas des diarrhées ou des vomissements.

B. Traitement local

Appliquer sur les chancres et les gommes des cendres des écorces des racines du mvwe, ou du kasoro, ou du nguko, ou du zolengembembeho, ou du gumba, ou des cendres du fruit du bambira, ou de la résine du bakeikpwe.

Laver les plaies syphilitiques avec une infusion d’écorce pilée du tuturetu, ou des feuilles du ngbelengbele.

Saupoudrer les plaies soit avec de l’écorce pilée du sasa, soit avec des feuilles pilées du kpeawande, soit avec de la fine poudre provenant du pilage du gbarakpangbaningba.

Oindre les plaies syphilitiques avec la sève rouge du zambara, ou avec une pommade faite avec de la sève blanche du nzikpe et de l’écorce pilée du ngula, après avoir lavé ces plaies avec une infusion d’écorce pilée du wilizagandue. Tenir les plaies syphilitiques au-dessus de la fumée provoquée par l’incinération de racines du kuma.

Écraser sur ces plaies avec le doigt de petites drupes du tita-bavulubate.

C. Remèdes préventifs

Boire une infusion de résine du banga.

Manger du sungbwa cuit dans une infusion de résine de racines du lindiseke ou du zelengembembehe.

N.B. – Le traitement local n’est qu’un palliatif, s’il n’est précédé du traitement général. Les Azande savent fort bien qu’il ne sert à rien de guérir les plaies extérieures si le foyer de la syphilis existe dans le corps. Ces différents remèdes appliqués sur les plaies syphilitiques ne servent qu’à hâter leur cicatrisation, une fois que l’“œuf de la syphilis” a été expulsé par les drogues éméto-cathartiques235. »

Le père Albert De Graer eut l’honnêteté de reconnaître que des guérisons avaient été obtenues grâce à des thérapies utilisant des plantes médicinales. Il en rapporta même plusieurs cas :

« Je me trouvais depuis deux jours à Bangaro, lorsqu’un jeune chrétien, tombé malade depuis une semaine, sent son état s’aggraver subitement. Il me fait appeler par le catéchiste et je me rends à sa 235 De Graer, A., « L’art de guérir chez les Azande », Congo,

1929, I-2, pp. 220-254 & 1929, I-3, pp. 361-408.

case. Il a une pneumonie […] Je colle mon oreille sur son dos et lui demande de respirer la bouche ouverte. La respiration ne se fait plus que par petits coups saccadés et très intermittents. J’entends le glouglou d’un épanchement séreux à chaque mouvement respiratoire. Je devais repartir le lendemain de très bonne heure et me demandais avec anxiété comment soulager ce malheureux, ne voulant pas laisser à sa discrétion le peu de poudre de Dower que je possédais encore. J’engageai alors le catéchiste à lui faire, le soir, sur le dos et la poitrine, de légères scarifications et d’appliquer sur elles le latex rose d’un ficus. Le lendemain matin, quand les Noirs m’eurent

case. Il a une pneumonie […] Je colle mon oreille sur son dos et lui demande de respirer la bouche ouverte. La respiration ne se fait plus que par petits coups saccadés et très intermittents. J’entends le glouglou d’un épanchement séreux à chaque mouvement respiratoire. Je devais repartir le lendemain de très bonne heure et me demandais avec anxiété comment soulager ce malheureux, ne voulant pas laisser à sa discrétion le peu de poudre de Dower que je possédais encore. J’engageai alors le catéchiste à lui faire, le soir, sur le dos et la poitrine, de légères scarifications et d’appliquer sur elles le latex rose d’un ficus. Le lendemain matin, quand les Noirs m’eurent

Dans le document Haut-Uele. Trésor touristique (pdf - 6,8 MB) (Page 129-133)