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La question de l’enclave de Lado Les accords belgo-britanniques, 1894

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CHAPITRE V L’HISTOIRE DE L’ORGANISATION SOCIO-ADMINISTRATIVE DU HAUT-UELE

1.2. L’ÉTAT INDÉPENDANT DU CONGO (1885-1908)

1.2.3. La question de l’enclave de Lado Les accords belgo-britanniques, 1894

Entre-temps, les Français ne cachèrent plus leurs 260 Le mahdisme est un mouvement à la fois religieux

et guerrier auquel l’expansion arabe du Soudan avait donné naissance et qui, vers 1890, exerçait une grande influence dans certaines chefferies azande – et surtout mangbetu – de l’Uele.

261 La Force publique, de sa naissance à 1914. Participation des militaires à l’histoire des premières années du Congo, 2e section de l’État-major de la Force publique, Institut royal colonial belge, Bruxelles, 1952, p. 483 ss  ; Monnier, L. et Willame, J.-C., «  La province de l’Uele » in Verhaegen, B. (éd.), Les Provinces du Congo. Structures et Fonctionnement, II, Sud-Kasaï–

Uele–Kongo-Central, Léopoldville, IRES, Cahiers économiques et sociaux, 1964, p.  129, «  Collection d’études politiques n° 2 ».

prétentions sur certaines parties du Soudan  : le Bahr El-Ghazal et le Haut-Nil occidental jusqu’à Fachoda.

Au même moment, les Belges cherchèrent également à accroître leur influence au nord de l’Uele. En fin de compte, les Britanniques préférèrent négocier pour éviter que leur territoire ne tombe aux mains de la France, accusée de visées expansionnistes. Au nom de l’Égypte, ils [les Britanniques] signèrent, le 12 mai et le 14 août 1894, deux traités accordant à l’EIC un territoire identifié sous le nom d’enclave de Lado, et qui retournerait à la Grande-Bretagne à la mort de Léopold II. En échange, Léopold II s’engageait à céder à l’Angleterre une bande de vingt-cinq kilomètres de largeur entre le nord du Tanganika et le sud du lac Albert. Léopold II obtenait ainsi le Bahr El-Ghazal et l’accès au Nil, tandis que l’Angleterre acquérait la possibilité d’une liaison directe pour le projet lointain de chemin de fer du Cap au Caire. Une clause annexée au traité stipulait toutefois : « Les signataires n’ignorent pas les prétentions de l’Égypte et de la Turquie dans le bassin du Haut-Nil ». Cette clause allait permettre à l’Angleterre de reprendre plus tard ce qu’elle avait accordé.

Les réactions des Français et des Allemands

Devant la vive opposition des autres puissances coloniales, ce traité dut être corrigé. Les Allemands firent annuler la cession de la bande de vingt-cinq kilomètres et la convention franco-congolaise du 14 août 1894 réduisit fortement la zone cédée à l’EIC. Les limites en devinrent 5°30’ N et 30° E : du Bahr El-Ghazal, Léopold II ne gardait que ce qu’on allait appeler « l’enclave de Lado ».

En conséquence, le territoire cédé en bail fut soustrait de la province soudanaise de Bahr El-Ghazal (la rivière des gazelles) et fut limité à la latitude 5°30’  N et à la longitude 30°  O. Il s’étendait jusqu’à la rive ouest du Nil. Sa superficie était d’environ 39.000 km² pour une population d’environ 250.000 personnes. Il comprenait la capitale Lado ainsi que Rejaf, port permettant l’accès vers l’aval du fleuve, qui fut le lieu de résidence des administrateurs coloniaux. Toutefois, entre 1890 et 1896, les mahdistes tinrent tête aux expéditions belges qui voulaient assurer à l’EIC la possession de l’enclave de Lado. En 1896, Semio et Doruma étaient encore sous la domination mahdiste262.

262 Voir Le Mouvement géographique, 22 mars 1896, 12, col. 148-149.

Nouvelles expéditions sur le Nil et le traité du 9 mai 1906 En 1902, Léopold II va organiser de nouvelles expéditions sur le Nil. Chargé d’une mission au Bahr-el-Gazal, Charles Lemaire (1863-1925) quitte Bruxelles le 31 juillet 1902. Sous le couvert d’un but scientifique, la mission a spécialement pour objectif d’organiser l’occupation des territoires donnés à bail par l’Angleterre à Léopold II, en 1894, et que les conflits avec la France et l’Angleterre n’avaient pas permis d’occuper263.

L’expédition arrive au mois de décembre à Mbima, sur l’Uele, remonte la rivière jusqu’à Dungu et se dirige ensuite vers Faradje et Aba pour franchir la ligne de faite Congo-Nil. Le commandant Lemaire crée, au fur et à mesure de son avance dans le Bahr-el-Gazal, des postes pour maintenir les relations avec le district de l’Uele.

En octobre 1902, Léopold II charge le colonel Louis Royaux (1866-1936) d’une mission de reconnaissance dans la région orientale du Bahr-el-Gazal, en direction des mines de cuivre d’Hofrah-el-Hahass. Parti de Boma le 24 octobre 1902, il arrive à Doruma le 17 janvier 1903. Il quitte la frontière septentrionale du Congo le 2 février 1903 et marche vers le nord. À force de patience et de diplomatie, il viendra à bout de l’hostilité des chefs locaux du Haut-Uele comme Doruma, Mopoie et Tambura et atteindra Dem Ziber. Mais une intervention anglo-égyptienne met fin à la mission et Louis Royaux rentre en Belgique par L’Albertville en décembre 1903264.

Afin d’éviter d’autres incidents graves, Charles Lemaire et le major anglais Boulnois concluent, le 8 mars 1905, un arrangement de « statu quo  » provisoire. En vertu de cette convention, le gouvernement anglo-égyptien conserve l’administration du territoire contesté, mais la mission scientifique Lemaire garde les postes qu’elle occupait et peut poursuivre ses travaux. L’administration britannique autorise les relations de la mission Lemaire avec les autochtones et les communications entre les divers postes265.

263 Laude, N. « Lemaire Charles », in Biographie coloniale belge, II, col. 603-608.

264 Coosemans, M., «  Royaux Louis  », in Biographie coloniale belge, III, col. 756-758.

265 van Zuylen, P. (baron), L’échiquier congolais ou le secret du Roi, Édition Charles Dessart, Bruxelles, 1959, pp.  281-300 (chapitre XVIII  : «  Nouvelles expéditions sur le Nil et traité du 9 mai 1906 »).

SOUS LA DOMINIATION BELGE

Mais il convient de souligner que cet accord ne liait en rien les deux gouvernements. D’ailleurs, Léopold II refuse de ratifier cet arrangement et prescrit au successeur de Lemaire, le lieutenant Paulis, d’administrer tout ce qui est au sud du 5e parallèle. Un décret du Roi souverain, en date du 13 mai 1905, rattache même au district de l’Uele les territoires occupés par l’État au sud du 5e parallèle nord.

Le gouvernement anglais s’irrite de l’attitude prise par l’EIC et lui adresse, en juillet 1905, une note comminatoire, le sommant de retirer ses troupes et d’annuler le décret du 13 mai. Il ajoute qu’au cas où le gouvernement congolais n’obtempérerait pas à ces exigences, il le rendra responsable des suites qu’une pareille violation des droits de l’Égypte pouvait entraîner. Cependant, pour éviter une confrontation entre les forces en présence, l’administration du Soudan évacuera les troupes qui se trouvaient au sud du 5e parallèle.

Mais Léopold II refuse encore de s’incliner. En conséquence, les autorités soudanaises décident de couper toutes communications entre l’enclave et l’Égypte. Le Roi souverain n’a plus d’autre choix que de capituler. Des négociations s’entament, aboutissant au traité du 9 mai 1906 qui va consacrer la défaite du Roi. Cet accord abroge le bail sur le Bahr-el-Gazal et ne laisse subsister que le bail de Lado, mais seulement pour la durée du règne de Léopold II.

Le traité cède toutefois au Congo une bande de territoire reliant Mahagi, sur le lac Albert, à la frontière et donnant accès aux eaux du Nil. Cette concession subsistera aussi longtemps que l’État du Congo demeurera un État indépendant sous le gouvernement du Roi ou de ses successeurs. En outre, le traité octroie à une société anglo-congolaise la faculté de construire un chemin de fer joignant Lado à L’État indépendant.

Cartes de l’enclave de Lado. (Source : Maselis, P., Schouberechts, V., Tavano, L., Histoire postale de l’enclave de Lado, Monaco, Musée des Timbres et des Monnaies de Monaco, 2009, pp. 242 et 245.)

Albert Paulis (1875-1933) avec Mangué, un chef zande du Bahr-el-Ghazal, en 1905. (Collection privée Marc Paulis, petit-fils d’Albert Paulis, 1905.)

Albert Paulis reprit le commandement de la mission Charles Lemaire le 15 avril 1905. Il rentra en Belgique en août 1906. Le 7 mai 1924, il fonda la Vicicongo. En 1933, le rail arrivait dans la localité d’Isiro, qui fut rebaptisée « Paulis » en reconnaissance de son travail.

SOUS LA DOMINIATION BELGE

L’occupation effective de l’Uele par les Européens s’inscrit dans le contexte de la lutte contre l’esclavagisme pratiqué par les Arabo-musulmans et ce, conformément à l’Acte général de Berlin (1884-1885), auquel l’Association internationale du Congo (AIC) avait adhéré. Cet acte reconnaissait à l’AIC, fondée par Léopold II, le droit de souveraineté sur les territoires du bassin conventionnel du Congo. Par une résolution adoptée à la Chambre des représentants le 28 avril 1885 et au Sénat le 30 avril 1885, Léopold II devint le chef d’un autre État, en conformité de l’article 62 de la Constitution belge.

1.2.4. Des chefs locaux au service

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