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LES ÉLECTIONS DE 1965

Dans le document Haut-Uele. Trésor touristique (pdf - 6,8 MB) (Page 181-185)

À L’ÈRE DE LA DÉCOLONISATION

3. DEPUIS L’INDÉPENDANCE

3.4. LES ÉLECTIONS DE 1965

Dès l’annonce de la date des élections législatives, un malaise s’installa dans la province de l’Uele. Tout d’abord, les gens se demandaient qui allait maintenant diriger la province de l’Uele. Un article inséré dans Le Courrier d’Afrique des 9-10 janvier 1965 en dit long :

«  Comme on le sait, la rébellion qui s’était installée dans les provinces orientales, en l’occurrence dans le Haut-Congo et l’Uele, a “fauché” tous les cadres tant politiques qu’administratifs. Presque les principaux dirigeants provinciaux ont été tués tandis que ceux qui ont échappé à cette mort se réfugient à Léo qu’ils ne veulent pas quitter de sitôt pour rentrer dans leur région. Ainsi une fois récupérées, ces provinces posent un problème crucial d’hommes. C’est pour ainsi dire le cas de l’Uele.

Le gouverneur de cette province ainsi que ses principaux collaborateurs ont été tués par les rebelles.

Maintenant afin d’assurer une solide reconstruction de l’Uele, la population réclame le retour à Paulis de tous les ressortissants et rescapés de cette province se trouvant à Léopoldville.

Quant à l’homme qui dirigera la province de l’Uele, plusieurs noms sont avancés. Nous en avons retenu notamment celui de M. Nendaka Victor, administrateur général de la Sûreté nationale. Mais M. Nendaka, malgré ses importantes fonctions qu’il exerce actuellement, va-t-il accepter de se placer à la tête de l’Uele pour sauver cette province ? Il paraît en effet que M. Nendaka serait disposé à assumer la direction de la province de l’Uele comme l’exige la volonté de la population. Il ne dépend dès lors, laisse-t-on entendre dans les milieux généralement informés, que du gouvernement central pour entériner cette volonté385. »

384 «  La situation en Uele  », Le Courrier d’Afrique, Léopoldville, vendredi 30 juillet 1965, pp. 3 et 6.

385 « Qui dirigera la province de l’Uele  ?  » Le Courrier d’Afrique, Léopoldville, samedi 9-dimanche 10 janvier 1965, p. 3.

À L’ÈRE DE LA DÉCOLONISATION

Victor Nendaka avait apparemment des ambitions nationales. Après les élections de mai 1965, il sera nommé ministre de l’Intérieur. Cependant, il sera élu président du bureau définitif du congrès des « Provinces martyres » et il aura Edmond Rudahindwa (Kivu-Central) comme vice-président, Marcel Lengema (Haut-Congo) comme secrétaire, et Albert Masumbuko (Nord-Kivu) comme secrétaire adjoint386.

Le malaise dans la province de l’Uele était provoqué par le comité provincial de la section de l’Uele du Rassemblement des démocrates congolais (Radeco). Ce parti politique avait été fondé lors d’un congrès organisé à Luluabourg du 19 au 26 août 1963. Son aire d’activité était les provinces du Lac Léopold II (Mai Ndombe), Luluabourg, Unité Kasaïenne, Sankuru, Lomami, Sud-Kasaï, Nord-Kivu, Haut-Congo, Uele, Ituri et Cuvette-Centrale. Il trouvait son origine dans le désir de quelques ministres du gouvernement central appartenant au Parti démocrate congolais (PDC)387.

Pour la province de l’Uele, le Radeco tentait de regrouper tous les anciens membres modérés du MNC-L de même que les chefs coutumiers. Sa position était assez forte dans cette province où l’action était largement soutenue par le gouvernement provincial, notamment par François Kupa. Mais elle se heurta aussi violemment aux propagandistes du MNC-L dans le territoire d’Aketi durant le mois d’octobre 1963. Le président du Radeco de la province de l’Uele était Joseph Tabalo.

Très vite la rumeur commença à circuler que ce comité fomentait, pour s’imposer aux élections, un plan consistant à écarter tous les membres d’autres formations politiques autres que le Radeco. Les gens craignaient la naissance d’un parti unique importé ou officialisé. Dans le Haut-Uele la situation devint nerveuse à la veille des élections. Mais pour mieux comprendre cette nervosité, il faut revenir aux élections de mai 1960 où Antoine Lopes, un des leaders influents du PNP, avait été battu à Stanleyville. Il regagna Léopoldville en abandonnant ses adhérents à la merci du MNC/Lumumba. En 1962, sans avoir été élu dans

386 « M. Nendaka », Le Courrier d’Afrique, Léopoldville, mardi 31 août 1965, p. 3.

387 Willame, J.-C., « Partis politiques congolais – 1964 », Bruxelles, Centre de recherche et d’information socio-politiques – CRISP, Travaux africains, n° 1, 1er mai 1964, pp. 107-111, « Dossier documentaire n° 1 ».

l’Uele, Lopes s’installa à Paulis avec un groupe importé de Lipopois (habitants de Léopoldville) inconnus du public et s’empara du pouvoir en s’arrogeant le département provincial de l’économie et laissant d’autres départements à son entourage sans consulter la population. Apparemment il ne se montra pas un gestionnaire honnête et soucieux des problèmes des gens :

«  Il s’empare des caisses de réserve des chefferies (CACI) […] Au lieu de relever l’économie de la province, il ne s’occupa que des intérêts des commerçants grecs dont lui-même servait de fournisseur et de grossiste en même temps détaillant dès octobre 1962 aux jours de l’insurrection populaire qui est une protestation contre les autorités insouciantes et l’action de Mulele n’y a servi que de prétexte388 ».

Le Radeco fut contesté pour plusieurs raisons. La première raison était d’ordre identitaire.

« Qui sont les élus de cette liste ? Tous les défaillants de la première législature avec le déshonorable François Kupa, ex-secrétaire d’État aux Finances du gouvernement défunt de Adoula en tête ensuite les Lopes, les Takis, les Rulot, les Boris, les Anzela, etc. … pour ne citer que ceux-ci. Quant à nous, nous aimerions savoir les circonscriptions législatives que représentent ces messieurs, puisque tout le monde sait que, sauf M. Albert Anzela qui est de la tribu Mokusu du Sankuru ou du Maniema et où il doit présenter sa candidature si il a envie de se faire élire député ou sénateur et non à Uele, ce sont tous mulâtres naturalisés Belges389. » La population voulait ainsi protester contre le parachutage de toutes sortes d’aventuriers et des personnes douteuses à la double nationalité qui se disaient Congolais, mais qui, une fois au pouvoir, tournaient le dos pour ne plus s’occuper que de leurs intérêts et de ceux de leurs parents d’outre-mer. Il y a, deuxièmement, l’aspect moral, parce que les villageois les considéraient comme des personnes corrompues et à double face, car ils ne s’occupaient que de leur commerce et de leurs prétendus parents d’Europe 388 «  En marge des élections législatives dans l’Uele  », Présence congolaise, Léopoldville, samedi 27 mars 1965, pp. 4 & 11.

389 Idem, p. 4.

qui « hier les traitaient de macaques comme nous et qui aujourd’hui pour les besoins de la cause, les appellent nos fils. Que leur importent les misères de la population au moindre alerte et regagnent leurs palais à Léopoldville où ils jouissaient en compagnie de belles Kinoises du produit de la tyrannie qui est l’argent extorqué au peuple noir, vrai natif de ce pays que les mulâtres voudraient investir en remplacement des colonialistes390. »

Et la population reprochait à ces hommes politiques du Radeco d’être des lâches parce que, dès la création de la province de l’Uele, ils s’étaient sauvés chaque fois que la région était en ébullition, abandonnant la population à sa misère et laissant aussi derrière eux des gouvernants parfois honnêtes qui payaient de leur vie le mécontentement du peuple. Le cas de Paul Mambaya est illustratif à ce sujet, car ce « dynamique » gouverneur avait été assassiné.

La deuxième raison, c’est qu’il était difficile d’organiser des élections dans cette région, parce que seule la ville de Paulis et ses rayons locaux avaient été libérés ; les rebelles n’avaient pas encore été entièrement éliminés dans le reste de la région. D’ailleurs, on soupçonnait que les dirigeants du Radeco manoeuvraient dans les coulisses et avaient transmis des noms de leurs ennemis personnels et prétendument rebelles à l’armée chargée de la pacification et du nettoyage de la province, voulant ainsi faire de l’armée nationale leur instrument de vengeance.

La date limite de dépôt des candidatures pour les élections législatives, fixée d’abord au 15 février, fut reportée au 20 février 1965. Les multiples partis politiques commencèrent à chercher à se regrouper en vue des élections. Très vite Moïse Tshombe annonça la participation de son parti, la Conaco. Cyrille Adoula ne tergiversa pas non plus et déclara que le parti qu’il présidait, le Radeco, se battrait également. Il en fut de même pour le MNC/L qui venait de se regrouper avec trois autres formations politiques au sein d’une nouvelle formation, l’Alliance des mouvements nationalistes congolais/Lumumba ou AMNC/L.

Dans la circonscription électorale de l’Uele, dix sièges étaient à pourvoir pour les élections législatives nationales.

La Conaco, composée principalement d’anciens hommes politiques du PNP et du MNC-Nendaka les emporta 390 «  En marge des élections legislatives dans l’Uele  », Présence congolaise, Léopoldville, samedi 27 mars 1965, p. 4.

tous. Ci-après la liste des élus  : Victor Nendaka (Buta, MNC-Nendaka), Jean-Constant Ebosiri (Bas-Uele, PNP), François Kupa (Haut-Uele/Paulis, PNP), Dominique Nembumzhut391, Antoine Lopes (Bas-Uele, PNP), Raphaël Debali (Dungu), Jean-Maurice Kalume (ethnie benza, secrétaire particulier de V. Nendaka à la Sûreté en 1960), Jean-Pierre Dericoyard (Bas-Uele, PNP), Servais Ngbangala (Haut-Uele, PNP), Bernardin Londo, Antoine Kilima (Wamba, PPU)392.

Pour les élections législatives provinciales, le nombre de sièges à répartir dans la province de l’Uele était de 38.

Les élus pour l’assemblée provinciale de l’Uele étaient tous membres de la Conaco393.

391 Dominique Nembunzhut est identifié comme étant originaire du Soudan, de l’ethnie mangbetu mavazanga, clan Niakpu Mugaki.

392 Lovens, M., «  Les élections législatives nationales de 1965 en République démocratique du Congo  : situation au 15 juillet 1965 », Cahiers économiques et sociaux, vol. III, cahier n° 3, octobre 1965, pp. 382-383.

393 «  Composition des Chambres législatives et des assemblées provinciales (liste officieuse et incomplète)  », supplément au numéro du 30 juin 1965 du Courrier d’Afrique, Léopoldville, p. 19.

À L’ÈRE DE LA DÉCOLONISATION

Élus de l’assemblée provinciale de l’Uele en 1965

Noms des élus Térritoire d’origine Noms des élus Térritoire d’origine

Bambule Philippe Aketi Balebabu Raphaël Buta

Nyoso Sylvain Aketi Paygas Guido Ango

Ngbo Marcel Aketi Nduka Mathias Ango

Palangako Guillaume Fr. Bondo Midi Ferdinand Poko

Mozagba Jacques Bondo Ateto Albert Poko

Kpinasongo Gaston Bondo Kumbayeki Paul Poko

Amasito Valentin Buta Madua Dieudonné Bambesa

Gbinzadi Côme Poko Kayeba Mathias Watsa

Kateka Christian Bambesa Asibu Alphonse Paulis

Tepatondele Flavien Bambesa Mosaki Réginald Paulis

Sende Baudouin Paulis Mabiangama Salomon Paulis

Magbada Marc Paulis Amumwalo Ferdinand Paulis

Asobe Daniël Wamba Bawaba Isidore Wamba

Abangwa Corneille Wamba Matsaga Alex Niangara

Karume Joseph Wamba Sukala François Dungu

Yobeluo Corneille Wamba Migele Anselme Dungu

Masiokpo Léon Watsa Medu Faustin Niangara

Baboatane Frédéric Wamba Mambi Dominique Watsa

Nganzi Léon Dungu

Le résultat électoral dans le territoire de Faradje, qui venait de « réintégrer » la province du Haut-Uele, était le suivant394 :

Élus conseillers : 1) Jean-Foster Manzikala

2) Gule Nicolas

3) Gule Dieudonné

4) Lemi Clément

Désignés suppléants : 1) Morzani Adolphe

2) Madi Théodore

Réunie en séance le 11 juin 1965, l’assemblée provinciale de l’Uele procéda à l’élection de son gouverneur. Les

394 «  Résultats des élections dans la province de Kibali-Ituri  », Le Courrier d’Afrique, Léopoldville, samedi 22–dimanche 23 mai 1965, p. 1.

candidatures déposées au bureau de l’assemblée étaient celles de François Kupa, ancien secrétaire d’État aux Finances du gouvernement Adoula ; Côme Gbizandi, commissaire de la République pour l’Uele ; Marcelin Tusse ; Henri Nendumba et Jean Ngbana. François Kupa fut élu gouverneur de la province par 27 voix sur 37395.

Un article paru dans le Courrier d’Afrique des samedi 7 et dimanche 8 août 1965 peut étonner en quelque sorte. Il annonce que les élus des territoires de Niangara, Wamba, Poko et Watsa avaient tous pris les armes pour prêter leur concours à l’opération de pacification de leurs régions éprouvées396.

395 «  Uele  : M. Kupa élu gouverneur  », Le Courrier d’Afrique, Léopoldville, mercredi 16 juin 1965, p. 3.

396 « Uele : les élus de l’Uele procèdent à la pacification de leurs régions », Le Courrier d’Afrique, Léopoldville, samedi 7-dimanche 8 août 1965, p. 3.

3.5. LE HAUT-UELE REDEVIENT DISTRICT

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